EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Philippe Adnot et Michel Berson, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Les chiffres vous sont donnés dans la note de présentation, je vais me concentrer sur quelques idées. Ce budget connaît tout d'abord une certaine stabilité, ce qui reflète la priorité donnée à la mission. On peut cependant s'interroger quant à la crédibilité des chiffres présentés, notamment au regard du décret d'avance transmis ce matin qui vise à annuler plus de 100 millions d'euros, dont 80 millions d'euros sur le programme 150. Certes, pour 2016, une rallonge de 100 millions d'euros a été votée par l'Assemblée nationale au profit de l'enseignement supérieur. Puis, 119 millions d'euros ont été supprimés sur les programmes de recherche au cours du débat parlementaire, ce qui est contraire à la sanctuarisation promise et un mauvais signal adressé au monde de la recherche.

Concernant les dépenses fiscales rattachées à la mission, le CIR progresse de 200 millions d'euros, pour atteindre concernant les dépenses fiscales rattachées à la mission, 5,5 milliards d'euros. Sur l'ensemble de la mission, avec 119 millions d'euros de moins et 100 millions d'euros de plus, il manque finalement 19 millions d'euros sur 27 milliards d'euros - pas grand-chose, l'épaisseur du trait.

S'agissant des crédits alloués à l'enseignement supérieur, il faut noter que la situation financière des universités est satisfaisante, avec un fonds de roulement de 1,5 milliard d'euros et une capacité d'autofinancement reconstituée à 438 millions d'euros en 2014. Autant de bons signes qui masquent des situations divergentes : 17 universités sont en déficit, quatre ont un fonds de roulement qui couvre moins de 15 jours de fonctionnement et 11 ont un fonds de roulement pouvant couvrir plus de 100 jours.

Pour mémoire, les établissements ont subi un prélèvement de 100 millions d'euros en 2015. Les 100 millions d'euros votés par l'Assemblée nationale ne sont donc pas tant un apport supplémentaire qu'une compensation du prélèvement sur les fonds de roulement de 47 établissements. Ils ne seront donc pas nécessairement reversés à ceux qui ont été prélevés mais à ceux qui ont le plus besoin de crédits supplémentaires. Attention à ne pas pénaliser les bons gestionnaires et à ne pas récompenser ceux qui ne préparent pas l'avenir.

Je me réjouis de la création de 1 000 emplois dans le budget pour 2016 - cela honore ceux qui s'y étaient engagés - mais on peut s'interroger sur le nombre effectif de postes qui seront affectés à l'administration des communautés d'universités plutôt qu'à l'encadrement des étudiants. En outre, il est probable qu'un certain nombre d'emplois seront en fait gelés pour équilibrer les budgets. De nombreuses universités ont atteint ainsi l'équilibre budgétaire et souhaitent le préserver : il n'est donc pas certain que le taux d'encadrement des étudiants augmente comme espéré.

En ce qui concerne l'autonomie des universités, la gestion des ressources humaines devrait davantage relever de chaque établissement. Les universités sont actuellement trop dépendantes de l'État pour leur recrutement ou la gestion des carrières.

Par ailleurs, la dévolution du patrimoine actuellement expérimentée est une piste intéressante mais sa généralisation aurait un coût de 850 millions d'euros par an, ce qui, selon moi, n'est pas soutenable financièrement. Le ministre devrait cependant faire des propositions à ce sujet et je considère qu'il n'y a pas d'autonomie réelle si l'université n'est pas responsable de son patrimoine.

Je suis inquiet au sujet du volet « Enseignement supérieur » des contrats de plan État-région. L'État y consacre 990 millions d'euros. Il n'est pas certain que les collectivités territoriales pourront assumer leurs engagements dans ces contrats alors que leurs dotations sont réduites -notamment pour les conseils départementaux que je connais bien.

