Article 53
Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance
diverses mesures de lutte contre l'habitat insalubre

Objet : Cet article a pour objet d'autoriser le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance, des mesures de nature législative relatives à l'habitat insalubre, aux immeubles menaçant ruine et aux établissements à usage d'habitation hébergeant des personnes dans des conditions indignes.

I - Le dispositif proposé

En application de l'article 38 de la Constitution, le présent article vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de nature législative nécessaires à la lutte contre l'habitat insalubre, ainsi que des mesures relatives aux immeubles menaçant ruine et aux établissements à usage total ou partiel d'habitation hébergeant des personnes dans des conditions indignes.

Dans ce cadre, une première ordonnance contiendra des dispositions relatives au traitement de l'habitat insalubre :

1. Simplifier et harmoniser les divers dispositifs de police administrative

Il s'agit d'améliorer la sécurité juridique des procédures en matière de bâtiments dégradés, d'en renforcer le caractère opérationnel, de mieux préserver les droits des propriétaires et des occupants de bonne foi et de lutter plus efficacement contre les agissements des « marchands de sommeil ».

La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a profondément réformé les dispositifs de police administrative relatifs aux immeubles et îlots insalubres, régis par les articles L. 1331-26 et suivants du code de la santé publique, et a introduit des dispositions relatives au droit à relogement des occupants et des dispositions pénales dans la procédure des immeubles menaçant ruine (art. L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation). Enfin, a été codifiée l'interdiction de diviser par appartements les immeubles frappés d'un arrêté d'insalubrité ou de péril.

Il est apparu nécessaire de préciser, de clarifier et d'harmoniser un certain nombre de dispositions, des difficultés, ayant été constatées lors de leur mise en application, susceptibles d'entraîner des contentieux. En outre, plusieurs d'entre elles doivent être adaptées aux nouvelles lois relatives à la santé publique et aux libertés et responsabilités locales.

La loi SRU a, certes, refondu les dispositifs de police administrative en matière d'habitat indigne, mais elle n'a pas modifié les articles relatifs aux périmètres insalubres ou aux locaux inhabitables. Il s'agit d'en renforcer les conditions de mise en oeuvre et les effets de droit. A ce titre, il est ici prévu de :

- redéfinir les moyens d'action pour rendre plus efficace l'action publique contre l'occupation des locaux inhabitables par nature ;

- préciser les modes d'information des propriétaires et de publicité des actes de procédure, notamment lorsque les propriétaires sont inconnus ;

- renforcer le droit des occupants concernés par ces procédures ;

- préciser les personnes à qui doivent être notifiés les arrêtés ou mises en demeure (organismes payeurs des allocations de logement ou procureur notamment).

2. Clarifier le dispositif existant en matière d'hébergement et de relogement

Il s'agit de prévoir les mesures suivantes :

- l'inclusion explicite des situations d'insalubrité et de danger des établissements d'hébergement recevant du public dans le droit des occupants et les obligations de relogement de droit commun ;

- la répartition claire des responsabilités entre le maire et le préfet, pour assurer l'hébergement provisoire et le relogement définitif ; en cas de carence du propriétaire, ils seront à la charge de l'autorité compétente pour prendre la mesure de police, c'est-à-dire le maire, en matière de péril et de sécurité des établissement d'hébergement recevant du public, et le préfet, en matière d'insalubrité. Dans ce dernier cas, il sera ainsi mis fin à l'ambiguïté actuelle de la formule selon laquelle c'est à la personne publique qui a pris l'initiative de la procédure qu'il appartient de proposer le relogement. Cependant, lorsque l'insalubrité n'est pas diffuse et ponctuelle mais concerne un quartier ou des zones d'une agglomération et où son traitement s'inscrit dans un projet d'aménagement, il est proposé que le relogement soit à la charge de la collectivité territoriale compétente en matière d'aménagement ;

- la modification du régime de l'indemnité due par les propriétaires, ou exploitants de locaux d'hébergement défaillants lorsque le relogement définitif a été assuré sous l'égide d'une collectivité publique et assuré par un organisme logeur (HLM, résidence sociale, association spécialisée). En premier lieu, et compte tenu des difficultés de relogement auxquelles est confrontée la collectivité locale et, surtout, de la modicité extrême du montant de l'indemnité due par les propriétaires ou exploitants de locaux définitivement interdits à l'habitation, il est proposé d'en augmenter sensiblement le montant et de la décompter, non à la personne mais au ménage relogé. En second lieu, il est envisagé de verser cette indemnité à la collectivité publique, à l'organisme d'HLM, à la société d'économie mixte ou à l'organisme à but non lucratif qui a procédé au relogement ;

