C. LA RÉPRESSION DU MERCENARIAT DANS LES LÉGISLATIONS ÉTRANGÈRES

Un bref panorama des législations étrangères montre que peu d'entre elles traitent véritablement du mercenariat dans son ensemble, même s'il existe des dispositions éparses interdisant ou réprimant certains types d'activités.

Deux pays, les États-Unis et l'Afrique du Sud, se distinguent en ce que leur législation, adoptée au cours de la période récente, vise à encadrer les activités privées portant sur des services liés à la sécurité ou à la défense, traçant une frontière assez claire entre ce qui est prohibé et ce qui peut, à certaines conditions et sous le contrôle des gouvernements, être autorisé.

D'autres pays se limitent à condamner le seul fait de recruter des mercenaires sur leur territoire, laissant dans un certain flou la situation de leurs ressortissants qui s'engagent individuellement auprès de forces étrangères.

Les États-Unis

La législation américaine ne définit pas la notion de mercenaire.

À travers l' U.S. Neutrality Act de 1937, elle n'interdit que les engagements ou les recrutements effectués sur le territoire américain et non le simple fait d'être un mercenaire.

Celui qui s'engage sur le territoire des États-Unis pour rejoindre une armée étrangère, pourra être poursuivi et devra alors payer une amende ou subir un emprisonnement de trois ans. Par ailleurs un Américain possédant une double nationalité ne peut pas s'engager dans l'autre État dont il est ressortissant pour combattre contre un État en paix avec les États-Unis. Enfin, alors qu'une personne peut librement quitter les États-Unis pour s'engager à l'étranger, il est illicite de transporter à l'étranger des groupes de personnes ayant l'intention de s'engager, ou d'engager une personne sur le territoire américain et de l'en faire sortir, en vue de la faire servir dans une armée étrangère, même sans contrat formel. En temps de guerre, de tels agissements sont punis avec une plus grande sévérité. Toute personne étrangère impliquée dans une affaire de mercenariat depuis moins d'un an sera exclue de l'accès à la nationalité américaine.

La loi américaine s'intéresse en revanche aux conditions de transfert de connaissances, de biens et de services . L' International Traffic in Arms regulations , adopté en mars 1998, réglemente les conditions d'exportation. Quiconque aux États-Unis fabrique ou exporte des biens ou des services dans le domaine de la défense doit être enregistré par le Department of State's Office of Defense Trade Control (ODTC). Ce service du Département d'État doit donner son autorisation aux contrats de fourniture de services de défense, après consultation du ministère de la défense et de la représentation américaine dans le pays client potentiel. Les contrats d'un montant égal ou supérieur à 50 millions de dollars entraînent l'intervention du Congrès.

Le système permet donc à des compagnies militaires privées ( private military companies ) installées sur le territoire américain, telle que Military Professional Ressources Incorporated (MPRI) précédemment citée, d'apporter un soutien aux objectifs de la politique étrangère américaine par exemple en Angola, en Colombie, en Croatie ou en Bosnie. C'est dans le cadre de ces sociétés autorisées et contrôlées par le gouvernement que d'anciens militaires américains peuvent louer leurs services à travers le monde en toute légalité.

L'Afrique du Sud

L'Afrique du Sud a adopté le 14 mai 1998 le Regulation of Foreign Military Asistance Act.

Cette loi interdit les activités mercenaires, définies comme la participation directe, en qualité de combattant, à un conflit armé en vue d'un gain privé, ainsi que l'entraînement, le recrutement ou l'utilisation de mercenaires. L'article 2 de la loi interdit ainsi à « tout citoyen ou résident d'Afrique du Sud de recruter, d'entraîner des personnes en vue d'activités mercenaires ou de financer ces activités ».

La loi réglemente d'autre part la fourniture de services militaires à l'étranger suivant un processus comparable à celui existant dans le domaine des exportations d'armements. Tout Sud-Africain désirant apporter une assistance militaire de quelque sorte qu'elle soit doit obtenir préalablement l'accord d'un comité spécial, le National Conventional Arms Control Committee (NCACC) chargé de l'application de la législation.

Si le principe général est celui de la prohibition, les entreprises souhaitant fournir ce type de services peuvent bénéficier d'un régime dérogatoire en obtenant, dans un premier temps, une « habilitation » du gouvernement sud-africain, puis en sollicitant au cas par cas l'autorisation de conclure le contrat avec le client.

L'assistance militaire est définie de manière très large puisqu'elle comprend la logistique, le support en termes de personnels et de finances, l'assistance des services de renseignement, l'assistance opérationnelle, les conseils et la formation, le recrutement de personnel, les services médicaux et paramédicaux, l'acquisition de matériel pour le compte d'un organisme (officiel ou non) dans le cadre d'un conflit, les moyens de sécurité destinés à renverser un gouvernement ou à miner l'ordre constitutionnel, la souveraineté ou l'intégrité territoriale d'un État. Elle comprend également toute autre action servant les intérêts militaires d'un organe au regard d'un conflit armé, à l'exclusion des activités humanitaires ou civiles destinées à soulager les difficultés des civils se trouvant dans une zone de conflit armé.

