TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPÉTENCES ET À LA SAISINE DU DÉFENSEUR DES DROITS

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur modifiant l'intitulé du titre II du projet de loi organique, afin d'y mentionner non seulement la saisine, mais aussi les compétences du Défenseur des droits. En effet, l'article 4 du projet de loi organique définissant les motifs pour lesquels le Défenseur peut être saisi, définit en fait le champ de compétence de ce dernier.

Article 4 - Compétences et règles de saisine

Cet article définit à la fois les motifs de saisine du Défenseur des droits et les compétences de cette nouvelle autorité.

Le deuxième alinéa de l'article 71-1 de la Constitution dispose que le Défenseur peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public ou d'un organisme à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences. Le Constituant a par ailleurs expressément prévu que le Défenseur puisse se saisir d'office.

1. Le dispositif proposé

Le premier alinéa de l'article 4 du projet de loi organique établit une possibilité générale de saisine directe du Défenseur des droits à propos des réclamations mettant en cause le fonctionnement d'un service public .

Ainsi, le Défenseur pourrait être saisi par toute personne physique ou morale s'estimant lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d'une administration de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme investi d'une mission de service public.

Ce premier type de saisine recouvre non seulement le champ de compétence du Médiateur de la République, mais aussi celui du Défenseur des enfants et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

En effet, cette saisine générale porte sur les réclamations visant les services publics, c'est-à-dire les organismes à l'égard desquels le Médiateur est aujourd'hui compétent.

Mais les réclamations ne sont plus limitées aux relations de ces services publics avec les administrés. Elles sont étendues à toute hypothèse d'atteinte aux droits et libertés des personnes, dont les atteintes aux droits de l'enfant ou aux règles de déontologie de la sécurité.

La saisine du Défenseur des droits, à la différence de la saisine du Médiateur de la République, ne serait pas soumise à un filtre parlementaire. L'article 7 du projet de loi organique maintient cependant la possibilité de saisir le Défenseur des droits par l'intermédiaire d'un député ou d'un sénateur.

Le deuxième alinéa de l'article 4 tire les conséquences de l'extension du champ de compétences du Défenseur des droits, voulue par le Constituant, en prévoyant que les réclamations pourraient également mettre en cause les « agissements de personnes privées », lorsqu'est en cause la protection des droits d'un enfant ou un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité.

Le projet de loi organique vise par conséquent à préserver les possibilités de saisine qui étaient ouvertes auprès des autorités administratives indépendantes absorbées par le Défenseur des droits 18 ( * ) .

Les deux derniers alinéas de l'article 4 du projet de loi organique reprennent d'ailleurs les hypothèses de saisine par le représentant légal de l'enfant ou par le témoin d'un acte contraire à la déontologie des forces de sécurité.

Ainsi, l'alinéa 3 prévoit que le Défenseur des droits pourrait être saisi, dans le cadre de sa mission de défense et de promotion des droits de l'enfant, par :

- un enfant mineur qui estime que ses droits n'ont pas été respectés ;

- les représentants légaux de l'enfant ;

- les membres de la famille de l'enfant ;

- les associations reconnues d'utilité publique qui défendent les droits des enfants ;

- les services médicaux ou sociaux.

L'alinéa 4 permet en outre la saisine du Défenseur des droits, au titre de sa compétence en matière de déontologie de la sécurité, par toute personne qui aurait été témoin de faits dont elle estime qu'ils constituent un manquement à ces règles de déontologie.

2. La position de votre commission sur le périmètre du Défenseur des droits

La compétence générale du Défenseur des droits

Votre rapporteur souligne que le champ de compétence ouvert par le premier alinéa de l'article 4 recouvre la protection de l'ensemble des droits et libertés. Le Gouvernement entend donc donner au Défenseur des droits, conformément à la lettre et à l'esprit de l'article 71-1 de la Constitution, une vocation générale. Il s'agit de faire du Défenseur des droits la grande autorité chargée, aux côtés de la justice, d'aider toute personne à faire respecter ses droits et libertés.

Néanmoins, comme le rappelle l'étude d'impact jointe au projet de loi organique, l'article 71-1 de la Constitution laisse au législateur organique une importante liberté d'appréciation quant au périmètre des compétences du Défenseur.

Lors de l'examen de la révision constitutionnelle de 2008, la question du périmètre des attributions du Défenseur des droits a été largement évoquée. Ainsi, notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois et rapporteur du projet de loi constitutionnelle, souligne, dans son rapport, que « l'objectif de simplification des structures et de regroupement des autorités administratives indépendantes, s'il paraît légitime, ne doit pas conduire à ignorer l'intérêt, pour la protection efficace des droits fondamentaux, de certaines autorités spécialisées » 19 ( * ) .

Considérant que la définition du champ de compétence du Défenseur des droits méritait donc une étude approfondie, le pouvoir constituant a souhaité donner au législateur organique la latitude la plus large possible.

