B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

1. Approuver la proposition de loi

Tout en étant consciente des incertitudes qui l'entourent, votre commission vous propose de suivre la démarche de la proposition de loi en transférant à la CNDA les recours contre les décisions de refus d'entrée en France au titre de l'asile.

Le souci principal de votre rapporteur a été de définir la procédure la plus à même de « mieux juger ».

Intéressante intellectuellement, l'idée selon laquelle la décision de refus d'entrée au titre de l'asile est une mesure de police administrative et non une décision relative à l'asile est très théorique. Elle aboutit à confier délibérément ce contentieux à un juge moins expérimenté, de manière à ne pas prendre le risque que le juge ait une appréciation exacte des faits. Ce raisonnement est assez paradoxal.

Votre rapporteur estime qu'il faut faire confiance au professionnalisme des magistrats de la CNDA pour tirer tout le bénéfice de leur expérience sans perdre de vue que la question qui leur est posée n'est pas celle de la reconnaissance ou non du statut de réfugié.

Quant au risque que la CNDA refuse de se déjuger, il faut à nouveau faire confiance aux magistrats. Cette situation n'est pas inédite. Un tribunal administratif peut connaître d'une affaire à deux reprises, une première fois en référé, une seconde fois au fond. Pourquoi les juges de la CNDA ne parviendrait-il pas à faire cette différence, surtout lorsque la question posée n'est pas la même ?

Enfin, comme l'a remarqué M. Pierre Henry, directeur général de France Terre d'asile, la réforme de 2004 ayant confié à l'OFPRA en lieu et place du ministère des affaires étrangères la mission de rendre un avis sur les demandes d'asile à la frontière a été plutôt favorable aux demandeurs. Le taux d'admission en France au titre de l'asile est passé de 3,8 % en 2003 à 8 % en 2004, 22 % en 2005 et 2006, 44 % en 2007 28 ( * ) et 32 % en 2008. Peut-être est-ce l'illustration qu'une compétence renforcée des intervenants n'entraîne pas automatiquement un examen plus sélectif des demandes.

2. Renforcer les garanties des demandeurs d'asile à la frontière

L'unification du contentieux relatif à l'asile doit être l'occasion de renforcer les garanties offertes aux demandeurs d'asile à la frontière.

La brièveté du délai de recours -48 heures- a été très souvent soulignée. L'ANAFé et les représentants du GIE avocats ont pointé les difficultés, en particulier les week-ends, pour déposer un recours recevable. Sans assistance, les étrangers débarquant à Roissy et ne comprenant pas toujours le français sont dans l'incapacité de déposer un recours. Or, les week-ends, l'ANAFé n'a pas les moyens d'assurer une permanence.

En conséquence, votre commission vous propose , à l'initiative de son rapporteur, de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues et de MM. Charles Gautier, Richard Yung et les membres socialistes et apparentés de la commission des lois, un délai de recours de 72 heures.

Selon la même logique, votre commission vous propose , à l'initiative de son rapporteur et de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, de supprimer l'exigence d'une requête motivée . Cette exigence paraît excessivement lourde pour une procédure en urgence. En outre, sa suppression permettra de donner une plus grande place à l'oralité des débats et diminuera le risque que des requêtes soient écartées par la voie d'ordonnances.

Votre commission vous propose également de fixer au juge un cadre minimal pour apprécier ce que peut être ou non une demande « manifestement infondée ». Sans être exhaustif, ce cadre éviterait une dérive vers un examen assimilable à celui du bénéfice du statut de réfugié. S'inspirant de la décision du Conseil constitutionnel du 25 février 1992, la loi préciserait que « l'examen tendant à déterminer si une demande d'entrée en France afin de bénéficier du droit d'asile ne peut donner lieu à investigation ».

En revanche, s'agissant de la faculté de procéder à des audiences foraines et de recourir à la visio-conférence, votre commission juge le dispositif proposé équilibré. Elle vous propose simplement de préciser, à l'initiative de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, que la salle d'audience est ouverte au public.

De même, elle ne souhaite pas supprimer la possibilité de recourir à des ordonnances. La suppression de l'obligation de requête motivée devrait suffire à prévenir un usage abusif des ordonnances.

* 28 Cette pointe correspond à l'arrivée de nombreux russes d'origine tchétchène.

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