CHAPITRE III - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL DE LA COLLECTIVITÉ DÉPARTEMENTALE DE MAYOTTE

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, constatant que la pratique du travail illégal dans certaines parties du territoire national contribuait à favoriser les séjours irréguliers d'étrangers, a insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts déjà entrepris en matière de lutte contre le travail clandestin.

Si un renforcement général des dispositifs juridiques ainsi qu'un accroissement annoncé des personnels de l'inspection de travail devraient assurer une lutte plus efficace en métropole, la situation en outre-mer, et plus particulièrement à Mayotte, appelle des mesures spécifiques. Comme l'a relevé la commission d'enquête, il existe, dans ce territoire ainsi qu'en Guyane, « une forme d'accoutumance à l'existence, ordinaire, d'un important volet de travail clandestin, qui requiert une action énergique des pouvoirs publics. » 215 ( * )

Article 77 (art. L. 330-11, L. 610-4, L. 610-6 et L. 610-11 du code du travail applicable à Mayotte)
Contrôle des employés de maison à Mayotte - Accès aux locaux d'habitation en cas d'enquête préliminaire relative aux infractions de travail dissimulé et d'emploi d'étranger sans titre - Montant de l'amende

Cet article, qui a fait l'objet de plusieurs amendements rédactionnels et de précision à l'Assemblée nationale, tend à permettre le contrôle des employés de maison à Mayotte et l'accès, dans le cadre d'enquêtes préliminaires relatives aux infractions de travail dissimulé et d'emploi d'étranger sans titre, aux locaux d'habitation. Il modifierait ainsi les articles L. 330-11, L. 610-4, L. 610-6 et L. 610-11 du code du travail applicable à Mayotte qui instaure un corps de règles dérogatoire par rapport au code du travail applicable en métropole ainsi que dans les départements d'outre-mer.

Le premier paragraphe (I A) de cet article, introduit à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à accroître le montant de l'amende administrative qui peut être prononcée par le préfet de Mayotte à l'encontre d'un employeur de travailleurs clandestins .

Ce montant, fixé actuellement à 100 fois le montant du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) horaire à Mayotte, ne permet de condamner l'employeur qu'à une peine maximale de 360 euros, ce qui ne revêt nullement un caractère dissuasif. Aussi l'Assemblée nationale a-t-elle porté , à juste titre, le montant de cette amende à 1.000 fois le SMIG horaire.

Votre commission espère que cette mesure dissuadera davantage les employeurs mahorais -qui sont parfois aussi des fonctionnaires et des élus- de recourir au travail dissimulé.

Les deuxième et troisième paragraphes (I et II) de cet article mettraient fin à ce qui peut être considéré comme une grave anomalie à Mayotte, à savoir le fait que les mesures de contrôle du respect de la législation du travail ne concernent pas , en vertu de l'article L. 610-4 du code du travail de Mayotte, les employés de maison .

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette exclusion avait été imaginée en 1991, lors de l'élaboration de ce code, afin de prendre en compte une sorte de « pratique coutumière » d'employés de maison non déclarés.

Difficilement admissible dans son principe, cette situation l'est plus encore aujourd'hui compte tenu de l'importance de l'immigration clandestine dans cette collectivité. En effet, la facilité avec laquelle il est possible, à Mayotte, de travailler en qualité d'employé de maison sans jamais être déclaré constitue un élément incontestable d'attractivité des clandestins et une aide directe à leur séjour irrégulier sur l'archipel mahorais.

Aux termes de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale abrogerait purement et simplement l'article L. 610-4 du code du travail applicable à Mayotte, les contrôles relatifs au respect de la législation du travail s'appliqueraient désormais aux employés de maison comme à tous les autres salariés mahorais.

L'article L. 610-6 de ce code serait modifié aux mêmes fins.

Cette disposition prévoit actuellement que les inspecteurs et les contrôleurs du travail ont entrée dans tous les établissements où sont applicables les dispositions du droit du travail à l'effet d'y assurer la surveillance et les enquêtes dont ils sont chargés et entrée dans les locaux où les travailleurs à domicile effectuent les travaux qui leur sont confiés. Ils sont habilités à demander aux employeurs et aux personnes occupées dans les établissements assujettis au présent code de justifier de leur identité et de leur adresse.

