b) Une survie artificielle largement assurée aujourd'hui par la solidarité nationale
La
difficulté d'équilibrer la situation financière des
régimes spéciaux est fournie par l'exemple de la SNCF en
2003 : pour un montant total de 4,58 milliards d'euros de prestations
versées, les cotisations ne dépassaient pas 1,72 milliard
d'euros soit 38 % du total. Seule la mise à contribution de
l'État pour 2,34 milliards d'euros et de la solidarité
nationale pour 437 millions d'euros au titre de la compensation,
permettent de faire face aux besoins. Ces ressources externes
représentent ainsi respectivement 51,81 % et 9,6 % des produits de la
branche vieillesse de la SNCF.
La contribution de la solidarité nationale
Les prestations de retraite des régimes spéciaux mettent
largement à contribution la « solidarité
nationale », et ce sous toutes ses formes : le contribuable,
l'usager et les salariés des autres régimes.
A la RATP comme à la SNCF, les ressources propres du régime de
retraite spécial, c'est-à-dire les cotisations sociales, ne
couvrent que moins de 40 % des prestations servies. Le solde est donc
financé par des ressources externes ou par des cotisations fictives de
l'employeur.
Régimes bénéficiant d'une subvention budgétaire |
Régimes bénéficiant d'une subvention d'entreprise |
- SNCF |
- RATP |
- Mines |
- EGF |
- ENIM (marins) |
- Banque de France |
- SEITA |
|
- FSPOIE |
Une insuffisance de financement structurelle
En matière d'assurance vieillesse, l'effort contributif demandé
aux actifs et à leurs employeurs diffère d'un régime
à l'autre.
L'effort contributif des salariés est généralement facile
à appréhender dans la mesure où il correspond
habituellement au taux de la cotisation vieillesse prélevée sur
le salaire. Les salariés relevant des régimes spéciaux ou
assimilés acquittent leur part de cotisations d'assurance vieillesse
selon le pourcentage principal de 7,85 % (fonctionnaire de l'État,
des collectivités territoriales et des établissements publics de
santé, mineurs, personnels de la RATP et de la SNCF, agents de
l'Opéra de Paris et de la Comédie française, ouvriers de
l'État notamment). Les taux concernant certaines professions sont
toutefois plus élevés. C'est par exemple le cas des marins et des
employés et clercs de notaires.
L'effort contributif des employeurs des régimes spéciaux est
en revanche très difficile à mesurer.
La très grande
opacité qui régit la présentation comptable de ces
contributions ne facilite pas l'analyse.
Il n'existe aujourd'hui aucun moyen de connaître
précisément la situation réelle des régimes
spéciaux, dont le financement est assuré par des cotisations
fictives d'employeur ou par une subvention d'équilibre : leur solde
est, par définition, toujours nul.
Les cotisations fictives mesurent la contribution des employeurs au financement
des régimes d'assurance sociale qu'ils organisent eux-mêmes pour
leurs propres salariés ou ayants droit. Selon les règles de la
comptabilité nationale, les cotisations fictives équivalent aux
cotisations que paierait l'employeur s'il existait un régime d'assurance
sociale distinct. Elles sont évaluées par le montant des
prestations directes versées, net de la retenue éventuellement
demandée aux salariés et, le cas échéant, des
transferts reçus de l'État et des versements au titre de la
compensation.
L'exemple du régime spécial de retraite de la SNCF
Le régime spécial de la SNCF a été
étudié par la Cour des comptes dans son rapport annuel au
Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1997.
Les cotisations constituent moins de 40 % des recettes (38 % en 2003
contre 31,4 % en 1995). Pour le reste, les recettes proviennent de sources
extérieures : les compensations tiennent une part
décroissante (9,6 % en 2003 contre 18 % en 1995) tandis que la
subvention de l'État, relativement stable (2,345 millions d'euros par
an) contribue pour plus de la moitié du total (51,8 % en 2003
contre 48,9 % en 1995).
L'exemple du régime spécial de retraite de la RATP
Le régime spécial de la RATP a également été
étudié par la Cour des comptes dans son rapport annuel au
parlement sur la sécurité sociale de septembre 1997.
S'agissant du financement des retraites de ce régime, les
dépenses ont atteint 714,1 millions d'euros en 2003 ; dans le
même temps, les cotisations salariales (au taux de 7,85 %) et
d'assurance vieillesse n'ont représenté que 271,8 millions
d'euros, soit 38 % du total des dépenses.
Il existe donc une insuffisance de financement structurelle, comblée par
une dotation complémentaire de la Régie. La Régie a ainsi
affecté, au titre de 2003, 439,9 millions d'euros en insuffisance
du compte retraites, soit 62 % des dépenses de pensions de
l'année correspondante.
S'il est tenu compte des retenues sur salaires, des contributions
théoriques de l'employeur et du versement permettant d'équilibrer
« le compte de retraites », et si ce montant est
comparé à celui de la masse salariale assujettissable à
cotisation de retraites, l'effort contributif de la RATP s'établissait
selon la Cour des comptes à 54,48 %.
D'autres régimes spéciaux sont financés pour l'essentiel
par les contributions des employeurs comme par exemple celui de la Banque de
France (cotisations fictives en 1997 : 74 % des ressources).
Tableau comparatif : Structure des recettes des
quatre
principaux régimes spéciaux de retraite en 2003
(en millions d'euros)
Régime des mines |
EDF/GDF |
SNCF |
RATP |
Produits totaux : 2.378 (100 %) |
Produits totaux : 3.196,5 (100 %) |
Produits totaux : 4.521,8 (100 %) |
Produits totaux : 714,1 (100 %) |
Cotisations sociales : 76 (3,2 %) |
Cotisations patronales : 2.581,3 (80,7 %) |
Cotisations sociales : 1.716,9 (38 %) |
Cotisations sociales : 271,8 (38 %) |
Compensations : 1.441,5 (60,6 %) |
Cotisations salariales : 339,6 (10,6 %) |
Compensations 437 : (9,6 %) |
Cotisations sociales fictive employeur : 439,9 (61,6 %) |
Contributions publiques : 580 (24,4 %) |
Contributions publiques : 269,0 (8,4 %) |
Contributions publiques 2.345 : (51,8 %) |
|
Autres et divers : 280,5 (11,8 %) |
Autres et divers : 6,6 (NS) |
Autres et divers : 22,9 (NS) |
Autres et divers : 2,4 (NS) |
Source : CCSS septembre 2003
Difficiles à évaluer, les contributions des employeurs apparaissent variables selon les régimes. Les difficultés prévisibles dues au vieillissement de la pyramide démographique et l'importance des montants en cause rendent plus que jamais nécessaire l'établissement, pour chaque régime, d'un document annuel détaillé retraçant la totalité des dépenses par risque et les sources de leur financement.