Ainsi, l'article 71-1 de la Constitution permet-il au législateur organique d'attribuer au Défenseur des droits des compétences à l'égard de « tout autre organisme » qu'un organisme chargé d'une mission de service public, c'est-à-dire, comme le relève l'étude d'impact, « à l'égard de personnes ou d'activités sans lien avec des missions de service public ».

La loi organique pourrait ainsi se limiter à transférer au Défenseur des droits les compétences du Médiateur de la République, ce qui ne correspondrait cependant pas à la volonté du pouvoir constituant.

Elle pourrait, à l'inverse, regrouper au sein du Défenseur les compétences de l'ensemble des autorités administratives indépendantes aujourd'hui chargées de la protection des droits et libertés des personnes : Médiateur de la République, Commission d'accès aux documents administratifs, Défenseur des enfants, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, Commission nationale de l'informatique et des libertés, Commission nationale de déontologie de la sécurité, Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Cette option conduirait par conséquent à confier au Défenseur des droits des missions très diverses, qui supposent la mise en oeuvre de prérogatives différenciées : médiation, contrôle, décision, sanctions.

Le maintien de certaines autorités indépendantes spécialisées

Le regroupement de l'ensemble des autorités chargées de la protection des droits et libertés au sein du Défenseur des droits répondrait à un objectif de rationalisation excessif, dont l'intérêt, essentiellement théorique, serait sans doute vite démenti par la pratique.

En effet, certaines AAI interviennent dans des secteurs qui relèvent de la protection des droits et libertés, mais qui supposent une expertise technique très spécifique, comme la CNIL.

Tel est également le cas pour la CADA, a fortiori depuis que l'ordonnance du 6 juin 2005 a confié à cette autorité de nouvelles missions en matière de réutilisation des informations publiques.

De plus, le Défenseur des droits, qui ne saurait se substituer à la justice, devrait disposer de pouvoirs de médiation, de recommandation et de transaction, et non de pouvoirs de sanction. Or, la CNIL, et la CADA lorsqu'elle intervient en matière de réutilisation des données publiques, détiennent un pouvoir de sanction. Votre rapporteur considère d'ailleurs que le regroupement de la CNIL et de la CADA pourrait à terme compléter le mouvement de simplification du paysage des AAI chargées de la protection des droits et libertés.

S'agissant du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, votre commission maintient l'analyse qu'elle avait développée lors de l'examen de la révision constitutionnelle, considérant que cette autorité, créée en 2007, doit pouvoir exercer sa mission de façon autonome pendant un temps suffisamment long pour établir un diagnostic complet de la situation des établissements pénitentiaires et autres lieux de privation de liberté, et obtenir en ce domaine des avancées.

Le Contrôleur exerce en effet une mission très spécifique : il veille au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. S'il peut être saisi, par ces personnes privées et par leur entourage (famille, avocat ...), par des associations, par le Gouvernement ou par les membres du Parlement, il exerce aussi, par un droit de visite des lieux de privation de liberté, une mission de contrôle, afin de s'assurer du respect des droits intangibles inhérents à la dignité humaine.

Aussi, votre commission estime-t-elle que le Contrôleur général n'a pas immédiatement vocation à être intégré au Défenseur des droits 20 ( * ) . Il appartiendra au Parlement de réexaminer une telle éventualité dans quelques années, lorsque cette autorité aura conduit sa mission sur une durée suffisante et mesuré une amélioration notable de la situation dans les lieux de privation de liberté.

La lutte contre les discriminations

Votre commission approuve, par conséquent, l'option retenue par le Gouvernement, visant à regrouper au sein du Défenseur des droits, une partie seulement des AAI chargées de la protection des droits et libertés.

Elle estime cependant que le champ de la saisine générale du Défenseur, défini au premier alinéa de l'article 4 du projet de loi organique, recouvre également les atteintes aux droits et libertés résultant de discriminations. Aussi paraîtrait-il paradoxal, et peut-être même contre-productif, de donner au Défenseur des droits une compétence de principe aussi étendue, rendant sa saisine possible pour toute personne « s'estimant lésée dans ses droits et libertés » sans lui confier expressément la mission de lutte contre les discriminations, aujourd'hui dévolue à la HALDE.

Votre rapporteur souligne que le projet de loi organique initial conduirait sans doute le Défenseur des droits à recevoir de nombreuses réclamations évoquant des discriminations. Dès lors, il lui appartiendrait soit de traiter ces réclamations, au risque de faire apparaître des divergences avec la HALDE, soit de renvoyer ces réclamations à la HALDE.

Votre commission considère que le Défenseur des droits doit être conçu comme l'autorité de référence en matière de protection des droits et libertés.

Or, la lutte contre les discriminations et pour l'égalité constitue aujourd'hui l'un des enjeux les plus forts de la protection des droits et libertés. Les discriminations, atteintes au principe d'égalité des droits, portent gravement atteinte à la cohésion sociale, en méconnaissant les valeurs fondatrices de notre République.

Aussi paraît-il cohérent et souhaitable que la mission dévolue en 2004 à la HALDE soit confiée à la nouvelle autorité constitutionnelle chargée de la protection des droits et libertés.