- enfin, pour éviter les abus de refus de relogement par certains occupants, qui allongent les procédures et engagent la responsabilité publique en matière d'immeubles menaçant ruine, il est proposé que trois refus successifs d'offres de relogement permettent au propriétaire, à l'exploitant ou à la collectivité publique en charge du relogement, de saisir le juge d'instance qui statuera en forme de référé sur la pertinence de l'offre de relogement et autorisera, le cas échéant, l'expulsion de l'occupant.

Les conditions de relogement définitif liées aux conditions d'occupation et non à une interdiction définitive d'habiter seront précisées, ainsi que la participation financière du propriétaire. Il peut arriver qu'un relogement définitif s'impose alors même que l'arrêté ne prévoit qu'une interdiction temporaire d'habiter. Dans ce cas, la charge du propriétaire ou de l'exploitant ne portera que sur la durée de cet hébergement provisoire.

3. Préserver les droits des occupants et propriétaires de bonne foi

Les textes relatifs aux immeubles et îlots insalubres demandent à être précisés sur les procédures et les délais, en vue de mieux assurer le droit à l'hébergement et au relogement des occupants.

Le délai de relogement sera porté de six mois à un an pour tenir compte des difficultés locales du relogement.

L'arrêté d'insalubrité précisera également la date à laquelle le propriétaire, ou l'exploitant de locaux d'hébergement, devra indiquer au préfet l'offre de relogement faite aux occupants, de façon à laisser le temps à la collectivité publique d'assurer le relogement des occupants en cas de carence du propriétaire.

Pour éviter les expulsions d'occupants de bonne foi de locaux insalubres interdits définitivement à l'habitation, l'article L. 1331-29 du code de la santé publique devra préciser que les occupants ne pourront être expulsés que si des offres d'hébergement ou de relogement leur ont été présentées, soit par le propriétaire, soit par la collectivité publique.

En matière de travaux de sortie d'insalubrité, ou de travaux d'urgence, plusieurs dispositions sont envisagées pour :

- permettre au préfet de déléguer au maire l'exécution des travaux de nature à empêcher l'occupation des locaux interdits à l'habitation ;

- préciser la nature des travaux de sortie d'insalubrité remédiable, notamment les mesures d'hygiène et d'éradication du plomb accessible ;

- déroger à l'interdiction de diviser en logements des immeubles frappés d'un arrêté d'insalubrité ou de péril lorsque les travaux les concernant sont déclarés d'utilité publique dans le cadre d'un périmètre de restauration immobilière.

En matière de travaux d'office, en cas de défaillance des propriétaires, il est prévu :

- de clarifier le partage des compétences entre le maire et le préfet, sachant que le maire, en tant qu'agent exécutant des mesures prises par l'État, assure l'exécution des travaux d'office.

- de prévoir la saisine du juge des référés pour autoriser la démolition d'un immeuble lorsque celle-ci a été prescrite et n'a pas été exécutée ;

- de faciliter les travaux d'office dans les immeubles en copropriété, en permettant à la collectivité publique d'effectuer les travaux d'office à la place du syndicat des copropriétaires.

4. Aménager et compléter les sanctions pénales et les harmoniser avec les dispositions actuelles du code pénal.

En matière d'immeubles menaçant ruine, il est proposé de compléter la modernisation des procédures du péril engagée par la loi SRU, grâce aux mesures suivantes :

- la suppression de l'actuel mécanisme d'homologation par le tribunal administratif de l'arrêté de péril pris par le maire, tout en préservant le rôle du juge dans la procédure contradictoire, lorsque le propriétaire conteste l'arrêté ;

- la faculté pour le maire d'ordonner l'évacuation et la fermeture des immeubles menaçant ruine et interdire les lieux à l'occupation à titre temporaire ou définitif lors de la prise de l'arrêté de péril. Si l'état de solidité du bâtiment ne permet pas de garantir la sécurité des occupants, le maire pourra compléter son arrêté d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter et d'utiliser les lieux, applicable à la date limite prévue pour l'exécution des travaux prescrits et emportant obligation de relogement temporaire ou définitif des occupants ;

