4. Une mission complétée par d'importants crédits extra-budgétaires

L'analyse de la MIRES dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion n'offre en effet qu'une vision limitée des efforts menés en matière d'enseignement supérieur et de recherche , compte tenu de l'ampleur des financements « extra-budgétaires » dont elle bénéficie, qu'il s'agisse des fonds issus de l'emprunt national ou de l' « Opération campus ».

a) La MIRES, première mission bénéficiaire du programme des investissements d'avenir

La MIRES a bénéficié d'une ouverture de crédits lors de l'adoption de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, à hauteur de 21,9 milliards d'euros en AE et en CP. Cette ouverture de crédits a représenté un quasi doublement des crédits inscrits sur la mission en loi de finances pour 2010.

Il convient néanmoins de rappeler que sur les 21,9 milliards d'euros, 15,44 milliards d'euros ne pourront pas être directement consommés par les différents bénéficiaires : seuls les revenus issus du dépôt de cette somme au Trésor pourront être utilisés en vue de financer des projets.

La gestion de ces fonds a été confiée à plusieurs opérateurs de la mission, dont 17,6 milliards d'euros à l'Agence nationale de la recherche (ANR) . Les 4,3 milliards d'euros restants ont été délégués à hauteur de 3 milliards d'euros à d'autres organismes gestionnaires - Centre national d'études spatiales (CNES), Commissariat à l'énergie atomique (CEA), Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), Agence nationale pour les déchets radioactifs (ANDRA) - et, à hauteur de 1,3 milliard d'euros, à l'« Opération campus ».


Un rythme d'engagements qui s'accélère, mais des décaissements plus lents

Selon les données transmises à votre commission des finances, au premier trimestre 2012, le bilan des engagements et décaissements du PIA, depuis le lancement du programme, s'agissant des priorités « Enseignement supérieur » et « Recherche », se décompose comme suit :

- 16 milliards d'euros d'engagements , dont 3,1 milliards d'euros relatifs aux dotations consommables et 12,9 milliards d'euros relatifs aux dotations non consommables ;

- 538 millions d'euros de dotations consommables décaissées ;

- 86,7 millions d'euros d'intérêts décaissés .

Bilan des engagements et décaissements du PIA au premier trimestre 2012 par priorités

Dotations consommables

Dotations non consommables

Source : commission des finances, d'après les données du commissariat général à l'investissement

Le rythme des engagements s'est donc accéléré par rapport à 2010 puisqu'à l'occasion de l'examen de la dernière loi de règlement, seuls 47 millions d'euros de dotations étaient engagés s'agissant des deux priorités « Recherche » et « Enseignement supérieur ». Cette accélération s'explique notamment par l'achèvement en 2011- début 2012 des procédures d'appels à projets, alors que l'année 2010 avait était, elle, principalement consacrée au conventionnement entre l'Etat et les opérateurs du PIA, ainsi qu'au lancement des premiers appels à projets.

Une analyse par action montre que les dotations non encore engagées concernent principalement 212 ( * ) :

- le Plateau de Saclay (260 millions d'euros) ;

- le Fonds national de valorisation (345 millions d'euros) ;

- les Instituts Carnot (318 millions d'euros).

Quant aux décaissements , ils commencent également à être versés. Ils sont progressifs et dépendent de l'avancée de la contractualisation entre l'opérateur et le bénéficiaire.


Quel bilan tirer de l'année 2011 ?

Même privé d'une partie de ses prérogatives habituelles, le Parlement reste, grâce notamment aux initiatives de votre commission, en mesure de contrôler la mise en oeuvre du programme des investissements d'avenir. Ainsi a-t-elle procédé à l'audition régulière de l'ancien commissaire général à l'investissement, René Ricol 213 ( * ) , ainsi qu'à l'examen des projets d'avenant aux conventions signées entre l'Etat et les opérateurs gestionnaires.

Au vu des travaux menés par la commission, votre rapporteur spécial attire l'attention sur trois principaux éléments :

- la toujours forte porosité des crédits de l'emprunt national et des crédits du budget général . La Cour des comptes relève, à cet égard, certains effets de substitution en 2011, notamment s'agissant du financement des démonstrateurs ou du soutien aux incubateurs 214 ( * ) ;

- l'extrême imbrication de certaines actions menées dans le cadre de l'emprunt national qui ne rend que plus difficile le suivi de l'utilisation des crédits . L'exemple de l'articulation entre l'action « Initiatives d'excellence » et l'action « Laboratoires d'excellence »  en est une illustration ;

- le risque, enfin, d'un facteur supplémentaire de complexité dans le paysage français de l'enseignement supérieur et de la recherche , compte tenu des nouvelles structures promues par les investissements d'avenir.

A cet égard, votre rapporteur spécial a pris note des observations de Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, lors de son discours de clôture du congrès du réseau Curie le 6 juin dernier : « Les Investissements d'Avenir, aux objectifs souvent louables, n'ont fait que renforcer le mille-feuilles existant, au détriment de la lisibilité et de l'efficacité nécessaires ».


Une phase de suivi et d'évaluation qui sera considérable

Le travail du CGI et des opérateurs bascule actuellement progressivement des procédures de sélection vers les procédures de contractualisation avec les lauréats, les procédures de suivi et d'évaluation des projets .

