II. EXAMEN DES CINQ PROGRAMMES

A. PROGRAMME 304 « LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ : REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE ET EXPÉRIMENTATIONS SOCIALES » : « ABONDANCE DE BIENS NE NUIT PAS »

Le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » rassemble 705 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, très inégalement répartis entre deux actions , comme le montre le tableau suivant :

Répartition des crédits du programme par action

(en euros)

Numéro et intitulé du programme
et de l'action

Crédits de paiement

Ouverts en LFI pour 2010

Demandés pour 2011

1

Revenu de solidarité active

1 597 541 874

700 000 000

2

Expérimentation sociale et autres expériences en matière sociale et d'économie sociale

10 061 000

5 000 000

P 304

Lutte contre la pauvreté

1 607 602 874

705 000 000

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

1. Le Fonds national des solidarités actives finance le « RSA activité »

Le revenu de solidarité active (RSA) fonctionne sur le principe d'un revenu minimum. Lorsque la personne éligible n'a pas d'activité, elle est assurée de percevoir un « revenu minimum garanti » (RMG), dénommé « RSA socle » . Si elle reprend une activité, son revenu minimum doit augmenter et être supérieur au RMG 5 ( * ) . A cette fin, elle va percevoir un complément de revenus, appelé « RSA activité » , qui permet de garantir que son retour à l'emploi se traduise par un gain monétaire par rapport à la situation antérieure où elle ne touchait que le « RSA socle » ( cf. encadré ci-dessous pour trois cas pratiques).

L'Etat et les conseils généraux sont responsables du financement du RSA. Le « RSA socle » correspond à l'ancien revenu minimum d'insertion (RMI) et, de ce fait, est pris en charge par les conseils généraux . En revanche, la charge financière du « RSA activité » est supportée par l'Etat au travers du Fonds national des solidarités actives (FNSA) .

La distinction entre les deux types de RSA est donc surtout utile pour identifier les financeurs mais elle est totalement neutre pour les allocataires. L'encadré ci-dessous montre que, dans certains cas, à la fois le conseil général et l'Etat peuvent participer au financement de la prestation servie au bénéficiaire.

Trois exemples simples sur le RSA

Posons l'hypothèse que le montant forfaitaire ou « revenu minimum garanti » (RMG), dit « RSA socle », est fixé à 100 euros.

Cas 1 : l'allocataire est sans activité. Le conseil général lui verse 100 euros au titre du « RSA socle ».

Cas 2 : l'allocataire reprend une activité qui lui permet de gagner 100 euros.

Conformément au principe du RSA son revenu minimum doit augmenter.

Ce revenu minimum correspond alors au RMG + 62 % de ses revenus professionnels, soit, en l'espèce, 162 euros.

Au titre du « RSA activité », le FNSA lui verse 62 euros, c'est-à-dire la différence entre ce revenu minimum et ses ressources d'activité.

Cas 3 : l'allocataire reprend une activité qui lui permet de gagner 50 euros.

Son revenu minimum correspond au RMG + 62 % de ses revenus professionnels, soit 131 euros.

Le conseil général lui verse 50 euros au titre du « RSA socle » afin d'atteindre le seuil du RMG. Le FNSA lui verse 31 euros au titre du « RSA activité ».

Le FNSA prend en charge la totalité des dépenses relatives au « RSA activité » et seule une analyse de ses comptes permet d'obtenir une vision exhaustive des engagements de l'Etat au titre du RSA .

En recettes, le Fonds est principalement alimenté par une contribution additionnelle au prélèvement social sur les revenus du patrimoine 6 ( * ) et une contribution additionnelle au prélèvement social sur les produits de placement 7 ( * ) . Leur taux est fixé à 1,1 %.

L'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles prévoit que l'Etat assure l'équilibre du FNSA . Dans le cadre du présent projet de loi de finances, 700 millions d'euros sont ainsi inscrits sur l'action « revenu de solidarité active » du présent programme .

