B. REPENSER LES MODALITÉS DE LA COMPENSATION

Les concepteurs de la sécurité sociale français auraient souhaité, au lendemain de la seconde guerre mondiale, faire prévaloir un régime unique sinon unifié d'assurance vieillesse. Cette solution, défendue notamment par Pierre Laroque a été rapidement abandonnée avec le maintien, « à titre provisoire » de régimes spéciaux.

Près de soixante ans plus tard, notre régime de retraite apparaît à la fois complexe, opaque et inégalitaire notamment en raison de ce choix initial et des multiples ajustements intervenus depuis lors. C'est ainsi que la compensation démographique a été créée en 1974, puis celle-ci s'avérant insuffisante, la « surcompensation » mise en place en 1985. Ces deux systèmes représentent des transferts financiers considérables. Ils aboutissent à des résultats paradoxaux et contestables, l'exemple de la CNRACL l'a montré.

a) Le système de retraite français demeure fondamentalement opaque, complexe et inégalitaire

Une complexité croissante depuis 1945

L'explication de ce constat réside dans les origines mêmes de la construction de l'assurance vieillesse, au lendemain de la Libération et dans son évolution ultérieure.

Le plan du Conseil national de la Résistance prévoyait, en effet, la généralisation de l'assurance vieillesse à toute la population, salariés comme non-salariés, sous la forme d'un régime unique. Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 instauraient en conséquence un régime général de sécurité sociale destiné à regrouper l'ensemble de la population active, à l'exception des régimes agricoles dont les particularismes justifiaient un traitement à part.

Mais, rapidement, cette volonté d'unification des régimes fut contrecarrée. Les régimes spéciaux, maintenus « à titre provisoire » par l'ordonnance du 4 octobre, furent pérennisés par un décret du 8 juin 1946. En 1948, les non-salariés non agricoles obtenaient la création d'organismes autonomes susceptibles d'assurer la prise en charge du risque vieillesse pour ces professions.

En 2003, le régime général ne verse que 52 % des prestations sociales vieillesse, le reste étant distribué par environ 100 régimes historiques dont une majorité est toutefois en voie d'extinction.

Le morcellement de l'assurance vieillesse a nécessairement favorisé des écarts de situation entre les assurés. Ils ont porté sur l'ampleur de l'effort contributif à réaliser, tant en termes de cotisation que de durée d'assurance, sur le montant et la nature des prestations servies et sur les garanties minimales.

Panorama des inégalités de l'assurance vieillesse

D'importantes inégalités d'espérance de vie par catégorie socioprofessionnelle subsistent tout d'abord .

Probabilité de décéder entre 35 et 60 ans par catégorie
socioprofessionnelle - espérance de vie à 60 ans

 

Probabilité de décéder entre 35 et 60 ans (en %)

Espérance de vie à 60 ans

 

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Cadres, professions libérales

8,5

4,5

22,5

26,0

Agriculteurs exploitants

10,0

5,5

20,5

24,0

Professions intermédiaires

10,5

4,5

19,5

25,0

Artisans, commerçants, chefs d'entreprise

12,0

5,0

19,5

25,0

Employés

15,5

5,5

19,0

24,0

Ouvriers

16,0

7,0

17,0

23,0

Ensemble (y compris n'ayant jamais travaillé)

15,0

6,5

19,0

23,5

Source : Conseil d'orientation des retraites

Des disparités existent également dans les niveaux de pension en fonction du sexe et de la catégorie socioprofessionnelle . Les faibles retraites sont surtout concentrées parmi les femmes qui n'ont jamais travaillé ou qui ont eu des carrières courtes, parmi certains artisans et commerçants âgés et parmi les anciens agriculteurs.

Les disparités entre les montants des pensions se réduisent au fil du temps sous l'effet de la montée en charge des régimes, du développement de l'activité féminine et de minimums de pension. Elles demeurent toutefois importantes.

Les disparités entre les régimes de retraite sont significatives pour l' âge de la retraite. Et l'effort contributif varie de façon importante entre les régimes.

Comparaison des taux de cotisation après retraitements réalisés par le COR

Catégorie

Taux globaux corrigés (employeur + salarié) en %

Non-cadres du privé

27,8

Cadres du privé

27,1

Non titulaires de la fonction publique

22,0

CNRACL (fonction publique territoriale et hospitalière)

21,7

Civils

38,6

Militaires

81,9

Artisans

22,6

Commerçants

19,7

Professions libérales

*

* Modifié par la loi Fillon, à préciser par voie réglementaire.
Source : COR

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