N° 716

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de règlement du budget et d' approbation des comptes de l'année 2013 ,

Par M. François MARC,

Sénateur,

Rapporteur général

Tome I : Exposé général et examen des articles

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1984 , 2069 et T.A. 376

Sénat :

715 (2013-2014)

EXPOSÉ GÉNÉRAL
PREMIÈRE PARTIE : L'EXERCICE 2013 DANS LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES

En 2014, pour la première fois, a été déclenché le mécanisme de correction budgétaire prévu par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 1 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ayant identifié un « écart important » entre le solde structurel constaté au titre de l'exercice 2013 et la trajectoire présentée dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017.

En effet, dans son avis du 23 mai 2014 2 ( * ) , le Haut Conseil a relevé que le solde structurel retracé dans le tableau de l'article liminaire du projet de loi de règlement de 2013 (cf. tableau ci-après), soit - 3,1 % du PIB, affichait un écart de - 1,5 point de PIB par rapport à la cible arrêtée pour 2013 par la loi de programmation (- 1,6 % du PIB). Aussi cet écart constitue-t-il un « écart important » au sens de la loi organique du 17 décembre 2012 précitée 3 ( * ) .

Tableau de synthèse de l'article liminaire

(en points de PIB)

Exécution 2013

Soldes prévus par la LPFP

Écart avec les soldes prévus par la LPFP

Solde structurel (1)

- 3,1

- 1,6

- 1,5

Solde conjoncturel (2)

- 1,2

- 1,2

0,0

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

0,0

- 0,2

0,2

Solde effectif (1+2+3)

- 4,3

- 3,0

- 1,3

Note de lecture : les calculs du présent article sont effectués sur la base du solde 2013 des administrations publiques selon les principes du SEC 95, c'est-à-dire le même système de comptabilité nationale que celui utilisé dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques (LPFP), et non en SEC 2010. Ce point est précisé infra dans l'analyse du solde effectif de l'année 2013.

Source : article liminaire du projet de loi de règlement de 2013

Selon le Gouvernement, l'écart constaté par le HCFP « s'explique en grande partie par des facteurs qui ne dépendent pas de l'action des pouvoirs publics mais qui ont néanmoins une incidence sur le solde structurel » ; il s'agit, en particulier, de « l'effet base de 2012 », de « la dynamique spontanée des recettes publiques [qui] a été moindre que celle du PIB » et de « la révision à la baisse du déflateur du PIB ».

Tous ces éléments sont explorés plus en détail infra dans le présent rapport, après une présentation du mécanisme de correction budgétaire et un bref retour sur la situation économique de l'année 2013.

I. LE MÉCANISME AUTOMATIQUE DE CORRECTION

Le mécanisme de correction budgétaire prévu par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 4 ( * ) répond à une exigence du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Conformément aux principes arrêtés par le traité, précisés par la Commission européenne 5 ( * ) , le contrôle du respect de la mise en oeuvre du mécanisme de correction a été confié à une institution indépendante, soit, dans le cas de la France, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

A. UNE EXIGENCE EUROPÉENNE

La crise économique et financière, ainsi que la crise des dettes souveraines dans la zone euro ont fait apparaître les faiblesses de la gouvernance économique et budgétaire de l'Union économique et monétaire (UEM). Aussi, en 2010 et 2011, des réformes ont-elles été engagées, se traduisant par l'adoption du « six-pack » en décembre 2011, qui renforce le pacte de stabilité et de croissance (PSC) et crée la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM), de même que du « two-pack », entré en vigueur en mai 2013, qui prévoit notamment l'institution d'une procédure de suivi et d'évaluation des projets de plans budgétaires des État membres de la zone euro 6 ( * ) - qui a trouvé à s'appliquer pour la première fois à l'automne 2013.

En outre, ce même contexte a conduit à la signature, par vingt-cinq États membres de l'Union européenne 7 ( * ) , du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), entré en vigueur le 1 er janvier 2013. Son titre III a institué un « pacte budgétaire » qui prévoit la mise en place, par les pays signataires, d'un mécanisme de correction budgétaire devant garantir le rétablissement des finances publiques des États européens.

L'article 3 du traité stipule, en effet, qu'« un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation. Ce mécanisme comporte l'obligation pour la partie contractante concernée de mettre en oeuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée ».

1. Objectif à moyen terme et trajectoire d'ajustement

Ceci appelle quelques précisions. Tout d'abord, il convient de rappeler que le TSCG a établi une règle d'équilibre budgétaire définie en termes de solde structurel . Cette évolution est intervenue en raison des limites inhérentes à un pilotage des finances publiques sur la seule base du solde effectif.

La poursuite d'une trajectoire fondée sur le seul solde effectif peut, en effet, contraindre les États à procéder à des ajustements massifs de leurs finances publiques afin, notamment, de corriger la dégradation du solde imputable à la conjoncture, ce qui a un effet pro-cyclique et peut réduire plus encore la croissance économique.

