Article 21
(art. 23 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945)
Examen systématique des arrêtés d'expulsion tous
les cinq ans
Cet
article a pour objet de
modifier l'article 23 de l'ordonnance
précitée du 2 novembre 1945 afin de
créer un examen
systématique des motifs des arrêtés d'expulsion tous les
cinq ans
. Cette nouvelle possibilité s'ajoute à celle
déjà existante qui permet aux expulsés, sous certaines
conditions, de demander que soient revus les motifs de leur expulsion au regard
de l'évolution de leur situation personnelle.
1. Les effets d'un arrêté d'expulsion
Prononcée lorsque la présence d'un étranger sur le
territoire national constitue une menace grave pour l'ordre public,
l'expulsion est immédiatement exécutoire et peut
, dans le
cas où l'étranger ne partirait pas de lui-même,
être exécutée d'office par
l'administration
126(
*
)
. De
plus, un étranger expulsé
ne peut en aucun cas revenir en
France
tant qu'il n'a pas obtenu l'abrogation de l'arrêté
d'expulsion.
L'arrêté d'expulsion ne précisant pas la durée
pendant laquelle l'interdiction du territoire s'appliquera,
l'acte
administratif est en vigueur et doit par conséquent être
respecté tant qu'il n'a pas été abrogé
.
2. L'abrogation des arrêtés d'expulsion : le droit
actuel
En vertu de l'article 23 de l'ordonnance précitée du 2 novembre
1945,
l'abrogation d'un arrêté d'expulsion peut être
prononcée « à tout moment » par son
auteur
127(
*
)
,
c'est-à-dire le préfet du département ou le ministre de
l'intérieur.
L'étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion
peut
par conséquent
présenter
, s'il le souhaite,
une
demande d'abrogation
devant son auteur.
Si la demande d'abrogation est présentée à l'expiration
d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective
de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée
qu'après avis de la
commission des expulsions
128(
*
)
. Son
avis
est
consultatif
. Il ne lie pas l'autorité administrative.
En outre,
l'article 28
bis
de l'ordonnance
précitée
du 2 novembre 1945
pose comme condition essentielle
, pour que
l'étranger obtienne l'abrogation de l'arrêté d'expulsion
dont il fait l'objet,
qu'il réside hors de France
. Ainsi, il ne
doit pas être resté ou revenu sur le territoire national. Dans le
cas contraire, sa demande d'abrogation serait rejetée. Toutefois, le
même article prévoit que «
cette disposition ne
s'applique pas pendant le temps où le ressortissant étranger
subit en France une peine privative de liberté sans sursis ou fait
l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence pris
en application de l'article 28
. »
3. L'instauration par le projet de loi d'un examen systématique des
arrêtés d'expulsion tous les cinq ans
L'article 21 du présent projet de loi prévoit la
création d'une nouvelle procédure afin d'obtenir l'abrogation
de certains arrêtés d'expulsion
. Il s'agit de
répondre à des situations jusqu'à présent
insolubles
, dans lesquelles se trouvent certains étrangers
restés ou revenus sur le territoire français malgré
l'arrêté d'expulsion dont ils font l'objet. Parfois,
l'arrêté d'expulsion n'a même jamais fait l'objet d'une mise
à exécution de la part de l'administration.
Le présent article propose de
prévoir, à l'article 23
de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945, qu'un
réexamen automatique des motifs des arrêtés d'expulsion ait
lieu tous les cinq ans, à compter de la date d'adoption de
l'arrêté
. Cette procédure pourrait être
appliquée à tous les arrêtés d'expulsion,
sans
tenir compte du fait que l'étranger expulsé vit toujours ou non
sur le territoire national
. Ainsi, l'article 27 du présent projet de
loi prévoit une
nouvelle rédaction de l'article 28
bis
de l'ordonnance
qui précise expressément que la
disposition selon laquelle il ne peut être fait droit à une
demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion que si
l'étranger réside hors de France ne s'applique pas pour la mise
en oeuvre de cette nouvelle procédure
129(
*
)
.
Lors de ce réexamen, il sera tenu compte de
«
l'évolution de la menace que constitue la présence
de l'intéressé en France pour l'ordre public, des changements
intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de
réinsertion professionnelle ou sociale qu'il
présente
».
L'Assemblée nationale a adopté
en première lecture
un
amendement
prévoyant que
l'étranger pourrait
présenter des observations écrites
.
Le présent article précise également que dans ce cas la
commission des expulsions n'est pas consultée.
Cette procédure permettrait par conséquent à
l'administration de
revoir certains dossiers qui n'auraient pu être
réexaminés dans le cadre de la procédure actuellement
existante
. C'est notamment le cas de ceux qui se trouvent encore sur le
territoire français, ce qui rend leur demande irrecevable.
A défaut de notification d'une décision explicite d'abrogation
dans un délai de deux mois, le réexamen serait
réputé avoir conduit à une décision implicite de
rejet, ce qui ouvrirait dès lors une possibilité de recours
contentieux contre cette dernière pendant un nouveau délai de
deux mois.
Par conséquent, les personnes expulsées mais restées
clandestinement sur le territoire français pourraient voir leur
situation de nouveau examinée, dans le cadre de cette procédure
et d'un éventuel recours devant le juge administratif.
La création d'une procédure de réexamen automatique avait
été proposée par le groupe de travail sur la
« double peine »
130(
*
)
institué par M. Nicolas
Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité
intérieure et des libertés locales, qui a rendu son rapport en
mars 2003 (proposition n°9). Il s'agissait ainsi de «
trouver
une solution honorable à la situation inextricable dans laquelle se
trouve de nombreux étrangers qui vivent clandestinement en France tout
en étant sous le coup d'une mesure d'expulsion
».
Le Conseil d'Etat avait également, comme le rappelle l'exposé des
motifs, «
ouvert la voie à cette modification
législative
» par son arrêt
« Etanji » du 23 février 2001, dans lequel il pose
le principe selon lequel, même si la demande d'abrogation
déposée par l'étranger avait effectivement dû
être rejetée du fait que ce dernier résidait en France, il
n'appartenait pas à la juridiction saisie de la décision de refus
de déclarer inopérants les moyens tirés de la violation
des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, qui posent respectivement le
principe d'interdiction des traitements inhumains et dégradants et le
droit au respect de la vie privée et familiale.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 21
sans
modification.