B. ANALYSE PAR PROGRAMME

1. Le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local »
a) Une exécution conforme à l'autorisation budgétaire malgré des tensions sur les crédits de titre 2

Le dépassement des crédits du titre 2 hors CAS « Pensions », signalé plus haut, est principalement imputable à la DGFiP : aux 4,95 milliards d'euros prévus en LFI 2012 s'ajoutent 14,6 millions d'euros en exécution, soit un dépassement de 0,3 %. La Cour des comptes identifie deux explications principales à cet écart : d'une part, pour 11,4 millions d'euros, la sous-budgétisation chronique du socle d'exécution ; d'autre part, pour 9,1 millions d'euros, la sous évaluation des mesures générales, et notamment de la garantie individuelle de pouvoir d'achat (GIPA).

Le schéma d'emplois pour 2012 a quant à lui été respecté , permettant d'économiser 6,3 millions d'euros par rapport à l'autorisation initiale, ce dont se félicitent vos rapporteurs spéciaux.

Les départs en retraite avaient été surestimés : sur les 3 700 prévus initialement, seuls 3 418 ont effectivement eu lieu, soit 282 de moins. Vos rapporteurs spéciaux notent que le CBCM avait identifié ce risque dès le début de l'exercice, ce qui soulève un problème quant à la sincérité du projet de loi de finances .

Par contraste, les dépenses de fonctionnement connaissent une réduction marquée , passant, en exécution et en CP, de 1,34 milliard d'euros en 2011 à 1,25 milliard d'euros en 2012, soit une baisse de 7 %. Cette baisse, qui touche d'abord les dépenses courantes telles que le petit matériel ou l'affranchissement manuel, témoigne d'un effort louable mais déjà très contraint : vos rapporteurs spéciaux appellent à rechercher des marges de manoeuvre sur d'autres titres budgétaires , afin de ne pas compromettre l'accomplissement des missions de la DGFiP.

b) Une performance richement renseignée, mais pas totalement

Du fait des nombreuses missions de la DGFiP, le programme 156 ne compte pas moins de dix objectifs, auxquels sont associés dix-sept indicateurs. Les indicateurs montrent dans leur quasi-totalité un dépassement des objectifs fixés, ce dont se félicitent vos rapporteurs spéciaux . C'est notamment le cas du développement des procédures dématérialisées ou de la réduction des délais de paiement par les comptables publics, tandis que l'indicateur de civisme fiscal qu'est le « taux de déclaration et de paiement des impôts » se maintient à un niveau presque toujours supérieur à 98 %.

Concernant le « taux d'intervention sur les recettes et les dépenses », qui passe pour les impôts de 1,02 à 0,97, vos rapporteurs rejoignent la critique formulée par la Cour des comptes : la hausse des recettes fait mécaniquement baisser le ratio, à performance inchangée des services.

Le « taux de recouvrement DGFiP en droits et pénalités sur créances de contrôle fiscal externe au titre de l'année N-2 » est, avec un taux net de 63 % et un taux brut de 43 %, conforme à ses objectifs. Cependant, si la différence de 20 points s'explique par le fait que les comptables ne peuvent pas agir sur certaines créances brutes (procédures collectives, contestation avec sursis de paiement), il reste que, de fait, près de 57 % des créances de contrôle fiscal externe ne sont pas recouvrées. Aussi vos rapporteurs spéciaux regrettent-ils, à l'instar de la fondation iFRAP 95 ( * ) , que cet indicateur ne soit ni plus précis, ni plus ambitieux.

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent également de l'effort accru dans la lutte contre la fraude , dont témoigne le « pourcentage des contrôles réprimant les fraudes les plus caractérisées », en hausse à 31,4 % en 2012, contre 29,9 % en 2011. Compte tenu de la mobilisation actuelle sur le sujet, au niveau national comme international, vos rapporteurs spéciaux demandent une détermination plus forte encore dans les prochaines années.

