Article 29
(art. L. 322-4-10 à L. 322-4-13 du code du travail)
Contrat d'avenir

Objet : Cet article vise à créer dans le secteur non marchand un nouveau contrat aidé, le contrat d'avenir, au profit des titulaires du RMI et de l'ASS qui rencontrent des difficultés particulières d'accès à l'emploi.

I - Le dispositif proposé

Le Gouvernement propose de créer, dans le secteur non marchand, un nouveau contrat en faveur des titulaires de minima sociaux, appelé contrat d'avenir. Les dispositions relatives à ce contrat seront intégrées dans quatre articles du code du travail qui font l'objet d'une nouvelle rédaction : il s'agit des articles L. 322-4-10 à L. 322-4-13.

a) Article L. 322-4-10 : objectif, bénéficiaires et conditions de mise en oeuvre du contrat d'avenir

Dans sa nouvelle rédaction, l'article L. 322-4-10 définit l'objectif des contrats d'avenir et leurs bénéficiaires potentiels et désigne les autorités compétentes pour leur mise en oeuvre.

Le contrat d'avenir vise à faciliter l'insertion sociale et professionnelle de ses bénéficiaires.

Il s'adresse aux personnes qui rencontrent des difficultés particulières d'accès à l'emploi et qui bénéficient du revenu minimum d'insertion (RMI) ou de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) depuis une durée qui sera déterminée par décret. Ce critère d'ancienneté vise à empêcher d'éventuels effets d'appel ou de substitution.

Contrairement au CI-RMA qui est mis en oeuvre par le département, le Gouvernement a prévu, dans un souci de gestion de proximité, de confier à la commune où réside le bénéficiaire , ou le cas échéant, à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) auquel appartient la commune, la mise en oeuvre du contrat d'avenir.

Toutefois, le département intervient dans la mise en oeuvre du contrat d'avenir dans deux cas :

en ce qui concerne les bénéficiaires du RMI, le département qui verse l'allocation dans les conditions définies à l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles, doit obligatoirement être associé à la commune ou l'EPCI par voie de convention ;

en ce qui concerne les bénéficiaires de l'ASS, le département peut se voir confier par la commune ou l'EPCI, par convention, la mise en oeuvre des contrats d'avenir.

b) Article L. 322-4-11 nouveau du code du travail : définition des employeurs, modalités de conclusion et d'exécution du contrat d'avenir

L'article L. 322-4-11 nouveau du code du travail définit, dans sa nouvelle rédaction, le champ des employeurs potentiels de titulaires de contrats d'avenir et précise les modalités de conclusion et d'exécution de ces contrats.

Peuvent conclure des contrats d'avenir les employeurs du secteur non marchand : les collectivités territoriales et les autres personnes morales de droit public, les personnes morales de droit privé chargé de la gestion d'un service public, les autres organismes de droit privé à but non lucratif (associations, fondations, sociétés mutualistes, organismes de prévoyance, comités d'entreprise, syndicats professionnels) et les entreprises d'insertion par l'activité économique.

Préalablement à la signature de chaque contrat d'avenir, une convention doit nécessairement être signée entre :

le maire de la commune ou, si le contrat est mis en oeuvre par un EPCI ou par le département, le président de l'EPCI ou le président du conseil général,

l'employeur,

le représentant de l'État : le préfet ou par délégation le directeur départemental de l'emploi de la formation professionnelle, voire l'ANPE,

et le bénéficiaire du contrat.

Cette convention, d'une durée de six mois et renouvelable dans la limite de trente-six mois, a pour objet de :

définir le projet professionnel proposé au bénéficiaire du contrat d'avenir par la commune ou l'EPCI en liaison avec l'employeur;

fixer les conditions d'accompagnement dans l'emploi du bénéficiaire et, en tant que besoin, les actions de formation et de validation des acquis de l'expérience mises en oeuvre à son profit.

Il y aura donc une convention par contrat.

De plus, dès la conclusion de la convention de contrat d'avenir, il est procédé à la désignation de la personne physique ou de la structure (qui peut être un organisme de placement ou d'insertion comme une maison de l'emploi ou l'ANPE et ses partenaires) qui sera chargée de suivre le parcours d'insertion professionnelle du bénéficiaire du contrat d'avenir. Elle est désignée, selon les cas, par le maire, le président de l'EPCI ou le président du conseil général.

c) Article L. 322-4-12 nouveau du code du travail : nature et durée du contrat d'avenir, financement, conditions de rupture du contrat