S'il convient de saluer l'action conduite par la HALDE depuis 2005, votre commission considère que la lutte contre les discriminations pourrait être assurée avec une efficacité et un retentissement plus forts si elle était confiée au Défenseur des droits, doté à cette fin de prérogatives appropriées.

Au moment de l'examen du projet de loi portant création de la HALDE, notre excellent collègue Jean-René Lecerf, rapporteur, avait d'ailleurs relevé que le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants pouvaient « avoir à connaître, dans leur champ d'intervention particulier, de réclamations relatives à des comportements discriminatoires. Les compétences du Médiateur auraient ainsi pu être étendues, sous réserve de sa transformation en autorité collégiale, à la lutte contre les discriminations. Peut-être un jour paraîtra-t-il pertinent de rassembler ces autorités en une seule instance collégiale, compétente à la fois en matière de droits des enfants, de traitement des réclamations des citoyens à l'égard des administrations et de lutte contre les discriminations, pour donner à l'accomplissement de ces missions complémentaires davantage de cohérence et de moyens » 21 ( * ) .

Votre commission a par conséquent retenu les propositions de votre rapporteur tendant à confier expressément au Défenseur des droits une compétence en matière de lutte contre les discriminations qui s'inscrit naturellement dans la mission de protection des droits et libertés qui incombe à la nouvelle autorité constitutionnelle.

Votre rapporteur rappelle en outre que l'intégration de la HALDE au Défenseur était une hypothèse envisagée dès l'examen de la révision constitutionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois et rapporteur du projet de loi constitutionnelle, soulignait en effet que « le champ de compétences du Défenseur ne doit pas être limité a priori à l'examen des réclamations mettant en cause le fonctionnement d'un service public », afin qu'il puisse « se voir confier des compétences à l'égard du secteur privé, s'il devait un jour exercer les missions aujourd'hui dévolues à la HALDE » 22 ( * ) .

Le respect des engagements internationaux de la France

Votre rapporteur souligne qu'aucun engagement international ratifié ou approuvé par la France n'impose que l'une ou l'autre des missions confiées au Défenseur des droits soit attribuée à une autorité spécifique, dont ce serait le seul objet. En effet, si le système d'autorités indépendantes chargées de la protection des droits et libertés existant aujourd'hui résulte en partie de la volonté du législateur de satisfaire aux exigences de certains traités ou conventions, ces textes laissent les Etats parties organiser cette protection comme ils l'entendent.

Ainsi, la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 et ratifiée par la France le 7 août de la même année, n'oblige pas les Etats parties à se doter d'une autorité spécifiquement dédiée à la mission de défense des droits de l'enfant. Le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies recommande la création d'une institution spécialisée ; mais cette recommandation ne lie pas les Etats 23 ( * ) .

Par ailleurs, aucune convention internationale ratifiée par la France n'impose l'institution d'une autorité exerçant les missions aujourd'hui exercées par le Médiateur de la République et par la CNDS.

S'agissant de la lutte contre les discriminations, la France a créé la HALDE afin de compléter la transposition de la directive communautaire 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, et de la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes. Ces deux directives prévoient que les Etats membres doivent désigner un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir, d'analyser, de surveiller et de soutenir l'égalité de traitement entre les personnes, sans discrimination.

Cependant, ni ces directives, ni aucune convention internationale, n'imposent que la lutte contre les discriminations soit confiée à une autorité dédiée plutôt qu'à une autorité à vocation générale.

3. Les modifications adoptées par votre commission

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur visant à préciser et à étendre le champ de compétence et les modalités de saisine du Défenseur des droits.

La défense et la promotion des droits de l'enfant

Votre commission a souhaité reprendre à l'article 4 du projet de loi organique l'intégralité des compétences du Défenseur des enfants, afin de faire référence aux droits consacrés par un traité auquel la France est partie, tel que la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989.

Aussi a-t-elle inscrit à l'alinéa 3 de cet article la mission du Défenseur des droits en matière de défense et de promotion des droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé.

La compétence du Défenseur en matière de discrimination

Votre commission a complété le deuxième alinéa de l'article 4 afin de prévoir que le Défenseur des droits pourrait également être saisi des agissements de personnes privées lorsque l'auteur de la réclamation évoque une discrimination.

Il s'agit ainsi de mettre en cohérence les deux premiers alinéas de l'article 4, le premier donnant une compétence très générale au Défenseur, tandis que le second ne mentionne pas les discriminations parmi les domaines autorisant sa saisine aux fins de mise en cause d'une personne privée.

Par ailleurs, afin de donner, en cette matière, au Défenseur, une compétence identique à celle de la HALDE, votre commission a complété l'article 4 par un alinéa prévoyant :

- la compétence du Défenseur des droits pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ;

- la possibilité, pour toute personne s'estimant victime de discrimination, de saisir le Défenseur. Cette saisine pourra, compte tenu des modifications apportées au deuxième alinéa, mettre en cause aussi bien une administration, une collectivité territoriale, un établissement public, un organisme investi d'une mission de service public, ou une personne privée (entreprise, bailleur, professionnel exerçant une profession libérale...) ;

- que toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, et se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de discrimination, pourrait saisir le Défenseur des droits conjointement avec une personne s'estimant victime de discrimination, à condition d'avoir recueilli son accord.