Cependant, vos rapporteurs spéciaux réitèrent leurs interrogations sur le fait que la DGFiP ne dispose que d'un indicateur du taux annuel d'évolution de la productivité globale 96 ( * ) , qui ne permet pas de mesurer les évolutions de la productivité par secteurs d'activité. L'absence d'indicateur de gains de productivité par secteur apparaît d'autant plus problématique qu'il est nécessaire à une répartition efficace des personnels , et ce d'autant plus dans un contexte de diminution des effectifs. Si la DGFiP s'était, en 2012, engagée sur la rénovation de cet indicateur, vos rapporteurs spéciaux ont constaté qu'il reste aussi peu détaillé dans le projet annuel de performances pour 2013.

2. Le programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État »

Ce programme regroupe les crédits des directions et services d'état-major des ministères économiques et financiers , notamment la direction du budget et les départements de contrôle budgétaire des services de contrôle budgétaire et comptable ministériels (CBCM), l'Agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE), l'Opérateur national de la paye (ONP) ainsi que l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) et la direction générale de l'administration de la fonction publique (DGAFP). Si la direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME) a été transformée en direction interministérielle pour la modernisation de l'action publique (DIMAP) 97 ( * ) , son rattachement budgétaire au Premier ministre n'interviendra qu'à partir de l'exercice 2013.

La sous-exécution des dépenses d'investissement est particulièrement marquée pour le programme 221 , en raison des retards pris dans le déploiement du logiciel SI Paye de l'ONP : sur les 139 millions d'euros de CP prévus en LFI, seuls 73 millions ont été exécutés, soit seulement 52,5 %.

Ces retards se retrouvent dans les indicateurs de performance : les deux seuls indicateurs n'ayant pas atteint leurs objectifs portent sur le respect des délais et des coûts des projets informatiques, le SI Paye affichant un avancement de 75 % pour une prévision initiale de 81,25 %. Les six autres indicateurs sont conformes à leurs objectifs . Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent néanmoins sur le recours répété à des enquêtes de satisfaction (auprès des directeurs d'administration, des parlementaires et administrateurs des assemblées, des prestataires etc.) et non pas à des critères objectifs pour évaluer la modernisation de l'Etat.

3. Le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière »

Le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière » correspond à des fonctions d'état-major (coordination et pilotage stratégique) et de soutien (expertise, conseil, contrôle) des ministères économiques et financiers, ainsi qu'à des actions assurant la convergence de politiques ministérielles transversales (ressources humaines, systèmes d'information). La mise en oeuvre s'effectue au profit de structures très diverses : cabinets ministériels, secrétariat général, corps d'inspection et de contrôle, service des achats de l'Etat, direction des personnels et de l'adaptation de l'environnement professionnel, direction des affaires juridiques, service de la communication, TRACFIN, agence pour la valorisation du patrimoine immatériel de l'Etat.

Le passage, au cours de l'année 2012, de six à neuf cabinets ministériels, correspondant à 38 ETP supplémentaires, s'est traduit par un dépassement du schéma d'emplois de 30 ETP.

Le fort dépassement des crédits d'intervention (17,3 millions d'euros en AE exécutés en 2012 contre 6,2 millions d'euros prévus en LFI, soit une hausse de 280 %) est essentiellement imputable au financement par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) d'opération engagées par les opérateurs de télécommunications pour la sécurité et l'interception des correspondances. La Cour des comptes recommande d'imputer ces dépenses sur les crédits du Premier ministre.

Compte tenu de la difficulté à évaluer la performance d'un programme de pilotage stratégique , aux bénéficiaires très nombreux et souvent extérieurs, et de surcroît lors d'une année électorale, vos rapporteurs spéciaux comprennent le choix d'indicateurs essentiellement orientés vers les fonctions support et de gestion des ressources humaines. Leurs résultats sont globalement atteints, mais néanmoins inégaux.

