EXAMEN DES ARTICLES

PREMIÈRE PARTIE - CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

ARTICLE 1ER - Création, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », d'une section nouvelle : « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro »

Commentaire : le présent article tend à créer, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », une nouvelle section intitulée « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro ». Ce nouvel instrument budgétaire est destiné à permettre à la France d'honorer ses engagements européens de soutien envers les États de la zone euro qui éprouveraient des difficultés d'accès aux marchés financiers et en pratique, dans l'immédiat, en faveur de la Grèce.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN COMPTE SPÉCIAL DÉDIÉ AUX PRÊTS DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Le compte de concours financiers intitulé « Prêts à des États étrangers » a été ouvert dans les écritures du Trésor, à compter du 1 er janvier 2006, par le IV de l'article 46 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2006, dans le cadre de la rénovation des outils budgétaires commandée par l'entrée en vigueur de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

En effet, l'article 24 de la LOLF a unifié le régime des comptes de concours financiers de l'État (comptes spéciaux situés en dehors du budget général ) qui, sous l'empire de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, relevaient de deux catégories, les comptes d'avances et les comptes de prêts 56 ( * ) . Cet article dispose ainsi que « les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. »

Le compte « Prêts à des États étrangers » s'est substitué à deux comptes de prêts, clos au 31 décembre 2005 par le I de l'article 46 précité de la LFI pour 2006 : le compte n° 903-07, intitulé « Prêts du Trésor à des États étrangers et à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social », et le compte n° 903-17, intitulé « Prêts du Trésor à des États étrangers pour la consolidation de dettes envers la France ». Comme tel, il constitue actuellement un instrument d'aide publique au développement , retraçant les opérations de versement et de remboursement relatives aux prêts consentis, par la France, à d'autres États.

Ce compte comporte trois sections , correspondant aux trois types de prêts concernés jusqu'à présent :

- la première section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis à des États émergents en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure . En pratique, ces prêts sont mis en place dans le cadre d'accords bilatéraux, au titre de la « Réserve pays émergents » (RPE), et la réalisation des infrastructures en cause doit faire appel à des biens et services d'origine française ;

- la deuxième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts accordés à des États étrangers pour la consolidation de leur dette envers la France . Ces opérations, qui résultent de l'exécution d'accords bilatéraux, participent notamment des traitements de dette consentis par notre pays dans le cadre du « Club de Paris 57 ( * ) ». Cependant, dans certains cas principalement pour des pays de la « zone de solidarité prioritaire » (ZSP) et des pays éligibles à l'initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE) , la France met en oeuvre des traitements de dette plus favorables que ceux qui ont été décidés en Club de Paris ;

- la troisième section retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts octroyés à l'Agence française de développement ( AFD ), en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers. Ces prêts sont consentis à l'AFD, par le Trésor, à des conditions très préférentielles. L'Agence utilise cette ressource pour adosser les prêts, très concessionnels, qu'elle accorde aux pays bénéficiaires de l'initiative « PPTE » précitée et, à titre subsidiaire, afin de constituer des provisions pour le risque commercial lié aux prêts concessionnels qu'elle consent au secteur extra-étatique.

Eu égard à la spécificité de son objet, le compte « Prêts à des États étrangers » est doté en LFI de crédits évaluatifs , conformément à l'article 24, précité, de la LOLF, et par exception à la règle de principe visant les comptes de concours financiers. Chaque année, des montants très variables transitent sur ce compte, en recettes comme en dépense, de l'ordre de 0,5 à 2 milliards d'euros environ, en fonction des prêts accordés.

Ainsi, en 2008, le compte a enregistré des recettes à hauteur de 1,1 milliard d'euros, pour des dépenses de près de 480 millions d'euros (en crédits de paiement), soit un solde positif de 660 millions d'euros. Actuellement, en raison du montant de prêts accordés pour les consolidations de dettes que retrace la deuxième section du compte, celui-ci présente une prévision de solde négatif pour 2010 , comme en 2009 . Le déficit a été évalué à près de 108 millions d'euros par la LFI pour 2010, contre près de 1,1 milliard d'euros en LFI pour 2009.

Équilibre du compte « Prêts à des États étrangers »

(en millions d'euros)

Sections

Exécution 2008

LFI 2009

LFI 2010

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Section 1

Prêts de la RPE

452,8

164,8

+ 289,0

450,0

180,0

+ 270,0

430,0

300,0

+ 130,0

Section 2

Prêts pour la consolidation de dettes

611,4

203,4

+ 407,9

488,9

1.808,9

1.320,0

54,3

229,0

174,6

Section 3

Prêts à l'AFD

76,5

111,6

35,1

111,0

159,0

+ 48,0

144,7

208,0

63,2

Total

1.140,7

479,8

+ 660,9

1.049,9

2.147,9

1.098,0

629,0

737,0

107,9

Sources : rapport annuel de performances pour 2008 et projet annuel de performances pour 2010 de la mission « Prêts à des États étrangers »

