Article 36
(art. 170 du code civil)
Contrôle des mariages
célébrés à
l'étranger
Cet
article tend à compléter l'article 170 du code civil afin de
renforcer le dispositif de lutte contre les mariages de complaisance et les
mariages forcés célébrés à l'étranger.
A l'heure actuelle, la
validité des mariages
célébrés entre Français et étrangers dans un
pays étranger est reconnue en France
si plusieurs conditions ont
été respectées par les époux.
En premier lieu, le mariage doit avoir été
célébré dans les formes usitées dans le pays
étranger. En second lieu le mariage doit avoir été
précédé de la publication des bans
, prescrite à
l'article 63 du code civil : avant la célébration du
mariage, l'officier de l'état civil doit afficher à la porte de
la maison commune la publication comportant les mentions nécessaires et
ne peut y procéder qu'après la remise, par chacun des futurs
époux, d'un certificat médical datant de moins de deux mois.
Les exigences de l'article 63 précité seraient
renforcées par l'article 35
quater
du projet de loi.
La loi de la nationalité de chacun des conjoints régissant leur
statut personnel conformément aux règles du droit international
privé,
les exigences du code civil
relatives «
aux
conditions et qualités requises pour pouvoir contracter
mariage
»
299(
*
)
doivent
être respectées par le ressortissant
français
(âge légal ; consentement ;
présence obligatoire lors du mariage ; absence de polygamie ;
interdiction des mariages consanguins sauf entre cousins)
300(
*
)
.
Enfin, le mariage doit faire l'objet
d'une transcription
301(
*
)
par les agents diplomatiques et
consulaires compétents pour que sa validité soit effective en
droit français.
A cet effet,
la loi n° 93-1027 du 24 août 1993
relative à la maîtrise de l'immigration a instauré une
procédure de contrôle du mariage
célébré
afin de vérifier sa conformité
avec les règles du code civil.
Ainsi, lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer
qu'un mariage célébré à l'étranger (ce qui
concerne les mariages entre un Français et un étranger, mais
aussi entre Français) encourt la nullité au titre des
articles 184 (non respect des conditions requises pour pouvoir contracter
mariage précitées), 190-1 (mariages en fraude à la loi) ou
191 (mariage qui n'a pas été contracté publiquement et qui
n'a point été célébré devant l'officier
public compétent), l'agent diplomatique ou consulaire chargé de
transcrire l'acte en informe immédiatement le ministère public et
surseoit à la transcription.
Le procureur de la République se prononce alors sur la transcription
dans un délai de six mois et son silence vaut décision implicite
d'acceptation
302(
*
)
. Lorsqu'il
demande la nullité du mariage, il ordonne que la transcription soit
limitée à la seule fin de saisine du juge. Jusqu'à la
décision de celui-ci, une expédition de l'acte transcrit ne peut
être délivrée qu'aux autorités judiciaires ou avec
l'autorisation du procureur de la République.
L'apport de cette disposition dans la détection des mariages
simulés et frauduleux a été incontestable : elle est
cependant aujourd'hui insuffisante, en particulier au regard du problème
douloureux des mariages forcés célébrés à
l'étranger.
Selon le Haut Conseil à l'intégration,
le nombre d'unions
entre Français et étrangers transcrites par les services
consulaires français a augmenté de 89 % entre 1994 et 2002
(de 20.607 à 38.915 unions
célébrées)
303(
*
)
.
Le nombre de mariages mixtes
célébrés à l'étranger est ainsi aujourd'hui
plus important que celui des unions mixtes célébrées en
France
.
L'augmentation de ces mariages, le plus souvent contractés entre une
femme française ou binationale et un ressortissant étranger,
concerne particulièrement l'Algérie, la Tunisie, le Maroc et la
Turquie.
Or, les services compétents et les associations d'aide aux femmes
constatent une croissance simultanée des mariages forcés
célébrés à l'étranger
. La plupart de ces
situations dramatiques lésant les droits des femmes naissent à
l'étranger à l'occasion de séjours de la famille dans le
pays d'origine (mariages sous contrainte des jeunes filles à l'occasion
de leurs vacances) ou même sans la présence de la femme (mariage
par procuration).
Une femme peut ultérieurement faire annuler par le juge un mariage
dépourvu de consentement, mais les pressions sociales et familiales sont
souvent fortes.
Par ailleurs, en dépit de leur vigilance, les agents diplomatiques et
consulaires français semblent désarmés pour lutter contre
de tels mariages simulés ou forcés en contrôlant la
réalité du consentement des époux dès lors que ces
unions respectent les formes usitées dans le pays étranger.
Ils sont contraints de transcrire l'acte de mariage sur les registres de
l'état civil, ce qui n'est pas satisfaisant au regard du droit des
femmes et subsidiairement de l'entrée et du séjour en France.
Le présent article tend donc à compléter
l'article 170 du code civil afin de renforcer l'efficacité du
dispositif actuel.
Les mariages célébrés à l'étranger entre un
Français et un étranger devront toujours respecter les
règles de validité précitées.
En outre,
les futurs époux devraient se présenter en personne
au consulat lors de la demande de la publication des bans, puis lors de la
délivrance d'un certificat de capacité de mariage du
ressortissant français.
Il convient de rappeler à ce titre que les agents diplomatiques et
consulaires exerçant les fonctions d'officier de l'état civil
délivrent au Français contractant mariage à
l'étranger ce certificat de capacité à mariage afin
d'attester que la publication des bans a été effectuée et
que l'intéressé remplit les conditions prévues au chapitre
premier du titre cinq du code civil
304(
*
)
.
Le projet de loi initial prévoyait que la demande de transcription du
mariage par le ressortissant français nécessitait
également la présence personnelle des deux époux.
Outre un amendement rédactionnel, les députés ont
adopté, lors des débats en première lecture à
l'Assemblée nationale, un
amendement du rapporteur de la commission
des Lois, M. Thierry Mariani, tendant à substituer à
cette obligation une faculté pour les époux d'être
présents en personne lors de la transcription de l'acte de mariage.
Il faut en effet tenir compte de la
distance éventuelle existant
entre le lieu du consulat et celui du domicile ou de la
célébration du mariage des ressortissants français
concernés.
Par ailleurs, le dispositif retenu prévoit
une exception
à
l'obligation de présence personnelle des futurs époux lors de la
publication des bans et de la délivrance du certificat de
capacité à mariage lorsque, de manière exceptionnelle, les
attributions de l'état civil consulaire sont exercées par les
services centraux du ministère chargé des affaires
étrangères (mariages célébrés dans les pays
où la France ne bénéficie d'aucune représentation
diplomatique ou de la fermeture du poste consulaire territorialement
compétent ; transfert momentané des attributions d'un poste
consulaire en cas d'événement exceptionnel dans un Etat à
un officier de l'état civil relevant d'un autre poste consulaire ou du
service central)
305(
*
)
.
Les rencontres prévues entre l'officier de l'état civil
consulaire et les futurs conjoints constitueraient une amélioration
notable de l'état du droit quant à la lutte contre les mariages
sous contrainte. En effet, les agents diplomatiques et consulaires pourraient
alors examiner la réalité du consentement et de l'intention
matrimoniale des futurs époux, détectant, le cas
échéant, une union forcée.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 36
sans modification.