4. Le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges »

Le programme 302, qui retrace les moyens de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) rencontre, lui aussi, des difficultés de programmation des dépenses de personnel . Les crédits de titre 2 hors CAS pensions, initialement prévus à 786,7 millions d'euros, ont été augmentés de 11,8 millions d'euros en cours d'exercice, soit un dépassement de 1,5 %. Selon la Cour des comptes, une série d'omissions dans le calcul du GVT 98 ( * ) , à hauteur de 9 millions d'euros, ainsi que la sous-budgétisation récurrente du socle d'exécution pour 4,2 millions d'euros, expliquent ces dépassements. Comme pour la DGFiP, les départs en retraite avaient été surestimés à la DGDDI : sur les 600 prévus initialement, seuls 512 ont effectivement eu lieu. Ces problèmes avaient été identifiés assez tôt, expliquant que la programmation budgétaire initiale (PBI) du programme 302 soit la seule de la mission à avoir reçu un avis défavorable du CBCM.

Le programme 302 concentre 87 % des dépenses d'intervention exécutées en 2012 , soit 272 millions d'euros en CP, en quasi-totalité constituées de dépenses de guichet en faveur des buralistes . Si ces dépenses sont critiquables dans leur justification même 99 ( * ) , elles ont de surcroît été irrégulièrement majorées de 15,1 millions d'euros en 2012, sous forme de versements anticipés sur l'année 2013 100 ( * ) .

Par contraste, le programme 302 souffre d'une sous-exécution des crédits d'investissements : 29 millions d'euros d'AE ont été dépensés, soit 61 % des 48 millions d'euros prévus en LFI, et 33 millions d'euros de CP ont été dépensés, soit 56 % des 58 millions d'euros prévus en LFI. L'annulation d'un projet de deux vedettes de garde-côtes pour 11 millions d'euros est notamment regrettable, dans la mesure où ce modeste gain pourrait se traduire, à terme, en surcoûts ou en absence de gains d'efficience.

Ceci explique peut-être pour une part le médiocre résultat de l'« indice de contrôle de navires en mer pour 24 heures en mer », qui n'atteint que 7,7 pour une prévision de 10,5, même si le déploiement des navires dans des secteurs de plus en plus éloignés constitue l'explication principale.

La modernisation de les méthodes de la DGDDI se lit dans les bons résultats des autres indicateurs , portant sur la vitesse du dédouanage, la dématérialisation des procédures, ou encore le montant des droits redressés et le taux d'intervention sur les recettes douanières - ce dernier est de 0,47 %, malgré les réserves exprimées ( cf . supra , pour la DGFiP) au sujet de sa construction. Les saisies de marchandises affichent des résultats contrastés, mais qui doivent être relativisés compte tenu des records atteints en 2011 en matière de saisies de cigarettes (109 millions d'euros en 2011 et 83 millions d'euros en 2012) et de stupéfiants (451 millions d'euros en 2011 et 456 millions d'euros en 2012).

A cet égard, vos rapporteurs spéciaux se sont saisis de l'enjeu des ventes de contrefaçons par Internet , et présenteront à la fin de l'année 2013 devant votre commission un rapport sur le sujet, et notamment sur la cellule Cyberdouane mise en place par la DGDDI.

5. Le Programme 309 « Entretien des bâtiments de l'Etat »

Le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'Etat », qui finance des dépenses d'entretien lourd, se singularise par une sous-exécution importante : 70 % des AE (178 millions d'euros contre 255 millions d'euros disponibles) ont été utilisées par les gestionnaires, même si le taux de consommation atteint 90 % pour les CP (189 millions d'euros contre 209 millions d'euros disponibles). En 2011, 73 % des AE avaient été consommées, mais seulement 60 % des CP.

