Article 43
(art. L. 247-1
à L. 247-3 nouveaux du code de l'action sociale
et des
familles)
Mise en place d'un suivi statistique de la population
handicapée
Objet : Cet article vise à assurer la disponibilité des informations statistiques liées à la situation des personnes handicapées.
I - Le dispositif proposé
a) Les données actuellement disponibles sur le handicap
Le dispositif statistique actuel sur le handicap est constitué de données provenant d'une part de documents administratifs, indispensables pour suivre le fonctionnement des dispositifs, d'autre part, d'enquêtes menées auprès des personnes.
1. Les statistiques administratives
Des statistiques annuelles permettent de rendre compte du fonctionnement des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES) et des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP). Elles sont collectées et agrégées au niveau national par la DREES. Elles portent sur le nombre de personnes accueillies, les décisions prises par les commissions (attribution d'allocations, de carte d'invalidité, orientations...), mais n'informent pas actuellement sur le type, la gravité et l'origine du handicap.
Les autres données issues des sources administratives portent à la fois sur les capacités d'accueil et de prise en charge et sur les prestations sociales, l'emploi des personnes handicapées et la scolarisation des enfants.
Des statistiques sur les établissements et services médicaux sociaux (ES) sont, en outre, réalisées périodiquement par la DREES. A partir d'enquêtes réalisées tous les quatre ou cinq ans, elles décrivent les caractéristiques sociodémographiques des populations accueillies. La dernière enquête, portant sur la situation au 31 décembre 2001, a d'ores et déjà donné lieu à une étude décrivant les enfants accueillis en établissement ou bénéficiant d'un service d'aide à domicile (âge, sexe, déficience, mode de prise en charge, devenir à la sortie de l'établissement, etc.), qui sera publiée prochainement. Outre ces descriptions d'ensemble des populations accueillies, cette enquête donnera également lieu à des exploitations spécifiques portant notamment sur les enfants en institut de rééducation, sur les maintiens en établissement pour enfants au titre de l'amendement Creton ou sur la poursuite de la réduction globale des disparités d'implantation des établissements médico-sociaux, que l'enquête précédente du 31 décembre 1997 avait permis de mettre en évidence.
Le suivi de la scolarisation des enfants handicapés est assuré par des enquêtes annuelles auprès des établissements des premier et second degrés et de l'enseignement supérieur. Ces enquêtes sont réalisées par le ministère de l'éducation nationale. Afin de procéder au rapprochement de ces enquêtes et de l'enquête ES, des collaborations interministérielles ont été mises en place : la cellule créée par le plan Handiscol a publié un état des lieux chiffré de la scolarisation des enfants et adolescents handicapés, qui devrait être réactualisé périodiquement.
Les allocations pour les personnes handicapées (AAH et AES) sont par ailleurs versées par les caisses d'allocations familiales qui disposent à ce titre des données portant sur le montant des allocations et les caractéristiques des bénéficiaires (âge et sexe).
Enfin, les statistiques sur l'emploi des personnes handicapées sont réalisées par la DARES (ministère de l'emploi) à partir des déclarations annuelles des entreprises de plus de vingt salariés soumises à l'obligation d'emploi des personnes handicapées. Des statistiques annuelles de gestion des centres d'aides par le travail (CAT) sont également disponibles.
2. Les enquêtes spécifiques
Les limites actuelles des données administratives sur les déficiences et sur l'environnement socio-économique des personnes handicapées ont conduit à mettre en place des enquêtes en population générale de grande ampleur éclairant ces questions. Au premier rang de celles-ci figure l'enquête handicap-incapacité-dépendance (HID) réalisée sous l'égide de l'INSEE en 1998 et 1999 auprès de 17.000 individus en ménage et 15.000 en institution. Le premier objectif de cette enquête était de fournir des données de cadrage couvrant l'ensemble de la population. Cette enquête a également constitué, à n'en pas douter, un progrès majeur dans la connaissance des processus allant des déficiences aux incapacités et aux désavantages. Son angle d'approche, plus social que médical, permet une description très riche des situations individuelles ; menée en population générale, elle offre une possibilité de comparaison des conditions de vie des personnes déclarant des difficultés et de celles qui n'en ont pas. Par exemple, des études ont pu être menées sur les aides humaines apportées aux personnes handicapées, sur l'utilisation des matériels de compensation, sur les difficultés d'accès à l'emploi des personnes présentant des incapacités.
