Article 8 septies
(Article L. 302-9 du code de la
construction et de l'habitation)
Publication du bilan du respect de
l'article 55
Adopté par le Sénat en première lecture sur proposition de notre collègue Thierry Repentin, l'article 8 septies prévoit que le préfet rend public le bilan annuel du respect par les communes de leurs obligations au titre de l'article 55. En outre, il oblige le Gouvernement à transmettre, tous les trois ans, un rapport au Parlement qui porte sur le bilan des obligations triennales des communes en matière de construction de logements sociaux. L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel de sa commission des affaires économiques.
Propositions de votre commission
Le dispositif de l'article 55
Conformément aux engagements pris par votre rapporteur en première lecture, votre commission souhaite utiliser cet article afin de proposer, dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi, une réforme d'ensemble et équilibrée de l'article 55 de la loi « SRU ». Votre commission rappelle que ce dispositif a créé une obligation, à la charge de certaines communes, de disposer d'ici vingt ans de 20 % de logements locatifs sociaux rapportés au nombre total de leurs résidences principales.
Pour mémoire, il est rappelé que l'article 55 s'applique aux communes dont la population est au moins égale à 1.500 habitants en Île-de-France et 3.500 habitants dans les autres régions qui sont comprises, au sens du recensement général de la population, dans une agglomération de plus de 50.000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15.000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1 er janvier de l'année précédente, moins de 20 % des résidences principales. Sont exemptées de cette obligation, les communes comprises dans une agglomération dont le nombre d'habitants a décru entre les deux derniers recensements de la population et qui appartiennent à une communauté urbaine, une communauté d'agglomération ou une communauté de communes compétentes en matière de programme local de l'habitat, dès lors que celui-ci a été approuvé. Sont également exemptées les communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit approuvé ou d'une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l'environnement. Enfin, les communes qui touchent la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et qui disposent de plus de 15 % de logements sociaux sont exemptées du prélèvement. Les communes qui ne satisfont pas à l'obligation des 20 % et qui n'ont pas suffisamment investi, dans l'année, en faveur du logement social (la liste des dépenses déductibles est déterminée à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation), se voient alors appliquer un prélèvement sur leurs ressources égal au nombre de logements sociaux manquants multiplié par 20 % du potentiel fiscal (152,45 euros si le potentiel fiscal est inférieur à 762,25 euros). Le montant du prélèvement ne peut être supérieur à 5 % des dépenses de fonctionnement de la commune et il n'est pas effectué si son montant est inférieur à 3.811 euros. Les sommes ainsi collectées sont reversées, quand la commune est membre d'un EPCI compétent pour effectuer des réserves foncières en vue de la réalisation de logements sociaux et doté d'un programme local de l'habitat, à cet établissement pour financer des acquisitions foncières et immobilières en vue de la réalisation de logements sociaux et, notamment dans les quartiers inscrits en contrat de ville ou dans des zones urbaines sensibles, des opérations de renouvellement et de requalification urbains. Si la commune n'est pas membre d'un tel établissement, les sommes sont reversées à un établissement public foncier local si la commune en est membre ou, à défaut, à un fonds d'aménagement urbain régional destiné aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale pour des actions foncières et immobilières en faveur du logement social. |
Éléments de bilan
En 2005, 779 communes, sur les 1.389 répondant aux critères de population fixés par l'article 55 de la loi SRU et situées dans des agglomérations au sens de l'INSEE, avaient moins de 20 % de logements sociaux. 96 d'entre elles étaient exonérées de l'application du dispositif, 12 parce que couvertes par un plan d'exposition au bruit ou une servitude de protection, 32 pour « décroissance démographique » et 52 parce que touchant la DSU et disposant de plus de 15 % de logements sociaux. Sur 683 communes redevables du prélèvement, seules 555 ont été prélevées, les 128 autres ayant effectué des dépenses déductibles supérieures au prélèvement ou ayant été frappées par un prélèvement inférieur à 3.811 euros. Le prélèvement net total s'est élevé à 36,14 millions d'euros, 20 millions ayant été redistribués par l'intermédiaire des EPCI et des établissements publics fonciers locaux, les 16 millions restants par le biais des fonds d'aménagement urbain.
