C. LES CONDITIONS D'APPLICATION

1. Un recul encore très insuffisant

A la date de rédaction du présent rapport, une seule mesure de surveillance de sûreté avait été prononcée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté de Paris le 6 avril 2009.

Sur le plan procédural , il est intéressant de relever 9 ( * ) que, procédure exceptionnelle dans le champ de l'exécution des peines, la juridiction régionale de la rétention de sûreté a convoqué des témoins 10 ( * ) entendus au cours même de l'audience.

Sur le fond , la motivation du placement sous surveillance de sûreté retient que « cette mesure constitue l'unique moyen de prévenir la commission dont la probabilité est très élevée, des infractions mentionnées à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, eu égard à la réticence des services psychiatriques de ..., qui auraient pu ou dû accepter de prendre en charge X..., lequel, complètement isolé en métropole, souhaite retrouver ses racines en Guadeloupe ». La décision concerne en effet un grand psychotique ayant purgé une peine de 20 ans à hauteur de 17 années, dont la dangerosité persistante à l'approche de la libération avait conduit à un placement en hospitalisation d'office doublé, à la levée d'écrou, d'un placement sous surveillance judiciaire.

La décision de placement sous surveillance de sûreté se fonde pour l'essentiel sur le constat du refus de certaines structures psychiatriques de prendre en charge l'intéressé appelé, en conséquence, à supporter les conséquences d'une situation dont il ne porte pas la responsabilité. En cas de manquement à l'une des obligations de la surveillance de sûreté, le placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté pourrait être ordonné, bien que celui-ci n'ait pas vocation à accueillir des personnes atteintes de troubles mentaux.

2. Une forte pression sur le centre national d'observation

Le centre national d'observation (CNO), installé à la maison d'arrêt de Fresnes, a pour vocation de dresser un bilan d'évolution de la personnalité du condamné dans un double objectif :

- une meilleure individualisation du régime de détention susceptible d'aboutir à un changement de régime de détention ;

- la préparation d'une mesure d'aménagement de peine telle que la libération conditionnelle.

A l'occasion de différentes visites au sein de cette structure, votre rapporteur avait souhaité que le savoir-faire acquis par l'équipe du CNO bénéficie à un plus grand nombre de personnes condamnées en posant cependant deux conditions 11 ( * ) :

- la méthodologie d'évaluation, en particulier quant à la dangerosité devait être clarifiée et développée ;

- les moyens du centre devaient être renforcés.

Ainsi, à l'initiative du Sénat, la loi du 25 février 2008 prévoit :

- d'une part, une évaluation au centre national d'observation, dans l'année qui suit sa condamnation définitive, de la personne condamnée à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté pour une durée d'au moins six semaines afin de déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de sa peine (article 717-1-A) ;

- d'autre part, une observation pour une durée identique, un an avant la libération de la personne pour laquelle une rétention de sûreté a été envisagée aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité (article 706-53-14).

En outre, la loi a prévu que la personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d'une libération conditionnelle qu'après un avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté et un passage au sein du centre (article 729).

Selon les éléments d'informations communiqués par M. Jean-François Beynel, directeur adjoint de l'administration pénitentiaire, les nouvelles dispositions ont porté de 350 à 1.850 le nombre de personnes détenues justifiant d'un passage au centre national d'observation.

Avant même que la loi ne soit adoptée, l'administration pénitentiaire avait souhaité redéfinir la vocation du centre et installer celui-ci dans des locaux plus vastes. L'extension des missions du centre a rendu ces évolutions encore plus nécessaires. Le nouvel établissement de Réau (700 places), dont l'ouverture est prévue en 2013 pourrait être entièrement dédié aux missions du centre national d'observation. Une telle réorientation impliquerait néanmoins un renforcement des moyens financiers et des créations d'emplois.

M. Beynel a indiqué à votre rapporteur que le centre avait fait face à ses nouvelles missions au prix d'une réduction de 20 à 30 % du nombre de détenus accueillis au titre des missions traditionnelles de la structure. L'assouplissement de la règle tenant à la durée minimale du séjour au sein du centre, fixée à six semaines par le législateur, permettrait, selon le directeur de l'administration pénitentiaire, d'alléger la charge du centre et de mieux concentrer les moyens sur la situation des cas les plus sérieux.

* 9 Note de Martine Herzog-Evans sur l'arrêt du 6 avril 2009, Recueil Dalloz, 2009, n° 31.

* 10 En l'espèce, le psychiatre hospitalier, l'infirmière, l'assistante sociale, le représentant de l'union départementale des associations familiales de Villejuif.

* 11 Rapport n° 174 (2007-2008) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, Sénat, n° 174, 2007-2008.

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