C. LE SOUTIEN À LA FLOTTE DE COMMERCE

La flotte de commerce s'est établie à 205 navires au 1 er juillet 2003. Elle occupe le 29 ème rang mondial en 2003 : en 1945, la France était la quatrième puissance maritime mondiale.

A titre de comparaison, les flottes européennes représentaient au début de l'année 2002, 13,7 % du tonnage mondial et la flotte sous pavillon français ne représentait que 0,4 % de ce total . Selon le dernier rapport de la CNUCED, la France a généré 5,1 % de la valeur du commerce mondial en 2001 avec une flotte représentant 0,75 % du tonnage de port en lourd mondial.

Le déclin du pavillon français est considérable et lié notamment à son coût , trois à quatre fois plus élevé que celui d'un pavillon de complaisance. Il comporte pourtant des avantages réels en termes de sécurité. Par ailleurs, la protection sociale des marins français s'avère nettement meilleure que celle, quasiment inexistante des marins naviguant sur pavillons de complaisance. En 1987 a été créé un « registre bis » dit de Kerguelen dans un objectif de compétitivité et d'attractivité. Ce registre, qui constitue aujourd'hui le principal registre de la flotte de commerce française n'a pas réellement tenu ses promesses. C'est pourquoi le gouvernement à la suite au rapport précité de notre collègue Henri de Richemont : « Un pavillon attractif, un cabotage crédible 9( * ) » envisage de lui substituer un nouveau registre en s'inspirant des registres bis des voisins européens dont la flotte a mieux résisté que la flotte française au cours des dernières années. L'encadré ci-dessous résume les principales préconisations  de ce rapport :

Principales propositions du rapport Richemont sur le registre international français (RIF)

D'après le rapport Richemont, un registre est compétitif à condition de bénéficier des éléments suivants :

- l'appui à l'acquisition de navires 10( * ) : le pavillon national doit disposer d'une lotte jeune et compétitive ;

- les facilités d'entrée en flotte : les pouvoirs publics doivent aider les armateurs à s'intéresser au pavillon national ;

- les coûts d'exploitations liés à l'équipage et aux frais généraux doivent être similaires aux autres pavillons européens.

Un registre est attractif dès lors qu'il offre :

- une protection diplomatique et militaire liée au pavillon ;

- la possibilité de recruter des personnels bien formés ;

- une sécurité juridique en matière de gestion des personnels embarqués.

Même si tout dépend de la « volonté commerciale », le choix d'un pavillon repose finalement sur l'analyse par un armateur des trois régimes découlant de ce même pavillon :

- le régime fiscal du pavillon ;

- le régime social du pavillon ;

- le régime administratif du pavillon.

Si le régime fiscal est plutôt satisfaisant, ou plus précisément n'entraîne pas de surcoûts par rapport à d'autres registres concurrents, l'expérience française a souligné les faiblesses du régime social (les incertitudes pesant sur le registre Kerguelen nuisent à la sécurité juridique de l'armement) et les lourdeurs et coûts du régime administratif.

Ceci étant, les propositions retenues dans le rapport concernant la création d'un nouveau registre international français (RIF) sont les suivantes :

1. Améliorer les procédures d'entrée en flotte pour ne pas en faire un élément dissuasif

Les pouvoirs publics doivent réfléchir à la possibilité de constituer un guichet unique en matière d'immatriculation et de francisation des navires de commerce.

2. Armateurs et pouvoirs publics doivent constituer une brochure d'information

Il est proposé la mise en place d'un nouveau registre, le RIF, qui ne signifie pas pour autant la disparition des autres registres. Ce RIF se substituerait au registre Kerguelen en ce qui concerne les navires de commerce.

3. Les conditions économiques d'un régime attractif attribué au RIF

L'exonération des charges sociales patronales doit être préféré au système de remboursement des charges sociales patronales. Mesures de simplification administrative, elle s'inspire de la pratique constatée dans l'autres Etats de l'Union européenne.

L'exonération fiscale des revenues de navigants travaillant sur des navires inscrits au RIF est de nature à rendre le métier de navigant plus attractif tout en invitant les parties à une négociation salariale dans un contexte de compétition économique accrue.

4. Un registre aussi compétitif et attractif que les autres registres européens impose de revoir les règles d'équipage

Il convient de maintenir l'exigence minimale d'un capitaine et d'un officier suppléant de nationalité française.

Il faut abandonner toute contrainte en terme de quota de navigants communautaires

Le recours légal au manning (autorisation d'embaucher les marins étrangers par l'intermédiaire de sociétés de placement) est nécessaire pour placer les armements français au même niveau de compétition économique tout en offrant une sécurité juridique. Elle s'impose en raison des pratiques constatées dans les autres pays développés.

