CHAPITRE PREMIER QUATER - DISPOSITIONS RELATIVES AU FICHIER JUDICIAIRE NATIONAL AUTOMATISÉ DES AUTEURS D'INFRACTIONS SEXUELLES OU VIOLENTES

Article 5 quinquies (art. 706-53-5 à 706-53-8, 705-53-10 et 706-53-11 du code de procédure pénale, art. 216 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004) - Renforcement des obligations liées à l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative de la commission des lois, tend principalement à renforcer certaines des obligations liées à l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS). Il reprend les dispositions prévues par les articles 12 à 16 du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure déposé à l'Assemblée nationale mais dont l'adoption définitive devrait n'intervenir qu'après celle du présent projet de loi. Saisie pour avis par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le 27 janvier 2009, des sept articles de ce projet de loi, la CNIL a rendu un avis en date du 16 avril 2009. La rédaction proposée par le présent article tient compte, pour l'essentiel, de ses recommandations.

Créé par la loi du 9 mars 2004, ce fichier a pour finalité de prévenir le renouvellement des infractions sexuelles et de faciliter l'identification de leurs auteurs. Toutes les personnes poursuivies ou condamnées -même non définitivement- pour crime ou délit sexuel doivent y être inscrites de même que celles déclarées pénalement irresponsables en raison d'un trouble mental. Selon la gravité des faits, cette inscription est obligatoire ou résulte d'une décision expresse de la juridiction, et sa durée est de 20 ou 30 ans (à compter de la fin de l'exécution de la peine).

Les personnes inscrites dans le FIJAIS, auxquelles l'inscription a été dûment notifiée, doivent justifier de leur adresse une fois par an et déclarer leurs changements d'adresse dans les quinze jours (régime dit « annuel »), soit auprès du gestionnaire des fichiers -le casier judiciaire- par lettre recommandée, soit auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie de leur domicile, par lettre recommandée ou en se présentant au casier. Les auteurs condamnés pour un crime ou un délit passible de 10 ans d'emprisonnement doivent justifier de leur adresse, en personne, tous les 6 mois ou tous les mois.

Modalités de justification d'adresse

- Le a du 1° a pour objet de limiter la faculté, actuellement reconnue aux personnes inscrites au FIJAIS de justifier de leur adresse auprès du gestionnaire du fichier, au seul cas où elles résident à l'étranger. Dans les autres hypothèses, cette justification se fera directement auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie du domicile de l'intéressé, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit en se présentant à ce service. Cette disposition vise surtout à alléger la charge du casier judiciaire national.

- Le b du 1° renforce l'obligation de justification d'adresse. D'abord, cette justification devra intervenir immédiatement après que la personne aura été informée des mesures et des obligations auxquelles elle est astreinte et non dans l'année qui suit. Ensuite, l'intervalle entre ces justifications est abaissé de un an à six mois .

La CNIL a insisté dans son avis sur la nécessité de prendre toutes les garanties pour assurer la confidentialité de ces notifications dans les commissariats et les brigades.

- Le c du 1° fixe des conditions plus rigoureuses pour les personnes définitivement condamnées pour un crime ou pour un délit puni de 10 ans d'emprisonnement actuellement tenues de justifier tous les six mois de leur domicile en se présentant auprès du commissariat ou de l'unité de gendarmerie de leur domicile. En premier lieu, l'exigence du caractère définitif de la condamnation serait levée. Ensuite, la fréquence de la justification d'adresse serait abaissée de six à trois mois .

A l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement afin de revenir sur les modifications touchant aux obligations de justification d'adresse.

Ce raccourcissement des délais pourrait soulever des objections de nature constitutionnelle. Dans sa décision du 2 mars 2004 sur la loi instituant le FIJAIS, le Conseil constitutionnel avait estimé que les obligations nouvelles découlant de l'inscription à ce fichier ne constituaient pas une « rigueur non nécessaire au sens de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 ». Le doublement de la fréquence de justification d'adresse pourrait modifier l'appréciation du Conseil.

Cette disposition soulève également des difficultés pour son application dans le temps. Une application rétroactive des nouveaux délais renforcerait le risque de censure constitutionnelle de cette disposition. Une application non rétroactive signifierait en revanche la coexistence de deux régimes distincts et complexifierait de manière importante la gestion du FIJAIS.

Enfin, un tel changement supposerait des moyens financiers importants afin de mettre à jour les caractéristiques informatiques du FIJAIS et la gestion des alertes vers les services d'enquête en cas de carence du condamné.

