3. Les propositions du « rapport Espéret »

C'est dans le double contexte de critiques adressées aux modalités actuelles de gestion des enseignants-chercheurs, d'une part, de la perspectives d'un renouvellement important des corps d'enseignants-chercheurs au cours de la prochaine décennie, d'autre part, qu'une commission instituée par le ministre de l'Education nationale, animée par M. Eric Espéret, président de l'université de Poitiers, et composée notamment de représentants de toutes les directions du ministère concernées, a remis en juillet 2001 un rapport intitulé « nouvelle définition des tâches des enseignants et des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur français ».

L'état des lieux
dressé par le rapport était le suivant :

- « à l'heure où la demande sociale à l'égard de l'enseignement supérieur se fait plus forte, au travers notamment des besoins d'une « formation tout au long de la vie » ou d'une recherche très performante, il est devenu nécessaire de dresser un bilan de la situation d'une partie de ses personnels et de proposer quelques scénarios permettant au service public de l'enseignement supérieur de faire face aux nouveaux défis. Il est d'autant plus urgent de le faire maintenant que de très nombreux recrutements seront réalisés dans les années à venir pour compenser les départs en retraite (renouvellement de la moitié des enseignants en dix ans) et que certains signes laissent à penser que, dans plusieurs secteurs disciplinaires, l'attractivité relative des métiers de l'enseignement supérieur s'affaiblit » ;

- certaines tâches (relations internationales, contribution au développement local, valorisation de la recherche, expertise, évaluation des formations, ont pris une importance nouvelle (en temps et en coût). En outre les enseignants sont confrontés au développement des besoins des étudiants (encadrement accru, suivi des stages, aide à l'insertion professionnelle, appui à l'orientation, etc.) et la transformation des activités de formation (vers l'ingénierie de formation, la formation continue, la formation à distance ou la validation des acquis professionnels). Enfin, certaines fonctions de responsabilité (directeurs de composantes, de services transversaux, d'écoles doctorales, etc.) sont appelées à se professionnaliser. Or ces évolutions ne sont quasiment pas prises en compte dans les déroulements de carrière et « cette situation est de plus en plus mal ressentie par les intéressés, qui ont le sentiment de sacrifier leur carrière quand ils acceptent de responsabilités dans leur établissement. Il faut savoir aussi que la politique ambitieuse du ministère de l'Education nationale en matière d'organisation des enseignements (semestrialisation, découpage des formations en crédits, mise en place de stages, direction d'études...) et de suivi des étudiants ne pourra mobiliser les enseignants-chercheurs que si le travail important qui leur est demandé est réellement apprécié et valorisé et surtout ne compromet pas leur carrière » ;

- le système statutaire de définition des obligations de service n'apparaît « malheureusement plus adapté au métier actuel des enseignants du supérieur » . En particulier, « le système actuel de primes et décharges, bien qu'ayant récemment évolué, ne répond que très partiellement aux changements constatés et aux nécessités d'adaptation dans la conception des services. Ses modalités d'attribution et de convertibilité seulement partielle en décharge de service empêche une adaptation de qualité au fonctionnement des établissements ... Pratiquement tous les établissements, en France, sont menés à compenser partiellement les charges nouvelles par des artifices plus ou moins réglementaire... et il devient de plus en plus difficile de trouver des « volontaires » pour assurer ces tâches, souvent sans impact réel sur les promotions ou les rémunérations » ;

Les conclusions du rapport Espéret étaient ainsi les suivantes :

- « ... il est urgent de revoir la liste des tâches officiellement (statutairement) prises en compte, afin que la nouvelle définition des services permette de mieux assurer les différentes missions listées » ;

- cependant « toutes les tâches apparues dans l'université n'ont pas à être effectuées par des enseignants-chercheurs ». En effet, le rapport relèvait une certaine confusion des tâches : glissement des fonctions de décision et de conception dévolues aux président d'université et aux directeurs d'UFR vers leur mise en oeuvre administrative, ce qui « suscite un malaise de la part des personnels « dépossédés » de leurs responsabilités spécifiques, démotivation, et même parfois, conflits ». De même « la passion peut parfois entraîner certains enseignants-chercheurs à installer eux-mêmes des applications ou à gérer des systèmes et réseaux alors que des spécialistes pourraient en être chargés [et] bien d'autres tâches relèvent de personnels non-enseignants que des enseignants-chercheurs conservent parfois jalousement : c'est le cas de l'acquisition et de la gestion de certains matériels, de la recherche de partenariats ou de financements. Les enseignants-chercheurs ne peuvent pas être exclus de ces activités, mais il faudrait que les habitudes de travail en équipe se développent, permettant à chacun, en fonction de sa qualification, de concourir à la réalisation des projets de l'établissement » ;

- mais « il est vrai que les enseignants-chercheurs sont parfois contraints de se substituer à des spécialistes qui peuvent faire défaut au sein de l'université... La réponse aux charges nouvelles... n'est donc pas toute située dans une nouvelle définition des services ou un assouplissement des régimes indemnitaires et de décharges, elle réside aussi dans la dotation suffisante, qualitative et quantitative, des établissements en personnels IATOS ».

En conséquence, le rapport formulait les propositions suivantes :

- « l'intégration, dans les charges statutairement définies, des tâches nouvelles : formation à distance, suivi individualisé (tutorat, stages, projets tutorés), valorisation de la recherche, responsabilité de filières ou administrative, etc. selon un tableau d'équivalence (volume horaire) établi par l'établissement ;

- l'affichage et le vote, par chaque établissement, de ce tableau d'équivalence des tâches (anciennes et nouvelles), dans le cadre d'une liste définie nationalement, liste comportant éventuellement des fourchettes horaires (minima et maxima autorisés) pour chaque type de tâche retenue ;

- le maintien d'une norme (référentiel national) relative à la charge statutaire de travail (192 heures d'enseignement ou 1.600 heures de travail total), servant de base au contrat individuel de service
;

- la mise en place d'un contrat pluriannuel, entre chaque enseignant et son établissement, avec compensation possible des tâches entre elles, sur la base du tableau d'équivalence évoqué, contrat faisant l'objet d'un bilan et d'une évaluation par des instances à préciser ;

- ... une décharge partielle de service, systématique, pour les enseignants débutants ... ;

- ... la suppression de la distinction entre travaux pratiques et travaux dirigés ... ;

- la fongibilité totale des différentes catégories de primes permettant indifféremment le paiement, soit de primes, soit d'heures complémentaires (pour dépassement du référentiel national ou compensation d'une décharge), sous la forme d'une enveloppe globale attribuée à l'établissement ;

- l'attribution à l'établissement d'une enveloppe complémentaire forfaitaire (par exemple au prorata de l'équivalent budgétaire de la dotation théorique en postes, modulé par l'écart entre cette dotation théorique et la dotation réelle)
».

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