Article 161
(art. L. 654-6 nouveau du code de commerce)
Interdiction pour le juge pénal de prononcer une sanction professionnelle
déjà prononcée par une juridiction civile ou commerciale

Cet article, modifié par l'Assemblée nationale, a pour objet d'interdire à la juridiction pénale de condamner le débiteur coupable de banqueroute à une peine complémentaire de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer lorsque cette sanction a déjà été prononcée définitivement par la juridiction civile ou commerciale.

1. Le droit en vigueur

La situation actuelle n'est pas satisfaisante. En effet, l'article L. 626-6 du code de commerce prévoit la possibilité pour la juridiction répressive de prononcer, à titre facultatif, soit la faillite personnelle soit l'interdiction de gérer à titre de peine complémentaire de la banqueroute.

Or, le juge civil est également compétent pour condamner un débiteur à la faillite personnelle ou à l'interdiction de gérer. L'articulation de sa compétence avec celle du juge pénal obéit à des règles complexes ayant largement alimenté la jurisprudence .

Le droit actuel dispose que s'il y a concours de décisions définitives rendues pour les mêmes faits à l'égard de la même personne par la juridiction civile ou commerciale et la juridiction répressive, il est prévu que seule la mesure ordonnée par le juge pénal est exécutée . Cette règle est l'application particulière d'un principe général du droit pénal selon lequel le pénal tient le civil en l'état, qui est justifié par le souci de prévenir les divergences entre les juridictions pénales et civiles.

Cette précision emporte des conséquences non négligeables pour le débiteur et tend à écarter l'application des règles édictées par le code de commerce. En effet, la durée de cette mesure obéit à un régime différent de celui défini par le droit commercial. La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt - critiqué par la doctrine - du 4 janvier 2000, a estimé que les règles définies pour les sanctions personnelles à l'article L. 695-10 ne prescrivent nullement aux juges répressifs de préciser la durée de la sanction. Seul s'impose à eux l'article 131-27 du code pénal selon lequel l'interdiction d'exercer une activité professionnelle peut être soit définitive, soit temporaire à condition de ne pas excéder cinq ans 379 ( * ) .

La nature de la mesure exécutée peut être modifiée, l'interdiction de gérer prononcée par le juge pénal pouvant se substituer à la faillite personnelle prononcée par le juge civil ou consulaire.

Certains praticiens ont jugé choquant que la décision du juge pénal pourtant saisi après le juge compétent pour la procédure de redressement ou de liquidation puisse prévaloir.

En outre, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, le dispositif mérite d'être simplifié car même si le débiteur coupable de banqueroute n'exécute qu'une seule peine, celui-ci s'expose « au prononcé d'une double peine », ce qui n'est pas satisfaisant.

2. Les modifications apportées par le projet de loi

Outre la renumérotation de l'article L. 626-6 qui deviendrait l'article L 654-6, le présent article propose d'inverser la solution retenue par le droit actuel dans l'hypothèse du concours de décisions rendues définitivement par le juge pénal et par le juge civil .

En l'absence de toute décision définitive en matière civile, le juge pénal, comme actuellement, serait libre de prononcer une sanction personnelle en application des règles du code pénal (article 131-27). Cette faculté serait néanmoins exclue dès lors qu'une de ces deux mesures aurait déjà été prononcée par la juridiction civile ou commerciale par une décision devenue définitive. En revanche, faute de précision relative à l'hypothèse d'une saisine concomitante de la juridiction civile et de la juridiction répressive, la décision du juge pénal l'emporterait à condition qu'elle soit rendue avant celle du juge civil. De même dans l'hypothèse où le juge pénal prononcerait une faillite personnelle alors que le juge consulaire aurait prononcé une interdiction de gérer et, inversement, le juge pénal resterait libre de prononcer la mesure dès lors que celle-ci n'a pas été décidée par le juge commercial.

L'innovation proposée par le projet de loi permet une simplification des règles. Elle va dans le sens de l'évolution souhaitée par M. Jean-Claude Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, sur la célérité et la qualité de la justice, remis au garde des Sceaux en juin 2004. En outre, il ne paraît pas illogique d'accorder au juge commercial - qui est le juge de la sanction - la primauté en ce domaine dès lors que celui-ci intervient avant le juge pénal.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 161 sans modification .

* 379 Ch. criminelle, 8 janvier 2003.

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