- l'association des propriétaires des immeubles voisins à la procédure. Actuellement, ils ne sont pas partie à la procédure bien qu'ils puissent en subir des effets néfastes et leur seul recours est de saisir le juge judiciaire pour mise en cause de la responsabilité du propriétaire de l'immeuble menaçant ruine. Aussi est-il proposé que l'expert désigné par le maire dresse également constat de l'état des bâtiments mitoyens. L'arrêté municipal sera affiché par les services de la commune sur l'immeuble concerné dès sa notification et jusqu'à la réalisation des travaux prescrits aux fins d'information des propriétaires des fonds voisins. Sur autorisation du juge des référés, le maire pourra faire procéder d'office et aux frais du propriétaire, outre aux travaux prescrits, le cas échéant, à la mise en oeuvre des mesures strictement nécessaires pour assurer la solidité des immeubles mitoyens pendant l'exécution des travaux ;

- l'alignement des mesures de simplification opérationnelles des travaux sur celles relatives à l'insalubrité, en matière de travaux d'office dans les immeubles en copropriété, d'exonération de remboursement par le propriétaire des travaux effectués d'office lorsque les locaux concernés locaux sont occupés par des personnes entrées par voie de fait ainsi que d'obligation de communication au maire de la commune le contrat de bail commercial des locaux d'hébergement exploités sous cette forme ;

- l'alignement du régime des arrêtés de péril imminent sur celui des arrêtés de péril ordinaire, tant en ce qui concerne les facilités de procédure qu'en ce qui concerne le droit des occupants des immeubles en fin d'habitation. En effet, la loi SRU n'a pas modifié le régime du péril imminent et des doutes demeurent quant au régime juridique applicable. Aussi pour assurer la sécurité des actes et garantir le droit des éventuels occupants, sont explicitement prévus les renvois et précisions nécessaires ;

- enfin, l'harmonisation des sanctions pénales prévues avec les dispositions actuelles du code pénal.

La seconde ordonnance , qui sera prise dans un délai de seize mois, a pour objet de créer un dispositif de séquestre immobilier spécial, permettant de lutter contre les propriétaires ou exploitants de locaux d'hébergement, personnes physiques ou morales, qualifiés de « marchands de sommeil ».

L'objectif est de créer un mécanisme fortement dissuasif à l'encontre de ceux, indélicats, qui jouent systématiquement des changements de raison sociale ou de statut de propriété, des procédures judiciaires ou administratives pour échapper à toute responsabilité, alors que la collectivité publique a assuré, à leur place, les travaux d'office, l'hébergement ou le relogement des occupants, sans aucune garantie d'être remboursée.

Le mécanisme proposé est issu de travaux menés à partir du séquestre judiciaire du code civil et du séquestre administratif édicté par l'État dans des circonstances exceptionnelles. Il porte sur la disponibilité du bien et sur les fruits qu'il produit - les loyers - et s'attache au bien indépendamment des changements de statut de son propriétaire ou de l'exploitant.

La mise sous séquestre d'un immeuble ou d'un fonds de commerce ne constitue pas une sanction et est totalement indépendante des poursuites et sanctions pénales encourues par les intéressés.

Le dispositif étudié repose sur les bases suivantes :

- il concerne les immeubles ou fonds de commerce affectés à l'hébergement, qui ont fait l'objet de travaux de sortie d'insalubrité, de péril ou de sécurité à la suite de la défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, de la part de la commune ou de l'État et dont le propriétaire n'a pas honoré la créance qui en résulte. Sont donc exclus les immeubles qualifiés d'insalubres irrémédiables et interdits définitivement à l'habitation dont on rappelle qu'ils peuvent être expropriés dans des conditions dérogatoires du droit commun. Les fruits de l'immeuble séquestré sont administrés au bénéfice de la collectivité publique créancière ;

- le séquestre sera prononcé par arrêté du préfet, sur saisine et rapport justifié de la collectivité publique demanderesse, pour une durée limitée ( a priori , de trois ans maximum) et non renouvelable. Le préfet nomme un administrateur du séquestre dont il précise les missions, en application des dispositions générales prévues ;