Le contrat d'avenir est défini comme :

un contrat de travail ;

un CDD de six mois, renouvelable dans la limite de trente-six mois , et comprenant une période d'essai d'un mois, ou moins si la convention le prévoit. Dès sa conclusion, il est déposé auprès des services chargés de l'emploi ;

un contrat de travail à temps partiel : la durée hebdomadaire du contrat est fixée à vingt-six heures. Elle peut varier dans la limite de la durée légale de trente-cinq heures. Cependant, la durée hebdomadaire moyenne de travail ne peut dépasser vingt-six heures sur l'ensemble de la période couverte par le contrat. Les actions d'accompagnement et de formation peuvent être menées pendant et en dehors du temps de travail. Les modalités d'application de ces dispositions seront définies par décret en Conseil d'État ;

Le titulaire du contrat d'avenir perçoit une rémunération au moins égale au produit du SMIC horaire par le nombre d'heures de travail effectuées (soit 7,61 euros au 1 er juillet 2004×26 heures).

Les aides qui peuvent être accordées à l'employeur sont de trois ordres :

une aide, égale au montant du RMI garantie à une personne isolée (soit 417,88 euros au 1 er juillet 2004), est versée à l'employeur par le débiteur de l'allocation perçue par le bénéficiaire du contrat (le département pour les titulaires du RMI, l'État pour les titulaires de l'ASS) ;

une aide de l'État dégressive avec la durée du contrat, dont le montant, ajouté à celui de l'aide versée à l'employeur, ne peut excéder le niveau de la rémunération. Le montant de cette aide versée, s'élèvera à 3.975 euros la première année, 2.650 la deuxième, 1.325 la troisième année ;

en cas d'embauche du bénéficiaire en CDI, une aide forfaitaire de l'État (1.500 euros) peut être versée à l'employeur, à la collectivité territoriale ou à l'EPCI.

Enfin, selon les informations recueillies par votre rapporteur, le contrat d'avenir ouvrira droit à la même exonération que celle prévue pour les contrats d'accompagnement : une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale, de la taxe sur les salaires, de la taxe d'apprentissage et de la participation due par l'employeur au titre de l'effort de construction.

Le contrat ayant vocation à ne constituer qu'une première étape dans un parcours d'insertion et à conduire à court ou moyen terme à une activité proche de l'emploi ordinaire, il apparaît souhaitable, selon le Gouvernement, d'assouplir les conditions de droit commun en matière de rupture du CDD avant terme afin de permettre au salarié de pouvoir, le cas échéant, accélérer son passage vers l'emploi ordinaire.

L'article L. 322-4-12 prévoit à cette fin un double assouplissement :

la rupture avant terme du contrat d'avenir conclu en CDD est autorisée, à l'initiative du salarié, lorsque celui-ci est embauché par ailleurs en CDI ou en CDD d'au moins six mois ou lorsqu'il suit une formation qualifiante ;

la suspension du contrat d'avenir est également possible lorsque le salarié souhaite effectuer une période d'essai afférente à une offre d'emploi. En cas d'embauche au terme de cette période d'essai, le contrat est rompu sans préavis.

Si le contrat est rompu pour un autre motif ou s'il n'est pas renouvelé et si son bénéficiaire n'exerce pas d'activité rémunérée, il faut percevoir à nouveau l'allocation qui lui était versée antérieurement sous réserve qu'il en remplisse toujours les conditions d'attribution.

d) Article L. 322-4-13 du code du travail : modalités d'application des dispositions relatives au contrat d'avenir

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'État les modalités d'application des articles L. 322-4-11 et L. 322-4-12. Ce décret précisera, en particulier :

les échanges d'informations nominatives auxquels la préparation des conventions de contrat d'avenir peut donner lieu ;

les conditions dans lesquelles ces conventions sont suspendues, renouvelées ou résiliées en tant que de besoin ;

la répartition sur l'année des périodes de travail, de formation et d'accompagnement ;

les conditions et limites dans lesquelles des aides sont versées par l'État à l'employeur et, le cas échéant, à la collectivité territoriale ou à l'EPCI ;

les conditions dans lesquelles le versement de l'allocation dont bénéficiait le titulaire du contrat d'avenir est rétabli à l'échéance du contrat.

Selon les informations communiquées à votre commission, ce dispositif devrait entrer en vigueur pour le début du deuxième trimestre 2005.

Le Gouvernement prévoit la conclusion d'un million de contrats d'avenir en quatre ans, dont 185.000 en 2005.