Les pouvoirs publics doivent aider les armements à développer une formation adaptée dans des pays notamment francophones.

5. Un pavillon soucieux de la formation des gens de mer

La formation doit être un impératif : le pavillon français doit être une référence en la matière ;

La formation a un coût : il faut réfléchir à l'équité de son financement et à la fidélisation des navigants.

6. Seules les compagnies d'armement s'engageant à respecter els normes sociales internationales en vigueur dans le domaine maritime pourront enregistrer leurs navires sous le RIF.

Le pavillon national ne peut pas se permettre d'avoir des navigants sous-payés. Les normes OIT et les normes sociales internationales habituellement en vigueur dans les autres registres européens doivent être adoptées impérativement par les armements inscrits au RIF.

7. Le succès du nouveau pavillon est conditionné par la mise en oeuvre de toutes les propositions précitées.

Les propositions présentées dans ce rapport ne constituent pas un catalogue de mesures parmi lesquelles le gouvernement pourrait choisir l'une ou l'autre.

Le nouveau Registre International Français ne pourra atteindre l'objectif recherché et développer l'emploi tout en permettant à la France de redevenir une puissance maritime que si l'intégralité des mesures proposées dans ce rapport sont retenues et mises en oeuvre.

Ce registre, actuellement à l'étude, s'inspirerait des propositions évoquées ci-dessus: l'équipage comprendrait obligatoirement un capitaine et un suppléant français ; le salaire des navigants serait défiscalisé et une exonération des charges patronales instaurée ; les marins non européens pourraient être embauchés par des sociétés de placement et bénéficieraient d'une protection sociale aux normes européennes.

En attendant la mise en place d'une telle réforme, le dispositif des GIE fiscaux qui favorise l'investissement maritime est maintenu . D'après le « rapport Richemont » précité, il donne satisfaction aux armateurs : « Sans l'existence de ce GIE fiscal, l'entrée en flotte sous pavillon national aurait été reconsidéré 11( * ) ». Par ailleurs les allègements de charges  sont également reconduits : remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle et remboursement des contributions sociales patronales aux armateurs opérant des navires battant pavillon français et soumis à la concurrence.

Le projet de loi de finances pour 2004 maintient ce dispositif mais il est à craindre que les dotations soient insuffisantes pour permettre à l'Etat d'honorer ses engagements. Nombres de demandes de remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle sont à ce jour en instance, certaines portant sur des années antérieures à 2001. La transformation du remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle en un dégrèvement introduite par la loi de finances pour 2003 et applicable dès cette année devrait améliorer l'application de ce dispositif.

Le remboursement des contributions sociales a été en principe étendu aux charges d'allocations familiales et de chômage par la loi de finances pour 2001. Le dispositif n'a été appliqué qu'en 2003, et sur une partie seulement de ces charges (30 %). Les dotations prévues dans le projet de loi de finances pour 2004 étant en baisse de 4 %, la situation ne risque pas d'évoluer favorablement en 2004.

Enfin, le dispositif de taxation forfaitaire au tonnage 12( * ) pour les armateurs de commerce introduit par la loi de finances pour 2003 et qui se substituera à l'impôt sur les bénéfices 13( * ) , a reçu l'aval de la commission européenne. L'instruction fiscale nécessaire à son application devrait être publiée au début de l'année prochaine, avant le dépôt des déclarations d'entreprises en 2004. Cette mesure, demandée avec vigueur par la profession depuis plusieurs années, vise à harmoniser la fiscalité française avec celle de nos principaux voisins européens, et plus généralement avec les pratiques mondiales, 70% de la flotte mondiale bénéficiant de ce mode d'imposition. Le coût de cette mesure est estimé pour 2004 à 9 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial tient à préciser que la taxe au tonnage, réclamée avec vigueur par les armateurs français depuis des années, ne semble pas constituer un progrès sur le plan social, comme en témoigne l'exemple de la Grande-Bretagne, qui a introduit ce dispositif en 2000.


L'aide de l'Etat doit être poursuivie et amplifiée. Le déclin du pavillon français n'est pas inéluctable, comme le montre la croissance constante de la flotte des Pays-Bas. La France demeurait avec la Suède le seul pays à pratiquer une fiscalité pénalisante : espérons que les réformes en cours et envisagées permettront à la flotte française de sortir de la situation d'immobilisme qui la caractérise depuis quelques années.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page