- l'arrêté de mise sous séquestre est ensuite notifié au propriétaire et fait l'objet de mesures de publicité ainsi que d'un affichage sur la façade de l'immeuble. Il sera notifié aux locataires et occupants des locaux placés sous séquestre avec mention du service chargé de l'administration du séquestre et de la gestion locative. Il sera également transmis aux organismes payeurs des aides personnelles au logement, le cas échéant, au syndic de la copropriété, à l'administrateur judiciaire de la société mise en règlement ou en liquidation judiciaire ou à l'administrateur provisoire du syndicat de copropriétaires concerné. Il sera publié à la conservation des hypothèques ou au livre foncier dont dépend l'immeuble ;

- l'administration du bien placé sous séquestre est assurée par le service ou l'organisme désigné par le préfet. Celui-ci établira contradictoirement un état des lieux avec le propriétaire portant, selon le cas, soit sur les seules parties communes de l'immeuble, soit également sur les parties à usage privatif. L'administrateur assure, à compter de la date de prise d'effet du séquestre, la gestion locative du bien et se substitue au propriétaire dans les relations avec les locataires et occupants des locaux.

L'arrêté préfectoral pourra préciser que la mission de l'administrateur inclut la mise en état décent des logements et l'absence de plomb accessible. Pour assurer sa mission, l'administrateur peut percevoir une indemnité fixée par le préfet dans des conditions qui seront précisées.

En outre, les fruits du séquestre, déduction faite des charges locatives non récupérables, des charges de copropriété, ainsi que les frais correspondant à l'administration du séquestre sont déposés par l'administrateur en compte à la Caisse des dépôts et consignations et affectés au remboursement de la créance due par le propriétaire ou l'exploitant.

L'administrateur rendra compte, chaque année, de sa gestion au représentant de l'État dans le département, et, le cas échéant, au maire de la commune à l'origine de la demande de mise sous séquestre. A la mainlevée du séquestre, un compte rendu final des comptes sera effectué et certifié par un commissaire aux comptes. Ces documents seront communiqués au maire. Au vu de ces documents, le représentant de l'État dans le département donnera quitus à l'administrateur du séquestre.

Si le séquestre concerne à la fois un immeuble et le fonds de commerce utilisé à des fins d'hébergement qui lui est attaché, le bail commercial sera suspendu pendant la durée du séquestre. Si le séquestre ne concerne que le fonds de commerce utilisé à des fins d'hébergement, le bail commercial ne pourra être résilié par le bailleur. La mise sous séquestre d'un immeuble ne fera pas obstacle à l'inscription d'une hypothèque sur l'immeuble par un tiers créancier, un fonds de commerce affecté à l'hébergement mis sous séquestre ne pourra être nanti ;

- à l'échéance du séquestre, le préfet prononce par arrêté la mainlevée du séquestre, arrêté qui fera l'objet des publicités idoines. Si la créance a été remboursée avant l'échéance du séquestre en cours, le préfet procède de la même manière.

Si, après remboursement de la créance ayant justifié le séquestre, le résultat net de la gestion fait apparaître un solde créditeur, celui-ci sera restitué au propriétaire ou à l'exploitant des locaux d'hébergement. Dans le cas contraire, la collectivité publique créancière fera valoir ses droits selon les procédures civiles d'exécution de droit commun.

Si, à la mainlevée du séquestre et au quitus des comptes, un solde créditeur apparaît et que le propriétaire ou l'exploitant a disparu, les fonds disponibles seront consignés à la Caisse des dépôts et consignations par les soins de l'administrateur du séquestre.

Les modalités d'application du séquestre, et notamment les conditions de saisine du représentant de l'État dans le département, d'instruction de l'arrêté de séquestre, de prise d'effet et de mainlevée du séquestre, ainsi que le contenu de l'arrêté de séquestre seront précisées par décret en Conseil d'État.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve très largement les dispositions proposées dans le cadre des futures ordonnances.

Il s'agit en effet, en simplifiant et en sécurisant les procédures de lutte contre l'habitat insalubre, de favoriser les actions des collectivités territoriales dans ce domaine.

C'est pourquoi, elle vous demande d'adopter sans modification le présent article , afin d'habiliter le Gouvernement à prendre ces mesures par voie d'ordonnances.

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