Article 14
(art. L. 118-1-1 et L. 992-8 du code du travail)
Réforme du mécanisme exonératoire de la taxe d'apprentissage

Objet : Cet article vise à simplifier le mécanisme exonératoire de la taxe d'apprentissage en supprimant deux chefs d'exonération.

I - Le dispositif proposé

La taxe d'apprentissage est un impôt créé en 1925 pour financer les premières formations technologiques et professionnelles offertes aux jeunes avant leur entrée dans la vie active.


La taxe d'apprentissage

Le taux de la taxe d'apprentissage est égal à 0,50 % des salaires bruts versés au cours de l'année d'imposition 6 ( * ) , sauf dans les départements d'Alsace-Moselle dans lesquels s'applique un taux réduit de 0,2 %.

Les entreprises redevables de la taxe d'apprentissage sont les personnes physiques ou morales qui exercent une activité commerciale, industrielle ou artisanale, qui relèvent de l'impôt sur les sociétés ou qui sont soumises à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux et qui ont au moins un salarié. Sont affranchies de la taxe d'apprentissage les entreprises qui ont une masse salariale inférieure à six fois le SMIC annuel et qui ont employé au moins un apprenti au cours de l'année au titre de laquelle la taxe est due.

La taxe d'apprentissage est répartie en deux quotités :

un « quota équivalent à 40 % de la taxe obligatoirement réservé au développement de l'apprentissage (art. 118-3 du code du travail) et qui se subdivise en deux parties :

- 25 % du quota, soit 10 % de la taxe brute, sont versés au Trésor pour alimenter le fonds national de péréquation. Elle s'est élevée en 2002 à 151 millions d'euros ;

- le solde est versé obligatoirement par l'entreprise au CFA ou à la section d'apprentissage, soit directement soit par l'intermédiaire d'un organisme collecteur de la taxe d'apprentissage ;

une seconde quotité, le « barème », correspond au « hors quota », soit 60 % de la taxe d'apprentissage. Elle peut être affectée à des structures de formation autres que les CFA, à savoir les établissements d'enseignement professionnel et technologique et les grandes écoles. Toutefois, cette part n'est pas intégralement collectée car les entreprises qui emploient des apprentis peuvent se libérer de cette obligation grâce à diverses exonérations. Ainsi, pour les employeurs assujettis à la taxe d'apprentissage, il est possible, sur le fondement de l'article premier de la loi n° 71-578 du 16 juillet 1971, d'obtenir une exonération totale ou partielle de cette taxe au titre des dépenses suivantes : frais de chambres, frais de stages, subventions au CFA, dépenses des écoles, activités complémentaires, versements aux chambres des métiers, bourses, salaires des jurys et dépenses pédagogiques.

Ce mécanisme est non seulement complexe mais il favorise, en outre, les pratiques d'échanges entre les catégories du barème, ce qui obère la lisibilité des flux financiers. De plus, la liste des dépenses libératoires n'a cessé de s'allonger au point que certaines d'entre elles ne présentent plus aujourd'hui qu'un lien très ténu avec l'apprentissage.

Le Gouvernement propose donc de le simplifier, en limitant le nombre de dépenses directement exonératoires, au titre du hors quota. Le présent article supprime les deux motifs d'exonération qui ont été institués par voie législative.

Ainsi, le paragraphe I modifie l'article L. 118-1-1 du code du travail en n'ouvrant plus l'exonération de la taxe d'apprentissage pour les dépenses occasionnées par la formation des maîtres d'apprentissage.

En modifiant l'article L. 992-8 du code du travail, le paragraphe II exclut également du mécanisme exonératoire les dépenses liées aux salaires des membres des jurys d'examen, de conseils ou de comités créés dans le cadre des lois de 1971.

Ces deux dépenses seront donc financées non plus sur les crédits de l'apprentissage mais sur ceux de la formation professionnelle continue et seront prises en compte au titre de l'obligation légale de financement, ce qui au demeurant permettra également d'en faciliter le contrôle.

Ajoutée à la suppression des autres chefs d'exonération qui interviendra par voie réglementaire, notamment pour les frais de chambre institués par le décret n° 72-283 du 12 avril 1972, cette mesure devrait, selon le Gouvernement, permettre d'accroître les ressources consacrées à l'apprentissage de 186 millions d'euros, dont 25 millions actuellement non perçus du fait de comportements qui s'apparentent à de l'évasion fiscale.

Montant des exonérations liées aux dépenses
en faveur de la formation professionnelle

(en millions d'euros)

Dépenses libératoires

Suppression en 2005

Suppression en 2006

Total

Frais de CCI

61,6

61,6

123,2

Frais de chambres des métiers

1

1

2

Frais de stage

32,4

 

32,4

Subventions aux CFA

26,7

 

26,7

Bourses

0,8

 

0,8

Salaires des jurys (1)

0,3

 

0,3

Dépenses pédagogiques (1)

0,2

 

0,2

Total

123

62,6

185,6

(1) Imputation possible sur la participation des employeurs à la formation professionnelle

Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

II - La position de votre commission

Votre commission observe que les suppressions d'exonérations pour les dépenses relatives aux salaires de membres des conseils, des comités, des commissions et des jurys d'examen, ainsi que pour les dépenses de formation pédagogique des maîtres d'apprentissage (0,5 million d'euros) ne permettront d'accroître que faiblement le produit de la taxe. Elles n'auront donc d'incidence sur l'embauche d'apprentis.

Dans l'avis rendu sur l'avant projet de loi, le Conseil économique et social a reconnu la nécessité d'une simplification de la taxe d'apprentissage, mais il a considéré « que la suppression prévue des exonérations sur le barème justifierait, pour une parfaite compréhension, que des simulations chiffrées soient réalisées et communiquées » et regretté « que les exonérations concernant la taxe d'apprentissage soient reportées sur les fonds de la formation continue, ce système étant de nature à diminuer d'autant les fonds de la formation tout au long de la vie ».

Il s'est, en outre, déclaré hostile « à la disposition consistant à ne plus financer par la taxe d'apprentissage la formation des maîtres d'apprentissage et la participation des salariés aux jurys d'examen, ces financements risquant d'être reportés sur le plan de formation des entreprises » .

Si votre commission partage l'analyse du CES sur la nécessité de disposer de statistiques claires pour comprendre un barème de répartition si complexe qu'il a favorisé des pratiques financières obscures, elle est moins inquiète du risque de diminution des fonds disponibles au titre de la formation continue. Au contraire, les ressources supplémentaires devraient être affectées à un fonds de modernisation et de développement de l'apprentissage, qui se substituera à l'actuel fonds de péréquation de la taxe d'apprentissage. Elle considère également qu'il est justifié que certaines charges comme la formation des maîtres et la participation des salariés aux jurys n'aient pas vocation à être financées par l'apprentissage mais bien par la formation professionnelle tout au long de la vie. Du même coup, cette réforme a le mérite de mieux distinguer formation initiale et formation professionnelle continue, dont la frontière était, ces dernières années, de plus en plus perméable.

Votre commission propose d'adopter cet article sous réserve d'une modification rédactionnelle.

* 6 Le Gouvernement a décidé, dans la loi de finances pour l'année 2005, de relever de 0,06 point par an pendant trois ans le taux de la taxe additionnelle pour l'apprentissage payée par le entreprises, en remplacement de la suppression de la dotation de décentralisation payée jusqu'à présent par l'État aux régions (594 millions €). Cette taxe atteindra, d'ici 2007, 0,18 % de la masse salariale et devrait rapporter aux régions 600 millions d'euros sur trois ans.

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