2. Des dépenses probablement sur-évaluées en 2011

En 2011, le FNSA prendra en charge cinq catégories de dépenses au titre du RSA, retracées dans le tableau ci-dessous.

Dépenses prévisionnelles du FNSA

(en millions d'euros)

Prévision 2010

(révisée)

Prévision 2011

Dépenses RSA

1 548

2 239

dont RSA activité

1 313

1 803

dont RSA jeunes

20

75

dont RSA DOM + RSTA

-

200

dont allocation personnalisée de retour à l'emploi (APRE)

138

84

dont frais de gestion

77

77

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

Les crédits alloués à l'APRE connaissent une diminution importante compte tenu d'une sous-consommation de la dotation en 2010 , dont une partie sera reportée en 2011. Une enveloppe de 150 millions d'euros avait été votée en 2010, mais seulement 138 millions d'euros ont effectivement été décaissés du FNSA, comme le montre le tableau ci-dessus, sans être consommés dans leur totalité 8 ( * ) . Ainsi, en 2011, ce sont plus de 110 millions d'euros qui seront consacrés au financement de l'APRE, soit un montant à peu près équivalent à celui qui devrait être effectivement consommé cette année .

77 millions d'euros sont transférés à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) au titre des frais de gestion du RSA . Ce virement résulte de conventions signées avec l'Etat et n'appelle pas de commentaires particuliers.

a) Les crédits du « RSA jeunes » apparaissent très supérieurs aux besoins réels

L'article 135 de la loi de finances pour 2010 a instauré le « RSA jeunes » qui permet, par exception au droit commun, à des jeunes de moins de 25 ans ayant travaillé au moins deux ans sur les trois dernières années d'être éligibles au RSA. Le dispositif est entré en vigueur le 1 er septembre 2010.

En 2010, le Gouvernement anticipe une dépense de 20 millions d'euros au titre du « RSA jeunes ». Il apparaît très peu plausible que cette somme soit atteinte. En effet, lors de son audition par les commissions des finances et des affaires sociales, le 19 octobre 2010, Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives, a indiqué qu'environ 5 600 demandes avaient été déposées depuis le 1 er septembre 2010. Or toutes les demandes ne donnent pas lieu à une ouverture de droits . Fin septembre 2010, seulement 163 000 euros de prestations avaient été servis.

La montée en charge du dispositif s'annonce d'ores et déjà très lente. Il semble dès lors peu probable que 20 millions d'euros puissent être consommés d'ici la fin de l'année en cours .

Pour l'année 2011, une dépense de 75 millions d'euros a été inscrite sur le budget du FNSA. Or cette prévision a été établie avant la mise en oeuvre du « RSA jeunes » . Il apparaît désormais que cette estimation est devenue caduque, ce que le Gouvernement n'a pas contesté auprès de vos rapporteurs spéciaux , sans leur fournir pour autant des données rectifiées.

Une économie importante, de l'ordre de plusieurs millions d'euros, est donc à attendre sur ce poste aussi bien en 2010 qu'en 2011.

Il convient enfin de noter que l'article 87 du présent projet de loi de finances prévoit que, pour l'année 2011, comme en 2010, la totalité du financement du « RSA jeunes » est pris en charge par le FNSA ( cf. infra commentaire de l'article 87).

b) Le FNSA pendra en charge le RSTA en 2011 et en 2012

Aux termes de l'article 29 de la loi du 1 er décembre 2008 généralisant le RSA 9 ( * ) , celui-ci entre en vigueur dans les départements d'outre-mer et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon « au plus tard le 1 er janvier 2011, sous réserve de l'inscription dans la loi de finances des dispositions relatives à la compensation des charges résultant de l'extension des compétences réalisée par la présente loi ».