Le texte retenu par votre commission harmonise par ailleurs les conditions de saisine du Défenseur des droits par les associations en matière de droits de l'enfant et en matière de discrimination. Le Défenseur pourrait ainsi être saisi par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ces statuts de défendre les droits de l'enfant.

La condition d'existence depuis cinq au moins paraît apporter des garanties suffisantes et comporte moins de contraintes que la reconnaissance d'utilité publique, prévue par le texte présenté par le Gouvernement. Celle-ci requiert en effet un budget minimal, un nombre d'adhérents minimal et n'est détenue que par des associations qui en ont fait la demande.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 - Saisine du Défenseur des droits par les ayants-droit

Cet article ouvre la saisine du Défenseur des droits aux ayants-droit de la personne dont les droits et libertés sont en cause.

L'ayant-droit peut être défini comme une personne qui a acquis un droit d'une autre personne. Un héritier est ainsi l'ayant-droit du défunt. Les ayants-droit pourraient donc saisir le Défenseur des droits au nom de la protection des droits et libertés d'une personne décédée depuis les faits.

Le projet de loi organique facilite par conséquent la saisine de la nouvelle autorité constitutionnelle de protection des droits, afin de lui donner la plus grande efficacité possible.

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur visant à rappeler que le Défenseur des droits peut également se saisir d'office, comme le prévoit l'article 71-1 de la Constitution. Ce rappel tend à mentionner dans la loi organique toutes les hypothèses de saisine du Défenseur.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 - Démarches préalables à la saisine et absence d'effet de la saisine du Défenseur des droits sur les délais de prescription

Cet article précise les conditions et effets de la saisine du Défenseur des droits.

Ainsi, toujours une logique d'accessibilité de cette nouvelle autorité, le premier alinéa de l'article 6 prévoit que la saisine du Défenseur des droits sera gratuite, comme l'est aujourd'hui la saisine des autorités administratives indépendantes qu'il est appelé à remplacer.

Les démarches préalables à la saisine du Défenseur des droits

Le deuxième alinéa soumet la saisine du Défenseur au titre des ses compétences en matière de dysfonctionnement des services publics à l'accomplissement de démarches préalables auprès des personnes publiques ou des organismes mis en cause. Toutefois, aucune démarche préalable ne serait exigée pour les saisines mettant en cause, en matière de droits des enfants ou de déontologie de la sécurité, une personne privée.

Cette disposition vise par conséquent à éviter un afflux excessif de saisines relatives au fonctionnement des services publics, dont certaines pourraient être évitées grâce à une intervention directe de la personne auprès de la personne publique ou de l'organisme auquel elle reproche d'avoir lésé ses droits et libertés.

Il s'agit en quelque sorte d'un recours administratif préalable obligatoire, procédure qui existe en certaines matières devant le juge administratif 24 ( * ) . Cette démarche doit avoir un effet régulateur, conduisant à une sélection naturelle des affaires qui ont vocation à être examinées par une autorité extérieure.

Le projet de loi organique reprend ainsi une disposition qui figure à l'article 7, premier alinéa de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur, selon laquelle la réclamation auprès de cette autorité « doit être précédée des démarches nécessaires auprès des administrations intéressées ».

Aussi, le projet de loi organique exonère-t-il de toute démarche préalable les saisines du Défenseur au titre de ses compétences en matière de droits des enfants et de déontologie de la sécurité.

Ce régime garde ainsi la souplesse de celui qui est aujourd'hui applicable aux réclamations adressées au Défenseur des enfants, celui-ci ne prévoyant ni filtrage, ni recours préalable auprès de la personne publique ou privée mise en cause, ni délai de recevabilité des demandes (article premier de la loi du 6 mars 2000).

La loi du 6 juin 2000 portant création de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ne comporte pas de disposition exigeant des démarches préalables, ce qui paraît justifié par l'existence d'un filtrage parlementaire des saisines (article 4). Cependant, les réclamations adressées à la Commission nationale de déontologie de la sécurité doivent, pour être recevables, être transmises à la Commission dans l'année qui suit les faits (article 4, premier alinéa de la loi du 6 juin 2000).

Le projet de loi organique préserve donc l'équilibre existant, en assurant une ouverture maximale du droit de saisine, dispensé de filtrage, et en n'exigeant de démarches préalables que pour les saisines visant les problèmes posés par le fonctionnement des services publics.

On ne saurait en effet prévoir une démarche préalable dans le cas des compétences du Défenseur des droits relatives aux droits des enfants.

Un enfant mineur souhaitant saisir le Défenseur des droits doit pouvoir le faire directement. Il existe sans doute des situations où il semblerait difficile de demander à l'enfant d'accomplir au préalable des démarches auprès de la personne publique ou de l'organisme qu'il souhaite mettre en cause.