La nécessité d'augmenter les moyens de l'enseignement supérieur provient de la croissance du nombre d'étudiants : l'enseignement supérieur accueille 2,5 millions d'étudiants, en hausse de 40 000 cette année, sans compter les double inscriptions. Tôt ou tard, on devra bien revoir, quoiqu'il arrive, le système d'orientation des étudiants. Certains d'entre eux choisissent ce statut par défaut ou par opportunisme, notamment pour les aides au logement, sans savoir que faire d'autre.

Dans un contexte budgétaire très contraint qui empêche toute hausse significative des subventions de l'État, les universités ont également besoin de davantage de ressources propres. Or la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (Cdefi) évalue à 60 millions d'euros la réduction du produit de la taxe d'apprentissage, soit une baisse moyenne de 37 % pour les 120 écoles de leur enquête. Les universités sont également concernées, leurs présidents sont inquiets. Peut-être que les exécutifs régionaux, qui récupéreront cette manne financière, pourront apporter des réponses.

Autre sujet de réflexion : les droits d'inscription s'élèvent à environ 180 euros par étudiant - moins qu'une inscription à un club de sport ! - ce qui est insuffisant et ne permet pas de contribuer à l'accueil des étudiants. Ces droits devraient être plus proches de 800 euros ou 900 euros. Actuellement, leur faible montant va jusqu'à dévaloriser l'enseignement dispensé et constitue un mauvais signal pour les étudiants étrangers. Pourquoi leur appliquer les mêmes frais d'inscription qu'aux étudiants français ? Soyons innovants ! Je vous proposerai d'ailleurs un amendement visant à dégager de nouvelles ressources sans toucher à l'équilibre du budget de l'État.

L'enseignement supérieur privé doit également voir ses moyens rééquilibrés. De 1 200 euros par étudiant il y a quelques années, la dotation de l'État est descendue aujourd'hui à moins de 800 euros par étudiant, alors que plus de 80 000 étudiants fréquentent les établissements privés. C'est autant de moins à la charge de l'État, car un étudiant dans le public coûte beaucoup plus. Je propose d'augmenter cette dotation de 60 euros par étudiant afin d'attirer l'attention du Gouvernement sur ce sujet important.

Je regrette que la réforme du système de répartition des moyens à l'activité et à la performance (Sympa) n'ait pas abouti. Le modèle actuel ne répartit d'ailleurs qu'une faible part du budget des universités. Il a pour objectif de récompenser les établissements au mérite : devenir des étudiants, qualité de la formation, efforts de performance... La Conférence des présidents d'universités (CPU) s'est opposée au nouveau système Modal, uniquement mis en oeuvre dans les écoles d'ingénieurs depuis le début de l'année. Elle considère qu'en l'absence de moyens supplémentaires, aucune université n'est surdotée et aucun rééquilibrage ne peut intervenir.

Les crédits du programme « Vie étudiante » augmentent de 40 millions d'euros pour atteindre 2,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, notamment en raison de l'augmentation du nombre de bénéficiaires des aides sociales, estimée à 666 000 pour le premier semestre 2016 (contre 593 000 étudiants boursiers en 2010). Le réseau des oeuvres universitaires et scolaires subira un prélèvement de 50 millions d'euros sur un fonds de roulement de 400 millions d'euros. Interrogeons-nous sur son fonctionnement et ses missions. Selon moi, l'investissement dans le logement doit, par exemple, reposer sur les bailleurs sociaux.

Je regrette la réforme de l'aide au mérite, qui, je le rappelle, bénéficie aux étudiants déjà boursiers sur critères sociaux. La suppression décidée l'année dernière a été suspendue. Cette aide a été réduite par le Conseil d'État et depuis le Gouvernement l'a donc rétablie et réservée aux trois années de licence. Les deux années de master sont désormais exclues.