La loi précitée a également habilité le Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures nécessaires à l'application de la loi dans ces territoires. En effet, l'outre-mer bénéficiait de dispositifs dérogatoires en matière de minimas sociaux qu'il convenait de réformer préalablement à l'entrée en vigueur du RSA.

Ainsi, sur la base de deux missions confiées à notre collègue député René-Paul Victoria, le Gouvernement a pris une ordonnance portant extension du RSA à l'outre-mer 10 ( * ) . Comme l'indique les réponses au questionnaire budgétaire, « les caractéristiques et contraintes particulières des départements d'outre-mer n'ont pas justifié d'adaptation notable des dispositions du RSA. Le régime sera donc le même en outre-mer », y compris s'agissant du « RSA jeunes ».

En revanche, les minimas sociaux spécifiques à l'outre-mer ont été revus. L'allocation de retour à l'activité, faisant double emploi avec le RSA, a été supprimée, tandis que le « revenu de solidarité » sera désormais servi aux personnes de plus de cinquante-cinq ans et non de plus de cinquante ans.

L'article 25 du présent projet de loi de finances prévoit la compensation financière relative à l'extension de compétences pour les départements et collectivités d'outre-mer, qui prennent désormais en charge le « RSA socle », pour un montant d'environ 135 millions d'euros .

Le FNSA porte le financement du « RSA activité » pour un montant estimé à 124 millions d'euros . Pour l'année 2011, le Gouvernement a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que « le RSA activité » outre-mer pourrait « bénéficier à 67 000 foyers sur un total de 180 000 foyers bénéficiaires du RSA, pour un montant moyen de 168 euros ».

Il est très difficile d'évaluer la montée en charge du « RSA activité » outre-mer dans un contexte où le taux de chômage atteint plus de 25 % de la population active .

Le Gouvernement a en outre choisi de ne pas supprimer dès à présent le « revenu supplémentaire temporaire d'activité » (RSTA) . Celui-ci a été créé par décret en date du 27 mai 2009 11 ( * ) à la suite des troubles sociaux survenus dans certains départements d'outre-mer. Le RSTA apporte un complément de rémunération de 100 euros au maximum pour tous les salariés de droit privé et les agents non titulaires de droit public percevant un salaire inférieur ou égal à 1,4 SMIC brut. Il est financé par l'Etat .

Ce dispositif prend fin au 31 décembre 2010. Toutefois, le Gouvernement estime que, « pour assurer la continuité des droits d'un certain nombre de salariés et la garantie de leur pouvoir d'achat, il est apparu nécessaire de proroger ce dispositif parallèlement à la montée en charge du RSA dans les collectivités d'outre-mer concernées, jusqu'au 31 décembre 2012 » 12 ( * ) . Concrètement, il ne sera plus possible de faire une demande de RSTA après le 31 décembre 2010. En revanche, les bénéficiaires actuels pourront continuer de le percevoir jusqu'à fin 2012, le temps pour eux qu'ils « basculent », à titre définitif, dans le RSA. Entre-temps, les deux dispositifs vont coexister mais ne pourront être cumulés .

L'article 87 du présent projet de loi de finances ( cf. infra pour le commentaire y afférent) prévoit que le RSTA est financé par le FNSA pour les années 2011 et 2012, pour un montant d'environ 76 millions d'euros .

En 2009, 204 millions d'euros ont été consommés au titre du RSTA tandis que, en 2010, la tendance observable montre que le dispositif devrait coûter 160 millions d'euros.

Les bénéficiaires du RSTA constituent le public cible pour le « RSA activité » outre-mer, mais nul ne sait à quel rythme ils y entreront. En effet, le montant moyen de « RSA activité » peut être supérieur aux 100 euros du RSTA, mais celui-ci est versé sans tenir compte des charges de famille et des ressources du foyer. Pour un couple, par exemple, il peut être préférable de percevoir deux RSTA plutôt qu'un seul « RSA activité ».

