TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 21 octobre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a entendu Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF ).

A titre liminaire, Mme Nicole Prud'homme, présidente du Conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), a indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prenait acte d'une importante baisse des recettes de la branche famille en raison de la récession, alors même que ses dépenses continuaient à s'accroître. Citant l'exemple des majorations de pension pour enfants, financées à hauteur de 60 % par la branche famille en lieu et place du fonds de solidarité vieillesse (FSV), elle a constaté que ses excédents étaient toujours très « courtisés » par les autres branches.

Elle a toutefois fait valoir que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait des dispositions nouvelles tout à fait intéressantes, dont la principale était la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), annoncée lors de la dernière Conférence de la famille.

Mme Nicole Prud'homme a souligné que la PAJE regroupait six prestations existantes en faveur de la petite enfance, ce qui aurait pour avantage de rendre le dispositif plus lisible pour les familles.

Elle a rappelé que l'objectif essentiel était de permettre un réel choix du rythme d'activité des parents et du mode de garde des enfants de moins de trois ans. Elle a précisé que la PAJE lissait le taux d'effort des familles autour de 12 % de leurs revenus pour la garde en crèche ou par une assistante maternelle, la garde à domicile par une employée restant toutefois plus coûteuse.

Mme Nicole Prud'homme a ajouté qu'un troisième fonds allait être créé en vue de financer de nouvelles structures de garde collective et a approuvé, à cet égard, la possibilité donnée aux entreprises de créer des crèches, rappelant que cette mesure répondait aux souhaits de plusieurs syndicats.

Confirmant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 mettait à nouveau à la charge de la branche 60 % du financement des majorations de pension pour enfants, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, a demandé quelle appréciation la CNAF portait sur cette situation, notamment au regard de la baisse inquiétante de son excédent.

Mme Nicole Prud'homme a rappelé que ce transfert de charge avait été décidé trois ans auparavant, qu'il résultait d'un choix éminemment politique, et que seul le législateur pouvait modifier la répartition de ce financement entre les différentes branches.

M. Jean-Louis Lorrain a ajouté que la signature d'un avenant à la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2001-2004, liant l'Etat et la CNAF, avait été annoncée par M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, afin de prévoir une aide exceptionnelle de 200 millions d'euros à destination des structures d'accueil de la petite enfance.

Il a ensuite interrogé Mme Nicole Prud'homme sur trois aspects de ce dispositif : son inscription dans le projet de loi de financement pour 2004, l'éventualité de la création d'une structure stable de financement de ces actions à moyen terme et l'appréciation portée par la CNAF sur la possibilité offerte aux entreprises de créer elles-mêmes des crèches.

Mme Nicole Prud'homme a indiqué que, si l'avenant à la COG ne pouvait directement apparaître dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, 50 millions d'euros y étaient déjà inscrits pour 2004 au titre du nouveau fonds.

Elle a précisé que, concernant les précédents dispositifs de financement des structures de garde collective, l'ensemble des crédits du FIPE I avaient été consommés et que les dernières disponibilités du FIPE II (AEI) étaient sur le point d'être distribuées, permettant la création totale de 54.000 places de crèche supplémentaires.

Elle s'est toutefois prononcée contre la pérennisation du dispositif de financement, du fait de l'insuffisante connaissance des besoins en crèches, regrettant, à cet égard, que seuls 20 % des départements aient mis en place une commission départementale d'accueil de la petite enfance, justement chargée de cette expertise sur le terrain. Elle a conclu à la nécessité d'un bilan à la suite de la mise en place de ce troisième fonds, d'autant plus que la PAJE allait peut-être modifier les choix de garde des familles.

Elle a ensuite rappelé que deux types de structures allaient être groupés sous le vocable imprécis de « crèche privée » : les crèches créées au sein des entreprises, destinées aux enfants du personnel, pour lesquelles le projet de loi de finances pour 2004 prévoyait un crédit d'impôt, et les crèches à but lucratif, créées par une entreprise dont c'était le métier.

Concernant le premier type de structures, non financées par la branche famille, elle a indiqué que la CNAF travaillait actuellement à des partenariats avec les comités d'entreprises et les syndicats, afin d'éviter que cette nouvelle possibilité de garde offerte aux parents ne conduise à une excessive souplesse des horaires de travail dans l'entreprise, au détriment de la vie de famille.