Votre commission est bien entendu attachée à l'objectif de promotion de la mixité sociale, qui sous-tend ce mécanisme. Elle a, en revanche, toujours été réservée sur les modalités qui ont été définies en 2000 pour l'atteindre. En particulier, votre rapporteur, auteur et rapporteur en 2002 d'une proposition de loi portant modification de la loi SRU et de son article 55 61 ( * ) , a réaffirmé à de nombreuses reprises ses critiques envers un dispositif, stigmatisant de façon souvent injuste les élus locaux et ayant contribué à mettre à l'index certaines communes qui, sans être hostiles à la construction de logements sociaux, éprouvaient des difficultés financières ou techniques pour réaliser les opérations nécessaires. Votre rapporteur a ainsi toujours indiqué qu'il jugeait plus efficace, en matière de construction de logements sociaux, de privilégier le contrat à la contrainte.
Pour ces raisons déjà largement développées, il est ainsi proposé, par un amendement portant article additionnel après l'article 8 sexies , d'améliorer ce dispositif en le rendant plus respectueux des réalités locales. Conformément aux déclarations de M. Jean-Louis Borloo, il s'agit ainsi de rendre le mécanisme à la fois plus pénalisant pour les communes qui ne participent pas à l'effort national de mixité sociale et plus respectueux des réalités locales, et donc plus incitatif pour les communes qui remplissent leurs obligations ou rencontrent des difficultés à les remplir.
Votre commission a souhaité aborder cette question de la réforme de l'article 55 en deuxième lecture, conformément à la volonté de votre rapporteur, puisqu'un bilan de la première période triennale est désormais disponible. Comme le Ministre l'a souligné en séance publique lors de la première lecture du projet de loi au Sénat, il était important de laisser le temps au Gouvernement de dresser ce bilan et de mettre en oeuvre, le cas échéant, la procédure de constat de carence. A cet égard, il est indiscutable que cette orientation a été suivie. En effet, l'analyse des constats de carence pris par les préfets montre que sur les communes soumises aux obligations de construction de l'article 55, 363 n'avaient pas respecté en totalité leur objectif. 111 communes ont été mises en carence pour l'année 2005 et 36 devraient faire l'objet d'un tel arrêté au cours de l'année 2006, soit 147 arrêtés touchant 40 % des communes n'ayant pas respecté tous leurs engagements. L'analyse géographique montre que les zones les plus concernées par cette procédure sont les régions Île-de-France (66 constats de carence en 2005), Provence-Alpes-Côte-d'Azur (21) et Rhône-Alpes (13).
L'appréciation des efforts de construction sur la période allant du 1 er janvier 2001 au 1 er janvier 2004 est retracée dans le tableau retracé ci-dessous.
Taux de réalisation de l'objectif triennal |
0- 10 % |
11-20 % |
21-30 % |
31-40 % |
41-50 % |
51-60 % |
61-70 % |
71-80 % |
81-90 % |
91-100 % |
> 100 % |
Nombre de communes |
112 |
36 |
34 |
29 |
36 |
29 |
21 |
24 |
19 |
33 |
347 |
Pourcentage des communes |
15,6 % |
5 % |
4,7 % |
4 % |
5 % |
4 % |
2,95 % |
3,35 % |
2,6 % |
4,6 % |
48,2 % |
Même si votre rapporteur n'a pas eu l'occasion de croiser finement ces données, dans la mesure où 112 communes ont réalisé entre 0 et 10 % de leurs objectifs, il est plus que vraisemblable que ce sont, dans la majorité des cas, celles-là même qui ont fait l'objet d'un constat de carence.
En outre, selon les informations fournies à votre commission, la moyenne des taux de majoration du prélèvement s'établit à 70 %, peu de préfets ayant utilisé la possibilité donnée par la loi de majorer le prélèvement à hauteur de 100 % (seulement 18 communes pour le moment).
Votre commission retire trois grands enseignements de ce bilan :
- la majorité des communes soumises à l'article 55 a globalement respecté ses obligations triennales, puisque 52,8 % d'entre elles ont un taux de réalisation des objectifs de construction supérieur à 90 % ;
- s'agissant des communes n'ayant pas respecté la totalité de leurs obligations, votre commission note que le « déficit » de logements sociaux résultant de ce non respect a été largement compensé par les communes qui ont dépassé leurs objectifs, puisque la différence est positive et s'élève à plus de 25.000 logements sociaux ;
- les préfets n'ont utilisé la possibilité de majorer le prélèvement qu'avec modération.
