TITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES ET LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

Le titre II du projet de loi, divisé en trois chapitres, tend à modifier le code de l'action sociale et des familles afin de compléter le nouveau régime de protection des majeurs inscrit dans le code civil. Il prévoit :

- la définition d'une nouvelle mesure d'accompagnement social, préalable à la mise en oeuvre de la mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) définie par l'article 5 du projet de loi (chapitre premier) ;

- la création d'une profession unique -celle de « mandataire judiciaire à la protection des majeurs »- ayant pour objet spécifique l'exercice des mesures de protection des majeurs, définie par le titre XI du code civil dans sa rédaction issue de l'article 5 du projet de loi (chapitre II) ;

- une modification du régime de contrôle des établissements et des services sociaux ou médico-sociaux, dont certains sont appelés à jouer un rôle dans le cadre de la mise en oeuvre des mesures de protection des majeurs (chapitre III).

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié l'intitulé de ce titre afin de viser également le code de la santé publique, l'article 16 du projet de loi modifiant effectivement ce dernier.

CHAPITRE IER
L'ACCOMPAGNEMENT DU MAJEUR EN MATIÈRE SOCIALE ET BUDGÉTAIRE

Article 8
(titre VII nouveau du code de l'action sociale et des familles)
Accompagnement social et budgétaire personnalisé

Cet article tend à créer, au sein du code de l'action sociale et des familles, un titre VII relatif à l'« accompagnement de la personne en matière sociale et budgétaire », comportant un article unique établissant une « mesure d'accompagnement social personnalisé ». Ce chapitre comporte huit articles numérotés L. 271-1 à L. 271-8.

Il est apparu indispensable de prévoir une mesure d'accompagnement social non judiciaire, jusqu'à ce jour inexistante, afin de limiter le recours à la tutelle aux prestations sociales, voire aux règles de la sauvegarde de justice, de la curatelle ou de la tutelle, alors même que la personne en difficulté ne connaît pas d'altération de ses facultés mentales ou de ses facultés corporelles de nature à entraver l'expression de sa volonté.

Le rapport des trois inspections, remis en juillet 1998, constatait que « si le critère légal de l'altération des facultés mentales ou corporelles de la personne demeure le fondement premier de l'ouverture des régimes de protection, d'autres considérations entrent également en jeu dans la décision des juges. Elles tiennent essentiellement à la situation sociale de l'intéressé » 127 ( * ) . Depuis cette date, il semble d'ailleurs que les dérives dans l'utilisation des régimes de protection judiciaire des majeurs se soient encore aggravées.

Outre une remise en cause des principes fondateurs des lois du 18 octobre 1966 et du 3 janvier 1968, le prononcé de mesures de protection judiciaire des majeurs là où un accompagnement social non judiciaire s'avère suffisant et adéquat entraîne un coût majeur pour les finances publiques.

Selon des données transmises par la direction générale des affaires sociales du ministère de la santé (DGAS), l' institution d'une mesure d'accompagnement social non judiciaire pourrait permettre d'éviter l'ouverture de 2 % des tutelles, 5 % des curatelles hospitalières, 10 % des sauvegardes de justice, 15 % des autres catégories de curatelles et 57 % des mesures de tutelles aux prestations sociales 128 ( * ) .

Le nombre de MASP devant être ouvertes en 2007 devrait ainsi avoisiner 8.300 en 2007 et 15.600 en 2011 129 ( * ) , pour un coût estimé entre 16,1 et 19,3 millions d'euros en 2007 et 23,9 à 25,7 millions d'euros en 2011. Le nombre envisagé par le Gouvernement, de personnels supplémentaires, au niveau des départements, est évalué à 146 emplois équivalents temps plein (ETPT) en 2009 et 673 ETPT en 2013 130 ( * ) .

De fait, le dispositif proposé par le présent article prévoit une prise en charge graduelle des personnes en difficultés sociales, assurée par le département, et comportant trois phases :

- l'institution d'une mesure d'accompagnement social de nature contractuelle ;

- en cas d'échec de l'approche contractuelle, l'affectation directe au bailleur, sur autorisation judiciaire, des prestations sociales à hauteur du montant du loyer et des charges locatives ;

- lorsque ces démarches n'ont pas abouti à améliorer la situation de l'intéressé, la transmission au procureur de la République, aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire, d'informations sur la situation sociale, médicale et pécuniaire du bénéficiaire de l'accompagnement social.

Art. L. 271-1 du code de l'action sociale et des familles :
Champ d'application et nature
de la mesure d'accompagnement social personnalisé

La mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP), prévue par l'article L. 271-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles, est ouverte à toute personne majeure dont « la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu'elle éprouve à gérer ses ressources ».

Les difficultés de gestion budgétaire rencontrées par certaines personnes peuvent en effet menacer leur santé ou leur sécurité. Les exemples en sont nombreux. Ainsi, un défaut persistant de paiement de loyers peut conduire au prononcé d'une mesure d'expulsion aboutissant à ce que la personne ne dispose plus d'un domicile fixe, ce qui la met dans une situation d'insécurité et risque d'entraîner une dégradation rapide de sa santé.

On peut estimer que, concrètement, la MASP sera le plus souvent proposée par un travailleur social d'un centre communal d'action sociale, d'un organisme de logement (type HLM) ou de tout autre service qui aura identifié une difficulté dans la gestion budgétaire de la personne et estimera souhaitable de la diriger vers les services du département. L'intéressé pourra également solliciter la mise en place d'un tel accompagnement.

Votre commission tient à souligner que, en l'absence d'interdiction expresse sur ce point, la MASP pourra, dans certaines situations, se cumuler avec une mesure de traitement des situations de surendettement prévue par le code de la consommation.