Cette situation de sous-consommation des crédits découle du mode de financement spécifique du programme . Sa dotation est constituée des contributions des administrations occupant des immeubles appartenant à l'Etat, calculées sur la base des loyers budgétaires dont elles sont redevables. Les ressources du programme sont, par conséquent, constantes d'une année à l'autre, alors que les opérations d'entretien des bâtiments de l'État s'inscrivent dans une perspective pluriannuelle, avec des décalages importants entre l'engagement et la consommation.

Cependant, cette spécificité risque de constituer, si elle n'est pas finement pilotée, une forme d'incitation à une programmation approximative des crédits , ce qui est d'autant plus regrettable que l'importance des « restes à payer » en fin d'exercice est peu compatible avec le principe de sincérité budgétaire. Enfin, vos rapporteurs spéciaux rappellent que certains crédits imputés sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » ( cf . supra ) devraient en fait l'être sur le programme 309.

6. Le programme 148 « Fonction publique »

La sous-consommation des crédits du programme 148 « Fonction publique » est entièrement imputable à l'action sociale interministérielle (prestations interministérielles de nature soit collective - restauration -, soit individuelle - aide à l'installation des personnels, chèques vacances, etc.) : 87 % de ses AE et 94 % de ses CP ont été utilisés. Si les déterminants de ces dépenses sont difficilement maîtrisables, il conviendrait cependant d'en affiner la prévision.

A l'inverse, les subventions aux six opérateurs que sont l'Ecole nationale d'administration (ENA) et les Instituts régionaux d'administration (IRA), qui représentent près du tiers des crédits du programme, se caractérisent par une sur-consommation de 5,4 % en AE et 4,2 % en CP. Les subventions accordées en LFI ont néanmoins baissé entre 2011 et 2012.

Concernant les indicateurs de performance, vos rapporteurs spéciaux souhaitent, à l'instar de la Cour des comptes, que soit pris en compte le rôle - important - de l'ENA et des IRA dans la formation continue, alors que ces opérateurs sont exclus de l'indicateur 2.2. La « part des agents bénéficiant d'une procédure de rémunération à la performance » (indicateur 1.2) affiche des résultats inégaux : 95 % pour les agents de catégorie A (cible de 100 %), 50 % des agents de catégorie B (cible de 80 %), mais 0 % des agents des filières sociale et technique pour des cibles respective de 100 % et 30 %. Compte tenu du fait que plus aucune mesure de rémunération à la performance n'est prévue depuis mai 2012 , vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur le maintien de cet indicateur parmi les quatre « indicateurs de la mission », et appellent le Gouvernement à prendre position sur le sujet.


* 95 « Les limites statistiques de la performance du contrôle fiscal », iFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), 21 juin 2013.

* 96 Cet indicateur est mesuré à partir de douze ratios élémentaires correspondant aux missions de la DGFiP (le nombre d'articles d'impôt sur le revenu ou de dossiers professionnels gérés par agent, le nombre de titres de recettes et de mandats du secteur local par agent, etc.).

* 97 Décret du 30 octobre 2012 portant création du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP).

* 98 Le glissement vieillissement technicité (GVT) traduit l'incidence sur la masse salariale de l'évolution de la pyramide des âges, le traitement étant notamment fonction de l'ancienneté.

* 99 Dans son Rapport public annuel pour 2013, la Cour des comptes juge injustifié le montant des aides aux buralistes, qu'elle estime à plus de 300 millions d'euros par an, dans la mesure où la baisse de revenu qu'elles étaient censées compenser ne s'est pas produite, malgré les hausses de prix des années 2002 à 2004. Dans un rapport remis le 18 juin 2013 au ministre du Redressement productif, Jean-Jack Queyranne, Jean-Philippe Demaël et Philippe Jurgensen proposent d'en supprimer la majorité.

* 100 La décision du 13 avril 2012 prise par la ministre du budget de procéder au versement anticipé d'acomptes sur la remise compensatoire aux débitants de tabac n'est ni conforme au troisième contrat d'avenir conclu avec l'Etat en 2011, ni au décret du 30 décembre 2011, comme le signale la Cour des comptes.

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