Au final, ces éléments concrets amènent à relativiser l'ensemble des polémiques sur l'article 55. Votre commission est persuadée que les voies d'une amélioration de ce mécanisme peuvent être trouvées. Tel est l'objet de l'amendement qu'elle vous soumet.
Les évolutions du dispositif
Le 1° de l'amendement modifie l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. Son a) procède à une correction juridique et son b) corrige une erreur de référence à un code désormais abrogé.
Le 2° de l'amendement modifie l'article L. 302-7.
Le a) constitue une mesure de justice entre les différentes communes soumises à l'article 55. En effet, selon la rédaction actuelle de l'article, le prélèvement est égal au nombre de logements sociaux manquants multiplié par 152,45 euros ou 20 % du potentiel fiscal pour les communes dont le potentiel fiscal est supérieur à 762,25 euros. Votre commission estime utile de simplifier ces dispositions pour les rendre plus justes en généralisant le principe de proportionnalité à toutes les communes. Elle juge qu'il n'était pas équitable de pénaliser, de manière proportionnelle, plus fortement les communes les moins riches.
Le b) rend déductibles du prélèvement les dépenses liées à des baux emphytéotiques. En effet, le texte actuel de l'article L. 302-7 ne permet pas de déduire du prélèvement l'aide apportée par la commune lorsqu'elle met un bien à disposition d'un organisme HLM pour la réalisation de logements sociaux. Or, à l'évidence, le fait de donner à bail un terrain représente un investissement de la commune en faveur de la construction de logements sociaux. Les baux présentent, en outre, le double avantage d'abaisser, voire d'annuler, le coût de l'acquisition foncière pour le bailleur social et de permettre à la collectivité de conserver la maîtrise foncière de son bien. En conséquence, le texte proposé par votre commission rend déductible la moins-value résultant de cette mise à bail, quand celle-ci se fait à un loyer capitalisé inférieur à la valeur estimée par le service des domaines. Les baux à loyer faible ou nul sont ainsi encouragés par cette disposition.
Afin de favoriser des opérations plus importantes, le c) autorise le report de la déduction des dépenses faites en faveur du logement locatif social sur plusieurs années au prorata du nombre de logements que ces dépenses permettent de construire. Il est en effet important qu'une telle disposition ne permette pas à des communes où le foncier est cher d'échapper à leurs obligations en faisant des investissements coûteux ne débouchant sur la construction que d'un faible nombre de logements sociaux.
Enfin, le d) permet qu'en l'absence d'un EPCI compétent pour constituer des réserves foncières ou d'un établissement public foncier local, les sommes collectées au titre de l'article 55 dans les DOM puissent être reversées aux fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain (FRAFU), créés par l'article L. 340-2 du code de l'urbanisme, en lieu et place des fonds d'aménagement urbain régionaux, créés en métropole.
Le 3° de l'amendement modifie l'article L. 302-8. Il insère en particulier des précisions sur les engagements triennaux de construction de logements sociaux pris par les communes afin que la possibilité, dans le cadre d'un programme local de l'habitat, de répartir entre les communes des objectifs de réalisation assignés aux communes déficitaires ne perturbe pas la possibilité de faire des bilans, quand le calendrier du programme local de l'habitat est différent du calendrier des engagements de la loi.
Le 4° reprend, sans les modifier, les dispositions de l'article 8 septies du projet de loi, adopté à l'initiative de notre collègue Thierry Repentin.
Le 5° corrige une erreur matérielle qui s'était glissée dans l'article L. 302-9-1 à l'occasion de la réécriture de son dispositif (constats de carence) par la loi du 11 décembre 2001, suite à la censure par le Conseil constitutionnel du mécanisme prévu, à l'origine, par la loi SRU.
Le 6° crée un nouvel article L. 302-9-1-1 et constitue l'apport majeur du présent amendement. Votre rapporteur tient tout d'abord à rappeler qu'aux termes de l'article L. 302-9, la commune, ou l'établissement public de coopération intercommunale ayant adopté un programme local de l'habitat, établit, au terme de chaque période triennale, un bilan sur le respect des engagements pris en matière de mixité sociale et que ce dernier est communiqué au comité régional de l'habitat.
