2. Une accélération depuis dix ans

La signature de l' Accord sur l'avenir de Mayotte du 27 janvier 2000 met fin à cette situation de statu quo et marque l'accélération de la marche de Mayotte vers la départementalisation.

Conclu entre MM. Jean-Jacques Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, et Younoussa Bamana, président du conseil général, cet accord prévoit de faire de Mayotte une « collectivité départementale » aussi proche que possible du droit commun, mais dont le fonctionnement et les normes resteront adaptés aux spécificités de la population mahoraise, et de renforcer les compétences du conseil général. Il s'agit donc de tenir compte de la volonté de départementalisation de la population mahoraise, tout en prenant acte de l'impossibilité de faire droit à cette revendication à court terme.

Ayant recueilli l'assentiment de la population de Mayotte 10 ( * ) , l'accord a été concrétisé par la loi du 11 juillet 2001 11 ( * ) qui dote l'île d'un nouveau statut, celui-ci étant entré progressivement en vigueur entre 2004 et 2008 :

- Mayotte reste soumise au principe de spécialité législative, que le statut de 1976 appliquait déjà. Toutefois, certaines matières sont exclues de ce principe et intégrées dans un régime d'identité législative (nationalité, régimes matrimoniaux, droit pénal, procédure pénale, droit électoral...) ;

- le pouvoir exécutif de la collectivité est transféré du préfet au président du conseil général ;

- les prérogatives du représentant de l'État sont allégées : la tutelle a priori sur les actes du conseil général est ainsi réduite, avant d'être supprimée à l'issue du renouvellement du conseil général en 2008.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003, en faisant relever Mayotte du statut prévu par l'article 74 de la Constitution, a ensuite poussé le législateur à actualiser le statut de l'île.

Identité législative et spécialité législative

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a fait du régime d'application de la loi, la clé de distinction entre les départements d'outre-mer et les collectivités d'outre-mer (ex-TOM).

En effet, le statut des collectivités soumises à l'article 74 « tient compte des intérêts propres de chacune d'entre elles au sein de la République ». Ce statut, défini par une loi organique après avis de l'assemblée délibérante, fixe notamment les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables.

À l'inverse, le régime d'identité législative de l'article 73 implique que « les lois et règlements sont applicables de plein droit », bien qu'ils puissent « faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Ces adaptations peuvent être mises en place par les collectivités elles-mêmes dans les matières où elles sont compétentes ; cette auto-adaptation est toutefois subordonnée à une habilitation législative préalable.

En outre, les collectivités régies par l'article 73 peuvent, « pour tenir compte de leurs spécificités », être habilitées par le législateur à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, sauf dans certaines matières (nationalité, droits civiques, garanties des libertés publiques, état et capacité des personnes, organisation de la justice, droit pénal, procédure pénale, politique étrangère, défense, sécurité et ordre publics, monnaie, droit électoral).

La loi organique du 21 février 2007 12 ( * ) inscrit ainsi les dispositions relatives à la collectivité de Mayotte dans un nouveau livre du code général des collectivités territoriales et l'autorise à exercer les compétences dévolues par les lois et règlements aux départements et aux régions. De plus, elle étend sensiblement le domaine d'application du principe d'identité législative , qui concerne dès lors la quasi intégralité des matières relevant de la loi.

Seules six matières, et pas des moindres, restent néanmoins soumises au régime de spécialité législative :

- les impôts, droits et taxes ;

- la propriété immobilière, l'urbanisme, la construction, l'habitation et le logement ;

- la protection et l'action sociales ;

- le droit syndical et le droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ;

- l'entrée et le séjour des étrangers, ainsi que le droit d'asile ;

- les finances communales.

Ainsi, Mayotte est aujourd'hui une collectivité de l'article 74 de la Constitution déjà très largement soumise par son statut organique à un régime d'identité législative.

La loi organique du 21 février 2007 a avancé la date à compter de laquelle le conseil général peut adopter une résolution demandant l'érection de Mayotte en département d'outre-mer : alors que la loi du 11 juillet 2001 fixait cette date à la première réunion suivant le renouvellement du conseil général en 2010, une « résolution portant sur la modification du statut de Mayotte et son accession au régime de département et région d'outre-mer défini à l'article 73 de la Constitution » peut désormais être prise dès 2008 13 ( * ) .

Enfin, la description du droit applicable à Mayotte ne serait pas complète s'il n'était pas fait état du statut civil de droit local , très inspiré du droit coranique et marqué, symboliquement, par l'acceptation de la polygamie. La modernisation progressive de ce statut, pour le rapprocher du droit civil commun, a accompagné l'évolution statutaire de Mayotte, de sorte qu'est aujourd'hui interdite, pour l'avenir, toute union polygame et que ce statut admet l'égalité entre les femmes et les hommes.


* 10 Lors de la consultation du 2 juillet 2000, les Mahorais se sont prononcés à 72,94 % en faveur de l'accord.

* 11 Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.

* 12 Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer (loi dite « DSIOM »).

* 13 Article L.O. 6111-2 du code général des collectivités territoriales.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page