Elle serait modifiée afin que les contrôleurs et inspecteurs du travail puissent, dans les mêmes conditions et aux mêmes fins, entrer dans les locaux dans lesquels les employés de maison effectuent leurs tâches .

Le quatrième paragraphe (III) de cet article complèterait l'article L. 610-11 du code du travail applicable à Mayotte par une rédaction quasi-identique à celle actuellement retenue par l'article L. 611-13 du code du travail applicable en métropole et dans les départements d'outre-mer.

Si le texte proposé conserverait le principe selon lequel les dispositions relatives au contrôle des infractions relatives à la législation du travail ne dérogent pas « aux règles du droit commun relatives à la constatation et à la poursuite des infractions par les officiers et agents de police judiciaire », il instituerait néanmoins un dispositif particulier.

Ainsi, les officiers de police judiciaire assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire, pourraient procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction dans les lieux de travail -même lorsqu'il s'agit de locaux habités- des :

- salariés visés à l'article L. 000-1, c'est-à-dire « tous les salariés exerçant leur activité dans la collectivité départementale » ;

- travailleurs indépendants ;

- employeurs exerçant directement une activité . Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette rédaction tendrait à englober les artisans.

Le cumul de ces critères permet ainsi d'aller au-delà de l'article L. 000-1 et de contrôler non seulement l'entreprise ou la société à laquelle les travailleurs sont rattachés mais aussi les chantiers où ils exercent effectivement leur activité .

Ces visites, perquisitions et saisies, qui pourraient donc intervenir dans des locaux habités, seraient néanmoins fortement encadrées par un dispositif juridique impliquant un contrôle permanent de l'autorité judiciaire.

D'une part, ces démarches de police judiciaire ne pourraient intervenir que dans le cadre des enquêtes préliminaires diligentées pour la recherche et la constatation des infractions prévues aux articles L. 312-1 et L. 330-5 du code du travail applicable à Mayotte, à savoir :

- le recours ou la publicité du recours à du travail totalement ou partiellement dissimulé , soit du fait d'une dissimulation d'activité 216 ( * ) , soit à raison d'une dissimulation d'emploi salarié 217 ( * ) ;

- le recours à un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée à Mayotte.

D'autre part, les officiers et agents de police judiciaire ne pourraient intervenir qu'après avoir obtenu une ordonnance du président du tribunal de première instance de Mayotte ou d'un juge délégué par lui, rendue sur réquisitions du procureur de la République.

Pour éviter que l'autorisation de pratiquer la visite domiciliaire ou la perquisition ne soit accordée par le juge sur la seule foi des réquisitions du ministère public, le texte prévoirait que le juge devrait vérifier que les réquisitions du procureur de la République sont fondées sur des éléments de fait laissant présumer l'existence des infractions dont la preuve est recherchée.

Votre commission estime que ce dispositif de contrôle devrait permettre de mieux sanctionner l'emploi clandestin à Mayotte, en particulier lorsqu'il intervient dans le cadre d'activités d'employés de maison. Il était d'ailleurs préconisé, quoique sous une forme quelque peu différente puisqu'il prévoyait alors l'intervention du juge des libertés et de la détention, tant par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 218 ( * ) que par la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la situation de l'immigration à Mayotte 219 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 77 sans modification .

* 215 Rapport n° 300 (2005-2006), tome 1, p. 158.

* 216 Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

a) n'a pas requis son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

b) ou n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale au titre de son activité professionnelle, en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

* 217 Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L. 1 43-3 et L. 311-1 du code du travail applicable à Mayotte. La mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord conclu en application du chapitre II du titre Ier du livre II du même code, une dissimulation d'emploi salarié.

* 218 Rapport n° 300 (Sénat, 2005-2006), tome 1, p. 159.

* 219 Rapport n° 2932 (Assemblée nationale, XIIè lég.), p. 52.

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