L'article L. 302-9-1 prévoit, quant à lui, que les communes soumises au prélèvement qui n'ont pas respecté leurs engagements peuvent faire l'objet d'une déclaration de carence. A cet effet, le préfet informe la commune de son intention d'engager une procédure de constat de carence et l'invite à présenter ses observations dans un délai de deux mois. Dans un deuxième temps, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation sur les motifs de l'insuffisance de réalisation de logements sociaux. S'il l'estime nécessaire, il prononce la carence par arrêté motivé et après avis du comité régional de l'habitat. Cet arrêté de carence a pour conséquence la majoration, pour une période de trois ans, du prélèvement à un taux fixé par le préfet et que la loi encadre au prorata des logements non réalisés. La déclaration de carence autorise également le préfet à conclure une convention avec un organisme HLM en vue de la réalisation de logements sociaux sur le territoire de la commune, correspondant aux objectifs fixés par l'engagement triennal. Pour ce faire, le droit de préemption du maire est suspendu sur les immeubles et terrains faisant l'objet de la convention 62 ( * ) et le préfet peut délivrer les permis de construire au nom de l'Etat 63 ( * ) .
Afin de prendre en compte la situation souvent très contrastée des communes n'ayant pas respecté leur obligation triennale, votre commission préconise la création d'un mécanisme transparent de concertation et d'aide à la décision ayant pour objet d'examiner les conditions qui ont conduit lesdites communes à ne pas respecter leurs obligations. Il vous est ainsi proposé de créer une commission départementale chargée de l'examen du respect des obligations fixées par l'article 55. Présidée par le préfet, elle serait composée du maire de la commune concernée, du président de l'EPCI compétent en matière d'habitat si la commune est membre d'un tel établissement, des représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire de la commune et des représentants des associations agréées ayant pour objet le logement des défavorisés.
Cette commission aurait pour mission d'examiner les raisons qui ont conduit la commune à ne pas respecter son objectif triennal de réalisation de logements sociaux et d'analyser les possibilités et les projets de construction de logements sociaux.
Sur la base de cet examen transparent et contradictoire, la commission se trouverait confrontée à deux types de situation. Dans le premier cas de figure, la commission parviendrait à déterminer des possibilités de construction de logements sociaux correspondant à son objectif triennal. En ce cas, le préfet aurait la possibilité d'élaborer, sur la base des projets identifiés par la commission, pour la prochaine période triennale, un échéancier de construction de logement sociaux visant à rattraper le retard accumulé au cours de la période passée s'additionnant aux obligations incombant à la commune au titre de la prochaine période triennale. La commission aurait, pour les communes ayant fait l'objet d'un arrêté de carence, la possibilité de doubler le taux de majoration du prélèvement.
Dans le deuxième cas de figure, si la commission établissait que la commune n'avait pu respecter ses obligations, pour des raisons objectives, liées notamment à l'absence de foncier disponible, à une multiplication des recours contre les permis de construire, à des servitudes d'urbanisme limitant de manière drastique les possibilités de construire, alors la commission départementale saisirait, avec l'accord du maire concerné, une commission nationale du cas de cette commune.
Cette commission nationale, présidée par le ministre chargé du logement, serait composée de deux membres de l'Assemblée nationale et de deux membres du Sénat. Surtout, elle regrouperait des représentants des associations représentatives des élus locaux, de l'Union nationale des organismes HLM, du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, ainsi que des représentants des associations oeuvrant dans le domaine du logement des personnes défavorisées, désignés par le conseil national de l'habitat. Cette commission aurait pour tâche d'entendre le maire de la commune concernée ainsi que le représentant de l'Etat du département dans lequel la commune est située.
Dans les cas où la commission parviendrait à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle pourrait recommander au ministre chargé du logement un aménagement des obligations de construction de logements sociaux.
Dans les cas où elle parviendrait à déterminer des possibilités de constructions de logements sociaux correspondant à l'objectif triennal passé, elle recommanderait l'élaboration, pour la prochaine période triennale, d'un échéancier de construction de logements sociaux permettant, sans préjudice des obligations fixées au titre de la prochaine période triennale, de rattraper le retard accumulé au cours de la période triennale échue et la mise en oeuvre de la procédure de constat de carence.
Les avis de la commission seraient motivés et rendus publics.
Tel est le dispositif que vous soumet l'amendement présenté par votre commission à cet article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié. |
* 61 Proposition de loi n° 37 (2002-2003) portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, présentée par MM. Dominique Braye, Gérard Larcher, Charles Revet, Jean François-Poncet, Georges Gruillot, Michel Mercier et plusieurs de leurs collègues.
* 62 Cf. f) de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme.
* 63 Cf. dernier alinéa de l'article L. 421-2-1 du même code.