Une logique similaire s'applique aux saisines relatives à la déontologie de la sécurité, tant il paraîtrait aberrant de demander à une personne victime de mauvais traitements par des forces de sécurité d'accomplir une démarche auprès des personnes qui lui ont infligé ces mauvais traitements, avant de saisir le Défenseur des droits.

L'absence d'effet de la saisine du Défenseur sur les délais de prescription

Le troisième alinéa de l'article 6 précise que la saisine du Défenseur des droits n'interrompt ni ne suspend les délais de prescription des actions en matière civile, administrative ou pénale. Cette saisine ne suspend pas non plus les délais de recours administratifs ou contentieux.

Les textes relatifs aux autorités que le Défenseur est appelé à remplacer comportent des dispositions similaires.

Ainsi, l'article 7 de la loi du 3 janvier 1973 dispose que la réclamation adressée au Médiateur de la République « n'interrompt pas les délais de recours, notamment devant les juridictions compétentes ». Une disposition analogue figure à l'article 6 de la loi du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants et à l'article 4, avant-dernier alinéa, de la loi du 6 juin 2000 portant création de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

Cependant, si la saisine du Défenseur des droits n'a pas, en elle-même, d'effet suspensif ou interruptif, il en irait différemment, comme l'explique l'exposé des motifs du projet de loi organique, « si par exemple une médiation était engagée en matière civile à la suite de la saisine du Défenseur ».

En effet, aux termes de l'article 2238 du code civil, « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de la médiation ou de la conciliation ».

Les modifications adoptées par la commission

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur précisant que les personnes saisissant le Défenseur des droits au titre de ses compétences en matière de discrimination seraient dispensées d'accomplir des démarches préalables auprès des personnes publiques ou des organismes mis en cause.

Il semblerait en effet difficile et peu productif de demander à une personne victime de discrimination d'accomplir des démarches auprès de l'administration ou du service public qui se serait comporté, à son égard, de façon discriminatoire.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 - Autorités susceptibles de saisir le Défenseur des droits

Cet article dresse la liste des autorités publiques qui peuvent être amenées à saisir le Défenseur des droits. Il s'agit donc de voies de saisine complémentaires, permettant, le cas échéant, à une personne d'obtenir l'appui d'une telle autorité afin d'engager cette démarche.

La plupart des textes relatifs aux autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits comportent ce type de disposition. Il est vrai que la mise en cause d'une personne publique ou d'un organisme -tel que l'employeur- est un acte que certaines personnes peuvent redouter à accomplir.

Ainsi, les membres du Parlement peuvent saisir le Défenseur des enfants (article premier, dernier alinéa, de la loi du 6 mars 2000) et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (article 4, troisième alinéa, de la loi du 30 décembre 2004).

Les trois premiers alinéas de l'article 7 donnent ainsi aux parlementaires la possibilité de saisir le Défenseur des droits, selon trois cas de figure différents :

- un député ou un sénateur pourrait transmettre au Défenseur une réclamation individuelle qui lui paraît mériter son intervention ;

- les membres du Parlement pourraient, de leur propre initiative, saisir le Défenseur des droits d'une question qui leur paraît mériter son intervention ;

- le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat pourrait transmettre au Défenseur, dans les domaines de sa compétence, toute pétition dont l'assemblée a été saisie. Le projet de loi organique établit en l'occurrence un lien avec les dispositions des règlements des assemblées relatives à la présentation de pétitions. En effet, l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 renvoie au règlement de chaque assemblée la définition des conditions dans lesquelles des pétitions écrites peuvent leur être présentée 25 ( * ) .

Le dernier alinéa de l'article 7 inscrit l'activité du Défenseur des droits dans un cadre européen et international. Il prévoit en effet que le Défenseur instruit les réclamations qui lui sont transmises par le Médiateur européen ou par un homologue étranger, si ces réclamations lui paraissent relever de sa compétence et mériter son intervention.

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à supprimer, au premier alinéa, la précision selon laquelle les parlementaires peuvent transmettre au Défenseur des réclamations « individuelles ». L'article 4 du projet de loi organique fait en effet référence aux réclamations, sans les qualifier d'individuelles.

Votre commission a également souhaité préciser que le Défenseur serait tenu d'informer les députés ou les sénateurs des suites données à leurs transmissions.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 8 - Conditions relatives à la saisine d'office et à la saisine par d'autres personnes que la personne lésée

Cet article précise les modalités de saisine d'office du Défenseur des droits et les conditions dans lesquelles il peut être saisi par une autre personne que la personne lésée. Le Défenseur devrait en effet, dans de tels cas, recueillir l'accord de la personne lésée ou de ses ayants droit.

Le deuxième alinéa de l'article 71-1 de la Constitution dispose que le Défenseur des droits peut se saisir d'office.

