4. Les suites données au rapport Espéret
En
réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial, le
ministère précise que
les seules suites données
à ce jour au rapport de M. Espéret sont les suivantes :
«
- l'assouplissement du congé pour recherches ou
conversions thématiques (CRCT), qui, auparavant, avait une durée
fixe de six mois ou d'un an et n'était attribuable aux
enseignants-chercheurs qu'après six ans de fonctions. Désormais,
les 720 CRCT attribués par les établissements (soit 80 %
d'entre eux) continuent d'avoir une durée maximale de douze mois mais
pourront être fractionnés en petites périodes sur plusieurs
années dans la limite de six ans. Cette disposition a notamment pour
effet de permettre à de nouveaux maîtres de conférences qui
viennent d'être recrutés d'obtenir un allègement partiel de
leur service d'enseignement et de pouvoir consacrer plus de temps à
leurs recherches ;
- la fongibilité des crédits indemnitaires également
préconisée par le rapport Espéret est partiellement
réalisée depuis le 1
er
septembre 2002 avec la
globalisation sur la dotation globale de fonctionnement (chapitre 36-11) des
crédits afférents aux primes de charges administratives et de
responsabilités pédagogiques (toutes deux convertibles en
décharges de service) et des crédits correspondants à la
rémunération des heures complémentaires. Les
établissements disposent ainsi d'une marge de manoeuvre
appréciable pour rémunérer les fonctions administratives,
les responsabilités pédagogiques autres que d'enseignement (TIC,
suivi de stages, projets tutorés...) et les compenser, en cas de
décharge d'enseignement par le paiement d'heures complémentaires
ou de vacations en cas de besoin
».
5. Les propositions du « rapport Belloc »
M.
Luc Ferry, ministre de la Jeunesse, de l'éducation nationale et de la
recherche a par ailleurs chargé en avril 2003 à M. Bernard Belloc
de «
conduire une réflexion
» sur les autres
aspects du rapport Espéret.
Remis en octobre 2003
, le rapport de M. Belloc prolonge tout d'abord les
constats
précédents :
«
Les comparaisons internationales, rappelées aussi dans
le « Rapport Espéret », montrent que notre pays est
pratiquement le seul à définir une norme nationale en ce qui
concerne le service statutaire des enseignants chercheurs
. Ceci
présente certes l'avantage de la simplicité apparente et de la
comparabilité théorique des services faits, mais ne correspond
plus ni à la très grande diversité des tâches que
l'on attend des enseignants chercheurs, ni à la différenciation
des services qui s'instaure de facto pratiquement sans aucune régulation
entre les enseignants chercheurs, au gré des opportunités et des
besoins locaux, des aspirations et des compétences des personnels. Il
faut bien aussi briser la loi du silence et reconnaître que les
enseignants chercheurs ont des capacités différentes à
exercer avec talent et dans la durée toutes les facettes de leur
métier. Cette uniformité pénalise le service public car
elle ne lui permet ni de bénéficier pleinement de toutes les
compétences ni de mettre en oeuvre toutes les énergies de ses
personnels. Elle pénalise aussi ces derniers car toutes les missions qui
leur sont confiées ne sont pas reconnues et ne sont donc par
conséquent pas valorisées à un niveau convenable. Il faut
rendre possible une certaine diversification des services effectués par
les enseignants chercheurs, tout en restant dans un cadre national de
référence qui permette de valoriser équitablement toutes
les facettes de leur métier...
».
«
Les activités de recherche ne font actuellement pas
l'objet d'une évaluation individuelle pour chacun des enseignants
chercheurs
. Seuls ceux qui sont candidats à une
élection à l'IUF, ou sont membres d'une équipe mixte
université organisme de recherche ou accréditée par la
direction de la recherche, ou sont candidats à une prime d'encadrement
doctoral et de recherche, ou encore à un avancement au choix sont
évalués individuellement. Malgré la très large
couverture que semble offrir ce dispositif, beaucoup d'enseignants chercheurs
ne sont quasiment jamais évalués pour leur recherche et ceci en
grande partie parce que ce sont les mêmes enseignants chercheurs qui sont
membres d'une équipe accréditée et postulants à une
prime d'encadrement doctoral et de recherche ou à un avancement au
choix. Les autres se trouvent ainsi en dehors de tout dispositif
d'évaluation de leur activité de recherche. Cela
décrédibilise la recherche universitaire et peut finalement aussi
pénaliser les enseignants chercheurs eux-mêmes
».