Par conséquent, une très grande incertitude subsiste quant à la transition entre les deux dispositifs et, surtout, aux coûts afférents. Dans ce contexte, vos rapporteurs spéciaux estiment que la prévision de 200 millions d'euros pour le « RSA activité » outre-mer et le RSTA constitue une estimation prudente .

c) La prévision de montée en charge du « RSA activité » apparaît optimiste

Le principal poste de dépense du FNSA est constitué par le « RSA activité ». En 2009, le FNSA a consommé 744 millions d'euros, soit environ 106,2 millions d'euros par mois 13 ( * ) . L'exécution budgétaire 2010 devrait s'élever à 1 313 millions d'euros, soit un peu plus de 109,4 millions d'euros par mois .

Le nombre de bénéficiaires a progressé de près de 23 %, passant de 515 000 à la fin de l'année 2009 à près de 632 000 au 31 décembre 2010, ce qui correspond à une hausse moyenne de 1,73 % chaque mois .

La montée en charge a été beaucoup plus lente que prévu. Pour mémoire, en octobre 2009, le Gouvernement espérait atteindre la totalité de la cible, soit près de 1,9 million de personnes, vers juillet 2010. Actuellement, la prévision du nombre maximal de bénéficiaires s'établit autour de 1,2 million .

Par ailleurs, le montant mensuel moyen servi s'établit à 173 euros en 2010 . Dans la première estimation effectuée par le Gouvernement, le montant moyen devait décroître régulièrement pour se situer dans une fourchette comprise entre 110 et 130 euros. En effet, les personnes qui ont le plus « intérêt » à percevoir le RSA sont entrées très tôt dans le dispositif. Il est donc logique que le montant mensuel moyen soit élevé. Au fil de la montée en charge, les nouveaux bénéficiaires reçoivent un montant moyen plus faible.

L'augmentation limitée du nombre de bénéficiaires est donc tout à fait cohérente avec un montant moyen de 173 euros . Il semblerait notamment que les personnes ne pouvant percevoir qu'un petit montant de RSA n'ont pas effectué les démarches pour l'obtenir, jugeant probablement que le rapport coûts / avantages n'en valait pas la peine.

Le tableau ci-dessous retrace les déterminants des dépenses du « RSA activité », d'après les prévisions du Gouvernement.

Déterminants des dépenses du « RSA activité »

2009 (constaté)

2010 (prévision)

2011 (prévision)

Nombre de bénéficiaires

515 000

632 450

934 298

Montant moyen mensuel de l'allocation (en euros)

165

173

161

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

En 2011, le Gouvernement anticipe une montée en charge du nombre de bénéficiaires de près de 48 %, c'est-à-dire une augmentation mensuelle d'environ 3,43 %, soit un rythme de progression deux fois plus rapide qu'en 2010 . Malgré des demandes répétées auprès du ministère de la jeunesse et des solidarités actives, vos rapporteurs spéciaux n'ont pas obtenu les données permettant d'étayer cette prévision .

Il semblerait que trois facteurs puissent être avancés pour soutenir la projection du Gouvernement. Tout d'abord, la conjoncture économique devrait s'améliorer en 2011 et augmenter mécaniquement le nombre de personnes éligibles au « RSA activité », notamment celles qui sont déjà allocataires du « RSA socle ». Ensuite, le ministère a lancé des campagnes de communication ciblées vers les bénéficiaires potentiels qui, bien souvent, ne connaissent pas leurs droits (envoi de lettres aux agents de catégorie C de la fonction publique, information dans le journal diffusé par la CNAF, partenariat avec les offices HLM, etc.). Enfin, une politique de simplification du RSA a été lancée en juillet 2010 qui pourrait permettre de lever des freins sources d'un taux de non-recours important.

Il n'en demeure pas moins que la prévision du Gouvernement constitue le scénario le plus optimiste . A titre d'exemple, si le RSA poursuivait sa montée en charge selon le même rythme qu'en 2010 et avec un montant moyen identique à celui constaté cette année, l'économie s'élèverait à près de 190 millions d'euros par rapport à l'estimation inscrite dans le présent projet de loi de finances 14 ( * ) .

