C. UNE CONTRAINTE CROISSANTE : L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL

1. Des structures nombreuses et actives

Dès le début des années 1970, l'Europe s'est préoccupée de mener une réflexion sur les risques des avancées scientifiques. C'est d'abord autour de l'Europe des droits de l'Homme, le Conseil de l'Europe, puis auprès des instances communautaires que s'est peu à peu institutionnalisée cette réflexion.

Au sein du Conseil de l'Europe, s'est d'abord mis en place un comité directeur de bioéthique (CDBI) en charge de l'appréciation éthique et de l'élaboration normative en matière de bioéthique. Cette instance a notamment joué un rôle déterminant dans la préparation de la Convention d'Oviedo de 1997.

De son côté, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adopte régulièrement des recommandations sur les sujets touchant à la bioéthique qui, rédigées à l'intention du comité des ministres, ont vocation à inciter les états membres à légiférer.

Au sein de la Communauté européenne, un pôle de compétence autour de la bioéthique s'est d'abord organisé autour de la 12 e Direction générale de la commission, la DG XII. Cette dernière anime plusieurs groupes de propositions et de réflexion sur tous les sujets relatifs à la bioéthique et, notamment, travaille sur les implications juridiques, sociales et éthiques du programme de recherche européen relatif au génome.

Depuis 1998, la commission a institutionnalisé un groupe de travail s'apparentant, à bien des égards, à un comité d'éthique communautaire : le groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies -le GEE- qui examine non seulement les difficultés que soulève le développement de la médecine et de la biologie, mais également certaines questions liées à l'évolution des technologies de l'information et des implications éthiques que celles-ci comportent.

L'ensemble de ces institutions produit un grand nombre de travaux et résolutions dont la chronologie ci-jointe fournit un aperçu non exhaustif. Mais la multiplication des résolutions demeure encore souvent tempérée par le caractère peu normatif de ces dernières.

2. Des textes dont la contrainte s'affirme progressivement

Beaucoup des textes juridiques produits par les autorités précitées demeurent largement incitatifs, puisqu'ils émanent la plupart du temps d'autorités dépourvues de compétence juridique de plein exercice : recommandations du Conseil de l'Europe -qu'elles soient de nature ministérielle ou parlementaire- mais également les conclusions du groupe de conseillers de la Commission européenne ou les résolutions adoptées par les parlementaires européens.

Toutefois, ce foisonnement incitatif s'accompagne de plus en plus souvent de textes dont la portée normative est pleine ou potentielle.

Il s'agit en tout premier lieu de la Convention d'Oviedo, adoptée en 1997 dans le cadre du Conseil de l'Europe, relative à la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine .

Cette Convention, que la France a signée le 4 mai 1997 s'accompagne de trois protocoles relatifs au clonage, à la recherche biomédicale et à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine. Si la France ne l'a pas encore ratifiée, elle s'efforce néanmoins de tenir compte de ses dispositions. En s'inspirant de plusieurs des principes qui y figurent, le présent projet de loi traduit cette poussée du droit européen.

Il s'agit également des trois directives européennes intervenues dans le domaine de la bioéthique, la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain , la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques , ou la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données .

Ces textes doivent être incorporés en droit interne dans un délai fixé et, à défaut, deviennent directement applicables. Or, le débat soulevé par l'article 12 nouveau, introduit par l'Assemblée nationale dans le présent projet de loi, souligne la contrainte nouvelle dans laquelle s'exerce la compétence du législateur national. Est-il tenable d'affirmer expressément dans la loi la non-brevetabilité du vivant dans une rédaction qui contrevient en tous points l'article 5 de la directive de 1998 ? Votre rapporteur ne le pense pas.

Reste encore aujourd'hui posée la question de l'adoption d'un corpus juridique mondial, notamment au niveau de l'ONU.

L'UNESCO a, pour sa part, pris des initiatives lors de l'adoption d'une déclaration universelle sur le génome humain en 1997.

Les récentes annonces relatives au clonage reproductif témoignent de la pertinence et de la nécessité d'une telle action mais cette démarche mondiale sera d'autant plus difficile à mettre en oeuvre qu'elle devra prendre en compte des sensibilités parfois très divergentes pour aboutir.


Le débat à l'ONU suscité par la proposition franco-allemande
d'interdiction du clonage

M. CHRISTIAN MUCH ( Allemagne ), s'exprimant également au nom de la France , a présenté des amendements au projet de résolution franco-allemand qui figure dans le rapport du Groupe de travail chargé du projet de convention internationale contre le clonage à des fins de reproduction. Ces amendements ont été acceptés par les coauteurs de ce texte et d'autres pays partageant la même position. Il a exprimé son souhait de voir ce projet de résolution, tel qu'amendé, adopté par la Sixième Commission.

Soulignant qu'il existe une autre initiative concurrente, sous l'égide de l'Espagne, des Etats-Unis et des Philippines, M. Much a déclaré que cette initiative tend à vouloir associer des questions consensuelles et des questions sur lesquelles il n'existe pas de consensus dans un même processus de négociation, ce qui signifie qu'on risque de manquer l'opportunité actuelle d'interdire le clonage à des fins de reproduction. L'avantage de cette approche est que dans de nombreux pays, y compris l'Allemagne, les préoccupations relatives au clonage vont au-delà du clonage à des fins de reproduction. La France et l'Allemagne ne remettent pas en question ces préoccupations ; toutefois elles se posent des questions sur la sagesse et l'efficacité d'une approche « tout ou rien » qui n'aboutit à rien dans l'immédiat. Cette approche aura tendance à rendre service au mauvais côté, à savoir aux chercheurs irresponsables, aux médecins frauduleux et à des sectes obscures.

