SECTION 3
Les personnes physiques mandataires judiciaires
à
la protection des majeurs
La section III du chapitre II du titre II du projet de loi a pour objet de définir le régime juridique applicable aux personnes physiques ayant la qualité de mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Comprenant les articles 14 et 15, elle tend à modifier à cette fin le code de l'action sociale et des familles.
Article 14
(chapitre II du titre VI du livre IV
du
code de l'action sociale et des familles)
Personnes physiques mandataires
judiciaires
à la protection des majeurs
Cet article tend à définir le contenu du nouveau chapitre II du titre VI du livre IV du code de l'action sociale et des familles, introduit par l'article 9 du présent projet de loi.
Ce nouveau chapitre est relatif aux « personnes physiques mandataires judiciaires à la protection des majeurs. ». Il est divisé en trois sections :
- une première section, composée des articles L. 462-1 à L. 462-4 nouveaux du code de l'action sociale et des familles, intitulée : « activités exercées à titre individuel » ;
- une deuxième section, comportant les articles L. 462-5 à L. 462-9, définissant le régime applicable lorsque l'activité est « exercée en qualité de préposé d'établissement hébergeant des majeurs » ;
- une troisième section, comportant le seul article L. 462-10, définit les « dispositions communes » à l'ensemble des mandataires personnes physiques.
Section 1
Activité exercée à titre
individuel
Art.
L. 462-1 du code de l'action sociale et des
familles :
Agrément des personnes physiques exerçant des
mesures
de protection juridique à titre individuel et habituel
L'article L. 462-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles pose l'obligation, pour une personne physique exerçant des mesures de protection juridique, à titre individuel et habituel , d'obtenir un agrément administratif préalable à leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 461-2 , tel que rédigé par l'article 9 du présent projet de loi.
L'autorité compétente pour délivrer cet agrément sera le représentant de l'État dans le département. Sur ce point, le texte proposé procède à une uniformisation bienvenue de la pratique suivie jusqu'alors, puisque pour les tutelles et curatelles d'Etat, la liste des personnes extérieures à la famille chargées d'exercer les mesures de protection était définie par le représentant de l'Etat dans le département, alors que pour les mesures confiées en gérance, elle était fixée par le procureur de la République.
Ce nouveau dispositif a suscité de vives inquiétudes chez les associations représentatives des gérants de tutelles privés entendues par votre rapporteur au cours de ses auditions. La crainte est en effet, selon ces personnes, que les services de l'Etat, et plus spécialement les DDASS, soient peu enclins à délivrer un agrément aux personnes physiques qui souhaiteraient exercer la fonction de mandataire judiciaire à la protection des majeurs dans le but de favoriser les services mandataires ou les préposés d'établissement. Néanmoins, compte tenu des conditions de formation, d'expérience professionnelle et d'âge qui seront désormais exigées des personnes physiques, et de l'existence d'un avis conforme du procureur de la République, votre commission estime cette crainte sans fondement réel, même s'il est probable que l'obligation d'agrément conduira mécaniquement à une réduction du nombre des mandataires personnes physiques par rapport au nombre actuel de gérants de tutelles privés.
L'agrément du représentant de l'Etat ne pourra intervenir que si trois catégories de conditions sont réunies :
- d'une part, le respect des règles posées par l'article L. 461-3 du code de l'action sociale et des familles, tel que rédigé par l'article 9 du projet de loi, c'est-à-dire si la personne physique satisfait aux conditions d'âge, de moralité, de formation et d'expérience professionnelle qui seront définies par décret en Conseil d'Etat, ainsi que par l'article L. 462-2, tel que rédigé par le présent article, c'est-à-dire si la personne justifie de garanties en cas de mise en cause de sa responsabilité civile dans l'exercice de ses fonctions.
A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a supprimé la condition tenant au respect des dispositions de l'article L. 461-2, c'est-à-dire relative à l'inscription sur la liste départementale dressée par le préfet, qui était effectivement incohérente avec le dispositif proposé puisque c'est l'agrément du mandataire qui conditionne son inscription.
La vérification que la personne physique respecte bien ces conditions devra être effectuée par le représentant de l'Etat ;
- d'autre part, le fait que l'agrément s'inscrive effectivement dans le schéma d'organisation sociale et médico-sociale , l'Assemblée nationale ayant précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, qu'il s'agira du schéma régional d'organisation .
L'article L. 312-4 du code de l'action sociale et des familles institue en effet des schémas d'organisation sociale et médico-sociale, tant au niveau national que départemental, dont l'objet est, en particulier, de déterminer les perspectives et les objectifs de développement de l'offre sociale et médico-sociale et, notamment, ceux nécessitant des interventions sous forme de création, transformation ou suppression d'établissements et services et, le cas échéant, d'accueils familiaux.
Les éléments des schémas départementaux d'une même région, afférents aux établissements et services relevant de la compétence de l'Etat, sont, en vertu de l'article L. 312-5 du même code, regroupés dans un schéma régional fixé par le représentant de l'Etat dans la région, après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale et transmis pour information aux présidents des conseils généraux concernés. Le choix fait par l'Assemblée nationale de viser le niveau régional est pertinent, car il permet de donner davantage de souplesse au dispositif d'agrément, qui aurait été trop restrictif si le seul cadre départemental avait été retenu ;
- en dernier lieu, l' avis conforme du procureur de la République sur l'agrément projeté . Votre commission juge essentielle l'intervention de l'autorité judiciaire à ce stade de la procédure, dans la mesure où elle sera le véritable prescripteur de la mesure de protection juridique.
En pratique, si la personne physique sollicitant l'agrément remplit les conditions des articles L. 461-3 et L. 462-2, le procureur de la République donnera en principe un avis conforme. Toutefois, il pourra détenir des éléments sur la personne, en particulier sur sa moralité, pouvant le conduire à donner un avis défavorable. Ces éléments pourront d'ailleurs, le cas échéant, lui être communiqués par le juge des tutelles, qui pourrait ainsi jouer un rôle incident dans le cadre de la procédure d'agrément.
Selon le Gouvernement, cet agrément préfectoral, dont la validité territoriale sera limitée au territoire du département, pourra porter sur l'exercice de la totalité des mesures de protection judiciaire -mandat spécial au titre de la sauvegarde de justice, curatelle, tutelle et mesure d'accompagnement judiciaire- ou seulement sur certaines d'entre elles , en fonction de la formation et de l'expérience professionnelle dont la personne justifie.
Modifié par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis du Gouvernement afin d'en préciser la portée, le dernier alinéa du texte proposé prévoit qu'un nouvel agrément de la personne physique devra intervenir en cas de changement affectant :
- les conditions prévues par les articles L. 461-3 et L. 462-2, c'est-à-dire l'âge, la moralité, la formation, l'expérience professionnelle ainsi que la garantie financière exigés du mandataire ;
- la nature des mesures que les personnes physiques exercent à titre individuel en qualité de mandataire.
En effet, un mandataire qui était agréé pour exercer seulement des mesures judiciaires de protection juridique ou seulement des mesures d'accompagnement judiciaire peut, alors qu'il bénéficie déjà d'un agrément, remplir les conditions pour exercer l'autre catégorie de mesures de protection des majeurs parce qu'il a suivi le module de formation complémentaire.