Lors de leur mission de contrôle budgétaire sur la mise en place du RSA 15 ( * ) , vos rapporteurs spéciaux ont constaté qu'une partie des bénéficiaires potentiels choisissent délibérément de ne pas solliciter l'allocation notamment parce que le RSA reste assimilé au RMI, ce qui peut créer un sentiment de stigmatisation ou de disqualification sociale pour des personnes qui travaillent, même s'ils n'en retirent que des ressources faibles. Or ces obstacles d'ordre psychologique et sociologique ne pourront être surmontés qu'avec le temps, retardant d'autant la date à laquelle le « RSA activité » atteindra son « régime de croisière ».

En outre, il n'est pas certain que la politique de simplification entreprise par le ministère conduise un plus grand nombre de personnes à faire une demande de RSA. Le « fardeau administratif » demeure un obstacle important lorsque les montants en jeu sont faibles.

A ce titre, Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives, rappelait, lors de son audition devant les commissions des finances et des affaires sociales, que lorsque le RMI a été créé, « il a fallu cinq ans pour en doubler le nombre de bénéficiaires et dix ans pour le tripler ».

Au total, de nombreuses incertitudes pèsent sur les estimations de dépenses que ce soit pour le « RSA jeunes », le « RSA outre-mer » ou encore pour le « RSA activité » .

D'une part, il existe un risque de sous-budgétisation sur le RSA outre-mer et le RSTA, d'autre part, les montants inscrits pour financer le « RSA jeunes » et le « RSA activité » constituent la fourchette haute des dépenses pour 2011.

Au total, au regard de ces deux mouvements contradictoires, vos rapporteurs spéciaux considèrent qu'il apparaît peu crédible que le FNSA consomme plus de 2,2 milliards d'euros de crédits en 2011 . Dans ce cas, la moindre dépense viendra, cette année encore, alimenter l'excédent de trésorerie du Fonds qui, sans même cette économie sur les dépenses, pourrait atteindre près de 936 millions d'euros à la fin de l'année 2011 .

3. Le FNSA bénéficiera d'un excédent de recettes en 2011

En 2010 et 2011, les recettes du FNSA sont retracées dans le tableau ci-dessous :

Recettes prévisionnelles du FNSA

(en millions d'euros)

Prévision 2010

(révisée)

Prévision 2011

Recettes RSA

2 848

2 239

dont budget de l'Etat

1 386

700

dont créance sur l'ACOSS

233

-

dont contribution de 1,1 %

1 229

1 175

dont prélèvement sur trésorerie

-

364

Résultat (trésorerie) en fin d'année

1 300

936

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011 et rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2010

Lors de son audition précitée, le ministre de la jeunesse et des solidarités actives a expliqué que le budget du FNSA avait été construit dans une perspective triennale. Ainsi, au lieu d'affecter l'intégralité de l'excédent de trésorerie disponible à la fin de l'année 2010 pour financer les dépenses de 2011, le ministère aurait décidé de prélever chaque année une partie de celui-ci pour arriver à l'équilibre à la fin de l'année 2013 . Pour cette raison, le budget de l'Etat viendrait alimenter le Fonds à hauteur de 700 millions d'euros en 2011, en 2012 et en 2013.

Cependant, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, le Cabinet de Martin Hirsch, alors haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, avait indiqué à vos rapporteurs spéciaux que le résultat du Fonds, à la fin de l'année 2010, devrait s'établir à environ 230,9 millions d'euros , ce qu'ils avaient vivement contesté, à juste titre puisque l'excédent s'élève finalement à près de 1 300 millions d'euros.

Dès lors, l'élaboration d'un budget triennal résulte non pas d'une décision antérieure mais d'une simple opportunité de gestion du fait d'un excédent de trésorerie considérable.