Données prévisionnelles au contrat d'avenir

2005

2006

2007

2008

2009

Nombre d'entrants dans le programme

185.000

250.000

250.000

250.000

170.000

Nombre moyen de bénéficiaires dans le programme

175.750

376.250

517.500

517.500

441.500

dont admis dans l'année et présent toute l'année (moyenne)

175 . 750

237 . 500

237 . 500

237 . 500

16 . 500

dont ancienneté 1 an (moyenne)

0

138 . 750

187 . 500

187 . 500

187 . 500

dont ancienneté 2 ans (moyenne)

0

0

92 . 500

92 . 500

9 . 500

Coûts du programme (en millions d'euros)

Aide au versement de la rémunération

341

916

1081

1081

940

Prime versée aux employeurs et aux communes en cas de sortie

42

204

204

204

180

COÛT TOTAL POUR L'ÉTAT

383

1.120

1.285

1.285

1.120

Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

II - La position de votre commission

Votre commission considère que le régime du contrat d'avenir doit répondre à un double impératif :

- présenter toutes les garanties de protection nécessaires pour des salariés particulièrement fragiles ;

- être suffisamment souple pour pouvoir s'adapter à la diversité des situations des personnes auxquelles il s'adresse.

Pour atteindre l'objectif d'un million de contrats, largement supérieur à celui retenu pour les contrats d'accompagnement, le Gouvernement a mis en place un régime d'aide très attractif. Il espère ainsi que les 50 % d'allocataires du RMI traditionnellement en CES se porteront sur le contrat d'avenir.

Votre commission relève que le Gouvernement a pris en compte certaines des observations qu'elle avait exprimées à l'occasion de la création du RMA. Ainsi, la durée hebdomadaire, fixée à 26 heures est modulable jusqu'à 35 heures, en fonction du profil du titulaire du contrat. Cette souplesse est en effet nécessaire si l'on veut adapter la durée du travail aux capacités de la personne et à son projet d'insertion professionnelle sur la base du diagnostic préalable.

Votre commission juge également positif que le texte insiste sur les conditions d'accompagnement de l'emploi et sur les actions de formation, comme le Conseil économique et social, selon lequel ce point « représente une avancée importante par rapport aux CES et aux CEC. Cela lui confère en effet un caractère promotionnel que n'avaient pas ces contrats, à la condition que la formation délivrée corresponde aux réalités du marché de l'emploi et rencontre l'intérêt du bénéficiaire du contrat d'avenir. En tout état de cause, il faut faire en sorte que l'obligation de formation soit davantage une chance qu'un obstacle et se concrétise par l'acquisition vérifiée de compétences professionnelles ».

Toutefois, la formule du contrat d'avenir a suscité quelques réserves de la part de votre commission pour plusieurs raisons.

D'abord, le contrat d'avenir, mesure phare du plan de cohésion sociale, est un contrat non marchand sur lequel le Gouvernement a choisi de porter tout son effort en le rendant financièrement beaucoup plus intéressant que les contrats marchands du projet de loi.

Comparaison du coût du travail entre le contrat d'avenir (CA)
et le CI-RMA tel que modifié par le projet de loi de cohésion sociale

 

Secteur marchand

Secteur non marchand

 

CI-RMA nouveau

CI-RMA ancien

CIR-MA ancien

CA

Rémunération mensuelle

857,39

857,39

857,39

857,39

Aide mensuelle versée à l'employeur (forfait RMI)

417,88

367,73

367,73

417,88

Aide mensuelle de l'État - 1 ère année d'exécution du contrat

0,00

329,64

Aide mensuelle de l'État - 2 ème année d'exécution du contrat

219,76

Aide mensuelle de l'État - 3 ème année d'exécution du contrat

109,88

Assiette des cotisations de sécurité sociale

857,39

489,66

489,66

857,39

Exonération de cotisations patronales de sécurité sociale

222,92

0,00

147,83

258,85

Exonération portant sur d'autres cotisations sociales patronales

0,00

0,00

0,00

40,30

Total cotisations sociales patronales après exonération

173,11

226,18

84,47

107,60

Coût du travail mensuel à la charge de l'employeur (1ère année d'exécution du contrat)

612,62

715,84

574,13

217,48

Coût du travail mensuel à la charge de l'employeur (2ème année d'exécution du contrat)

327,36

Coût du travail mensuel à la charge de l'employeur (3ème année d'exécution du contrat)

437,24

Coût mensuel pour l'État (aide + exonération compensée) - 1ère année

222,92

0,00

147,83

588,48

Coût mensuel pour l'État (aide + exonération compensée) - 2ème année

478,60

Coût mensuel pour l'État (aide + exonération compensée) - 3ème année

368,73

Rémunération mensuelle nette

675,63

753,58

753,58

675,63

Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

Votre commission reste convaincue que les emplois marchands et productifs sont les seules voies réelles pour une insertion professionnelle durable. Même si elle comprend que, pour certains publics particulièrement éloignés du marché du travail, le contrat aidé non marchand puisse être une étape inévitable, elle considère que les entrées en contrat d'avenir importeront moins que les sorties du dispositif dans un emploi marchand et durable.