B. UNE MISSION STRUCTURÉE EN TROIS PROGRAMMES

Dans la nomenclature budgétaire, les dépenses du compte « Prêts à des États étrangers », par nature, relèvent exclusivement du titre 7 : il s'agit de dépenses d'opérations financières . La mission qui les retrace se compose de trois programmes , chacun constitué d'une action unique, dont les crédits sont destinés à couvrir, respectivement, les dépenses des trois sections précitées du compte 58 ( * ) :

- le programme 851, intitulé « Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents , en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure », correspond aux dépenses de la première section du compte. Un objectif de performance lui est associé, qui traduit directement la vocation des financements en cause : « permettre la réalisation de projets de développement durable dans les pays émergents, faisant appel au savoir-faire français ». L'indicateur prévu à cet égard rend compte de la mobilisation effective des fonds, en mesurant la part des protocoles de prêts signés au cours d'une année ayant donné lieu à l'imputation d'un contrat dans les deux ans après la signature 59 ( * ) ;

- le programme 852, intitulé « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France », correspond aux dépenses de la deuxième section du compte. L'objectif de performance qui lui est assigné consiste à « participer au rétablissement de la stabilité macro-économique et à la création de la croissance des pays en développement », ce qui constitue l'une des finalités poursuivies au travers de l'initiative « PPTE ». L'indicateur aménagé en la matière mesure la part des pays éligibles, pour lesquels la France faisait partie des cinq plus importants créanciers, qui ont bénéficié avec succès de cette initiative, c'est-à-dire ceux qui ont franchi le point d'achèvement de l'initiative tout en respectant le critère de « soutenabilité » de leur dette à la date impartie 60 ( * ) ;

- enfin, le programme 853, intitulé « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers », correspond aux dépenses de la troisième section du compte. On notera l'absence d'objectif de performance spécifique pour ce programme ; ce choix du Gouvernement a été fait en considérant que les performances de l'AFD se trouvent évaluées au travers des dispositifs ad hoc de la mission « Aide publique au développement », dans le budget général, en particulier au sein du programme 110, « Aide économique et financière au développement », que pilote le ministère chargé de l'économie.

Ces trois programmes sont mis en oeuvre par la direction générale du Trésor du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, avec le concours de la Banque de France en ce qui concerne le programme 852, visant les prêts pour la consolidation de dettes. Ils se trouvent sous la responsabilité du directeur général, actuellement M. Ramon Fernandez.

Globalement, la mission a représenté pour l'exercice 2008 une consommation de crédits à hauteur de 1,062 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 480 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Elle a été dotée par la LFI pour 2010 de 1,004 milliard d'euros en AE et de 737 millions d'euros en CP . Par rapport à la prévision inscrite en LFI pour 2009 (soit 2,879 milliards d'euros en AE et 2,148 milliards d'euros en CP), cette dotation correspond à une baisse des crédits de l'ordre des deux tiers.

Crédits de la mission « Prêts à des États étrangers »

(en millions d'euros)

Programmes

AE

CP

Exécution

2008

LFI

2009

LFI

2010

Exécution

2008

LFI

2009

LFI

2010

851 « Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure »

526

700

400

165

180

300

852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France »

218

1.809*

229

203

1.809*

229

853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers »

318

370

375

112

159

208

Total

1.062

2.879

1 .004

480

2.148

737

* : En LFI pour 2009, l'importance du montant inscrit sur le programme 852 était en partie liée au décalage, de 2008 à 2009, du processus d'annulation de dettes de la Côte d'ivoire et de la République démocratique du Congo (ce processus dépendant des relations de ces pays avec le Fonds monétaire international).

Sources : rapport annuel de performances pour 2008 de la mission « Prêts à des États étrangers », LFI pour 2009 et LFI pour 2010

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE SECTION DU COMPTE « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS », EN VUE DE CONTRIBUER À LA STABILITÉ FINANCIÈRE DE LA ZONE EURO

Le présent article tend à modifier le IV précité de l'article 46 de la LFI pour 2006, afin de créer, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » dont l'organisation a été présentée ci-dessus, une nouvelle et donc quatrième section, intitulée « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » .

Il est expressément prévu que cette quatrième section « retrace, respectivement en dépenses et en recettes, le versement et le remboursement des prêts consentis aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro en vue de favoriser la stabilité financière au sein de la zone euro ».

Cette création, en effet, résulte des engagements pris par la France, au niveau européen, en termes de solidarité financière avec l'État grec . Il s'agit de doter notre pays de l'instrument budgétaire qui lui permettra d'honorer ces engagements avec la célérité requise, et partant de contribuer à la stabilité de la zone euro.

Les modalités du soutien financier prévu en faveur de la Grèce ont été retracées dans l'exposé général du présent rapport. Il convient ici de rappeler que, suivant les principes arrêtés par les États membres de la zone euro le 11 avril 2010, cette assistance, pouvant atteindre un maximum de 30 milliards d'euros dès 2010, consisterait en des prêts à un taux non concessionnel . Ce taux, suivant les conditions de marché du 9 avril 2010, atteindrait environ 5 % pour un prêt à taux fixe.

