Paragraphe 2
Des actes que le tuteur accomplit avec une autorisation
Art. 505 du code civil : Autorisation des actes de disposition
Cet article fixe les modalités d'autorisation des actes de disposition.
• Le régime général
Le projet de loi reprend les termes du premier alinéa de l'article 457 du code civil, afin de soumettre les actes de disposition à une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge.
Cette disposition a pour effet d'obliger le tuteur à la requérir pour emprunter au nom du tutélaire ou pour aliéner ou grever de droits réels des immeubles, des fonds de commerce, des valeurs mobilières, des droits incorporels (créances, brevets, rentes ...) ou des meubles précieux ou constituant une part importante du patrimoine.
En matière de baux, le périmètre des actes devant être regardés comme de disposition a été délimité par la jurisprudence. Ainsi, le troisième alinéa de l'actuel article 456 ne concernant que les baux conclus par le tuteur seul, le conseil de famille ou le juge peut autoriser le tuteur à consentir sur les biens du tutélaire un bail ouvrant droit à renouvellement envers le tutélaire devenu ou redevenu capable 119 ( * ) . De même, la location en gérance d'un fonds de commerce appartenant au tutélaire est un acte de disposition qui excède les pouvoirs d'administration du tuteur 120 ( * ) .
Le projet de loi précise le contenu de l'autorisation : le conseil de famille ou, à défaut, le juge devra déterminer les stipulations et, en cas d'aliénation d'un bien, le prix de vente ou la mise à prix. Ces exigences qui ne sont, en l'état du droit, explicitement prévues que pour la vente d'un immeuble ou d'un fonds de commerce, s'appliqueront pour tout acte de disposition, sous réserve des actes d'usage que le tutélaire peut faire lui-même.
Le tuteur n'aura pas à solliciter une autorisation lorsqu'un jugement aura déjà ordonné la vente forcée des biens, par exemple à la suite d'une expropriation, ou autorisé une vente amiable, par exemple en cas de licitation à la demande d'un copropriétaire indivis. Il importe en effet que les décisions du conseil de famille ou du juge des tutelles ne puissent pas remettre en cause celles de l'autorité publique. Admise par la jurisprudence, cette dérogation n'était jusqu'à présent explicitement prévue qu'en cas de licitation (article 460 du code civil).
• Les régimes particuliers
Le projet de loi modifie les dispositions spécifiques à l'aliénation d'immeubles, de fonds de commerce ou d'instruments financiers.
En l'état du droit (premier et deuxième alinéas de l'article 459 du code civil), la vente d'immeubles ou de fonds de commerce doit en principe se faire aux enchères publiques, à moins que le conseil de famille ou, à défaut, le juge n'autorise une vente à l'amiable soit par adjudication, soit de gré à gré.
La vente aux enchères publiques, c'est-à-dire par adjudication judiciaire, obéit aux prescriptions des articles 1271 et suivants du nouveau code de procédure civile. La vente doit être préalablement autorisée par une délibération du conseil de famille (ou, pour les tutelles sans conseil de famille, par une décision du juge des tutelles), fixant la nature des biens vendus et leur valeur approximative. La mise à prix est déterminée par le tribunal, au besoin après estimation ou expertise, et constituera le prix minimum en deçà duquel le tuteur n'est pas tenu de vendre. La vente aux enchères se déroule soit à la barre du tribunal de grande instance, soit en l'étude d'un notaire commis à cette fin par le tribunal. Elle doit se faire, le subrogé tuteur - s'il existe - présent ou appelé. Celui-ci doit en outre recevoir notification de la vente à peine de nullité. Après la vente, une surenchère peut intervenir au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l'adjudication a eu lieu ; le tribunal ou le notaire est alors à nouveau saisi.
La vente amiable est devenue le mode normal de vente des immeubles appartenant aux personnes protégées, dès lors que leurs intérêts ne commandent pas une autre solution ou que la loi ne l'impose pas. Elle est autorisée par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge des tutelles qui peut décider soit une vente par adjudication amiable - auquel cas il fixe la mise à prix -, soit une vente de gré à gré - auquel cas il fixe le prix et les stipulations du contrat. En pratique, le sérieux du prix est garanti soit par une expertise, soit par une attestation d'un notaire établissant qu'un acquéreur offre un prix égal à la valeur vénale du bien.
L'apport en société d'un immeuble ou d'un fonds de commerce est soumis à des formalités moindres : il a lieu à l'amiable sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles, sur le rapport d'un expert judiciaire (troisième alinéa de l'article 459).
La vente de valeurs mobilières obéit également à des formalités allégées, prévues aux deux derniers alinéas de l'article 459. S'il s'agit de valeurs cotées, la vente s'effectue par le ministère d'une société de bourse. Dans le cas contraire, la vente a en principe lieu aux enchères par une société de bourse ou un notaire ; le conseil de famille ou, à défaut, le juge des tutelles peut néanmoins autoriser une vente de gré à gré dont, sur le rapport d'un expert judiciaire, il fixe le prix et les stipulations.
Ainsi, la formalité des enchères est battue en brèche par la pratique, tant judiciaire que notariale, qui recourt presque systématiquement à la vente à l'amiable. En règle générale, celle-ci débouche, en effet, sur un meilleur prix.
Prenant acte de la généralisation des ventes amiables, le projet de loi simplifie et assouplit les conditions de vente des immeubles, des fonds de commerce et instruments financiers non cotés, en prévoyant un régime unique, commun à ces trois catégories. L'autorisation de la vente ou de l'apport en société ne sera désormais subordonnée qu'à la réalisation préalable d'une mesure d'instruction exécutée par un technicien ou par le simple recueil de l'avis d'au moins deux professionnels qualifiés. Le tuteur devra ainsi accompagner sa demande d'autorisation par des attestations émanant d'experts de son choix.
Par ailleurs, s'agissant d'une vente d'instruments financiers, le projet de loi maintient les dispositions du dernier alinéa de l'article 468 qui permet au juge de déroger à l'accord préalable du conseil de famille en cas d'urgence. Ainsi, si l'urgence le justifie, le juge pourra toujours autoriser le tuteur à vendre des instruments financiers, à charge pour celui-ci d'en rendre compte sans délai au conseil de famille qui décidera du remploi des fonds. Ces dispositions ne trouveront à s'appliquer qu'à la tutelle d'un mineur ou à celle d'un majeur pour laquelle un conseil de famille a été institué. L'obligation de faire réaliser une mesure d'instruction ou de recueillir l'avis de deux professionnels s'imposera au tuteur si les valeurs ne sont pas cotées.
* 119 Cass 1 ère civ, 21 juin 1989.
* 120 Cass 1 ère civ, 21 mars 1966.