Article 25 (art. 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques) - Création à Mayotte d'une caisse des règlements pécuniaires des avocats

L'article 25 du projet de loi rend applicable une disposition de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoyant un décret en Conseil d'Etat pour fixer les conditions d'application de l'article 27 de cette même loi et, notamment, les conditions des garanties, les modalités du contrôle et les conditions dans lesquelles les avocats reçoivent des fonds, effets ou valeurs pour le compte de leurs clients, les déposent, dans une caisse créée obligatoirement à cette fin par chaque barreau ou en commun par plusieurs barreaux et en effectuent le règlement. L'article 27 impose en effet aux barreaux et aux avocats de disposer d'une assurance ou d'une garantie affectée au remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus.

En d'autres termes, il s'agit de créer à Mayotte une caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA).

Votre commission a adopté l'article 25 sans modification .

Article 26 (art. 133-1 du code du travail maritime) - Application à Mayotte du code du travail maritime

L'article 26 du projet de loi rend le code du travail maritime applicable à Mayotte, avec quelques adaptations. Compte tenu de l'importance du secteur de la pêche maritime à Mayotte, l'application du droit commun y est particulièrement bienvenue.

Le code du travail maritime, étant couvert par l'habilitation prévue à l'article 27 du projet de loi, il convient, par coordination, de l'exclure du champ de l'habilitation.

Votre commission a procédé à la correction de quelques erreurs de rédaction dans les références.

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié .

Article 27 - Habilitation du Gouvernement, au titre de l'article 38 de la Constitution, à étendre ou adapter à Mayotte de nombreuses législations en vue de rapprocher les règles en vigueur à Mayotte de celles de droit commun

L'article 27 du projet de loi prévoit une habilitation particulièrement étendue, dans son champ d'application, son objet comme sa durée, accordée au Gouvernement en vue de rapprocher les règles législatives applicables à Mayotte de celles applicables dans l'hexagone ou dans les autres collectivités de l'article 73 de la Constitution.

Après avoir rappelé son hostilité de principe à tout recours excessif aux ordonnances, dont l'effet est d'empêcher le législateur d'avoir à connaître des modifications législatives ainsi accomplies, puis avoir déploré la facilité croissante du recours aux ordonnances pour ce qui concerne l'outre-mer, votre commission a admis que le chantier du rapprochement du droit commun dans tous les domaines pour Mayotte devait être conduit parallèlement à la mise en oeuvre de la départementalisation, dans des délais rapides, rendant difficile une intervention directe du législateur.

Votre commission sera toutefois très attentive à l'usage qui sera fait par le Gouvernement de cette vaste habilitation et au contenu des ordonnances au fur et à mesure de leur publication.

L'objectif de l'habilitation, dans les domaines qu'elles visent, est soit d'étendre la législation dans un domaine particulier « dans une mesure et selon une progressivité adaptées aux caractéristiques et contraintes particulières à Mayotte », soit d'adapter la législation à « ces caractéristiques et contraintes particulières », reprenant ainsi les termes du premier alinéa de l'article 73 de la Constitution. L'habilitation se situe bien dans le cadre strict de l'article 73 de la Constitution, puisqu'elle prévoit l'extension ou l'adaptation des lois en vigueur, l'article 73 de la Constitution prévoyant l'application de plein droit des lois et règlements dans les départements et régions d'outre-mer, selon le principe de l'identité législative, sous réserve d'éventuelles adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des collectivités concernées. Cette application de plein droit à Mayotte concerne les lois à venir. Comme l'habilitation concerne l'application du droit commun déjà en vigueur, elle prévoit utilement une « progressivité » en cas d'extension.

Ainsi, au vu des conditions économiques et sociales de Mayotte, il ne serait pas pertinent d'appliquer du jour au lendemain les prestations sociales dans leur montant applicable en métropole ou dans les autres départements d'outre-mer et, pour contribuer à les financer, les cotisations sociales à leur taux applicable en métropole ou dans les autres départements d'outre-mer. De même, il n'est pas pertinent d'appliquer le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) à son montant en vigueur en métropole 53 ( * ) , car à ce jour le revenu par habitant à Mayotte est nettement inférieur à celui de métropole 54 ( * ) . C'est ainsi dans le domaine économique et social que la progressivité est la plus nécessaire, pour éviter de déstabiliser la société mahoraise d'entraver le développement économique de l'île par des coûts brutalement accrus, d'autant que la mise en place de la fiscalité locale de droit commun, prévue en 2014, augmentera déjà les prélèvements obligatoires. Ainsi qu'il est ressorti des auditions conduites par votre rapporteur, les élus mahorais sont autant attachés à la départementalisation elle-même qu'à la progressivité de l'application du droit commun, par pragmatisme et raison. A cet égard, l'annexe 1 à l'étude d'impact jointe au projet de loi indique que l'extension du droit commun en matière d'action sociale (intégralité de la protection de l'enfance, formation des travailleurs sociaux, minima sociaux que sont le revenu de solidarité active et l'allocation pour parent isolé, prestations légales d'action sociale que sont l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation de compensation du handicap) s'effectuerait « sur une durée de 20 à 25 ans » (p. 51), étant entendu qu'il existe déjà des éléments d'action sociale à Mayotte, gérés par le conseil général. Dans ce domaine, l'annexe 1 annonce que les prestations existantes (allocation pour adulte handicapé et allocation spéciale pour les personnes âgées) seront revalorisées dès 2011, qu'une allocation de logement social sera créée dès 2011 également et que le revenu de solidarité active sera mis en place dès 2012, au quart de son montant métropolitain, reprenant le contenu du Pacte pour la départementalisation de Mayotte du 8 janvier 2009.

