Article 177
(art. L. 662-4 nouveau du code de commerce)
Publicité des débats

Le présent article définit le régime de la publicité des débats devant le tribunal de commerce et le tribunal de grande instance.

Le droit à un procès public constitue une garantie essentielle du droit à « un procès équitable » au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). La Cour de cassation a veillé au respect de ce principe qui protège les justiciables contre une justice secrète susceptible d'être arbitraire.

La publicité du prononcé du jugement , à l'instar de toute décision de justice, ne soulève pas de difficultés. Elle est d'ailleurs consacrée dans le décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 à l'article 14 s'agissant du jugement d'ouverture de la procédure, à l'article 86 pour le jugement arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou de cession, à l'article 119 relatif au jugement prononçant la liquidation judiciaire ou encore à l'article 164 en matière de sanctions.

Le caractère public des débats tenus devant le tribunal appelle une mise en oeuvre plus nuancée . Il convient, en matière de procédures collectives, de trouver un juste équilibre entre deux objectifs contradictoires : assurer l'information des créanciers et des tiers sur la situation du débiteur qui ne dispose plus de la libre administration de ses biens et éviter que cette transparence accroisse les difficultés de l'entreprise au risque de compromettre toutes ses chances de redressement.

Telle est la raison pour laquelle le droit actuel prévoit l'absence de publicité des débats dans un certain nombre d'hypothèses. La confidentialité est prévue avant l'ouverture de la procédure collective dans le cadre des procédures amiables lorsque le tribunal, et plus particulièrement son président, intervient. Même après l'ouverture d'une procédure collective, ce principe demeure . L'audition du débiteur et des représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, préalable aux jugements rendus par le tribunal 414 ( * ) s'effectue en chambre du conseil.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 mai 1998, a estimé que l'audition préalable en chambre du conseil de la personne à l'égard de laquelle une procédure collective est susceptible d'être ouverte n'était pas incompatible avec l'article 6 alinéa 1 de la CEDH.

L'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a été notable pour faire progresser le principe de la publicité des débats. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs reconnu l'applicabilité de ce principe aux juridictions de l'ordre judiciaire (arrêt David du 4 octobre 1974). Toutefois, cette règle n'est pas intangible, la Cour européenne acceptant des adaptations. Elle autorise en effet :

- la faculté d'y renoncer (arrêt Le Compte, Van Leuven et de Meyere du 23 juin 1981), ni la lettre, ni l'esprit de l'article 6 de la CEDH n'empêchant une personne de renoncer de son plein gré, expressément ou tacitement, à cette garantie, sous réserve qu'elle ne soit pas équivoque et qu'elle ne se heurte à aucun intérêt public important ;

- des exceptions d'intérêt général. Le président du tribunal peut décider le huis clos afin de préserver la sérénité des débats.

Le présent article propose de définir les règles de la publicité des débats figurant dans diverses dispositions du code de commerce au sein d'un même article.

Il pose le principe selon lequel, avant l'ouverture d'une procédure collective, les débats devant le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce ont toujours lieu en chambre du conseil . Ainsi, lorsque le tribunal statue sur l'homologation de la conciliation, l'audition préalable du débiteur, des créanciers parties à l'accord, des représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, du conciliateur et du ministère public continuerait de se dérouler en chambre du conseil 415 ( * ) , de même que l'audition du débiteur, du représentant du comité d'entreprise préalable au jugement d'ouverture de la procédure collective 416 ( * ) . Ce dispositif ne paraît pas choquant dès lors que ces décisions ne revêtent pas un caractère proprement juridictionnel.

En revanche, le principe de la publicité des débats est affirmé après l'ouverture de la procédure à condition :

- soit que le débiteur, le mandataire judiciaire, l'administrateur, le liquidateur, le représentant des salariés ou le ministère public le demande ;

- soit que le président du tribunal le décide en cas d'évènements de nature à troubler la sérénité de la justice.

Ce dispositif permet de concilier le souci de garantir au débiteur que sa cause sera entendue publiquement tout en laissant la possibilité aux acteurs de la procédure d'apprécier si la chambre du conseil ne serait pas préférable pour éviter de donner une trop grande publicité aux difficultés de l'entreprise. Cette modification ne bouleverse pas le droit actuel.

Une exception serait toutefois posée à ce dispositif en matière de responsabilité pécuniaire des dirigeants (action en comblement de l'insuffisance d'actif et obligation aux dettes sociales) et de sanctions professionnelle s (faillite personnelle et interdiction de gérer). Le principe de la publicité des débats serait consacré de manière absolue sans possibilité pour le débiteur de demander le huis clos .

Cette disposition modifierait profondément le fonctionnement des débats préalables au jugement statuant sur les sanctions civiles. Contrairement à la philosophie du droit à un procès équitable, elle présente l'inconvénient d'aller à l'encontre des intérêts du mis en cause. Comme l'a fait valoir Mme Perette Rey lors de son audition devant votre commission le 30 mars 2005 417 ( * ) , il semble que ce souci de transparence se heurte à un constat objectif selon lequel près de 50 % des procédures en matière de sanction s'achèvent sans qu'une condamnation soit prononcée. Elle a jugé qu'une telle disposition conduirait à porter atteinte à la réputation de chefs d'entreprise défaillants mais honnêtes.

MM. Pascal Clément, président de la commission des lois, et Xavier de Roux, rapporteur, ont fait valoir les mêmes arguments au cours de débats à l'Assemblée nationale, jugeant plus logique de limiter l'obligation de transparence aux hypothèses de faute avérée. Ils ont de ce fait proposé de supprimer cette exception, contre l'avis du Gouvernement, mais n'ont pas été suivis par l'Assemblée nationale qui n'a pas adopté cette proposition.

Partageant la position défendue par la commission des lois de l'Assemblée nationale, votre rapporteur n'est pas convaincu que le respect du droit à un procès équitable implique nécessairement la « publicité systématique » des débats. La Cour européenne des droits de l'homme ne s'est d'ailleurs pas expressément prononcée en ce sens. Elle a en revanche toujours adopté une approche pragmatique de la notion de procès équitable au service de la personne mise en cause, ce qui milite au contraire pour l'instauration d'une règle soucieuse de son intérêt. De plus, outre son caractère vexatoire à l'égard du chef d'entreprise, une telle disposition ne paraît pas conforme à la philosophie du projet de loi qui, selon l'exposé des motifs, tend à « distinguer clairement les situations et adapter les réponses à chacune d'elles ». Enfin, il ne paraît pas possible d'écarter le huis clos dès lors que cette possibilité est autorisée sous de strictes conditions par la procédure pénale.

Telle est la raison pour laquelle votre commission vous propose un amendement tendant, outre à renuméroter le présent article compte tenu de la création d'un nouveau chapitre consacré aux frais de procédure, à permettre au débiteur de demander , avant les débats , que ceux-ci aient lieu en chambre du conseil . Le huis clos serait alors de droit.

Elle vous propose d'adopter l'article 177 ainsi modifié .

* 414 Cette règle s'applique notamment aux auditions préalables aux jugements prononçant l'ouverture d'une procédure collective (article L. 621-4), aux jugements arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou de cession (article 80 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985), aux jugements statuant sur les sanctions patrimoniales (articles 164 et 169 du décret de 1985 précité).

* 415 Voir le texte proposé pour l'article L. 611-9 par l'article 7 du projet de loi.

* 416 Voir le texte proposé pour l'article L. 621-1 par l'article 15 du projet de loi.

* 417 Voir Bulletin des commissions n° 22 précité - p. 4309.

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