Des innovations pour augmenter les moyens malgré le contexte budgétaire contraint restent à trouver et c'est pourquoi je vous présenterai un amendement lors de l'examen des articles non rattachés concernant le CIR. En effet, lorsqu'une entreprise passe des contrats de recherche avec des organismes publics, notamment des établissements universitaires, elle augmente la base de calcul du CIR car ces dépenses sont prises en compte pour le double de leur montant. On pourrait exiger des entreprises, autres que les petites et moyennes entreprises (PME) au sens du droit communautaire, que 10 % de leurs dépenses éligibles au CIR, soit environ 600 millions d'euros de CIR, soient réalisées dans le cadre de laboratoires universitaires. Outre l'accroissement des moyens des laboratoires universitaires, cela permettrait également de renforcer leurs liens avec les entreprises alors que celles-ci ignorent souvent leur potentiel. Je propose également une augmentation des dotations de l'enseignement privé à 5,9 millions d'euros. Pour le reste, je vous propose d'adopter les crédits de la mission

Mme Michèle André , présidente . - Nous transmettons nos meilleurs voeux de rétablissement à Michel Berson, rapporteur spécial. Je vous présente les crédits de la recherche en son nom.

Ils diminuent en 2016, à périmètre constant, de 3,3 % sur les autorisations d'engagement, à 10,6 milliards d'euros ; et de 1,1 % sur les crédits de paiement, 10,9 milliards d'euros. À périmètre courant, les crédits de paiement augmentent de 1,8 % en raison du rattachement au programme 190 de 321 millions d'euros destinés à financer une partie du démantèlement des installations nucléaires du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Le financement de ces opérations était jusqu'ici partiellement assuré par la revente de titres Areva par le CEA à l'État et transitait par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Selon Michel Berson, la préservation des crédits affichée par le Gouvernement doit être saluée et relativisée. La part des programmes « Recherche » dans le PIB a connu, hors PIA, une diminution de 6 % de 2011 à 2014. La dynamique des dépenses de fonctionnement et de personnel menace la capacité d'investissement de certains organismes, affectés en cours de gestion par les surgels. Les crédits alloués à la recherche dans les contrats de projet État-région diminuent.

La baisse de 119 millions d'euros du budget de la recherche, votée en seconde délibération, n'est selon Michel Berson acceptable ni sur le fond, si sur la forme. Elle porte essentiellement sur les programmes « Recherche » et plus particulièrement sur le programme 193 « Recherche spatiale » qui voit ses crédits réduits de près de 5 %. La contribution française à l'Agence spatiale européenne (ESA) va devoir être réduite, augmentant la dette de financement dont la France devra tôt ou tard s'acquitter. Ces diminutions sur les programmes « Recherche » s'accompagnent d'une augmentation de 100 millions d'euros sur les programmes « Enseignement supérieur ». Depuis plusieurs années, les crédits alloués à la recherche servent de variable d'ajustement aux augmentations décidées dans d'autres domaines. Ce « coup de rabot » remet en cause la sanctuarisation des crédits de la recherche. C'est pourquoi Michel Berson propose de rétablir les 119 millions d'euros supprimés.

La baisse des crédits et des taux de succès des appels à projet de l'Agence nationale de la recherche (ANR) se poursuit. En 2016, les crédits d'intervention de l'ANR devraient passer de 575,1 millions d'euros en 2015 à 555 millions d'euros en 2016, avec une érosion progressive du taux de projets financés, amplifiée par l'augmentation du nombre de projets soumis. Le taux de succès est tombé à 10 %, ce qui est peu incitatif pour les équipes de recherche. Une certaine résignation les gagne. Elles essuient des refus sans recevoir de critique claire sur le fond de leurs projets.

Le développement des ressources propres des organismes de recherche, qui passe en partie par des financements par projet, exige une facturation à coûts complets et des préciputs réalistes. Le préciput reste fixé à 11 %, loin du taux de 25 % des programmes européens « Horizon 2020 » qui devrait être la référence. Le préciput de l'ANR devait passer de 11 % à 15 % mais le règlement financier de l'agence ne prévoit aucune évolution sur ce point. De même, la règle demeure la facturation à coût marginal et non à coût complet ; le paiement de la prestation ne recouvre alors que l'exact surcoût lié au programme, sans quote-part pour les charges de personnel permanent. On le voit, les organismes de recherche ne trouveront pas dans ces ressources propres beaucoup de marges de manoeuvre. Ce problème, grave pour certains opérateurs, n'a que deux solutions : ou bien l'État augmente le préciput et généralise la facturation à coûts complets, ou bien il renonce à promouvoir les ressources propres.

