2. Prendre en compte les jeunes adultes

Si l'on veut abréger la phase de transition que constitue l'adolescence, il faut aider les parents à accompagner leurs enfants vers l'autonomie.

a) L'effet de seuil des prestations familiales

En 2001, une étude de la CNAF 10 ( * ) a brossé un tableau statistique et commenté de la situation des jeunes adultes qui traduit une dégradation régulière de leur situation matérielle depuis dix ou vingt ans et un accès à l'autonomie plus tardif et plus difficile.

Une part importante des jeunes ne prend aujourd'hui son indépendance qu'avec l'aide de ses parents : 30 % des hommes et 20 % des femmes nés entre 1968 et 1972, ayant quitté le domicile des parents après leurs études et avant 24 ans, ont ainsi bénéficié d'une aide parentale pour se loger, contre moins de 10 % pour les jeunes nés entre 1963 et 1967 11 ( * ) .

En raison de la prolongation de la durée des études et de la fixation d'un seuil pour l'octroi des minima sociaux, à 26 ans par exemple pour le RMI, les jeunes adultes représentent aujourd'hui une lourde charge financière pour les familles, souvent bien au-delà de l'âge limite de versement des prestations familiales.

La question de l'aide aux familles ayant de jeunes adultes à charge s'est donc rapidement confondue avec celle de la limite d'âge pour le versement des prestations familiales.

La loi relative à la famille du 25 juillet 1994 prévoyait ainsi le relèvement progressif de cette limite afin de tenir compte de ce nouveau phénomène social.

La première étape consistait au relèvement de 18 à 20 ans du versement des prestations familiales, quelle que soit la situation de l'enfant (sous la seule réserve qu'il ne perçoive pas un revenu supérieur à 55 % du SMIC).

Les étapes suivantes concernaient les cas particuliers pour lesquels la limite d'âge était déjà fixée à 20 ans (étudiants, apprentis, stagiaires de la formation professionnelle, infirmes) et qui devait être portée à 22 ans pour les prestations de logement, l'allocation de soutien familial et de parent isolé, le complément familial et les allocations familiales.

Ce programme devait être entièrement réalisé au 31 décembre 1999 ; il n'a été que partiellement mis en oeuvre. L'âge limite a certes été relevé à 19 ans au 1 er janvier 1998 puis 20 ans au 1 er janvier 1999, mais il n'a pas varié pour les catégories de jeunes pour lesquels la limite était déjà fixée à 20 ans. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a seulement permis l'extension du droit au complément familial et des aides au logement jusqu'à 21 ans.

C'est pourquoi votre rapporteur s'est particulièrement félicité, l'année dernière, de la mesure figurant à l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, instaurant une allocation forfaitaire de 70 euros, qui permet une réelle amélioration de la situation des familles nombreuses qui perdent le bénéfice des allocations familiales.

Il souhaiterait également que soit menée une réflexion sur la possibilité d'un maintien des allocation familiales jusqu'au dernier enfant , mesure dont le coût est aujourd'hui estimé à 137 millions d'euros, soit à peu de chose près celui, en année pleine, de la mesure prévue par l'article 40 de la loi de financement pour 2003.

Devant la carence gouvernementale prolongée, c'est l'action sociale des CAF qui a développé de nombreuses aides en faveur des jeunes adultes, permettant aussi de soulager la charge pour leurs familles. Environ 43 millions d'euros sont ainsi consacrés chaque année aux actions identifiables menées par les CAF en direction des jeunes adultes, soit 2 % des dépenses totales d'action sociale.

Les quatre axes spécifiquement identifiables de l'action sociale des CAF en direction des jeunes adultes sont les interventions en faveur du logement, les prestations extralégales accordées aux familles et aux jeunes, les aides au financement des formations brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD), et les actions d'accompagnement social.

Si votre rapporteur comprend l'utilité d'une telle action sociale en faveur de la population des jeunes adultes, il ne considère pas pour autant qu'elle doive être un palliatif à l'inaction du Gouvernement, comme cela a été le cas, on l'a vu, sous la précédente législature.

b) La question de l'autonomie

Plus largement, c'est bien la question de l'autonomie des jeunes adultes vis-à-vis de leur famille qui se pose.

Créée par la loi du 4 juillet 2001 relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans, la Commission nationale pour l'autonomie des jeunes a été installée en décembre dernier avec pour mission d'étudier la création « d'un contrat d'allocation d'autonomie en contrepartie d'un engagement pour les jeunes de 16 à 25 ans ».

Elle comprend soixante et onze membres, dont des représentants de l'État, du Parlement, d'élus locaux, d'organisations d'employeurs et de salariés, d'étudiants et de lycéens, d'associations de chômeurs, de mutuelles, de la CNAF, du conseil national de la jeunesse, des fédérations de parents d'élèves et des personnalités qualifiées.

Dans son rapport d'avril 2002, la Commission nationale pour l'autonomie des jeunes préconise la mise en place d'un ensemble d'aides insérées dans une refonte de l'environnement des aides à la formation et à l'emploi, laissant de côté l'idée d'une allocation unique.

Pour permettre une « autonomie responsable et solidaire » des 16-25 ans, la Commission propose un « compromis évolutif en deux étapes » inscrit « dans la durée », qui comprendrait la création d'une « allocation de formation » et d'un « revenu contractuel d'accès à l'autonomie et à l'activité ».

Ces propositions sont, pour l'instant, restées lettre morte, notamment en raison de leur coût (environ deux milliards d'euros pour l'allocation de formation).

Votre rapporteur estime que la solution retenue doit être ciblée, en tenant compte de l'hétérogénéité des parcours, qu'elle requiert des contreparties de la part des jeunes et qu'elle soit respectueuse des familles. Il n'y a en effet aucune justification à vouloir construire l'autonomie des jeunes en opposition avec leur famille. Il importe donc de continuer à soutenir les familles lorsqu'elles assument la charge de leurs jeunes adultes. C'est pourquoi votre rapporteur est plutôt favorable au versement des allocations familiales jusqu'à 22 ans et jusqu'au dernier enfant.

*

* *

On l'a vu, la politique familiale du Gouvernement est menée par étapes, en prenant en compte, progressivement et avec des moyens financiers de plus en plus contraints, les réalités de chaque période de la vie de l'enfant à charge, afin de cibler au mieux les mesures nécessaires. Votre rapporteur approuve tant la forme que le contenu de la méthode et se réjouit de pouvoir apporter sa contribution à la prochaine Conférence de la famille de 2004, sur un thème qu'il affectionne tout particulièrement.

Sous réserve des observations qui précèdent et de l'amendement qu'elle propose, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives à la famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

* 10 Isabelle Amrouni, Anne-Catherine Rastier, « Les CAF et les jeunes adultes » - Dossiers d'études -Allocations familiales, n° 18, mars 2001.

* 11 INSEE. Jeunes : l'âge des dépendances. Economie et statistiques. Juillet 2000.

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