Les défenseurs de cette approche expliquent qu'en raison des abus possibles, on ne peut pas interdire une forme de clonage sans aborder la question des autres formes, et qu'il faut clarifier la terminologie. Face à cette position, M. Much s'est interrogé sur ce qu'en pensera la Sixième Commission, qui est après tout la Commission juridique, si elle devait consacrer un temps indéfini à l'élaboration d'instruments sur des questions comme les signatures électroniques, et ne ferait preuve d'aucun sens de l'urgence en ce qui concerne la question du clonage à des fins de reproduction, question qui a été reconnue par tous comme étant une violation flagrante de la dignité humaine.

Dans une perspective nationale, la France et l'Allemagne pourraient se demander pourquoi elles devraient déployer tant d'efforts dans la mesure où nos deux pays sont déjà dotés d'une législation sur cette question, a déclaré M. Much, ajoutant que cette attitude pourrait être celle des autres pays qui disposent de lois nationales sur le clonage. Il a estimé que ce serait là une démarche dangereuse pour trois raisons : les chercheurs rencontrant des problèmes pour mener leurs expériences de clonage dans leurs propres pays pourraient trouver asile dans d'autres pays dont la législation serait plus souple ; il faut faire passer un message strict pour couper les financements, surtout privés, des expériences de clonage ; l'approche « tout ou rien » est d'autant plus dangereuse que dans certains pays, les recherches en clonage ont atteint des niveaux de sophistication considérables, et qu'il n'y existe pas de cadre juridique national sur le clonage. Il est inquiétant de savoir qu'en absence d'instruments juridiques nationaux et internationaux, ces pays pourront offrir des environnements permissifs, ce qui se ferait au détriment de la dignité de la race humaine.

M. Much s'est déclaré convaincu que les Nations-Unies, par le biais de la Sixième Commission, pourront s'acquitter de leurs responsabilités vis-à-vis de l'humanité et prouver qu'elle est en mesure de prendre une action préventive face à un danger imminent.

Source : ONU, communiqué de presse - AG/S/381 - 17 octobre 2002


1994-2002 : L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL
SUR LES QUESTIONS DE BIOÉTHIQUE

14 avril 1994, Conseil de l'Europe , Assemblée parlementaire, Recommandation 1240 relative à la protection et à la brevetabilité des produits d'origine humaine

10 octobre 1994, Conseil de l'Europe , Comité des Ministres, Recommandation sur le dépistage comme instrument de médecine préventive

24 octobre 1995, Union Européenne, Directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

13 février 1997, Conseil de l'Europe , Comité des Ministres, Recommandation relative à la protection des données médicales

4 avril 1997, Conseil de l'Europe, Convention d'Oviedo pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine (sur les droits de l'homme et la biomédecine)

25 juillet 1997, Conseil de l'Europe , Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres sur la xénotransplantation

30 septembre 1997, UNESCO Déclaration universelle sur le génome humain

12 janvier 1998, Conseil de l'Europe, Protocole additionnel à la Convention d'Oviedo sur l'interdiction du clonage des êtres humains

6 juillet 1998, Union Européenne, Directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.

29 janvier 1999, Conseil de l'Europe , Assemblée parlementaire Recommandation 1399 relative à la xénotransplantation

23 septembre 1999, Conseil de l'Europe , Assemblée parlementaire Recommandation 1418 relative à la protection des droits de l'homme et de la dignité des malades incurables et des mourants

23 septembre 1999, Conseil de l'Europe , Assemblée parlementaire Recommandation 1425 relative à la biotechnologie et propriété intellectuelle

18 février 2000, Union européenne, signature de la Charte des droits fondamentaux

29 juin 2000, Conseil de l'Europe , Assemblée parlementaire Recommandation 1468 relative aux biotechnologies

7 septembre 2000, Union Européenne, résolution du Parlement sur le clonage des êtres humains .

14 novembre 2000, Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies auprès de la commission européenne, avis n° 15 : Les aspects éthiques de la recherche sur les cellules souches humaines et leur utilisation "

16 janvier 2001 , Union Européenne, Parlement , début des travaux de la Commission temporaire sur la génétique humaine et les autres technologies nouvelles de la médecine moderne

7 mars 2001, Conseil de l'Europe , Comité des Ministres Recommandation sur la gestion des listes d'attente et des délais d'attente en matière de transplantation d'organe

4 avril 2001, Union Européenne Directive 2001/20/CE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain .

25 avril 2001, Conseil de l'Europe , Assemblée parlementaire Recommandation 1512 relative à la protection du génome humain par le Conseil de l'Europe

24 janvier 2002, Conseil de l'Europe, Protocole additionnel à la Convention d'Oviedo relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine

7 mai 2002, Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies auprès de la commission européenne, Avis n° 16 : les aspects éthiques de la brevetabilité des inventions impliquant des cellules souches humaines;

18 septembre 2002, Conseil de l'Europe , Comité des Ministres Recommandation sur la protection des données à caractère personnel collectées et traitées à des fins d'assurance

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