La situation de l'emploi scientifique est préoccupante et appelle des mesures fiscales ciblées. Dans le secteur public, face à la baisse des départs à la retraite, certains organismes de recherche ne disposent d'aucune marge de manoeuvre. La baisse du nombre de départs réduit mécaniquement le nombre d'embauches de chercheurs, d'ingénieurs et techniciens. Les remplacements de ces départs se font du reste rarement à un taux de un pour un, en raison des contraintes budgétaires fortes qui pèsent sur les opérateurs.

Dans le secteur privé, la modulation actuelle de l'assiette du CIR en faveur de l'embauche de jeunes docteurs n'aplanit guère les difficultés. Le nombre de docteurs recrutés en entreprise reste faible. Michel Berson présentera un amendement au projet de loi de finances rectificative, afin de conditionner l'application du seuil de 5 % à l'embauche de docteurs ou à un effectif important de docteurs au sein du personnel de recherche salarié. Le taux de mise en réserve, d'une importance cruciale puisque la plus grande partie des crédits gelés sont annulés, diffère selon le ministère de rattachement de l'organisme de recherche. Ainsi, un même opérateur financé par plusieurs programmes relevant de ministères différents peut connaître plusieurs taux de mise en réserve pour ses différentes subventions. Le taux de mise en réserve devrait pourtant être modulé au regard des contraintes effectives des opérateurs et non selon un critère formel, qui dépend du hasard et de l'histoire de l'organisme de recherche. On touche là aux limites de la logique par mission prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 : car les missions budgétaires, correspondant chacune à une politique publique de l'État, ne se sont pas imposées en matière d'arbitrages budgétaires, ceux-ci continuant d'être pris au niveau ministériel. Selon Michel Berson, des travaux devraient être engagés pour constituer un budget unifié de la recherche, sans pour autant rattacher l'ensemble des opérateurs au ministère de la recherche, afin d'autoriser des arbitrages globaux et équitables.

Sous le bénéfice de ces observations, il propose d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par l'amendement qui les rehausse de 119 millions d'euros.

Mme Dominique Gillot , rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - Comme Philippe Adnot, je m'interroge sur les chiffres que nous discutons car le ministre du budget dépose parfois en dernier ressort un amendement qui fait s'effondrer une victoire considérée comme acquise. Restons vigilant jusqu'à la fin ! Il manque effectivement 19 millions d'euros, l'épaisseur du trait compte tenu du montant total du budget. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, l'effort de l'État en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche est à souligner - même si je partage aussi les observations de Michel Berson. Sous l'effet de la contrainte budgétaire, les responsables d'établissements d'enseignement supérieur ont amélioré la maîtrise des fonctions support et engagé une réflexion fructueuse sur l'utilisation optimale de leurs ressources.

L'enseignement supérieur et la recherche en France sont encore très réputés à l'international, malgré ce que l'on entend dire parfois. La moitié des doctorants français sont de nationalité étrangère, et nos étudiants sont accueillis avec empressement à l'étranger. Reste qu'il faut doter nos laboratoires de matériel performant. Sans exagérer, nous avons besoin d'un milliard d'euros, que le budget de l'État ne peut fournir. Le secteur devra modifier son modèle économique. Différentes pistes sont possibles : les partenariats, des services annexes, la formation continue, l'alternance, l'apprentissage... Cela prendra du temps mais le mouvement est lancé.

La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et la recherche, avec les regroupements d'universités, et le Programme d'investissements d'avenir (PIA), avec la méthodologie des appels à projets - entretiens, évaluation... -, participent à améliorer la gouvernance et à favoriser les partenariats, donc les ressources supplémentaires.