Sous cette réserve, Mme Nicole Prud'homme a estimé que la mesure pouvait être intéressante, notamment parce que 75 % des femmes actives travaillent à temps complet.

Quant aux crèches privées à but lucratif, elle a reconnu que le principe soulevait un débat au sein du Conseil d'administration de la CNAF, mais qu'il était nécessaire de définir des garde-fous efficaces aux abus éventuels, notamment en termes d'agrément et de formation des personnels, d'autant plus que la CNAF avait à financer ces prestations de service.

Citant le rapport de la Cour des comptes de septembre 2003 sur la sécurité sociale, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour la famille, a relevé que la gestion des dispositifs contractuels en faveur de la petite enfance (contrats enfance, contrats crèches) était très hétérogène selon les caisses d'allocations familiales, créant ainsi des disparités territoriales.

Mme Nicole Prud'homme a rappelé que la question de l'aménagement du territoire en matière de structures d'accueil de la petite enfance devait être débattue au sein de commissions départementales ad hoc, qui n'avaient, le plus souvent, jamais vu le jour.

Elle a souligné que les caisses d'allocations familiales n'étaient en aucun cas les moteurs de l'aménagement du territoire, mais seulement les partenaires des collectivités territoriales.

Indiquant que la prochaine Conférence de la famille aurait pour thème l'adolescence, M. Jean-Louis Lorrain a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur les éventuelles propositions que la CNAF pouvait formuler.

Mme Nicole Prud'homme a fait valoir que cette interrogation était encore prématurée, mais a indiqué que la CNAF aurait toute sa place dans les groupes de travail préparatoires mis en place par le ministre. Elle a rappelé que la branche famille finançait déjà plusieurs associations proposant des activités aux adolescents et mettait des locaux à leur disposition.

M. Jean-Pierre Fourcade a félicité Mme Nicole Prud'homme des progrès accomplis par les caisses d'allocations familiales en termes de services aux allocataires. Il a estimé que la PAJE marquait une évolution positive, notamment pour les familles à revenus moyens, mais que sa réussite était subordonnée à l'amélioration de la qualification des assistantes maternelles agréées et des employées à domicile, que le monde associatif ne pouvait assurer seul. Il a enfin souligné la hausse des besoins en haltes-garderies, du fait du développement des horaires atypiques avec l'application des 35 heures, mais que leur création était rendue difficile par des normes trop strictes en termes de personnel.

Reconnaissant que la question de la formation des professionnels était au coeur du problème de l'offre de garde, Mme Nicole Prud'homme a déploré la mauvaise image et l'insuffisante rémunération de ces métiers, qui constituaient pourtant un vivier considérable de près de 500.000 emplois pour les dix prochaines années.

Elle s'est félicitée, à cet égard, de la réforme du statut des assistantes maternelles programmée en 2004, indiquant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 prendrait peut-être en compte des crédits pour leur formation, mais elle a regretté que rien n'ait été encore prévu pour les employés à domicile.

Rappelant que certaines mères avaient choisi d'arrêter de travailler pour s'occuper de leurs enfants, M. Jean Chérioux a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur le montant actuel de l'allocation parentale d'éducation (APE). Il a rappelé qu'un premier pas avait été fait dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, pour étendre les allocations familiales aux enfants jusqu'à 21 ans, et a demandé quelles étaient les suites données à cette mesure.

Mme Nicole Prud'homme a indiqué que l'APE allait être fondue dans la PAJE mais que les conditions d'éligibilité avaient été renforcées en termes de nombre d'années travaillées, ce qui pénaliserait certaines mères, notamment à compter du troisième enfant. Elle a ajouté que la mise en place d'un forfait de 70 euros d'allocations familiales pour les familles de trois enfants et plus, dont l'un des enfants est âgé de 20 à 21 ans, n'était pas supprimée en 2004, mais que l'étendre à l'ensemble des jeunes adultes conduirait à ouvrir un débat complexe sur la prise en charge d'une telle mesure.

M. Gilbert Chabroux s'est inquiété de la situation financière de la branche famille et de la façon dont elle allait pouvoir financer le nouveau dispositif de la PAJE.

