Article 28 - Ratification de treize ordonnances diverses relatives à l'outre-mer
L'article 28 du projet de loi ratifie un train de treize ordonnances relatives à l'outre-mer.
Toutes ces ordonnances ont été publiées et ont fait l'objet d'un projet de loi de ratification dans les conditions prévues par l'habilitation sur laquelle elles sont fondées. D'un point de vue formel, elles sont donc valides.
Sur ces treize ordonnances, douze ont été publiées en 2009 ou 2010 et relèvent donc du régime de la ratification expresse prévu par l'article 38 de la Constitution dans sa rédaction résultant de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Une seule ordonnance est ancienne, remontant à 2002, et n'avait encore fait l'objet d'aucune ratification ni implicite ni expresse.
• Trois ordonnances concernant exclusivement Mayotte
Sur les treize ordonnances ratifiées, seules trois concernent Mayotte, dont une très ancienne remonte à 2002 et n'avait jamais été ratifiée depuis.
Premièrement, le présent article ratifie l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, qui avait trois objets principaux :
- réformer et étendre le régime d'assurance maladie-maternité ;
- créer un régime local d'assurance vieillesse 55 ( * ) , versant des pensions en fonction des cotisations mais aussi, en cas de droits à pension insuffisants, une allocation spéciale pour les personnes âgées (ASPA) ;
- instituer une allocation pour adulte handicapé (AAH).
En vigueur depuis le 1 er janvier 2003, cette ordonnance a contribué à accroître significativement le niveau de protection sociale des Mahorais et singulièrement des plus fragiles, les personnes âgées et handicapées.
Deuxièmement, le présent article ratifie l'ordonnance n° 2009-664 du 11 juin 2009 relative à l'organisation du service public de l'emploi et à la formation professionnelle à Mayotte. Cette ordonnance a modifié le code du travail applicable à Mayotte pour y mentionner le service public de l'emploi et désigner les organismes qui en sont chargés, ainsi que développer les dispositions relatives à l'apprentissage. Elle a institué à Mayotte un fonds de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Elle a rendu applicables, avec adaptations, certaines dispositions du code de l'éducation, qui concernent notamment le schéma prévisionnel des collèges et lycées et les compétences des régions en matière d'éducation et de formation professionnelle. Elle a prévu des mécanismes de compensation financière pour les charges résultant d'une compétence transférée (rémunération des stagiaires de la formation professionnelle) et d'une compétence créée (indemnité à l'employeur au titre des contrats d'apprentissage). A cet égard, plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont déploré que les transferts financiers ainsi prévus ne soient pas concomitants à l'engagement des dépenses par le conseil général.
Troisièmement, le présent article ratifie l'ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître, tout en y apportant une modification. Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l'article 72 de la loi d'orientation n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, l'habilitation visant à « assurer le respect des principes constitutionnels et des droits fondamentaux ». Cette ordonnance a ainsi modernisé le statut civil de droit local.
Elle a précisé que ce statut « régit l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités » mais ne saurait « contrarier ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français ». Elle rappelle le rôle supplétif du droit civil commun. Elle décrit la procédure de renonciation au statut de droit local, qui est irrévocable. Elle prévoit que le droit commun s'applique dans les rapports entre personnes, sauf entre personnes relevant du droit local et dans une matière en relevant.
L'ordonnance prévoit également des actions conjointes de promotion de l'égalité des femmes et des hommes entre l'Etat et le conseil général. Surtout, elle actualise les règles de droit local relatives au mariage, en rendant applicables les dispositions du code civil relatives aux actes de mariage, aux qualités et conditions requises pour se marier, aux formalités relatives à la célébration, aux oppositions et aux demandes en nullité, ainsi qu'au divorce. Les unions polygames étaient d'ores et déjà interdites pour l'avenir, mais l'ordonnance a encore renforcé cette interdiction de même que l'égalité entre les hommes et les femmes, par l'alignement de l'âge requis pour se marier, en relevant celui des femmes de quinze à dix-huit ans, et la suppression des réserves quant à l'applicabilité des dispositions prohibant la polygamie, celle-ci étant proscrite pour l'avenir quel que soit l'âge des intéressés. L'ordonnance indique qu'une femme mariée ou majeure peut librement exercer une profession et disposer de ses biens. Elle interdit toute discrimination dans les successions.
Cette modernisation du statut civil de droit local le rapproche encore du droit civil commun.
En matière d'état civil, l'ordonnance permet que des agents du conseil général soient mis à disposition des communes pour exercer les fonctions d'officier de l'état civil, encadrer et former les agents communaux chargés de la tenue de l'état civil.
Enfin, cette ordonnance met également un terme à la justice cadiale en matière d'état des personnes, en prévoyant que désormais le tribunal de première instance de Mayotte connaît de toutes les affaires relatives à l'application du statut civil de droit local et peut, à la demande des parties, appliquer le droit civil commun. Dans ce cas, le tribunal peut s'adjoindre les conseils d'un expert. Privés de leur compétence juridictionnelle, les cadis se limitent désormais au champ de la médiation.