Si j'ai partagé un temps l'idée d'augmenter les droits d'inscription, je l'ai abandonnée après avoir participé aux travaux du comité définissant la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES). Tous les pays ayant engagé cette démarche y ont renoncé, car elle a un effet délétère, y compris aux États-Unis. Elle décourage de nombreux lycéens. Cette recette supplémentaire, en outre, ne serait pas suffisante pour modifier le modèle économique des universités, d'autant que l'État risquerait de réduire ses dotations à due proportion.

Autonomie en matière de ressources humaines, oui, mais il faudra voir comment modifier les statuts à cette fin. C'est une évolution culturelle qui prendra du temps.

Plusieurs organismes de recherche - dans les secteurs agricole ou industriel par exemple - ne dépendent pas du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur et voient leurs dotations réduites, en contradiction avec le principe de sanctuarisation. Il faudrait envisager de consolider toutes les dotations au niveau du ministère de la recherche. Revoyons également le fonctionnement des nombreux organismes de transfert de l'innovation, dont les périmètres se chevauchent, et évaluons leur valeur ajoutée réelle...

J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. André Gattolin . - Différencions ce qui relève de la recherche et ce qui relève de la formation universitaire. Nous attendons d'en savoir plus sur la proposition de Philippe Adnot, originale, pour aider les laboratoires des universités. Mais les universités ont aussi des besoins en matière de formation. Faut-il augmenter les droits d'inscription, qui ne représentent qu'une toute petite partie du coût des études ? Les établissements sont souvent implantés dans les grandes villes - notamment en région parisienne - où le coût de la vie et les loyers sont très élevés. Attention à cette solution facile, qui serait source de distorsions territoriales : voulons-nous que seuls les étudiants originaires de ces grandes villes, dont le niveau de vie est généralement plus élevé et qui ont un logement à disposition, puissent fréquenter les grandes universités ?

Je me bats depuis quatre ans pour une réaffectation du « 1 % formation » aux universités. Longtemps, il a été utilisé de façon plus ou moins douteuse par les entreprises, pour que leurs dirigeants suivent des formations très coûteuses à l'étranger, ou pour externaliser le coût d'un employé - il crée son organisme de formation, on lui adresse des salariés à former... Les organismes de formation ont fleuri, sans être vraiment contrôlés. Les formations professionnalisantes se multipliant à l'université, mais la formation continue dispensée dans les universités est insuffisamment connue et les procédures sont trop lourdes. Un vrai travail reste à faire.

Fervent défenseur de l'apprentissage, je considère que le transfert d'une partie des sommes vers les régions peut être positif, à l'instar du programme Formasup en Île-de-France pour l'apprentissage en alternance. Mais il y a un risque de différenciation d'une région à l'autre. L'apprentissage doit rester une politique nationale.

M. Francis Delattre . - Le budget de la recherche diminue de 3,3 %, même si les grandes masses sont préservées. Il est devenu une variable d'ajustement ; nous dénonçons tous la faible lisibilité des crédits, notamment avec les gels et surgels. En ce qui concerne le projet de loi initiale pour 2016, les crédits ont été sanctuarisés, puis 119 millions ont été retirés ; l'Assemblée nationale a abondé le budget de 100 millions d'euros pour l'enseignement supérieur. La recherche spatiale est la plus touchée par la saisie des crédits, nos engagements internationaux sont remis en cause : le rapporteur spécial doit nous faire des propositions.

Nous avons mené une étude sérieuse sur le CIR dans le cadre de la commission d'enquête dont j'étais le président. Ce dispositif a fait faire un bond à la recherche-développement, complémentaire de la recherche fondamentale. La simplification intervenue en 2008-2009 était bienvenue ; aujourd'hui, ne compliquons pas le système !

