Article 11 bis (art. L. 2131-4-1 du code de la santé publique) Suppression du caractère expérimental du double diagnostic préimplantatoire
Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, tend à supprimer le caractère expérimental du double diagnostic préimplantatoire, dit DPI-HLA.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Le diagnostic préimplantatoire (DPI) n'est autorisé, conformément à l'article L. 2131-4 du code de la santé publique, qu'à titre exceptionnel pour des maladies génétiques d'une particulière gravité, reconnues comme incurables au moment du diagnostic. Le DPI de l'affection recherchée ne peut être réalisé que par des praticiens agréés, dans des établissements autorisés par l'agence de la biomédecine.
La loi de bioéthique du 6 août 2004 a prévu que, par dérogation , le DPI peut également être autorisé à titre expérimental par l'agence de la biomédecine, après avis de son conseil d'orientation, pour sélectionner un embryon sain qui soit HLA 17 ( * ) compatible avec un aîné malade. Il convient alors que les conditions suivantes, inscrites à l'article L. 2131-4-1 du code de la santé publique, soient réunies :
- le couple a donné naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique entraînant la mort dès les premières années de la vie et reconnue comme incurable au moment du diagnostic ;
- le pronostic vital de cet enfant peut être amélioré, de façon décisive, par l'application sur celui-ci d'une thérapeutique ne portant pas atteinte à l'intégrité du corps de l'enfant né du transfert de l'embryon in utero (le traitement fait appel à la greffe de cellules hématopoïétiques issues du sang de cordon de l'enfant à naître) ;
- le diagnostic a pour seuls objets de rechercher la maladie génétique ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter, d'une part, et de permettre l'application de la thérapeutique mentionnée ci-dessus, d'autre part.
Si ces conditions sont réunies, les deux membres du couple doivent exprimer par écrit leur consentement à la réalisation du diagnostic.
Celle-ci est alors soumise à la délivrance d'une autorisation par l'agence de la biomédecine, qui en rend compte dans son rapport public annuel conformément à l'article L. 1418-1 du code de la santé publique.
Selon les règles fixées par l'agence de la biomédecine , cette procédure n'est envisageable que pour des affections génétiques à caractère héréditaire, à l'exclusion des affections acquises.
Des entretiens doivent permettre d'informer le couple sur le cadre juridique applicable, mais aussi de réfléchir :
- sur l'existence d'une éventuelle alternative thérapeutique pour l'enfant malade ;
- sur la nécessité de ne pas concevoir seulement un enfant « remède », l'objectif de compatibilité devant rester second dans le souhait du couple d'avoir un autre enfant, conformément à l'avis du comité consultatif national d'éthique n° 72 du 4 juillet 2002 ;
- sur les étapes de la procédure d'autorisation, notamment en précisant que la décision du directeur général de l'agence de la biomédecine interviendra dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du dossier complet ;
- sur les modalités du DPI, ses contraintes, son taux d'échec et sur la faible probabilité d'obtenir un embryon de bonne vitalité, indemne de la maladie génétique et HLA identique au sujet malade ;
- sur l'interdiction de procéder à une nouvelle tentative tant que sont conservés des embryons indemnes, même s'il n'y a pas d'embryon HLA compatible. Il est important que les membres du couple envisagent, dès le début de la procédure, l'absence d'embryon compatible et réfléchissent sur leur décision quant au devenir des embryons indemnes par rapport à leur désir d'enfant.
L'Assemblée nationale n'a rien modifié à cette procédure. Elle a simplement supprimé son caractère expérimental . En effet, la loi de 2004 avait institué cette possibilité « à titre expérimental » , sans toutefois prévoir un délai pour cette expérimentation, ni les conditions de son évaluation.
II - Le texte adopté par la commission
Dans les faits, cette procédure a effectivement été peu utilisée. Dans son dernier rapport annuel, l'agence de la biomédecine indique avoir accepté toutes les demandes qui lui ont été adressées, aucune d'entre elles n'ayant toutefois abouti à une naissance en 2009.
D'après le professeur Frydman et l'AP-HP, depuis 2006, douze demandes de DPI- HLA ont été acceptées par l'agence de la biomédecine. Elles ont abouti à dix tentatives ; dans sept cas, des embryons sains ont été implantés et il en est résulté trois grossesses. Pour l'une d'elles, l'embryon transféré était compatible mais la grossesse s'est terminée par une fausse couche. Dans un deuxième cas, l'enfant est né en bonne santé mais n'a pas pu aider son frère : les médecins n'avaient en effet obtenu que des embryons incompatibles et les parents avaient tout de même demandé l'implantation ; leur aîné est décédé aux alentours de la naissance du bébé.
Le troisième cas est celui de l'enfant né en janvier 2011, première naissance HLA compatible dans notre pays.
Parmi nos voisins européens, certains sont plus ouverts à cette procédure, tels la Belgique, le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège ou l'Espagne. D'autres ont, à l'inverse, adopté une politique d'interdiction ou plus restrictive, comme l'Autriche, l'Allemagne ou l'Italie.
Quoi qu'il en soit, votre commission est favorable à la pérennisation du DPI-HLA qui reste une procédure tout à fait exceptionnelle, dont les modalités d'encadrement sont très strictement délimitées par l'agence de la biomédecine .
Elle souhaite toutefois que les progrès que l'on peut attendre en matière de greffes de sang de cordon la rendent rapidement obsolète.
Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de coordination , du fait de l'ajout d'un alinéa à l'article L. 2131-4 par l'article 11 du présent projet de loi.
Sur proposition de Marie-Thérèse Hermange et d'Anne-Marie Payet, pour lesquelles le double DPI doit être « l'ultime recours », elle a inscrit à l'article L. 2131-4-1 que le DPI-HLA ne peut être pratiqué que sous réserve d'avoir épuisé toutes les possibilités offertes, notamment par les techniques qui utilisent les cellules souches de sang de cordon ombilical .
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.
* 17 HLA : Human leucocyte antigen ou histocompatibilité, principal système faisant intervenir des antigènes dont dépend le succès d'une greffe.