Article 60
(Section 2 du chapitre premier du titre IV du livre III,
art.
L. 341-9 et L. 341-10 nouveaux du code du travail)
Création
de l'agence nationale de l'accueil
des étrangers et des
migrations
Objet : Cet article propose de créer une Agence nationale de l'accueil et des migrations (ANAEM). Celle-ci se substitue à l'Office des migrations internationales (OMI) et au service social d'aide aux émigrants (SSAé).
I - Le dispositif proposé
Suivant les recommandations du Haut conseil à l'intégration et de la Cour des comptes, le Gouvernement a décidé, en avril 2003, la création d'un grand service public de l'accueil, né de la fusion entre l'Office des migrations internationales (OMI) et le service social d'aide aux émigrants (SSAé).
Les raisons de cette fusion sont nombreuses :
- sur les 100.000 migrants qui arrivent en France chaque année, seuls 18.000 sont pris en charge : il convient donc de développer les capacités de prise en charge des nouveaux migrants ;
- bien que doté d'un statut associatif, le SSAé est actuellement financé à 80 % par l'État pour l'accomplissement des missions de service public qui lui sont confiées. La fusion permettra à l'État de disposer d'un réseau complet de plates-formes d'accueil sur l'ensemble du territoire.
L'Office des migrations internationales
(OMI)
L'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 avait créé, auprès du ministre du travail, un Office national d'immigration (ONI), chargé du recrutement et de l'introduction en France des immigrants étrangers. Elle donnait également à l'ONI le monopole du recrutement en France des travailleurs étrangers et originaires des territoires d'outre-mer. Aux termes de la loi n° 73-4 du 2 janvier 1973, ses missions ont été inscrites à l'article L. 341-9 du code du travail. De même, ont été insérées dans le code du travail les dispositions réglementaires précisant les attributions de l'Office et décrivant son organisation et son fonctionnement. La transformation de l'ONI en Office des migrations internationales (OMI) a été opérée par le décret n° 88-24 du 7 janvier 1988.
L'OMI accomplit, en direction des étrangers qui arrivent en France pour y séjourner ou y travailler, un certain nombre de missions parmi lesquelles l'accueil de membres de famille d'étrangers au titre du regroupement familial ainsi que de travailleurs étrangers sur le territoire français et, depuis la loi du 31 décembre 1991, la participation aux actions administratives, sanitaires et sociales relatives au contrôle, à l'accueil, au séjour temporaire ou à l'établissement des étrangers en France ainsi qu'à leur rapatriement ou à leur réinsertion dans le pays d'origine.
Etablissement public administratif, l'OMI est dotée en 2004 d'un budget de près de 56 millions d'euros et dispose d'un effectif de 573 agents publics. La plupart de ces agents sont recrutés par contrat de droit public à durée indéterminé (décret statutaire du 14 janvier 2004). L'Office comprend un siège social à Paris et des délégations interrégionales qui couvrent le territoire métropolitain.
Le bilan de l'activité de l'OMI pour 2003 peut être résumé ainsi : 200.000 visites médicales de contrôle d'étrangers arrivant en France, 25.000 étrangers primo-arrivants accueillis sur les plates-formes d'accueil, 10.000 contrats d'accueil et d'intégration conclus (dans douze départements pilotes), 1.000 aides au retour volontaires dans les pays d'origine, 300 recrutements de personnels paramédicaux et médicaux étrangers pour les hôpitaux français et 6.500 travailleurs salariés permanents introduits en France.
Quant au SSAé, il constitue aujourd'hui l'une des principales associations d'aide aux migrants. Après la fusion avec l'OMI, l'association ne disparaîtra pas complètement : elle entend continuer ses activités dans le domaine de la prise en charge des mineurs isolés.
Le service social d'aide aux
émigrants
Créé en 1924, le SSAé est une association régie par la loi de 1901 et reconnue d'utilité publique, qui gère un service social spécialisé. L'article 1 des statuts de l'association indique qu'elle pour but de « venir en aide aux émigrants et aux immigrants dans les difficultés qu'ils peuvent rencontrer, soit au cours de leur voyage, soit au cours de leur établissement, de s'employer au regroupement des familles, à la protection des femmes et des enfants migrant isolément, de servir de lien entre l'émigrant et les oeuvres d'assistance spirituelle et matérielle dont il peut avoir besoin, dans l'effort nettement respectueux des convictions religieuses de chacun ».
Le SSAé réunit des administrateurs, des adhérents et des professionnels de l'action sociale. Il intervient auprès des personnes, des familles et des groupes qui rencontrent des difficultés liées à leurs migrations, quelles qu'en soient les causes.
