2. L'organisation du Conseil supérieur de la magistrature définie par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a profondément modifié l'organisation du CSM, afin de répondre à la demande d'approfondissement des garanties d'indépendance de la justice. Tenant compte des reproches de corporatisme régulièrement adressés à cet organe constitutionnel, le Constituant a souhaité augmenter la proportion de membres n'appartenant pas à la magistrature, comme cela avait été envisagé en 1999.

Le rapport du Comité de réflexion et de proposition présidé par M. Edouard Balladur suggérait une rénovation profonde du Conseil supérieur de la magistrature, afin de « conforter l'indépendance et l'unicité de la magistrature, de répondre aux griefs adressés au Conseil supérieur » et de « mieux garantir les droits des justiciables ». Il relevait que : « la réforme de 1993 n'a pas atteint ses objectifs dans la mesure où elle n'a pas mis fin aux conflits entre le Gouvernement et le Conseil supérieur de la magistrature ; en dépit de la lettre des textes, aussi bien constitutionnels qu'organiques, le Conseil a instauré en son sein une prétendue « réunion plénière » dont l'existence même alimente le reproche de corporatisme trop souvent adressé à l'institution ; celle-ci s'avère insuffisamment ouverte sur l'extérieur » 14 ( * ) .

Largement issu de la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, le nouveau dispositif de l'article 65 consacre l'existence d'une formation plénière obéissant à des règles de composition originales, afin d'assurer une présence majoritaire en son sein de personnes extérieures au corps judiciaire. Si la formation plénière est vouée à exercer des attributions limitativement énumérées par l'article 65 de la Constitution, elle n'en représente pas moins une nouvelle affirmation de l'unité du corps judiciaire.

Le Sénat, à l'initiative de sa commission des lois, a cependant tenu à préserver la parité entre magistrats et personnalités extérieures au sein des formations exerçant des compétences disciplinaires.

? Une nouvelle composition

La révision du 23 juillet 2008 apporte trois modifications marquantes à la composition du Conseil supérieur de la magistrature :

- elle met fin à la présidence du CSM par le Président de la République . La présidence est désormais assurée par le premier président de la Cour de cassation pour la formation compétente à l'égard des magistrats du siège et par le procureur général près cette cour pour la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet ;

- elle met fin à la vice-présidence de droit du ministre de la justice . Celui-ci n'est plus membre du CSM, mais peut participer aux séances de ses formations, sauf en matière disciplinaire ;

- elle ouvre davantage la composition du CSM sur la société civile en ajoutant aux six membres issus de la magistrature et au conseiller d'Etat, un avocat et six personnalités qualifiées n'appartenant ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux de ces personnalités qualifiées.

L'effectif de chaque formation compétente en matière de nomination est porté de 12 à 15, dont 7 magistrats et 8 personnalités extérieures.

Composition des deux formations spécialisées du Conseil supérieur de la magistrature lorsqu'elles exercent des compétences de nomination

Formation du siège

Formation du parquet

- premier président de la Cour de cassation, président ;

- procureur général près la Cour de cassation, président ;

- cinq magistrats du siège ;

- cinq magistrats du parquet ;

- un magistrat du parquet ;

- un magistrat du siège ;

- un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat ;

- un avocat ;

- six personnalités qualifiées n'appartenant ni au Parlement,
ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif.
Le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale
et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités

Effectif de chaque formation du CSM
exerçant des compétences en matière de nomination

Texte en vigueur

Texte issu de la révision de juillet 2008

Magistrats

6

7
dont le premier président de la Cour de cassation ou le procureur général près cette cour

Personnalités extérieures au corps judiciaire

6
dont le Président de la République et le garde des sceaux

8
dont l'avocat et le conseiller d'Etat

Total

12

15

Pour que chaque formation, lorsqu'elle exerce des compétences disciplinaires, comporte un nombre égal de magistrats et de non magistrats, la formation du siège est rejointe par le magistrat du siège membre de la formation du parquet, et la formation du parquet par le magistrat du parquet membre de la formation du siège.

Chacune des deux formations compétentes en matière de discipline comprend donc 16 membres, dont 8 magistrats et 8 personnalités extérieures .

En effet, notre collègue Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, relevait dans son rapport sur le projet de loi constitutionnelle que « si dans notre pays les organes disciplinaires de la fonction publique sont majoritairement composés de professionnels, tel est également le cas des Conseils de justice -homologues du Conseil supérieur de la magistrature- dans les pays de l'Union européenne. Les deux pays européens faisant exception à cet égard ont des conseils de justice composés à parité de magistrats et de non-magistrats 15 ( * ) . Il s'agit de la Belgique 16 ( * ) (22 magistrats sur 44 membres) et de la République slovaque (9 sur 18). Cependant, en République slovaque, le président du conseil judiciaire est un magistrat et dispose d'une voix prépondérante. »

Il souligne par ailleurs que plusieurs textes européens recommandent une présence majoritaire ou au moins paritaire des magistrats au sein des organes de nomination et de discipline, afin de garantir l'indépendance de la justice.

Ainsi, la Charte européenne sur le statut des juges du Conseil de l'Europe, adoptée le 10 juillet 1998, stipule que « pour toute décision affectant la sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement de la carrière ou la cessation de fonctions d'un juge, le statut prévoit l'intervention d'une instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs suivant des modalités garantissant la représentation la plus large de ceux-ci ».

? La consécration d'une formation plénière originale

La constitutionnalisation de la réunion plénière des deux formations spécialisées, qui existait jusqu'alors sans fondement juridique précis, conforte le principe d'unité du corps judiciaire.

La nouvelle formation plénière obéit toutefois à des règles de composition originales, puisqu'elle ne rassemble pas la totalité des membres des deux formations spécialisées.

Ainsi, elle comprend 15 membres, dont 7 magistrats et 8 personnalités extérieures au corps judiciaire :

- le premier président de la Cour de cassation, qui la préside, ou le procureur général près cette cour, qui supplée le premier président à la présidence de la formation plénière ;

- trois des cinq magistrats du siège appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège ;

- trois des cinq magistrats du parquet appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet ;

- le conseiller d'Etat ;

- l'avocat ;

- les six personnalités qualifiées.

Par ailleurs, l'article 65, huitième alinéa, de la Constitution, définit les attributions de la formation plénière. Aussi le CSM se réunira-t-il en formation plénière pour :

- répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64 de la Constitution ;

- se prononcer sur les questions intéressant la déontologie des magistrats, soit notamment pour élaborer le recueil des obligations déontologiques des magistrats prévu à l'article 20 de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature 17 ( * ) ;

- se prononcer sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisirait le garde des sceaux.

? L'extension du pouvoir consultatif du CSM à la nomination des procureurs généraux

La nouvelle rédaction de l'article 65, cinquième alinéa, de la Constitution, élargit les attributions du Conseil supérieur de la magistrature, en lui permettant de donner un avis simple au ministre de la justice sur les nominations aux emplois de procureur général.

Cette extension des compétences de la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet vise à donner plus de transparence au processus de nomination de ces hauts magistrats et à renforcer l'indépendance des magistrats du parquet.

* 14 Voir le rapport du Comité de réflexion et de proposition pour la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, p. 81.

* 15 Voir l'annexe n°7 consacrée à la composition des conseils de justice en Europe.

* 16 Le Conseil supérieur de la justice belge comprend un collège néerlandophone et un collège francophone.

* 17 Disposition issue de l'article 18 de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page