Article 22
(article 25 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Catégories d'étrangers bénéficiant d'une protection relative
contre une mesure d'éloignement

Cet article a pour objet de modifier les catégories d'étrangers protégés contre une mesure d'expulsion en vertu de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 .

Mesure de police, l'expulsion peut en principe être prononcée par l'autorité administrative (préfet ou ministre) dès lors que la présence de l'étranger sur le territoire national constitue une menace grave pour l'ordre public 131( * ) .

Certains étrangers sont désormais protégés contre une mesure d'expulsion, depuis la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Toutefois, cette protection n'est que relative, car elle peut être levée dans un certain nombre d'hypothèses.

Le présent projet de loi maintient l'existence de ces protections relatives mais en modifie les bénéficiaires , principalement en raison de l'instauration de protections absolues 132( * ) pour certains de ces étrangers.

1. Le nécessaire maintien de protections relatives pour certaines catégories d'étrangers

La création de protections relatives contre des mesures d'expulsion visait à encadrer le pouvoir d'appréciation de l'administration et le contrôle du juge, comme le précise le groupe de travail précité, institué par M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales chargé de réfléchir sur une éventuelle réforme de la « double peine », et ayant rendu son rapport en mars 2003 133( * ) .

Instaurées par la loi précitée du 29 octobre 1981, elles ont toujours existé depuis. L'article 25 de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945 prévoit actuellement que ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion :

1° l'étranger mineur de dix-huit ans ;

2° l'étranger qui justifie par tous les moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ;

3° l'étranger qui justifie par tous les moyens résider en France depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ;

4° l'étranger, marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;

5° l'étranger, qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins

6° l'étranger titulaire d'une rente d'accident de travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 pour 100 ;

7° l'étranger résidant régulièrement en France sous couvert de l'un des titres de séjour prévus par la présente ordonnance ou les conventions internationales, qui n'a pas été condamné définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis. Toutefois, le même article prévoit également que, lorsque l'étranger a été condamné à une peine d'emprisonnement sans sursis, de quelque durée elle soit, pour des délits liés à l'immigration clandestine 134( * ) , cette protection est levée et il peut donc être expulsé ;

8° l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.

Le présent projet de loi maintient l'existence de cette protection relative. Elle devrait bénéficier aux étrangers qui, sans avoir des liens sociaux ou familiaux suffisamment forts avec la France pour entrer dans la catégorie de ceux faisant l'objet d'une protection absolue, doivent tout de même être protégés, sous certaines réserves, contre les mesures d'expulsion.

La protection prévue à l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est dite « relative » dans la mesure où elle connaît de nombreuses exceptions.

En effet, l'actuel article 25 de l'ordonnance prévoit tout d'abord que les étrangers peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion lorsqu'ils ont été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égal à cinq ans .

Ensuite, l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, une expulsion peut toujours être prononcée lorsqu'elle constitue une « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique » . Cette forme dérogatoire de l'expulsion peut s'appliquer pour tous les étrangers, mêmes protégés, sauf les mineurs.

Le juge administratif exerce un contrôle normal des arrêtés d'expulsion pris sur le fondement de la « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ».

La jurisprudence considère que de nombreuses infractions justifient une « nécessité impérieuse » d'expulser un étranger protégé par l'article 25 de l'ordonnance 135( * ) , alors qu'initialement, ayant créé cette dérogation au droit général de l'expulsion, le législateur la limitait à l'espionnage, au terrorisme et aux trafics de drogue.

2. Le projet de loi : une redéfinition des catégories d'étrangers bénéficiant d'une protection relative

Les catégories visées par l'article 25 de l'ordonnance, telles que prévues par le projet de loi, ne sont pas très différentes de celles actuellement en vigueur. Toutefois, les étrangers qui bénéficieront désormais d'une protection absolue en ont été logiquement retirés . Les catégories ont également évolué afin de les rapprocher de celles établies à l'article 131-30 du code pénal relatif à la protection relative accordée aux étrangers contre le prononcé d'une interdiction du territoire français. De plus, certaines conditions à remplir ont été modifiées et le projet de loi a supprimé une autre catégorie d'étrangers protégés.

Tout d'abord, seraient désormais exclus de la protection relative parce qu'ils bénéficient d'une protection absolue les mineurs de dix-huit ans et les étrangers résidant en France habituellement depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de dix ans .

Ensuite, le projet de loi supprime la protection relative accordée aux étrangers en situation régulière qui n'ont pas été condamnés définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis . L'exposé des motifs du projet de loi justifie cette suppression en indiquant tout d'abord qu'« il est opportun d'éloigner immédiatement les étrangers délinquants dont le lien avec la France est ténu et se résume à la seule régularité du séjour », et ensuite qu'elle est « cohérente avec la récente loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure », dans la mesure où son article 75 complète l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en prévoyant que de nouvelles infractions 136( * ) commises par un étranger peuvent être de nature à entraîner le retrait de son titre de séjour de courte durée.

Enfin, certaines conditions devant être remplies par les étrangers pour bénéficier de cette protection relative ont été modifiées .

Il est précisé que le parent de l'enfant français ne doit pas vivre en état de polygamie.

Par ailleurs, le projet de loi initial proposait que les conditions alternatives devant être remplies par les mère ou père d'enfant français (exercer, même partiellement, l'autorité parentale ou subvenir effectivement aux besoins de l'enfant) deviennent désormais cumulatives.

Toutefois, l'Assemblée nationale a , en première lecture, adopté un amendement présenté par M. Etienne Pinte, tendant à remplacer ces deux conditions par celle consistant à établir que le parent contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil.

Déjà adoptée pour l'article 12 de l'ordonnance 137( * ) , cette nouvelle rédaction a logiquement été reprise au présent article par l'Assemblée nationale ainsi que dans le reste du texte afin de remplacer les deux conditions initialement nécessaires pour établir le lien effectif entre un étranger et un enfant français.

Il s'agit ainsi de tirer les conséquences de la loi précitée du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

Autre modification des conditions prévues pour bénéficier d'une protection relative, l'Assemblée nationale , en adoptant un amendement présenté par MM. Etienne Mourrut, Jean-Michel Ferrand et Jacques-Alain Bénisti, a prévu de passer de un à deux ans la durée nécessaire de mariage entre un étranger et un Français , pour que le premier puisse s'en prévaloir afin d'éviter une expulsion. Cet allongement est cohérent avec le durcissement de la législation visant à éviter les mariages de complaisance 138( * ) , a fortiori lorsqu'ils sont susceptible d'empêcher l'expulsion d'un étranger dont la présence sur le territoire français pourrait constituer une menace grave à l'ordre public.

Tout en maintenant son principe, le présent article du projet de loi modifie donc les catégories d'étrangers bénéficiant de la protection relative contre des mesures d'expulsion.

Par ailleurs, l'instauration d'une forme d' « expulsion avec sursis », prévue à l'article 26 du projet de loi 139( * ) créant un article 28 ter à l'ordonnance du 2 novembre 1945, bénéficieraient en priorité à ces étrangers qui, tout en ayant indiscutablement des attaches avec la France, ne peuvent pour autant bénéficier d'une protection absolue contre l'expulsion, qui doit être réservée à ceux ayant les liens les plus forts avec notre pays 140( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 22 sans modification.

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