L'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles prévoit que l'Etat assure « l'équilibre » du FNSA . Le présent projet de loi de finances ne devrait donc pas prévoir une contribution du budget de l'Etat au Fonds. Si tel était d'ailleurs le cas, la trésorerie de celui-ci serait toujours excédentaire de près de 236 millions d'euros à la fin de l'année 2011 .

Forts de ce constat, vos rapporteurs spéciaux estiment que la dotation de l'Etat de 700 millions d'euros est, cette année encore, très supérieure au besoin de financement du Fonds. Par conséquent, ils vous proposent, d'une part, de transférer 100 millions d'euros vers l'allocation aux adultes handicapés (AAH), financée par la présente mission, et, d'autre part, d'annuler 500 millions d'euros de crédits afin de réduire d'autant le déficit budgétaire .

Le tableau d'équilibre du FNSA serait alors le suivant :

(en millions d'euros)

2011

Dépenses

2 239

Recettes

2 575

dont contribution de 1,1 %

1 175

dont trésorerie 2010

1 300

dont contribution du budget de l'Etat

100

Résultat 2011 reporté en 2012

336

Ce tableau ne prend pas en compte les probables économies que le Fonds pourra dégager sur les différents postes de dépense et qui devrait contribuer à augmenter le résultat. Les propositions de vos rapporteurs spéciaux ne sont donc pas de nature à mettre en péril le financement du « RSA activité » puisque le FNSA disposera d'un « coussin de sécurité » au moins égal à 336 millions d'euros .

Vos rapporteurs spéciaux entendent ainsi mettre fin à des pratiques qui ne respectent pas les principes budgétaires les plus élémentaires . Notre collègue Eric Doligé, rapporteur pour avis du projet de loi généralisant le RSA 16 ( * ) , avait souligné que « le choix de faire assumer [les dépenses du « RSA activité »] par un fonds contrevient aux principes d'unité et d'universalité budgétaires ».

Par exemple, la sur-budgétisation du FNSA a permis de financer, en dehors de toute autorisation parlementaire, la prime de Noël à la fin de l'année 2009 . Il conviendrait à ce titre de mettre fin à l'hypocrisie qui consiste à ne pas budgétiser la prime de Noël en loi de finances initiale pour l'inscrire subrepticement en collectif de fin d'année alors qu'il s'agit désormais d'une dépense pérenne. De même, à l'occasion de la première loi de finances rectificative pour 2010 17 ( * ) , les excédents du Fonds ont permis de gager, à hauteur de 50 millions d'euros, une partie de la dépense afférente aux investissements d'avenir.

Ainsi, les excédents du FNSA qui justifient, aux yeux du ministère, une budgétisation sur trois ans, contribuent, en fait, à une opacité budgétaire qui permet à l'Etat d'échapper aux normes de progression des dépenses . En effet, comme le relevait très justement notre collègue Eric Doligé dans son rapport pour avis précité, les opérations extra-budgétaires faussent l'appréciation de la norme de dépense.

L'excédent de trésorerie du FNSA offre la possibilité de lisser la dépense budgétaire sur trois ans. A l'inverse, si la totalité ou une grande partie de l'excédent était consommée en 2011, le budget général devrait contribuer de manière plus importante à l'équilibre du Fonds en 2012. Compte tenu de la norme de progression de la dépense, celle-ci devrait être diminuée d'autant sur d'autres postes du budget général.

Quelle est l'utilité d'une norme de dépense si elle est contournée par la débudgétisation massive de certaines charges, à l'instar du « RSA activité » ?

Il est hautement souhaitable que, pour la sincérité même des débats et de la programmation budgétaires, les dépenses de l'année N soient financées par les recettes perçues au cours du même exercice et que l'ensemble puisse être retracé dans le budget général de l'Etat. Tel est le sens de l'amendement de principe que vos rapporteurs spéciaux soumettent à votre approbation et qui ne remet pas en cause le financement du « RSA activité » .