Par ailleurs, l'article 4 du projet de loi organique, modifié par votre commission, prévoit que le Défenseur peut être saisi :

- au titre de sa compétence en matière de défense et de promotion des droits de l'enfant, par les représentants légaux d'un enfant, par les membres de sa famille, par les associations déclarées depuis au moins cinq ans qui défendent les droits des enfants, ou par les services médicaux ou sociaux ;

- au titre de sa compétence en matière de respect des règles de déontologie dans le domaine de la sécurité, par toute personne qui a été témoin de faits susceptibles de constituer un manquement à ces règles ;

De plus, l'article 5 du projet de loi organique permet également la saisine du Défenseur par les ayants-droit de la personne dont les droits et libertés sont en cause.

Aussi, l'article 8 précise-t-il que, lorsque le Défenseur se saisit d'office, ou lorsqu'il est saisi autrement qu'à l'initiative de la personne lésée ou, s'agissant d'un enfant, de ses représentants légaux, il ne peut intervenir qu'à la condition que ladite personne, si elle est identifiée, ou ses ayants-droits, ait été avertie et ne se soit pas opposée à cette intervention.

Cette condition de consentement préalable à l'intervention du Défenseur serait applicable dans toutes les matières relevant de sa compétence, sauf si la saisine lui paraît mettre en cause l'intérêt supérieur d'un enfant.

En effet, dans ce dernier cas, le Défenseur pourrait intervenir sans avoir recueilli le consentement, ni même averti l'enfant ou ses représentants légaux. L'intervention du Défenseur des enfants n'est d'ailleurs soumise à aucune condition de consentement préalable, aux termes de la loi du 6 mars 2000 instituant cette autorité.

Le consentement ne serait pas non plus requis lorsque la personne lésée n'a pu être identifiée. Tel pourrait être le cas si le Défenseur était saisi, par exemple, par le témoin de faits relatifs à une personne qui aurait été victime d'atteintes aux règles de déontologie de la sécurité, sans que le témoin ait pu donner des éléments suffisants pour identifier la victime avant qu'une enquête ne soit engagée par le Défenseur.

M. Roger Beauvois, président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, a expliqué à votre rapporteur que le dispositif défini par le projet de loi organique risquait de bloquer l'action du Défenseur des droits lorsque la personne lésée ne se trouvait plus sur le territoire national. En effet, dans l'hypothèse de mauvais traitement infligés à une personne lors de sa reconduite à la frontière, le Défenseur s'il était saisi par un témoin, risquerait d'éprouver de grandes difficultés à avertir et à recueillir le consentement de cette personne. Il ne pourrait donc pas intervenir.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme relève également, dans son avis du 4 février 2010, que « l'article 8 diminue les pouvoirs actuels de la CNDS, l'accord de la personne concernée ne lui étant pas aujourd'hui nécessaire pour instruire un dossier. Ainsi, les cas d'étrangers éloignés du territoire français, après passage en zone d'attente ou en centre de rétention administrative, risquent de ne pas pouvoir être traités par le Défenseur des droits à défaut d'accord de l'intéressé qui se trouvera le plus souvent dans l'impossibilité de l'exprimer » 26 ( * ) .

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur prévoyant que le Défenseur des droits pourrait toujours se saisir, non seulement des cas lui paraissant mettre en cause l'intérêt supérieur d'un enfant, mais aussi des cas relatifs à des personnes non identifiées, ou dont il ne peut recueillir l'accord .

Votre commission a ainsi souhaité donner la possibilité d'action la plus large possible au Défenseur. Seule l'opposition de la personne intéressée pourrait empêcher qu'il se saisisse.

Si cette personne ne peut être identifiée, ou si son avis ne peut être recueilli -parce qu'elle ne peut être retrouvée facilement ou parce qu'elle est empêchée-, il semble indispensable que le Défenseur puisse accomplir sa mission de protection des droits et libertés. Dans une telle hypothèse, même si la personne intéressée ne pouvait bénéficier directement de l'intervention du Défenseur, les prérogatives attribuées à ce dernier lui permettraient, le cas échéant, de dénoncer un dysfonctionnement, de recommander des réformes ou encore de saisir les autorités disciplinaires.

Le dispositif ainsi complété devrait par conséquent garantir l'utilité et l'effectivité du pouvoir de saisine d'office du Défenseur.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 9 - Relations entre le Défenseur des droits et les autres autorités chargées de protection des droits et libertés

Cet article précise les conditions dans lesquelles le Défenseur des droits peut avoir des échanges avec d'autres autorités chargées de la protection des droits et libertés.

Le dispositif proposé

Le premier alinéa prévoit que le Défenseur des droits, lorsqu'il transmet une réclamation à une autre autorité indépendante chargée d'une mission de protection des droits, peut accompagner cette transmission de ses observations et demander à être informé des suites données à cette communication.

Cette disposition peut être perçue comme l'expression du rang constitutionnel du Défenseur des droits, qui lui confère une prééminence à l'égard des autres autorités, créées par la loi.

Ainsi, sans être dans une position hiérarchique supérieure à l'égard des autres autorités chargées de la protection des droits et libertés, le Défenseur des droits constitue, par sa place dans l'organisation institutionnelle, l'autorité de référence. C'est cette position qui lui donne la légitimité nécessaire pour adresser des observations à d'autres autorités et pour être systématiquement informé des suites données à ces observations.