En ratifiant cette importante ordonnance, le projet de loi procède à l'abrogation d'une disposition maintenue à tort en vigueur par l'ordonnance, qui concerne les compétences des cadis en matière notariale et en tant que tuteurs légaux des incapables et des absents et représentants légaux des défunts en cas de succession non réglée. Selon l'étude d'impact jointe au projet de loi, ces compétences ne sont en effet plus exercées, l'obligation d'avoir recours à un notaire existant depuis 2008. A cet égard, votre rapporteur souligne la nécessité de créer de nouveaux offices notariaux à Mayotte, pour faire face au besoin important d'actes.
• Huit ordonnances qui étendent et adaptent outre-mer la loi de modernisation de l'économie
Une large proportion des ordonnances ratifiées par le présent article vise à étendre et à adapter à l'outre-mer la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Plus précisément, il s'agit de :
- l'ordonnance n° 2009-394 du 9 avril 2009 réformant le cadre de la gestion d'actifs pour le compte de tiers en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Étendant certaines des dispositions de l'ordonnance n° 2008-1081 du 23 octobre 2008, elle permet notamment d'élargir les possibilités de transferts entre différents instruments financiers (transfert à une SICAV des actifs d'une SICAV « mère » lorsque la cession n'est pas conforme à l'intérêt de certains actionnaires ; transfert à un nouveau fonds des actifs d'un fonds commun de placement...) et de contractualiser le régime de responsabilité du dépositaire des OPCVM ;
- l'ordonnance n° 2009-797 du 24 juin 2009 relative à l'application à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna de l'ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009 relative aux instruments financiers. Elle y transpose, sous réserve d'adaptations mineures, les modifications que la loi de modernisation de l'économie a apportées au code monétaire et financier ;
- l'ordonnance n° 2009-798 portant extension de l'ordonnance n° 2009-80 du 22 janvier 2009 relative à l'appel public à l'épargne et portant diverses dispositions en matière financière en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. Cette ordonnance garantit la prise en compte, dans les territoires et collectivités précités, des dispositions de la directive « Prospectus » 56 ( * ) ; elle permet également d'y rendre applicables les règles en vigueur en matière de publication et de stockage de l'information réglementée ;
- l'ordonnance n° 2009-799 du 24 juin 2009 portant actualisation et adaptation de la législation financière et de la législation douanière applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. Elle étend et adapte, notamment, certaines dispositions relatives au livret A, au régime de certains fonds de placement (fonds commun de placement à risques, fonds d'investissement de proximité et fonds commun de placement à risques contractuels), au droit au compte, et aux sanctions que peuvent prononcer la Commission bancaire et l'Autorité des marchés financiers. De même, elle y étend les modifications de la législation douanière introduites par la loi de modernisation de l'économie ;
- l'ordonnance n° 2009-865 du 15 juillet 2009 relative à l'application à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna de l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme . Elle étend, en y apportant de très légères adaptations, la législation applicable en métropole ;
- l'ordonnance n° 2009-884 du 22 juillet 2009. Celle-ci étend en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna les dispositions de la loi de modernisation de l'économie qui ont modifié le régime des sociétés d'investissement à capital fixe et créé l'Autorité des normes comptables ;
- l'ordonnance n° 2009-896 du 24 juillet 2009 portant actualisation du droit commercial et du droit pénal applicables en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, qui permet notamment d'y étendre les dispositions de la loi de modernisation de l'économie qui ont amélioré le statut du commerçant, simplifié le fonctionnement des sociétés commerciales et qui ont renforcé la protection accordée aux entrepreneurs individuels, et certaines dispositions relatives aux rachats d'actions ;
- l'ordonnance n° 2010-11 du 7 janvier 2010 portant extension et adaptation de l'ordonnance n° 2009-886 régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna. Là encore, il s'agit d'une simple extension, avec des adaptations marginales, du droit en vigueur en métropole.
• Deux autres ordonnances relatives à l'outre-mer
Enfin, le présent article ratifie l'ordonnance n° 2009-1019 du 26 août 2009 portant extension et adaptation outre-mer des dispositions relatives à la télévision numérique terrestre (TNT), qui poursuit trois objectifs : adapter les modalités de lancement de la TNT au contexte ultramarin, garantir une large diffusion de la TNT, et adapter les dispositions relatives à l'extinction de la diffusion des services de télévision en mode analogique.
Il ratifie également l'ordonnance n° 2009-1336 du 29 octobre 2009 modifiant l'ordonnance n° 2006-172 du 15 février 2006 portant actualisation et adaptation du droit applicable en matière de sécurité civile en Nouvelle-Calédonie : cette ordonnance tire les conséquences de l'échec de l'ordonnance précitée de 2006 (qui avait prévu de créer une structure centrale d'incendie et de secours comparable aux services départementaux d'incendie et de secours de métropole en Nouvelle-Calédonie, mais qui n'a pu aboutir faute d'un accord local sur les participations financières respectives de la Nouvelle-Calédonie et des autres collectivités concernées) en étendant les pouvoirs et les compétences des établissements publics d'incendie et de secours, et en encadrant et en adaptant le cadre budgétaire applicable à ces établissements.
Votre commission a adopté l'article 28 sans modification .
* 55 Il existe une allocation simple vieillesse (ASV), versée par le conseil général de Mayotte au titre de l'aide sociale, destinée aux personnes âgées de 56 à 61 ans.
* 56 Directive 2003/71/CE, qui met en place une définition harmonisée de l'appel public à l'épargne à l'échelle communautaire.