Adaptation des dispositions applicables en cas d'incarcération d'une personne inscrite au FIJAIS

- Le d du 1° prévoit que les obligations de justification et de présentation cessent de s'appliquer pendant le temps où la personne est incarcérée. Le 5° procède à une coordination liée à cette modification. Le a du 3° complète l'article 706-53-7 en vue de permettre à des agents du greffe spécialement habilités par les chefs d'établissement pénitentiaire d'accéder au fichier, à partir de l'identité de la personne incarcérée, afin de vérifier qu'elle a été informée des obligations liées à l'inscription au FIJAIS et d'enregistrer les dates de mise sous écrou et de libération. La connaissance de ces données est en effet nécessaire pour procéder à la suspension des obligations liées à l'inscription au FIJAIS. L'exigence d'une habilitation spéciale pour les agents de l'administration pénitentiaire répond à une recommandation de la CNIL.

Par ailleurs, lorsque la personne est détenue, l'article 706-53-6 prévoit actuellement que les informations concernant les mesures et obligations auxquelles elle sera soumise doivent lui être données au moment de sa libération définitive ou préalablement à la première mesure d'aménagement de peine. Le b du 2° précise, par souci de simplification, que cette obligation ne vaut que si l'incarcération est liée à la condamnation ayant justifié l'inscription au FIJAIS et si l'information n'a pas été donnée à l'intéressé précédemment.

Renforcement des modalités de notification d'une inscription au FIJAIS

En l'état du droit, toute personne dont l'identité est enregistrée au FIJAIS en est informée par l'autorité judiciaire, soit par notification à personne, soit par lettre recommandée adressée à la dernière adresse déclarée. Toutefois, la personne concernée peut faire échec à l'inscription au FIJAIS en ne se présentant pas aux convocations qui lui sont adressées. Le a du 2°, par renvoi à l'article 78 du code de procédure pénale, permet à l'officier de police judiciaire, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, de contraindre à comparaître par la force publique, la personne qui ne répond pas à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elle ne réponde pas à une telle convocation.

Reprenant une suggestion formulée par plusieurs magistrats, votre commission a estimé que le renvoi à l'article 78 -utilisation de la force dans le cadre de l'enquête préliminaire- ne paraissait pas opportun s'agissant d'une mesure de sûreté. Elle a retenu, en conséquence, en adoptant un amendement de son rapporteur, un dispositif spécifique permettant l'utilisation de la force publique sur autorisation du procureur de la République et qui écarte, par ailleurs, le recours à la contrainte sur la seule présomption d'un refus de comparaître de la personne.

Facilitation de l'accès des officiers de police judiciaire au FIJAIS

Actuellement, les officiers de police judiciaire peuvent consulter le FIJAIS, soit lorsque la procédure concerne un crime d'atteinte volontaire à la vie, d'enlèvement ou de séquestration ou une infraction mentionnée à l'article 706-47, soit, sur instruction du juge d'instruction ou du procureur de la République, lorsque la personne est gardée à vue. Le b du 3° permet d'assouplir cette seconde possibilité. En supprimant la référence à la seule identité des personnes gardées à vue, elle permet en effet une consultation beaucoup plus large du FIJAIS par les OPJ -l'exigence d'une demande ou d'une autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction étant par ailleurs maintenue.

Accélération de la mise en oeuvre des mesures de recherche lorsque la personne ne se trouve plus à l'adresse indiquée

Dans sa rédaction actuelle, l'article 706-53-8 prévoit que s'il apparaît que la personne ne se trouve plus à l'adresse indiquée, le procureur de la République la fait inscrire au fichier des personnes recherchées (FPR), géré par le ministère de l'Intérieur.

Le b du 4° renforce cette disposition en indiquant que le procureur de la République procède à cette opération sans délai dès lors qu'il est informé par l'officier de police judiciaire que la personne ne se trouve plus à l'adresse indiquée. S'il est souhaitable de favoriser une gestion plus réactive du FPR, il importe aussi, comme l'a rappelé la CNIL, de prendre garde aux risques d'erreur d'inscription dans ce fichier que la procédure proposée pourrait entraîner.

Le a du 4° précise par ailleurs que le casier judiciaire, service gestionnaire du FIJAIS, avise directement le FPR des effacements auxquels il a procédé.

Enfin, le 6° prévoit que le principe posé par l'article 706-53-11, selon lequel aucun rapprochement ni aucune interconnexion entre le FIJAIS et d'autres fichiers ne dépendant pas du ministère de la justice n'est autorisé, souffre une exception pour le FPR afin de permettre l' « exercice des diligences » prévues par le chapitre consacré au FIJAIS. Cette disposition qui ne figurait pas dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure n'a pas fait l'objet d'un avis de la CNIL.

Votre commission a adopté l'article 5 quinquies ainsi modifié .

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