Le Défenseur pourrait ainsi avoir à transmettre des réclamations à la Commission d'accès aux documents administratifs, à la CNIL ou au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Le Défenseur des droits pourrait ainsi avoir de telles relations avec la CNIL, le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Le deuxième alinéa de l'article 9 prévoit l'association du Défenseur des droits aux travaux de la HALDE et de la CNIL 27 ( * ) . Les deux autorités jouent en effet un rôle essentiel en matière de protection des droits.

Toutefois, comme votre rapporteur l'a expliqué lors de la présentation de l'article 4 du projet de loi organique, la lutte contre les discriminations entre naturellement dans le champ de compétence du Défenseur des droits, si bien que votre commission a choisi de confier au Défenseur l'exercice des missions aujourd'hui dévolues à la HALDE.

Les modifications adoptées par votre commission

Votre rapporteur souligne que, si le projet de loi organique dote le Défenseur des droits d'une compétence générale, couvrant la protection de l'ensemble des droits et libertés, d'autres autorités indépendantes continueront à exercer, après sa création, une mission centrée sur un aspect précis de cette protection. Tel sera le cas de la CADA, de la CNIL et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Si le projet de loi organique et le projet de loi assurent une coordination entre les travaux de la CNIL et ceux du Défenseur, ils restent silencieux sur les rapports entre le Défenseur et les deux autres autorités. Cela ne paraît pas présenter de grandes difficultés pour les relations entre le Défenseur et la CADA, sous la seule réserve que ces deux autorités concluent une convention organisant des échanges d'information.

En revanche, le Défenseur pourra être saisi, par des personnes privées de liberté, de réclamations relatives au fonctionnement des services publics ou au respect des règles de déontologie en matière de sécurité. Sa compétence dans ces matières se situe ainsi aux frontières de celle du Contrôleur général. Ce dernier pourrait également avoir connaissance de faits relevant de la compétence du Défenseur, par exemple de la part de détenus mettant en cause le fonctionnement de l'administration pénitentiaire.

Aussi le législateur avait-il pris soin, en 2007, lors de la création du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de prévoir des mécanismes de saisine croisés entre, d'une part, cette autorité et, d'autre part, le Médiateur et la CNDS 28 ( * ) . Ces autorités ont en outre conclu des conventions afin de préciser l'organisation de leurs relations et d'assurer le meilleur traitement possible des réclamations qui leur sont adressées. Le Contrôleur général a ainsi signé une convention avec le président de la CNDS le 24 octobre 2008, avec le Défenseur des enfants le 21 janvier 2009, avec le Médiateur de la République le 13 mai 2009, avec le président de la HALDE le 12 novembre 2009 et avec le président de la CNIL le 2 décembre 2009.

Il convient par ailleurs de relever que le Défenseur des droits héritera de la mission développée avec succès par le Médiateur de la République auprès des personnes privées de liberté. Le Médiateur a en effet expérimenté puis généralisé, en 2007, la présence des délégués dans les prisons.

Lors de son audition par la commission des lois le 12 mai 2010, M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, a estimé que la signature de conventions entre le Défenseur et les autres autorités serait de nature à garantir un traitement adéquat des réclamations qui n'auraient pas été immédiatement adressées à l'autorité pertinente ou qui entreraient dans le champ de compétence de plusieurs autorités 29 ( * ) .

Aussi, votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur prévoyant que le Défenseur des droits et les autres autorités administratives indépendantes investies d'une mission de protection des droits et libertés concluent des conventions, afin :

- d'organiser des échanges réciproques d'information. Il semble en effet indispensable que les autorités intervenant dans le champ de la protection des droits et libertés, à l'égard duquel le Défenseur des droits détiendra une compétence générale, partagent leur expérience et leur analyse des problèmes rencontrés par les personnes qui les saisissent ;

- d'assurer le traitement des réclamations qui leur sont adressées dans le respect de leurs compétences respectives.

L'amendement adopté par votre commission supprime en outre la mention de la HALDE à l'alinéa 2 de l'article 9, les compétences de cette autorité étant confiées au Défenseur.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 10 - Incompétence du Défenseur des droits à l'égard des différends entre les personnes publiques et les organismes investis d'une mission de service public

Cet article exclut du champ de compétence du Défenseur des droits les différends qui peuvent survenir entre les personnes publiques et les organismes investis d'une mission de service public, ainsi que les différends pouvant opposer ces deux catégories d'organismes à leurs agents.

L'exposé des motifs du projet de loi organique précise qu'ainsi, les litiges afférents à la carrière des fonctionnaires ne peuvent être soumis au Défenseur, « en revanche, les difficultés que peuvent rencontrer les anciens agents publics peuvent faire l'objet de réclamation à son attention ».

Les différends opposant des organismes investis d'une mission de service public

Le premier alinéa prévoit que le Défenseur des droits ne peut être saisi et ne peut se saisir d'office des différends opposant les personnes publiques et les organismes investis d'une mission de service public. Le projet de loi organique inscrit donc strictement la mission du Défenseur des droits dans le champ de la protection des droits des personnes. Cette nouvelle autorité constitutionnelle ne saurait en effet se substituer au juge administratif.