Les principales propositions présentées par M. Belloc
consistent tout d'abord :
- d'une part, à «
classer en trois
catégories les tâches qui peuvent être demandées
statutairement aux enseignants chercheurs
: des
activités
formelles
d'enseignement
, sans distinguo entre
formation en présence d'étudiants ou à distance, initiale
ou continue (ces distinguos ont conduit au fiasco que l'on sait en ce qui
concerne la formation continue à l'université et risquent
désormais de conduire au même fiasco en ce qui concerne
l'utilisation des technologies de l'information et de la communication pour
l'enseignement) ; des
activités d'animation et de
responsabilités c
ollectives, qui correspondent par exemple à
des activités de responsables d'équipes pédagogiques,
d'accueil de nouveaux publics, de tâches d'ingénierie
pédagogique, de valorisation de la recherche, de montage de programmes
internationaux, etc. ; et les
activités de recherche
, y
compris de direction de thèses (ces activités doivent se
dérouler dans le cadre des missions confiées à la
recherche publique, mais peuvent naturellement comporter des partenariats et
des actions avec des institutions qui ne relèvent pas du secteur public,
pourvu que cela soit fait dans le cadre d'une convention dûment
ratifiée par les instances des
établissements)
» ;
- d'autre part,
à créer
« trois niveaux de
certification des activités recherche: un niveau
supérieur
correspondant à l'actuel dispositif IUF
(Institut Universitaire de France) ; un niveau intensif, correspondant
formellement à l'actuel dispositif de la prime d'encadrement doctoral et
de recherche, et un niveau standard, correspondant à un niveau minimal
de l'activité de recherche
».
«
A partir de cet ensemble d'éléments, le service de
base d'un enseignant chercheur est défini par 192 heures
équivalents TD en activités formelles d'enseignement, plus au
moins une activité d'animation et de responsabilité collectives
prises dans la liste établie nationalement, plus des activités
recherche ayant une certification standard au moins.
Toutefois le service statutaire des enseignants chercheurs ayant une
certification de leurs activités de recherche de niveau intensif ou
supérieur peut ne pas comprendre d'activités d'animation et de
responsabilités collectives, de même que le service statuaire
d'enseignants chercheurs ayant une implication suffisante dans les
activités d'animation et de responsabilités collectives peut ne
pas nécessiter une certification des activités de recherche.
Naturellement dans ces deux derniers cas, la rémunération de ce
service inclura le paiement des heures équivalent TD relatives aux
activités d'animation et de responsabilités collectives, ainsi
que celles relatives aux activités de recherche. Tout service allant
au-delà de ces services de base est considéré comme
ouvrant droit à une rémunération complémentaire
sous forme de paiement d'heures complémentaires et/ou de décharge
d'activités formelles d'enseignement, dans des limites données et
selon un mécanisme qui oblige chaque enseignant chercheur à
effectuer au moins entre le tiers et la moitié des 192 heures de
référence d'activités formelles d'enseignement. Cette
limitation des décharges semble nécessaire pour éviter que
des universitaires ne se coupent par trop des étudiants et de
l'enseignement.
Pour les personnels n'ayant pas au moins une activité d'animation et de
responsabilités collectives et une certification au moins standard de
leur activité de recherche, il est proposé qu'ils effectuent un
service de 384 heures équivalents TD d'activités formelles
d'enseignement, à moins que sous la responsabilité du chef
d'établissement et après consultation des instances de
l'université, ils n'acceptent de se voir confier des missions
d'intérêt général au service de
l'établissement
».
Quoi qu'il en soit, le « rapport Belloc » précise
par ailleurs : «
il n'est pas inutile non plus de
rappeler
ici le niveau relativement faible de la rémunération des
enseignants chercheurs
en regard de la durée des études
nécessaires à l'accès aux corps concernés, de leur
caractère extrêmement sélectif au total et des très
grandes compétences scientifiques, pédagogiques et d'animation
qui sont ensuite déployées par beaucoup de personnels. Si une
poignée d'enseignants chercheurs (les Professeurs de classe
exceptionnelle) accède aux plus hauts niveaux indiciaires de la fonction
publique, la rémunération de tous reste cependant à des
niveaux modestes eu égard aux compétences mises en oeuvre. Si
l'on tient compte des primes et des divers compléments de
rémunérations dont bénéficient d'autres personnels
de la fonction publique, le constat est sans appel. C'est également et
étonnamment vrai même si l'on restreint la comparaison aux
personnels enseignants de l'éducation nationale. Ce constat devient
accablant lorsqu'on procède par comparaison avec de nombreux autres pays
de niveau de développement comparable. Il ne s'agit pas de mettre en
avant une revendication corporatiste, mais tout simplement de reconnaître
que sans incitations appropriées il n'y a aucune raison, dans le secteur
universitaire comme dans d'autres, de s'attendre à un investissement
massif et durable des personnels. Bien entendu ces propos ne peuvent être
tenus de façon responsable sans immédiatement afficher la
nécessité d'une évaluation rigoureuse et
systématique de l'activité des enseignants chercheurs, dans un
cadre qui garantisse la plus parfaite équité pour tous. C'est
l'existence même de cette évaluation qui rendra crédible
toute demande d'amélioration des rémunérations et des
déroulements de carrière
».