Votre commission a approuvé l'objet de l'habilitation ainsi énoncé.

L'article 27 prévoit un délai d'habilitation particulièrement long de dix-huit mois suivant celui de la publication de la loi. Ainsi que le montre l'échéancier prévisionnel des ordonnances présenté, à titre indicatif, en annexe de l'étude d'impact jointe au projet de loi (pp. 83 et 84), selon le domaine, le temps nécessaire estimé pour l'élaboration des textes varie de six mois à dix-huit mois. Il n'apparaît cependant pas judicieux de prévoir dans le projet de loi des délais d'habilitation différents selon la matière, pour des raisons de clarté de la loi mais aussi de coordination éventuelle entre les ordonnances. Le projet de loi de ratification de chaque ordonnance devra être déposé au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de la publication de l'ordonnance.

Votre commission a approuvé le délai d'habilitation, sous la réserve d'un amendement tendant à la réduire à six mois pour les deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales. Cette réduction vise à ce que le droit applicable aux communes de Mayotte soit aligné sur le droit commun, avec les adaptations nécessaires, dans les meilleurs délais après la départementalisation, ainsi qu'il a été indiqué à propos des articles 2 et 7 du projet de loi.

Quant aux domaines couverts par l'habilitation, ils sont extrêmement vastes. Le domaine social et le logement sont particulièrement concernés. Sont ainsi visés les vingt-cinq codes et législations suivantes :

- deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales ;

- code général de la propriété des personnes publiques ;

- code forestier et autres textes de valeur législative relatifs à la forêt ;

- code rural et de la pêche maritime et autres dispositions législatives applicables aux matières régies par ce code ;

- législation relative aux attributions préférentielles en matière agricole au sens des articles 831 à 834 du code civil ;

- code de l'action sociale et des familles ;

- législation relative à la protection sociale des handicapés et à l'action sociale en faveur des handicapés ;

- législation relative à la couverture des risques vieillesse, chômage, maladie, maternité, invalidité et accidents du travail, aux prestations familiales, ainsi qu'aux organismes compétents en la matière ;

- législation du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ;

- code de l'urbanisme ;

- code de la construction et de l'habitation ;

- loi n° 46-972 du 2 septembre 1946 instituant l'ordre des géomètres experts ;

- loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété ;

- loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre ;

- loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 relative à la location-accession ;

- loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;

- loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement ;

- code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- code de commerce ;

- loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;

- code de l'organisation judiciaire et autres textes législatifs régissant l'organisation judiciaire ;

- loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- législation relative à la profession d'huissier de justice ;

- loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques ;

- législation relative au travail maritime, à la profession de marin, à la protection sociale des marins et aux titres de navigation maritime.

Pas moins de neuf codes sont expressément mentionnés, sans compter le code général des collectivités des collectivités territoriales, concerné pour deux de ses parties seulement - votre commission a désapprouvé la méthode retenue par le projet de loi pour rendre applicable ce code à Mayotte -, ni les codes visés implicitement car englobés dans une législation, comme le code du travail, le code de la sécurité sociale ou le code du travail maritime. De plus, cette habilitation ne concerne pas la fiscalité locale de droit commun, qu'il est prévu d'appliquer à Mayotte en 2014.

Concernant le code du travail maritime, l'article 26 du projet de loi le rend applicable à Mayotte, avec certaines adaptations. Votre commission l'a donc exclu du champ de l'habilitation par amendement de son rapporteur.

Par coordination avec les articles 19 et 20, votre commission a adopté un amendement étendant l'habilitation à la législation relative au service public de l'électricité.

L'annexe 1 de l'étude d'impact jointe au projet de loi (pp. 50 à 82), qui constitue l'étude d'impact de l'habilitation, apporte des éléments détaillés dans chaque domaine. Ces éléments montrent que, dans certains cas, le champ couvert par l'habilitation correspond davantage à une précaution qu'au réel périmètre des dispositions concernées, plus restreint. Il semble en être ainsi, par exemple, pour le code de commerce.

Cependant, consciente de l'impossibilité de la tâche sans recourir aux ordonnances, votre commission a accepté un champ d'application aussi large.

Votre commission a adopté l'article 27 ainsi modifié .


* 53 Le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) mahorais suit toutefois un processus de rattrapage du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) métropolitain, qui lui a permis d'atteindre 80 % du SMIC au 1 er juillet 2009, dépassant le seuil des 1000 euros bruts mensuels, et 85 % au 1 er juillet 2010. Le Pacte pour la départementalisation de Mayotte du 8 janvier 2009 indique que l'effort de revalorisation a atteint un niveau qui doit être stabilisé.

* 54 Le niveau de vie annuel moyen d'un individu s'élevait en 2005 à 3 728 euros à Mayotte, tandis qu'il dépassait 20 000 euros en France métropolitaine, soit plus du quintuple (source : INSEE). Le niveau de vie annuel moyen d'un résidant de nationalité française à Mayotte s'élevait à 4 280 euros, mais à seulement à 3 315 euros pour les originaires de Mayotte. Cependant, alors que le niveau de vie annuel moyen progressait de moins de 15 % en euros constants en France métropolitaine de 1995 à 2005, il progressait de 87 % à Mayotte, attestant d'un phénomène de rattrapage.

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