Toutefois, M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, a indiqué à votre rapporteur qu'un tel dispositif pourrait limiter gravement l'action du Défenseur des droits. Il a expliqué qu'il était intervenu dans des litiges opposant des organismes publics, les uns ayant méconnu les droits des autres, citant notamment des différends entre de grands organismes comme Réseau ferré de France (RFF) ou Voies navigables de France (VNF) et des collectivités territoriales.

Aussi a-t-il estimé que les litiges entre personnes publiques ou organismes chargés d'une mission de service public ne devraient pas être exclus du champ de compétence du Défenseur des droits, au risque de restreindre le domaine d'intervention du Médiateur de la République.

Votre commission a néanmoins considéré que les litiges opposant des personnes publiques ou des organismes chargés d'une mission de service public ne relevaient pas de la mission de protection des droits et libertés des personnes que l'article 71-1 de la Constitution confie au défenseur des droits.

Les différends opposant les organismes investis d'une mission de service public et leurs agents

Le deuxième alinéa de l'article 10 exclut par ailleurs toute saisine du Défenseur au sujet des différends qui peuvent s'élever entre, d'une part, les personnes publiques et les organismes investis d'une mission de service public et, d'autre part, leurs agents, à raison de l'exercice de leurs fonctions.

Cette disposition s'inspire de celle qui figure à l'article 8 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur 30 ( * ) . Toutefois, une exclusion générale ne paraît pas compatible avec l'extension du champ de compétence du Défenseur des droits à la lutte contre les discriminations. En effet, il serait contraire au principe d'égalité que les agents publics soient les seuls salariés à ne pas avoir la possibilité de saisir le Défenseur lorsqu'ils estiment être victimes de discrimination dans le cadre de leur activité professionnelle.

Votre commission a par conséquent adopté un amendement de son rapporteur prévoyant que le Défenseur pourrait être saisi ou se saisir des différends qui peuvent s'élever entre des personnes publiques ou des organismes chargés d'une mission de service public, et leurs agents, lorsque ces différends mettent en cause un comportement discriminatoire.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

* 18 Voir l'article premier de la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants et l'article 4 de la loi n°2000-494 du 6 juin 2000 portant création d'un Commission nationale de déontologie de la sécurité.

* 19 Voir le rapport précité, p. 206.

* 20 Le 23 avril 2008, votre commission des lois, qui s'est réunie le 29 mai 2008 afin de donner son avis sur la candidature de M. Jean-Marie Delarue aux fonctions de Contrôleur général, a unanimement exprimé sa volonté de maintenir l'autonomie de cette institution, au moins jusqu'au terme du premier mandat de six ans du Contrôleur, c'est-à-dire jusqu'en juin 2014.

Lors de cette audition, M. Jean-Marie Delarue s'est lui-aussi déclaré hostile, pour le présent, à une fusion avec le Défenseur des droits, rappelant que le Contrôleur général avait été institué en 2007 à l'issue d'un débat approfondi, que les engagements internationaux de la France militaient en faveur d'un mécanisme de contrôle autonome et, enfin, que l'état de délabrement des prisons françaises, notamment décrit par le Sénat, requérait un traitement particulier.

(compte rendu consultable sur le site du Sénat à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/bulletin/20080526/lois.html#toc13 )

* 21 Voir le rapport n° 65 fait au nom de la commission des lois par M. Jean-René Lecerf, (2004-2005), p. 34-35, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l04-065/l04-065.html

* 22 Voir le rapport précité n° 387 (2007-2008), p. 207-208), consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l07-387/l07-387.html

* 23 Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, Observation générale n° 2 (2002) du 15 novembre 2002, sur Le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l'homme dans la protection et la promotion des droits de l'enfant.

* 24 Ainsi, en matière de communication des documents administratifs, la saisine préalable de la Commission d'accès aux documents administratifs est obligatoire avant de saisir le juge administratif.

* 25 Le régime des pétitions adressées au président du Sénat est ainsi défini aux articles 87 à 89 bis du Règlement du Sénat.

* 26 Commission nationale consultative des droits de l'homme, avis adopté par l'assemblée plénière du 4 février 2010 sur le Défenseur des droits, p. 5.

* 27 Les articles 1 er et 2 du projet de loi prévoient en outre respectivement que le Défenseur des droits devienne membre, avec voix consultative, de la CNIL et de la HALDE. Voir le commentaire de ces articles.

* 28 Voir l'article 6 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur et l'article 4 de la loi du 6 juin 2000 portant création de la CNDS.

* 29 Le compte rendu de cette audition est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/bulletin/20100510/lois.html#toc3

* 30 Cet article dispose que les différends qui peuvent s'élever entre les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d'une mission de service public et leurs agents, « ne peuvent faire l'objet de réclamations auprès du Médiateur de la République. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à ces agents après la cessation de leurs fonctions. »

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