c) Les retraites des fonctionnaires : un « engagement hors bilan » non provisionné de 700 milliards d'euros
Nous disposons désormais d'une première
évaluation des engagements « hors bilan » de
l'État au titre des retraites de la fonction publique.
Selon le compte général de l'administration des finances (CGAG)
publié en 2003 par le ministère de l'économie, les
engagements de l'État, au titre des retraites des fonctionnaires et des
agents publics relevant de régimes spéciaux se monteraient, fin
2002, à 708 milliards d'euros.
La Direction de la comptabilité publique livre pour la première
fois cette évaluation dont l'interprétation est néanmoins
délicate. Elle signifie que si, l'État devait régler en
une seule fois les pensions versées aux retraités de la fonction
publique jusqu'à leur décès (et les pensions de
réversion afférentes), ainsi que les retraites des actifs dans
l'hypothèse où ils se retireraient, au moment du calcul, le
montant correspondant atteindrait alors l'équivalent de 46 % du PIB.
Il est nécessaire d'apprécier ces chiffres avec prudence, en
premier lieu parce que la méthode consiste à figer la situation
au 31 décembre, sans tenir compte des recrutements futurs ou des
évolutions de carrières, puis à évaluer le
coût jusqu'à extinction des droits. En second lieu, cette
estimation est réalisée à législation constante
à l'horizon de 2100 et avec l'hypothèse d'un taux d'actualisation
de 3 %. Avec un taux de 2 %, la dette implicite serait de
825 milliards et de 615 milliards avec 4 %.
A la différence d'une entreprise privée qui peut faire
faillite, l'État considère ne pas avoir besoin de constituer des
provisions.
D'autres pays comme la Nouvelle-Zélande ou Singapour, où le
budget est présenté comme les comptes d'une entreprise, ont
retenu l'option inverse.
Evaluation des engagements hors bilan
correspondant aux
pensions des fonctionnaires
(en milliards d'euros)
|
Droits directs |
Droits dérivés |
Total |
Civiles |
480 |
73 |
553 |
Militaires |
125 |
30 |
155 |
Total |
605 |
103 |
708 |
Hypothèse de construction : taux d'actualisation
fixé à 3 %.
Source : Direction
générale de la comptabilité publique -
rapport de
présentation du compte général de l'administration des
finances, page 124.
Ce
chiffrage constitue néanmoins un indicateur qui permet d'évaluer
le caractère soutenable des régimes de retraite de la fonction
publique sur le long terme. Si une trop grande divergence entre les sommes
actualisées de revenus et les sommes actualisées des
dépenses se précise, un problème risque
d'apparaître. La publication de ce « hors bilan »
constitue un progrès en matière de transparence
financière. Dans l'hypothèse centrale, les engagements de
retraites de l'État atteindraient ainsi 708 milliards d'euros.
Malgré les précautions prises pour l'interpréter, ce
chiffre est, malgré tout, impressionnant.
Au-delà du débat sur le provisionnement, la croissance des
besoins de financement est une certitude.
Le besoin de transparence est, en effet, renforcé par les perspectives
démographiques et financières inquiétantes des
régimes de retraite de la fonction publique.
Sur la base de l'hypothèse centrale de stabilité des effectifs de
la fonction publique d'État tout au long de la période, les
travaux font apparaître un rapport démographique qui se
détériore très fortement jusqu'en 2020, et un besoin de
financement qui croît assez régulièrement tout au long de
la période et correspond, pour le budget de l'État, à la
nécessité de dégager chaque année près d'un
milliard d'euros supplémentaire par rapport à l'année
précédente.
Cette estimation devra être actualisée pour prendre en compte les
économies réalisées dans le cadre de la réforme
initiée par la loi du 21 août 2003. Ces chiffres illustrent
toutefois la force des tendances spontanées tendant à aboutir
à un besoin de financement croissant dans le temps.
Rapport démographique corrigé
|
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
2020 |
2040 |
CNAV |
1,7 |
1,7 |
1,6 |
1,4 |
1,3 |
1,0 |
Salariés agricoles |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
AGIRC |
2,1 |
2,0 |
1,8 |
1,5 |
1,4 |
0,9 |
ARRCO |
1,7 |
1,8 |
1,8 |
1,5 |
1,4 |
1,0 |
IRCANTEC |
1,6 |
1,3 |
1,0 |
0,8 |
0,6 |
0,3 |
FPE* |
1,6 |
1,4 |
1,2 |
1,1 |
1,0 |
0,9 |
dont civils |
1,9 |
1,6 |
1,3 |
1,2 |
1,1 |
0,9 |
dont militaires |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,6 |
CNRACL |
2,9 |
2,5 |
2,0 |
1,6 |
1,3 |
0,9 |
*
Fonction publique d'État.
Rapport entre le nombre d'actifs et la
somme du nombre de droits directs et la moitié du nombre de droits
dérivés - pensions de réversion et d'orphelin -
dans les différents régimes).
Source : Conseil
d'orientation des Retraites. Premier rapport 2001. Tableau n° 6,
p. 319.
L'évolution des facteurs démographiques est tout aussi
significative.
Les données relatives à la fonction publique de l'État
mettent en évidence que la dégradation du rapport
démographique est pratiquement exclusivement imputable au sous-ensemble
constitué par les fonctionnaires civils (1,9 actifs par
retraité en 2000 - 0,9 en 2040) et que cette
détérioration s'opère pour l'essentiel d'ici 2020 (ratio
de 1,1 en 2020). D'ici 2016, en effet, plus de la moitié des
fonctionnaires aujourd'hui en activité auront pris leur retraite. Il
faut y voir, par delà les évolutions démographiques
générales, l'impact des politiques massives de recrutement
menées dans la fonction publique dans les années 60 et 70.
Ainsi, alors que le flux annuel de pensions d'ayants droit doit passer de
70.000 en 2001 à 85.000 environ en 2003, pour atteindre
95.000 personnes par an dans la période 2007-2009. En 2020, sur la
base de ces projections, le régime des pensions civiles et militaires de
retraite compterait autant de pensionnés que d'actifs.