Aussi, en dépit du maintien de la « règle des 3 % » concernant le déficit public effectif, les évolutions récentes du cadre budgétaire européen ont fait du solde structurel la principale référence des politiques budgétaires . En vertu du pacte de stabilité et de croissance (PSC) modifié par le « six-pack », dit « renforcé », un État faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif (PDE) ne saurait être sanctionné dès lors qu'il a réalisé les ajustements de solde structurel recommandés par le Conseil de l'Union européenne. De même, le volet préventif s'appuie sur une trajectoire de solde structurel.

Le choix de faire reposer le pilotage budgétaire sur le solde structurel doit permettre de mieux concilier consolidation budgétaire et croissance économique . Le solde structurel correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires 8 ( * ) . En quelque sorte, il s'agit du solde public tel qu'il serait constaté si le produit intérieur brut (PIB) était égal à son potentiel 9 ( * ) . Par conséquent, en ce qu'elle met de côté les effets de la conjoncture, une cible budgétaire définie en termes de solde structurel évite qu'une dégradation de la situation économique n'appelle un ajustement des finances publiques aux conséquences pro-cycliques.

En tout état de cause, en application du TSCG, les États doivent se doter d'un objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel - qui ne peut être inférieur à - 0,5 % du PIB - et, à cette fin, s' engager à suivre une trajectoire de solde structurel, appelée « trajectoire d'ajustement ».

Par suite, le mécanisme de correction mentionné à l'article 3 du TSCG doit être déclenché automatiquement si sont constatés des « écarts importants » par rapport à l'objectif à moyen terme (OMT) ou à la trajectoire d'ajustement.

2. La notion d'« écart important »

Les principes communs aux mécanismes nationaux de correction budgétaire proposés par la Commission européenne dans sa communication du 20 juin 2012 10 ( * ) prévoient que le « mécanisme de correction peut être déclenché par des critères au niveau de l'UE ou par des critères spécifiques du pays », dans la mesure, toutefois, où ces derniers sont « étroitement liés aux concepts et règles du cadre budgétaire européen ».

À cet égard, il convient de rappeler que le règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 11 ( * ) - qui s'inscrit dans le « six-pack » - précise qu'un écart est important si celui-ci « représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée, ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives ». Nous verrons ultérieurement que ces critères ont été repris dans le cadre du mécanisme français de correction budgétaire.

3. La correction de l'« écart important »

Le déclenchement du mécanisme de correction comporte, au titre de l'article 3 du TSCG, une « obligation pour la partie contractante concernée de mettre en oeuvre des mesures visant à corriger [l]es écarts sur une période déterminée ». La communication du 20 juin 2012 précitée de la Commission européenne prévoit que « l'ampleur et la durée de la correction sont régies par des règles prédéfinies. [...] Le rétablissement de l'équilibre structurel au niveau ou au-delà de l'OMT dans le délai prescrit, et son maintien par la suite, constituent le point de référence pour le mécanisme de correction ».

Toutefois, le mécanisme de correction peut être suspendu en cas de circonstances exceptionnelles , ainsi que l'indique l'article 3 susmentionné, qui « font référence à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme ». Toutefois, cette suspension n'est que temporaire, la correction devant reprendre une fois que les circonstances exceptionnelles ont cessé.

4. Les institutions de surveillance indépendantes

Enfin, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prévoit que le contrôle du respect du mécanisme de surveillance est assuré par une institution indépendante. Selon les principes communs définis par la Commission européenne, un tel organisme doit disposer d'une autonomie fonctionnelle et procéder à des évaluations publiques « de l'apparition de circonstances justifiant le déclenchement du mécanisme de correction, du déroulement de la correction conformément aux règles et aux plans nationaux », ainsi que l'apparition de circonstances exceptionnelles. Aussi l'État concerné est-il tenu de se conformer à l'avis de cet organe ou d'expliquer publiquement pourquoi il ne le suit pas .


* 1 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 2 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-02 du 23 mai 2014 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2013.

* 3 L'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques dispose qu'« un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives ».

* 4 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 5 Cf. communication de la Commission européenne du 20 juin 2012 relative aux principes communs aux mécanismes de correction budgétaire (COM(2012) 342 final).

* 6 Les apports du « six-pack » et du « two-pack » à la gouvernance économique et financière de l'Union économique et monétaire (UEM) sont présentés et analysés par votre rapporteur général dans le tome I du rapport portant sur le projet de loi de finances pour 2014 (cf. rapport général n° 156 (2013-2014) sur le projet de loi de finances pour 2014 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat).

* 7 Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) a été signé par l'ensemble des États membres de l'Union européenne, à l'exception du Royaume-Uni, de la République tchèque et de la Croatie - cette dernière ayant intégré l'Union le 30 juin 2013.

* 8 La méthode de calcul du solde structurel est précisée infra , dans le cadre de l'analyse du solde structurel pour l'année 2013.

* 9 Le PIB potentiel correspond au niveau de production qui résulterait du plein emploi des ressources productives, soit le capital et le travail, compatible avec la stabilité des prix à long terme.

* 10 Cf. communication de la Commission européenne du 20 juin 2012 relative aux principes communs aux mécanismes de correction budgétaire (COM(2012) 342 final).

* 11 Règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaire ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

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