En outre, la préparation et l'exploitation de l'enquête HID ont eu un impact fédérateur en matière d'études et de recherche dans le champ du handicap. Dès la préparation de l'enquête, un effort important de structuration de ce champ a été amorcé par l'implication de nombreux chercheurs. Cet effort a ensuite été poursuivi au cours de la phase d'exploitation : plusieurs appels d'offre associant la DREES, l'INSERM et le CNRS ont permis de développer des exploitations diversifiées de HID ; la convention pluriannuelle d'objectifs DRESS-DGAS-CTNERHI (Centre technique national d'études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations) comprend également plusieurs programmes d'exploitation de l'enquête.
Autre enquête menée en population générale, l'enquête emploi conduite régulièrement par l'INSEE, a été enrichie en mars 2002 d'un module « handicap ». Cette approche permet de disposer à la fois d'une description des difficultés des personnes et de l'éventuelle reconnaissance administrative de leur handicap. Elle autorise également les comparaisons avec l'ensemble de la population. Cette enquête, actuellement conjointement exploitée par la DARES et la DREES, permettra par exemple des analyses novatrices sur la situation des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés par rapport à l'emploi ou sur la transition entre activité et retraite pour les travailleurs handicapés.
b) Une information à améliorer
Toutefois, si l'information statistique, on le voit, ne fait pas défaut, elle reste partielle et émane d'organismes dont les objectifs ne sont pas identiques et qui retiennent par conséquent des critères de dénombrement différents. Aussi, notamment avec la prise en compte ou non des personnes âgées dépendantes, les estimations de la population handicapée varient aujourd'hui de 1,8 million de personnes à plus de 22 millions.
Sans remettre en cause l'utilité de ces enquêtes sur certains points spécifiques, il est apparu nécessaire de mettre en oeuvre un recueil régulier des informations relatives aux personnes handicapées, afin que le ministre chargé des affaires sociales dispose de données exhaustives et actualisées sur ce sujet.
Tel est l'objet du présent article qui introduit trois nouveaux articles au titre IV du livre II du code de l'action sociale et des familles, relatif aux personnes handicapées.
L'article L. 247-1 nouveau dispose ainsi que les données agrégées relatives aux décisions prises par les commissions départementales des droits et de l'autonomie des personnes handicapées sont transmises au ministre chargé des affaires sociales.
Aux termes de l'article L. 247-2 nouveau, les données agrégées portant sur les prestations versées à la suite d'une décision de la commission susmentionnée et sur les caractéristiques des bénéficiaires font également l'objet de cette transmission par les organismes en charge de ces prestations.
L'article L. 247-3 nouveau précise enfin que ces informations sont transmises à des fins de constitution d'échantillons représentatifs, qui serviront de base aux études relatives à la situation des personnes handicapées et à leur insertion sociale.
Si ces informations permettent l'identification des personnes auxquelles elles s'appliquent, elles ne peuvent faire l'objet d'aucune communication de la part du ministère chargé des affaires sociales.
Les agents du service statistique du ministère qui ont à connaître ces données sont en outre soumis au secret professionnel par application de l'article 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.
Par ailleurs, le traitement automatisé des informations nominatives doit au préalable être autorisé par voie réglementaire, après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Si ce dernier est défavorable, seul un décret pris sur avis en Conseil d'État peut alors permettre l'étude informatisée de ces données (article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés).
II - La position de votre commission
Votre commission approuve vivement la transmission, dans le respect de la vie privée, des différentes données relatives aux personnes handicapées, en vue de disposer des éléments statistiques précis qui serviront de base aux enquêtes et études relatives à cette population, à l'échelle nationale.
Elle estime en effet indispensable d'élaborer des études précises, à partir d'éléments chiffrés, sur la situation des personnes handicapées, notamment concernant leurs revenus, leur intégration sociale ou leur état de santé. Une meilleure connaissance de leur situation permettra ainsi de mettre en oeuvre des actions adaptées à la réalité des besoins.
Dans son rapport d'information, votre commission avait déjà pointé la nécessité de créer rapidement un outil statistique exhaustif de qualité afin d'aider à la prise de décision 30 ( * ) .
Elle considère toutefois utile que les données ainsi recueillies soient également transmises au Conseil national consultatif des personnes handicapées afin de lui permettre de disposer de la même manière des éléments lui permettant de mener à bien ses missions de conseil et d'étude des questions relatives au handicap.
Votre commission vous propose d'adopter un amendement dans ce sens puis le présent article ainsi modifié.
* 30 M. Paul Blanc, compensation du handicap : le temps de la solidarité. Commission des Affaires sociales, rapport n° 369 (2001-2002).