4. Le programme porte également, à titre subsidiaire, des crédits relatifs à l'expérimentation sociale

L'action 2 « Expérimentation sociale et autres expériences en matière sociale et d'économie sociale » comprend une dotation de 5 millions d'euros en diminution de 50 % par rapport à 2010.

Ces crédits viennent essentiellement alimenter le Fonds d'innovation et d'expérimentation sociale (FIES), pour environ 3,56 millions d'euros. Ils servent également à subventionner les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (890 000 euros) ainsi que des organismes nationaux et locaux d'économie solidaire (320 000 euros).

Le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances se montre toujours aussi lacunaire sur la finalité et, surtout, l'efficacité de ces crédits. Pour cette raison, dans un contexte budgétaire contraint, vos rapporteurs spéciaux approuvent la diminution de l'enveloppe attribuée au FIES pour 2011.

Les principales observations de vos rapporteurs spéciaux sur le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active
et expérimentations sociales »

1) 700 millions d'euros sont demandés pour financer le « RSA activité » , via le Fonds national des solidarités actives (FNSA).

2) Vos rapporteurs spéciaux constatent que le FNSA dégagera un excédent de trésorerie de l'ordre de 1 300 millions d'euros à la fin de l'année 2010 .

3) Compte tenu de cet excédent, une contribution du budget général n'est pas nécessaire pour assurer l'équilibre du FNSA.

Vos rapporteurs spéciaux vous proposent par conséquent :

- d'affecter 100 millions d'euros au programme « Handicap et dépendance » afin de sécuriser le financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en 2011 ;

- de réduire de 500 millions d'euros le déficit budgétaire de l'Etat l'an prochain.

Ces redéploiements de crédits n'affectent en rien la faculté de l'Etat à financer le « RSA activité », sachant que le FNSA demeurera excédentaire d'au moins 336 millions d'euros à la fin de l'année 2011 .

4) Le programme finance également des expérimentations sociales, pour un montant de l'ordre de 5 millions d'euros. Vos rapporteurs spéciaux approuvent la diminution de ces crédits, tant le projet annuel de performances annexé au projet de loi se monte lacunaire sur l'intérêt des actions menées dans ce cadre.


* 5 En ce cas de reprise d'activité, le revenu minimum équivaut au RMG + 62 % des ressources d'activité. Mais la somme effectivement versée au titre du RSA sera la différence entre le revenu minimum ainsi calculé et les ressources d'activité.

* 6 Article L. 245-14 du code de la sécurité sociale.

* 7 Article L. 245-15 du même code.

* 8 Les crédits de l'APRE ne sont pas distribués par le FNSA mais par des organismes nationaux et locaux, dont, à titre principal, Pôle emploi. Ainsi, ils peuvent être « décaissés » du FNSA vers ces organismes sans pour autant être consommés par ces derniers.

* 9 Loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

* 10 Ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 portant extension et adaptation dans les départements d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

* 11 Décret n° 2009-602 du 27 mai 2009 relatif au revenu supplémentaire temporaire d'activité.

* 12 Évaluation préalable de l'article 87 du projet de loi de finances pour 2011.

* 13 Le RSA est entré en vigueur le 1 er juin 2009.

* 14 Avec une augmentation de 22,81 % du nombre de bénéficiaires en 2011, celui-ci s'établirait à près de 776 712. S'ils percevaient un montant moyen de 173 euros par mois, la charge totale pour le FNSA serait de plus de 1 612 millions d'euros.

* 15 Communication du 20 octobre 2010 par MM. Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Mme Colette Giudicelli devant les commissions des finances et des affaires sociales sur le contrôle budgétaire relatif à la mise en place du RSA.

* 16 Avis n° 32 (2008-2009), fait au nom de la commission des finances, déposé le 16 octobre 2008.

* 17 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

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