Il a estimé que le plan de création de 20.000 places de crèche n'avait qu'un effet d'annonce, certains projets continuant même à être refusés au titre du FIPE II. Il a fait valoir que la garde en structure collective ne concernait que 9 % des enfants et qu'il fallait rééquilibrer l'offre. Il a exprimé toutefois ses doutes quant à la création de crèches privées à but lucratif, qui pouvaient devenir des « crèches de classe sociale ». Il a enfin estimé que les nouvelles conditions d'éligibilité à la PAJE ex-APE étaient extrêmement restrictives pour les jeunes couples qui n'avaient pas un emploi stable.

Mme Nicole Prud'homme a souhaité qu'il soit fait preuve de circonspection dans le maniement des chiffres concernant la garde des jeunes enfants puisque près de la moitié d'entre eux étaient gardés hors des modes classiques. A cet égard, elle a rappelé que la CNAF se montrait prudente sur la création de places de crèches car il s'agissait ensuite d'en assurer les coûts de fonctionnement par le versement de prestations de service.

Elle a souligné que la crèche était aujourd'hui accessible aux ménages aisés ou modestes, mais qu'elle restait un luxe pour les familles moyennes, qui se trouveront mieux solvabilisées par la PAJE. Elle a déclaré que l'expérience des crèches privées pouvait être intéressante, notamment dans les zones urbaines où l'offre de garde était très tendue, et a confirmé que les nouvelles conditions d'application de l'APE poseraient certains problèmes.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, s'est interrogé sur le montant de l'excédent cumulé de la branche famille, sur la part des prestations à caractère social financées par la branche et sur l'écart entre la dynamique des recettes et celle des dépenses.

Mme Nicole Prud'homme a estimé qu'il était délicat de différencier les prestations familiales de celles à caractère social, les deux aspects étant souvent liés. Elle a ajouté que la branche famille, en période de croissance plus favorable, devrait pouvoir retrouver un excédent confortable à moyen terme.

M. Yves Krattinger a considéré que les besoins en offre de garde étaient encore très importants dans le milieu rural, où de nombreux groupements de communes avaient demandé la compétence « petite enfance » et contracté avec les caisses d'allocations familiales.

Il a estimé que les données dont disposeraient les caisses d'allocations familiales devaient permettre aux élus d'arbitrer entre différents projets pour éviter une offre redondante et aménager le territoire en fonction des besoins réels.

A M. Guy Fischer qui demandait si les caisses d'allocations familiales seraient prêtes en cas de création du RMA et de transfert du RMI aux départements dès 2004, Mme Nicole Prud'homme a répondu par l'affirmative.

Rapport sur le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2004

Sommaire abrégé

Tome I - Équilibres financiers généraux et assurance maladie
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Exposé général sur les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie

Travaux de la commission - Auditions de :

- MM. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , Christian Jacob, ministre délégué à la famille et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ;

- MM. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes , Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre et Christian Babusiaux, conseiller maître à la 6 e chambre ; Mme Catherine Démier , conseillère référendaire, secrétaire générale adjointe et M. Renaud Séligmann, auditeur à la 6 e chambre ;

- M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la CNAMTS ;

- MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'ACOSS et Frédéric Van Roeckeghem , directeur général ;

- MM. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FSV et du FOREC et Jacques Lenain , directeur.

Annexe :

- Réponses de la Cour des comptes au questionnaire de la commission

Tome II - Famille
( Rapporteur : M. Jean-Louis Lorrain )

Exposé général sur la famille

Travaux de la commission - Audition de :

- Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la CNAF

Tome III - Assurance vieillesse
( Rapporteur : M. Dominique Leclerc)

Exposé général sur l'assurance vieillesse

Travaux de la commission - Auditions de :

- MM. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FSV et du FOREC et Jacques Lenain , directeur ;

- MM. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS et Patrick Hermange, directeur.

Tome IV - Accidents du travail et maladies professionnelles
( Rapporteur : M. André Lardeux)

Exposé général sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Tome V - Examen des articles
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Commentaire des articles et propositions d'amendements

Travaux de la commission - Examen du rapport

Tome VI - Tableau comparatif
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

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