C'est pourquoi, afin d'accélérer la sortie d'un dispositif qui peut tout de même durer trois ans, votre commission estime nécessaire, d'une part, de renforcer l'accompagnement prévu au présent article et, d'autre part, de mieux responsabiliser les titulaires du contrat en les associant davantage à la définition du projet professionnel. Rappelons que la raison principale de l'échec des contrats de qualification-adultes a été l'absence d'accompagnement.

On peut également s'interroger sur la procédure préalable à la signature du contrat d'avenir. Comme l'indique le schéma ci-après, le processus est si long qu'il rend aléatoire l'aboutissement du contrat, sachant qu'à tout moment la défaillance de l'un des signataires des conventions prévues peut empêcher la conclusion du contrat.

MAIRIE

Si le demandeur d'emploi
perçoit l'ASS

Convention facultative entre la commune et le département

Si le demandeur d'emploi
perçoit le RMI

Convention obligatoire entre
la commune et le département

Convention de contrat d'avenir entre la commune ou
le département, l'employeur,
le représentant de l'État et le salarié

Désignation du référent :

- par le maire si la commune met en oeuvre le contrat d'activité

- par le président du Conseil général pour les titulaires de l'ASS
et si le maire le souhaite

Contrat d'avenir entre
le salarié et l'employeur

Demandeur d'emploi en difficulté d'insertion professionnelle

La procédure d'élaboration du contrat d'avenir

On notera par ailleurs que le présent article comporte des dispositions réglementaires qui n'ont pas leur place dans une loi, comme l'indication selon laquelle le contrat d'avenir est déposé auprès des services chargés de l'emploi.

Surtout, votre commission ne partage pas la volonté des auteurs du projet de loi de confier la gestion des contrats d'avenir aux communes. Au nom du souci d'une gestion de proximité, le projet de loi confie en effet aux maires la mise en oeuvre des contrats d'avenir. Or, la commune ne lui semble pas l'échelon le plus pertinent pour les raisons suivantes :

- les communes n'ont pas la charge de la gestion des minima sociaux : elles ne connaissent ni les publics titulaires de l'ASS, versée par l'État, ni les publics titulaires du RMI, versé par le département ;

- les différents cas de figure possibles (gestion par la commune, l'EPCI, le département) pourront entraîner, au sein d'un même département, non seulement une concurrence entre les collectivités mais également une grande confusion, certaines communes préférant déléguer leur compétence aux EPCI, d'autres aux départements et d'autres enfin préférant l'exercer seules ;

- il n'est pas prévu de moyens humains, matériels et financiers pour permettre aux communes de remplir cette mission, en particulier les petites communes, qui seront contraintes de se dessaisir de compétences auxquelles elles sont pourtant attachées, au profit des EPCI. Au demeurant, l'aide de l'État prévue pour elles est enfermée dans des conditions telles qu'on peut se demander comment elle sera attribuée.

Votre commission juge donc préférable de confier la gestion du contrat d'avenir aux départements . Ils apparaissent, en effet, comme les plus à même de remplir cette mission :

- ils ont une compétence pleine et entière en matière d'insertion à laquelle ils consacrent la moitié de leur budget de fonctionnement. Ils connaissent particulièrement bien les publics concernés par le contrat d'avenir et disposent sur tout le territoire d'un maillage bien rôdé avec les commissions locales d'insertion et les conseils départementaux d'insertion ;

- même si les départements n'ont pas en charge la gestion de l'ASS, l'expérience a montré que les titulaires de l'ASS se tournaient vers les départements dès qu'ils n'avaient plus d'interlocuteur.

Votre commission propose donc de confier le pilotage des contrats d'avenir aux départements, ce qui ne les empêchera pas de déléguer cette compétence aux communes, lorsque celles-ci le souhaitent.

Elle propose également d'améliorer le contrat lui-même en ouvrant le contrat d'avenir aux titulaires de l'allocation parent isolé, en limitant le nombre de conventions, en élargissant la convention de contrat d'avenir aux mesures d'accompagnement, et en associant le bénéficiaire à la définition de son projet professionnel.

En ce qui concerne les aides financières, elle propose de prévoir une aide non dégressive pour les entreprises d'insertion par l'activité économique, dont le coût mensuel à charge risque, dans le cadre du contrat d'avenir, de tripler voire quadrupler par rapport aux frais occasionnés pour l'embauche d'une personne en CES.

Elle suggère de clarifier le régime de l'aide accordée par l'État en cas d'embauche en CDI du titulaire du contrat d'avenir.

Elle vous propose enfin des aménagements rédactionnels .

Sous réserve des six amendements qu'elle a adoptés à cet article en fonction de ces préoccupations, votre commission vous propose de l'adopter.

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