Comme l'indique le rapport 2011-2012 du comité de surveillance relatif à la mise en oeuvre du PIA, « cette phase a été particulièrement délicate pour l'Agence nationale de la recherche en raison notamment d'un volume de contrats très significatif .

Cette phase de contractualisation, qui conditionne les décaissements, devrait être achevée à l'automne 2012. Elle sera ensuite complétée par celles, toutes aussi délicates et essentielles, de suivi et d'évaluation des projets .

b) L' « Opération campus »

L' « Opération campus » constitue le deuxième principal projet relatif à l'enseignement supérieur bénéficiant de crédits extra-budgétaires.


Rappel des différents types d'opération et de leur financement

Annoncée lors d'une intervention télévisée le 29 novembre 2007 par Nicolas Sarkozy, alors président de la République, elle doit financer l'émergence - toutes phases confondues ( cf. encadré suivant ) - d'une vingtaine de campus de niveau international par la remise à niveau du patrimoine immobilier universitaire.

Projets retenus dans le cadre de l' « Opération campus »

Annoncée lors d'une intervention télévisée le 29 novembre 2007, l' « Opération Campus » doit financer l'émergence de campus de niveau international par la remise à niveau du patrimoine immobilier universitaire.

Plusieurs vagues de sélection de projets ont eu lieu :

- un appel à projets a, tout d'abord, été lancé par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche en février 2008, avec pour objectif de sélectionner dix projets qui répondent aux critères d'un cahier des charges. Un comité composé de personnalités qualifiées indépendantes a sélectionné ces projets qui impliquent 39 universités, 37 écoles, tous les principaux organismes de recherche, et concernent 650 000 étudiants et 21 000 chercheurs publiant, dans sept régions. Il s'agit des sites d'Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Montpellier, Strasbourg, Toulouse, et, en Ile de France, des campus Condorcet Paris-Aubervilliers, Saclay et Paris-Centre ;

- postérieurement à la sélection opérée par le comité d'évaluation, le précédent gouvernement a décidé d'octroyer également le label Campus aux projets lillois et lorrain ;

- enfin, il a également conféré les labels « campus prometteur » à des propositions formulées par les universités de Rennes, Clermont-Ferrand, Nantes, Nice, Paris-Est, et « campus innovant » aux universités de Cergy-Pontoise, Dijon, Le Havre et Valenciennes.

Pour rappel, cette opération bénéficie de nombreuses sources de financement :

- la vente par l'Etat d'une partie des titres d'EDF en 2007 à hauteur de 3,7 milliards d'euros ;

- l' emprunt national à hauteur 2,3 milliards d'euros, dont 1,3 milliard d'euros de dotation non consomptible et un milliard d'euros supplémentaires, intégralement consommables, au bénéfice de l'opération Campus du plateau de Saclay ;

- le plan de relance de l'économie engagé en 2009, sollicité à hauteur de 75 millions d'euros pour le financement de l'ingénierie des opérations ;

- des crédits budgétaires à hauteur de 625 millions d'euros qui viendront financer les opérations des Campus de Lille et de Lorraine, les « campus prometteurs » et les « campus innovants » ;

- enfin, des apports des collectivités territoriales .

Il est en outre à rappeler que, par leur nature même, certaines réalisations intervenant dans le cadre de l' « Opération campus » dégageront des ressources contribuant à leur propre financement : restaurants et résidences d'étudiants ou de chercheurs.

Dans son analyse de l'exécution 2011 de la MIRES, la Cour des comptes dresse le bilan suivant de l' « Opération campus » : « Certaines opérations sont gérées sous forme de partenariats public-privé : quatre opérations sont en cours dont deux ont rencontré des aléas qui ont conduit à leur allouer des financements complémentaires ; onze projets sont en préparation ».

La Cour juge, en outre, « indispensable » la « compréhension des causes des dérives rencontrés dans l'opération [sur le campus de Jussieu] et de la chaîne des responsabilités qui les a rendues possibles », afin « d'éviter que des situations semblables n'affectent les grands chantiers immobiliers universitaires projetés pour les années à venir dans le cadre du plan Campus et des investissements d'avenir ».

On rappellera que la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) 215 ( * ) de l'Assemblée nationale avait, quant à elle, insisté sur la lenteur de la mise en oeuvre concrète du plan « Campus » , mettant en évidence plusieurs facteurs d'explication (notamment des obstacles juridiques et des difficultés de gouvernance).

Votre rapporteur spécial souhaite qu'à l'occasion de l'examen de la prochaine loi de finances, un bilan financier précis soit établi de l' « Opération campus », ainsi que des suites ou des évolutions qui pourraient être données à ce plan .


* 212 Rapport annuel relatif à la mise en oeuvre du programme des investissements d'avenir 2011-2012.

* 213 Audition du 19 octobre 2011.

* 214 Cour des comptes, Analyses de l'exécution du budget de l'Etat par missions et programmes - Exercice 2011 - Mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».

* 215 Rapport n° 4031 (XIII e législature) de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale sur les financements extrabudgétaires de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page