2. L'élimination des pesticides

Partie rédigée par M. Antoine MONTIEL, membre du Comité de Pilotage de l'étude.

Mis à part leur action de protection des plantes, les pesticides n'ont rien de commun entre eux, il est donc très difficile d'avoir une méthode de traitement pour tous ces types de composés. Le meilleur moyen pour ne pas retrouver ces composés dans les eaux brutes de surface ou souterraines à des teneurs nécessitant des traitements, est de mettre en place des actions préventives par la sensibilisation des applicateurs ou l'interdiction dans certaines zones vulnérables.

Ces actions de prévention, la prise en compte de ce problème par les applicateurs (agriculteurs, services de l'Etat : SNCF, municipalités ...) ont des répercussions mesurables. Mais elles n'ont aucune action sur tout ce qui a été déposé dans les sols dans le passé. La Directive européenne 98/83 reprise en France par le décret 2001-1220 fixe des teneurs limites aux pesticides mais précise qu'il faut aussi inclure dans cette catégorie, les produits de dégradation ou de réaction de ces molécules, issus des produits utilisés plusieurs années auparavant qui se sont décomposés lentement dans les sols.

Cet ajout n'est pas sans conséquence puisque si les actions préventives sont efficaces pour le futur, elles n'ont aucune action sur le passé. Cela explique que l'on ait et que l'on aura de plus en plus de ressources à traiter. Les composés les plus souvent rencontrés sont surtout ceux qui sont ajoutés directement dans ou sur le sol. Ce sont essentiellement des herbicides, des insecticides ou des fongicides du sol.

Pour le traitement, quand celui-ci est incontournable, il n'y a que deux solutions :

- soit les transformer par des traitements chimiques notamment par ozonation. Pour ces derniers traitements, des moyens ont été développés faisant appel à l'ozone ou à des couplages : ozone + rayonnements UV en ozone + eau oxygénée ou eau oxygénée + rayonnements UV. Ces traitements n'avaient pour but que de transformer les molécules en « métabolites ». La Directive est très claire sur ce point, ces traitements ne sont pas à recommander. Il ne reste donc que les traitements de rétention.

- soit retirer ces composés de l'eau par utilisation d'un charbon actif qui adsorbe les molécules, ou par la rétention sur membranes (nanofiltration, osmose inverse).

Les traitements d'adsorption utilisent le charbon actif qui permet de retenir une très grande diversité de molécules. Par contre, certains composés très solubles dans l'eau sont mal retenus, voire pas du tout, ou pendant un temps très court.

Le choix du type de charbon actif sera donc primordial. Il est indispensable de connaître les molécules à retenir pour faire les meilleurs choix. Le charbon actif en grains peut rester de longues périodes avant d'être changé. Durant ce temps, ces bactéries peuvent, dans les filtres, se sélectionner et devenir aptes à transformer les pesticides en « métabolites » qui sont moins retenus et traversent les filtres à charbon. C'est la raison pour laquelle, lors de l'agrément de chaînes de traitement utilisant la filtration sur charbon actif en grains, le Ministère de la Santé informe les pétitionnaires qu'ils auront à effectuer des régénérations à fréquence de l'ordre de l'année afin de s'assurer que ces « métabolites » ne se retrouvent pas dans les eaux traitées.

Ces traitements d'adsorption sont donc très efficaces pour des molécules hydrophobes (qui n'aiment pas l'eau : plutôt solubles dans les huiles et les graisses) et beaucoup moins, voire pas du tout, pour les molécules hydrophiles (qui aiment l'eau, très solubles dans l'eau). Ces dernières molécules sont cependant de plus en plus utilisées car elles sont très faciles à éliminer par lavage et ne s'accumulent pas dans la chaîne alimentaire, tous les nouveaux pesticides étant plutôt hydrophiles.

Les traitements de rétention membranaire, quant à eux, font appel à des filtres dont la porosité est très faible. Elles permettent donc de retenir les bactéries. Les membranes sont des fibres creuses et poreuses à base de cellulose ou de poudre métalliques. Tandis que les filtres classiques à sable sont des filtres superposés (l'eau s'infiltre par percolation), les filtres à membranes sont sous forme de cylindres verticaux. L'eau, sous pression, se répartit le long des fibres et traverse la paroi poreuse. Les filtres se distinguent par la taille des pores de la membrane. Les membranes d'ultra filtration offrent un « seuil de coupure » de 0,01 micron ce qui garantit l'arrêt des algues, des micropolluants, des bactéries, et de la plupart des virus.

La nanofiltration retient des molécules de poids moléculaire de l'ordre de 200 ou plus. Pour retenir les molécules plus petites, seule l'osmose inverse sera utilisable. Il ne faudra pas oublier que la transformation d'une molécule conduit toujours à une molécule de taille inférieure. Là aussi, le choix doit être dicté par les molécules à éliminer. Pour la nanofiltration, la porosité de la membrane (sa capacité à retenir les molécules d'une taille donnée) est un paramètre primordial en fonction des molécules à retirer.

Si la plupart des recherches visent à améliorer les traitements, l'INRA de son côté, étudie aussi des voies de prévention afin de favoriser la dégradation des pesticides par le biais de bactéries ou de champignons. Une collection européenne de bactéries dégradant les pesticides a ainsi été constituée.

En conclusion : les pesticides sont des molécules chimiques largement utilisées dans le passé et qui le resteront dans le futur. Les actions préventives sur le choix de nouvelles molécules, la définition de zones vulnérables, l'information des applicateurs est à maintenir et à amplifier.

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