Les entités susceptibles de bénéficier de l'assistance militaire sont elles aussi définies de manière large puisque la loi concerne toutes les parties à un conflit : forces armées d'un État étranger impliqué dans un conflit armé international ou non-international, forces dissidentes s'opposant à un gouvernement dans le cadre d'un conflit interne ou forces non-gouvernementales s'opposant entre elles dans un conflit interne. Elle s'applique aussi aux services de protection de personnes ou de biens dans le cadre d'un conflit armé.

L'assistance militaire n'est interdite qu'en cas de conflit armé et pas en période de troubles internes.

La loi comporte un régime de sanctions pénales : amendes pouvant aller jusqu'à un million de rands (105.900 euros) et dix ans d'emprisonnement.

Elle s'applique aux personnes morales et physiques et donc aux citoyens sud-africains, aux résidents permanents ainsi qu'aux étrangers agissant à partir du territoire sud-africain. Elle s'applique aussi aux citoyens sud-africains qui commettraient des infractions en dehors du territoire sud-africain.

Les autres législations nationales

La législation britannique traitant du mercenariat est très ancienne puisqu'elle repose sur le Foreign Enlistment Act de 1870, qui ne définit pas le mercenaire mais incrimine les actes des personnes qui s'engagent dans une action militaire contre un État en paix avec le Royaume-Uni sans l'autorisation du gouvernement britannique . Cette loi sanctionne le recrutement sur le sol du Royaume-Uni comme à l'étranger, mais elle n'a jamais été utilisée et apparaît aujourd'hui largement dépassée.

C'est en dehors de tout cadre législatif que ce sont développées des sociétés privées prestataires de service de sécurité et de défense au profit d'États étrangers. Des textes de valeur infra-législative imposent aux militaires des règles de comportement et des obligations de compte rendu très précises en cas de contacts avec ce type de sociétés.

Comme on l'a déjà évoqué, un débat approfondi est en cours au sein du gouvernement et du Parlement pour définir une forme de régulation de ces activités et pour définir des critères permettant de les encadrer.

La loi portugaise condamne toute activité de mercenariat de la part de ressortissant portugais. Cette interdiction ne concerne que les activités de combat et non la fourniture de services, conseils ou assistances techniques à des armées étrangères. Il n'y a pas eu jusqu'à présent de poursuites sur ce fondement.

En Suisse , 17 personnes ont été condamnées entre 1994 et 2000 pour avoir servi dans des fores armées étrangères. Le code pénal suisse interdit en effet aux ressortissants suisses de s'engager dans une force destinée à combattre à l'étranger, la seule exception prévue concernant la Garde suisse du Vatican.

En Belgique , une loi de 1979 relative au recrutement de nationaux pour combattre à l'étranger interdit aux citoyens belges l'enrôlement dans une armée étrangère. Cependant, le décret royal nécessaire à son application n'a jamais été publié.

En Australie , une loi de 1978 réprime le fait de recruter des mercenaires sur le territoire australien ou, pour les Australiens, de combattre à l'étranger dans des forces non gouvernementales. Les personnes qui entreraient sur le territoire d'un État étranger afin d'y conduire des activités hostiles encourent une peine de quatorze ans d'emprisonnement, et celles qui se livreraient à des actions de recrutement une peine de sept ans d'emprisonnement. La loi a été utilisée en 1987 à l'encontre d'un ex-soldat australien qui avait tenté de recruter d'anciens collègues afin d'entraîner les membres d'un mouvement de guérilla dans la province indonésienne d'Irian Jaya (Papouasie occidentale).

La Russie a inclus en 1996 dans son code pénal des sanctions frappant l'utilisation de mercenaires (quatre à huit ans d'emprisonnement), mais aussi leur recrutement, leur financement et leur entraînement. Le recours à des personnes mineures est une circonstance aggravante (sept à quinze ans d'emprisonnement). Le fait de prendre part à un conflit en tant que mercenaire est puni de trois à sept ans d'emprisonnement.

L' Ukraine a elle aussi prévu des sanctions pénales à l'encontre des activités de mercenaires (10 ans d'emprisonnement).

L' Allemagne réprime simplement le fait de tenter de recruter un citoyen allemand ou de le conduire auprès d'un agent recruteur étranger. Un service militaire effectué par un ressortissant allemand au sein d'une armée étrangère sans qu'il y ait d'accord en la matière avec l'Allemagne peut être considéré comme du mercenariat. Par ailleurs, les règles de compétence des tribunaux allemands facilitent la poursuite de crimes ou délits commis par un citoyen allemand à l'étranger, dès lors qu'ils peuvent aussi être poursuivis sur le fondement du droit local, ce qui pourrait permettre d'agir contre des activités de mercenariat.

Plusieurs pays (Danemark, Finlande, Grèce, Pays-Bas, Suède, Norvège, Canada) répriment le fait de procéder, sur leur territoire, au recrutement de personnes au profit de forces armées étrangères. Certaines de ces législations punissent également l'engagement individuel lorsqu'il contrevient aux engagements du pays (neutralité ou alliances).

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