Plus généralement, et sur un plan encore théorique pour le moment, la nouvelle section créée dans le compte « Prêts à des États étrangers » mettra la France en position de satisfaire, le cas échéant, aux engagements du même type qu'elle serait amenée à prendre en faveur d ' États de la zone euro qui, comme la Grèce aujourd'hui, éprouveraient des difficultés d'accès aux marchés financiers. Cet outil constituerait le canal de l'assistance offerte, sous la forme de prêts, par notre pays.

B. LA CRÉATION D'UN NOUVEAU PROGRAMME, CORRESPONDANT AUX DÉPENSES DE CETTE NOUVELLE SECTION

Le présent projet de loi de finances rectificative (PLFR) comporte, dans son annexe « Analyse par mission de la modification de crédit proposée par le projet de loi », la présentation du projet annuel de performances (PAP) du programme correspondant aux dépenses de la quatrième section du compte « Prêts à des États étrangers » que tend à créer le présent article 61 ( * ) .

À l'instar des trois programmes existants, ci-dessus présentés, de la mission « Prêts à des États étrangers », ce nouveau programme sera placé sous la responsabilité du directeur général du Trésor . Un objectif lui est assigné, conforme à l'objet du présent article : « mettre en oeuvre par une action coordonnée le mécanisme contribuant à la stabilité financière de la zone euro ». L'indicateur prévu tient au « taux de participation de la France dans le cadre d'une action coordonnée au versement des tranches acceptées par les États membres de la zone euro » ; la cible, en la matière, est de 100 %. Selon le commentaire fourni, « cet indicateur vise à mesurer que les opérations d'activation du mécanisme de stabilité financière revêtent bien un caractère collectif et que la France y participe effectivement ».

Le présent PLFR propose, sur ce programme, une ouverture de crédits , pour 2010 , à hauteur de 16,8 milliards d'euros en AE 62 ( * ) et de 3,9 milliards d'euros en CP . Cette mesure fait l'objet de l' article 3 .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale . Votre rapporteur général a détaillé son analyse au sein de l'exposé général du présent rapport ; il souligne à nouveau, ici, la légitimité et l'opportunité du dispositif ainsi proposé , qui vise à permettre à la France de mettre en oeuvre rapidement ses engagements dans le cadre du soutien financier décidé par les États membres de la zone euro en faveur de l'État grec, pour assurer la stabilité de la zone.

Du reste, il convient de noter que la nouvelle section proposée et le programme correspondant aux dépenses de cette dernière, du fait de leur objet inédit, évidemment distinct des enjeux habituels de la politique de coopération des prêts consentis aux États membres de la zone euro, dans l'immédiat la Grèce, afin de favoriser la stabilité financière de cette zone entraîneront de facto un changement partiel dans la vocation du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et de la mission afférente, jusqu'à présent dédiés de façon exclusive à des opérations ressortant au domaine de l'aide publique au développement. Toutefois, du point de vue formel, ce compte et la mission constituent bien les supports budgétaires adéquats pour retracer les opérations prévues.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 56 Contrairement aux comptes de prêts, les comptes d'avance ne pouvaient connaître une durée d'existence supérieure à deux ans, en principe, ou quatre ans en cas de renouvellement explicite.

* 57 Le Club de Paris, créé progressivement à partir de 1956, constitue un groupe informel de créanciers publics (dix-neuf pays développés en sont membres permanents) ; son rôle consiste à trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement de nations endettées. La présidence et le secrétariat en sont assurés par la France.

* 58 La justification des crédits ouverts en LFI pour 2010 au titre du compte « Prêts à des États étrangers » et le projet annuel de performances de la mission correspondante ont été analysés en détail par notre collègue Edmond Hervé, rapporteur spécial, dans le rapport n° 101 (2009-2010) tome III, annexe 4.

* 59 La réalisation en 2008 a été de 100 % (ce qui signifie que la totalité des protocoles de prêts signés en 2006 avait donné lieu à l'imputation d'un contrat en 2008). La prévision pour 2010, comme pour 2009, est de 80 %.

* 60 La réalisation en 2008 a été de 82,3 % : la France était alors l'un des cinq plus importants créanciers de dix-sept des vingt-trois pays ayant franchi le point d'achèvement de l'initiative « PPTE » ; quatorze de ces pays ont réussi à ramener leur dette à un niveau soutenable. La prévision pour 2010 est de 90 %, contre une prévision à hauteur de 85 % pour 2009.

* 61 À ce stade, le programme n'a été pourvu ni d'un numéro ni d'un intitulé, étant simplement désigné par le présent PLFR comme le « programme porteur de l'ouverture de crédit proposée à l'état B » de ce projet.

* 62 Le montant de 16,8 milliards d'euros résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale. Le texte initial ne prévoyait qu'un montant de 6,3 milliards d'euros, mais pour la période d'une année seulement.

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