2. Des torts partagés

Si les scandales qui ont eu lieu sont inadmissibles et doivent être vigoureusement dénoncés, il convient d'en rechercher, au-delà des faiblesses humaines, les causes fondamentales.

Tout d'abord, le contexte dans lequel les mandataires exercent leurs fonctions est ingrat . En effet, comme l'observe fort justement M. Pierre Bézard, « l'intervention d'un mandataire de justice se traduit au mieux par un espoir déçu et au pire par une polarisation à son encontre de toutes les responsabilités et de toutes les critiques. Le chef d'entreprise dans la plupart des cas perd son outil de production, les salariés leur emploi ; quant aux créanciers, la multiplication des privilèges, la réduction et la disparition des actifs rendent quasiment impossible leur remboursement. Le mandataire est le deus ex machina responsable de tous les maux. Ces professions sont les seules dans une telle situation ».

Par ailleurs, imputer aux mandataires la responsabilité de l'échec des procédures collectives est un non sens : cette conclusion hâtive ressort pourtant non seulement du rapport d'enquête de l'Assemblée nationale mais également du rapport législatif de première lecture sur le présent projet de loi 8 ( * ) . Or, il est patent que l'importance de la proportion de liquidation prononcée a des causes multiples : insuffisance de la mise en oeuvre de la législation sur la prévention, problème qui renvoie à la nécessaire révision de la carte des tribunaux de commerce dans la mesure où seules les juridictions disposant de moyens d'une certaines importance pourront mettre en place les outils de la prévention ; caractère tardif de la déclaration de cessation des paiements et inadéquation du critère d'ouverture de la procédure 9 ( * ) ; causes économiques en amont telles que l'insuffisance des fonds propres des entreprises ou encore l'importance du crédit inter-entreprises qui favorise les réactions en chaîne...

Enfin, les dérives constatées n'ont pu être qu'encouragées par la faiblesse, jusqu'à une date très récente, de l'engagement de l'autorité publique. Tous s'accordent à constater en particulier l'absence du parquet dans les procédures collectives et la nécessité de réviser le tarif applicable aux prestations des mandataires. En effet, les règles permettant de fixer la rémunération des mandataires résultent du décret n° 85-1390 du 27 décembre 1985 dont la révision toujours annoncée n'a pas encore été effectuée. Depuis des années, ses dispositions sont dénoncées comme de nature à encourager les dérives et à fausser le déroulement des procédures. On en donnera ici pour exemple son article 15 qui alloue au mandataire, pour toute créance contestée, un droit proportionnel de 5 % calculé sur la différence entre le montant de la créance déclarée et celui de la créance définitivement admise : le fait que le représentant des créanciers soit rémunéré en proportion du nombre de créances rejetées n'est certes pas de nature à l'encourager à défendre les intérêts de ceux qu'il est pourtant censé représenter.

* 8 Rapport AN n° 2913, page 23 : « On en oublie ainsi l'essentiel même de la question, à savoir la pertinence de l'existence des mandataires ; le moins que l'on puisse dire à ce sujet est que l'intervention des mandataires de justice ne garantit pas des résultats probants dans l'issue de la procédure. »

* 9 Rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation sur la législation applicable en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, n°120, pages 39 et suivantes.

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