Une convention signée avec l'État en 1996 confie au SSAE une mission de service public pour « organiser et assurer, dans le cadre de la politique d'accueil et d'intégration définie par le gouvernement, un service social spécialisé en direction des personnes d'origine étrangère vivant en France ».
Cette mission globale est financée par le Fonds d'action et de soutien pour i'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD).
Le SSAE a également signé, avec des organismes nationaux et internationaux (Haut commissariat pour les réfugiés, Office des migrations internationales, ministère de la justice...) et des collectivités territoriales, des conventions qui permettent de développer ses actions.
Branche française de l'organisation non gouvernementale, service social international (SSI), un réseau actuellement présent dans plus de 120 pays, l'association agit sur l'ensemble du territoire national et en concertation ou complémentarité avec les autres services sociaux, les administrations, associations et organisations internationales.
Aujourd'hui, le SSAé compte environ 400 salariés, répartis entre le siège national à Paris, les services régionaux et les bureaux départementaux.
Procédant à une réécriture de l'intitulé et de deux articles de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre III du code du travail (art. L. 341-9 et L. 341-10), le présent article propose donc de créer une agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM)
Aux termes de la nouvelle rédaction des dispositions de l'article L. 341-9, l'ANAEM est définie comme un établissement public administratif de l'État.
Sa mission est double :
elle est chargée, dans l'ensemble du territoire, du service public de l'accueil des étrangers, titulaires d'un titre de séjour durable (de plus d'un an) 11 ( * ) en France pour la première fois ;
elle doit participer également à toutes les actions administratives, sanitaires et sociales relatives :
- à l'entrée et au séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois des étrangers ;
- à l'accueil des demandeurs d'asile ;
- à l'introduction en France, au titre du regroupement familial ou en vue d'y effectuer un travail salarié, d'étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne ;
- au contrôle médical des étrangers admis à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois ;
- au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine ;
- à l'emploi des Français à l'étranger.
L'ANAEM est autorisée, par voie de convention, à associer à ce service public tout organisme privé ou public, notamment les collectivités territoriales.
L'article L. 341-10 modifié du code du travail traite de l'organisation administrative et des moyens du nouvel EPA :
- l'ANAEM est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un directeur général. Le conseil d'administration comprend, outre son président, des représentants de l'État, des représentants du personnel de l'Agence et des personnalités qualifiées. Le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret ;
- les ressources de l'ANAEM sont constituées des taxes, des redevances et des subventions de l'État ;
- s'agissant de ses moyens humains, l'ANAEM peut, pour l'exercice de ses missions, recruter des agents non titulaires sous contrat à durée indéterminée.
Enfin, la définition des règles d'organisation et de fonctionnement de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations est renvoyée à un décret en Conseil d'État.
II - La position de votre commission
La création de l'ANAEM correspond à la définition d'un véritable service public de l'accueil, sur l'ensemble du territoire, service public auquel pourront être associés d'autres organismes ou collectivités.
Le nouvel établissement public reprendra toutes les missions assumées aujourd'hui par l'OMI, dans le domaine de l'accueil des étrangers, ainsi que la gestion des différents dispositifs mis en place pour favoriser le retour puis la réinsertion des étrangers volontaires pour regagner leur pays d'origine dans le cadre de l'aide publique à la réinsertion. Toutefois, elle ne sera plus chargée de la « réinsertion en France des Français ayant résidé à l'étranger » mais seulement de l'emploi des Français à l'étranger.
Lorsque l'Agence aura atteint son rythme de croisière, le service public de l'accueil sera étendu à l'ensemble des immigrants ayant vocation à séjourner durablement et de manière régulière sur le territoire français.
Pour la réussite de l'Agence, la spécificité du SSAé, en tant que service social spécialisé, constituera un atout précieux. Il importe donc de préserver cette mission spécifique, à laquelle sont très attachés les travailleurs sociaux.
S'agissant des modalités d'intervention de l'ANAEM, votre commission a souhaité établir, dès à présent, une articulation entre l'agence et ses futures partenaires : ainsi, une convention d'objectifs et de moyens pourra lier l'agence et ses partenaires, notamment les collectivités territoriales et les associations d'aide aux migrants qui pourront ainsi continuer de bénéficier des financements actuels.
Sous réserve de ces deux amendements, votre commission vous propose d'adopter cet article.
* 11 Pour les autres catégories d'étrangers, l'accueil temporaire continuera à être réalisé par les préfectures et les directions départementales.