Ainsi, le dépôt d'un dossier devant la commission de surendettement pourra intervenir en faveur d'une personne soumise à une MASP s'il est estimé que la combinaison des deux dispositifs peut permettre à l'intéressé de surmonter ses difficultés. A l'inverse, une MASP pourra très bien être proposée à une personne éprouvant des difficultés à respecter les engagements qu'elle a souscrit dans le cadre du plan de redressement de sa situation financière. La MASP pourra alors lui permettre de prendre conscience de ses difficultés et de leurs causes, de le conduire à des comportements plus adaptés aux contraintes de la vie courante.

La mesure proposée comporte une action en deux volets du département :

- d'une part, une aide à la gestion des prestations sociales.

La limitation de la MASP, dans le texte initial du Gouvernement, aux seules prestations sociales présente une continuité totale avec l'actuelle TPSA, dont elle constitue la modalité « administrative » ou, en tous les cas, « non judiciaire ».

Toutefois, contre l'avis du Gouvernement et de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Claude Leteurtre, avec l'appui du rapporteur pour avis de sa commission des affaires culturelles, tendant à permettre d' apporter, dans le cadre de la MASP, une aide à la gestion « d'autres ressources » que les prestations sociales dont l'intéressé est bénéficiaire.

Votre commission est favorable à l'extension du dispositif décidé par l'Assemblée nationale.

Certes, le public concerné par cette mesure d'accompagnement social devrait, a priori, être composé d'individus disposant de revenus limités qui, pour l'essentiel -si ce n'est dans leur quasi-totalité- sont constitués de prestations ou d'allocations sociales. Pour autant, ces personnes peuvent parfois disposer d'autres ressources, d'un montant souvent réduit, mais qui peuvent leur apporter un complément réel sans leur faire perdre le droit à prestations. Il s'agit rarement de revenus du travail, mais ces personnes peuvent parfois disposer de biens reçus en héritage et dont ils peuvent, par exemple, tirer quelques fruits.

Elle vous soumet donc un amendement de clarification rédactionnelle prévoyant que la mesure ne peut être ouverte que si la personne en difficulté perçoit des prestations sociales et qu'elle comporte une aide à la gestion de l'ensemble « des ressources » de l'intéressé ;

- d'autre part, un accompagnement social individualisé.

Pour les personnes en grande difficulté sociale pouvant relever de la MASP, un véritable travail social doit être mené. Comme l'a indiqué le Gouvernement à votre rapporteur, l'aide à la gestion des ressources de ces personnes doit, pour être efficace, s'inscrire dans le cadre d'un accompagnement social personnalisé afin de faire émerger une prise de conscience des difficultés rencontrées, mais aussi de leurs causes, et de conduire à des comportements plus adaptés aux contraintes de la vie courante.

LA MASP apparaît comme un dispositif de nature contractuelle . En conséquence, cet accompagnement social ne pourra pas être juridiquement imposé à une personne : il ne pourra intervenir qu'avec le consentement de la personne dont la santé ou la sécurité est menacée.

En outre, le contrat comporte des engagements réciproques . Ces engagements pourraient être, par exemple, un contrat d'objectifs avec le département : en contrepartie de l'engagement du département dans le cadre de la MASP consistant à mettre à la disposition de la personne un travailleur social chargé de l'accompagnement social budgétaire et à assurer une gestion satisfaisante des prestations sociales, le bénéficiaire s'efforcera de gérer mieux son budget et, le cas échéant, versera une contribution financière. Cependant, pour l'essentiel, cette disposition annonce de manière générale les actions mentionnées à l'article L. 271-2 ainsi que la possibilité de solliciter de la personne bénéficiaire de la mesure une contribution financière en application de l'article L. 271-3.

Dès lors que cette mesure nouvelle d'accompagnement s'inscrit dans une démarche progressive et graduelle, le texte proposé fixe une durée maximale d'exercice de la MASP.

Le texte présenté par le Gouvernement prévoyait que la durée initiale de la MASP ne pouvait dépasser six mois. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des affaires culturelles et avec l'avis favorable du Gouvernement, jugé ce délai trop court et a souhaité pouvoir l'allonger en fonction des circonstances. Aussi a-t-elle porté cette durée initiale à deux années.

Cette durée est cependant « renouvelable », sans qu'elle puisse au total dépasser quatre années.

Votre commission souligne que le renouvellement dont il s'agit porte en réalité, juridiquement, sur le contrat lui-même . Aussi vous soumet-elle un amendement transférant cette disposition à l'article L. 271-2 qui traite justement de ce renouvellement.

* 127 Rapport précité, p. 29.

* 128 Communication de la Cour des comptes à la commission des Finances de l'Assemblée nationale, juillet 2006, p. 37.

* 129 Communication de la Cour des comptes précitée, p. 38.

* 130 Pour calculer le nombre de personnels des départements chargés de mettre en oeuvre les MASP, le Gouvernement a tenu compte du nombre d'heures de prise en charge des MASP, soit entre 2 et 8 heures par mois. Pour 50 % des personnes bénéficiant d'une MASP, le surplus de « travail social » a été estimé à 2 heures par mois, celles-ci bénéficiant déjà d'un accompagnement social. Pour 25 % des autres personnes, l'accompagnement social mensuel a été estimé à 4 heures. Pour 25 % des autres personnes, l'accompagnement social a été estimé à 8 heures. Il a été tenu par ailleurs compte du temps de travail mensuel effectif d'un travailleur social qui est de 133,9 heures dans la fonction publique territoriale (sur la base d'un temps de travail annuel de 1.607 heures).

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