Comment apprécier le périmètre d'une étude de R&D dans une entreprise ? Certes, le fiscaliste de la direction des impôts peut apprécier une partie du dossier présenté, mais ils ont besoin de l'aide d'agents du ministère de la recherche, qui ne sont souvent pas familiers de la recherche industrielle. Dès lors, la faiblesse du contrôle se situe sur le plan scientifique. Loin de s'élever à 9 milliards d'euros comme on nous l'avait annoncé, le CIR passe de 5,3 à 5,5 milliards, une augmentation tout juste normale.

Une instance de conciliation entre l'administration et l'entreprise est indispensable pour déterminer le périmètre de la recherche. Elle devrait associer fiscalistes et experts scientifiques. Il est quand même paradoxal que certaines entreprises ne déclarent pas leur R&D pour éviter des contrôles fiscaux et que l'on dénonce dans le même temps des contrôles « passoires ». Pourquoi ne pas déposer un amendement en s'inspirant des instances de conciliation qui existent ?

Le CIR ne sert pas seulement aux entreprises privées mais aussi aux laboratoires des universités, via des associations et partenariats. Philippe Adnot propose une disposition intéressante, qu'il faudrait cependant encadrer. Le directeur des études du CNRS nous a dit que le Centre bénéficiait de 500 millions d'euros de retombées du CIR. Nous progressons, mais le dispositif doit encore être amélioré.

Pour les doctorants, chers à Michel Berson, il est évident que leur embauche dans des entreprises, particulièrement les ETI, apporte quelque chose à l'entreprise, outre la recherche proprement dite, car ils ont une approche différente de celle des gestionnaires. Le dispositif de Philippe Adnot, dans lequel les universités aident les doctorants à entrer dans les entreprises, me paraît préférable à celui de Michel Berson qui impose aux entreprises d'embaucher des doctorants à partir d'un certain seuil.

Nous nous abstiendrons donc - avec bienveillance - sur le vote des crédits de cette mission.

M. Daniel Raoul . - Il serait préférable que le dispositif CIR ne soit pas modifié. La stabilité importe.

M. Michel Canevet . - Absolument.

M. Daniel Raoul . - Ce qui n'interdit pas d'envisager une modulation plus forte des taux d'éligibilité au bénéfice des PME.

Notre rapporteur doute que les 1 000 postes soient créés. Ils le seront, mais ne seront pas forcément pourvus, selon ce que décident les universités.

Il existe une grande différence entre les CPER de province - dans lesquels d'énormes efforts ont été faits en matière universitaire - et l'Île-de-France où rien n'a été fait. Je m'interroge également sur le bien-fondé de certaines aides accordées par les régions, au regard de diverses opérations immobilières....

Notre rapporteur a raison de soulever la question de la taxe d'apprentissage, d'autant que l'on demande aux universités de se professionnaliser en se rapprochant des entreprises. Il est donc bien naturel qu'elles se voient reverser une partie de la taxe. Comment sinon développer ce dispositif ?

En France, les frais d'inscription sont faibles, 180 euros en licence, alors qu'ils se comptent en milliers d'euros dans certaines grandes écoles. Or, mieux vaut parfois être titulaire d'un diplôme à Dauphine en finances que d'une grande école. La qualité ne dépend pas du montant des droits d'inscription. Il serait également intéressant de comparer les coûts entre les classes préparatoires intégrées des écoles d'ingénieurs et celles des lycées. Ces dernières, parce qu'elles se sont multipliées, ne comptent parfois plus assez d'étudiants.

Pour le CIR, un rescrit en amont, donné à l'issue d'un examen conjoint par un expert du ministère de l'enseignement supérieur et un agent de l'administration fiscale ne serait-il pas préférable à une instance de conciliation ?

Je regrette l'abandon du système de répartition des crédits San Remo au profit du système Sympa : à présent c'est la Conférence des présidents d'universités, en cogestion avec le ministère, qui règle les problèmes au détriment des petites et moyennes universités ! Je crois savoir que la précédente ministre de l'enseignement supérieur en était consciente mais n'avait pas les moyens de faire évoluer les choses.

L'aide au mérite mériterait un long développement. Les mentions très bien au bac se sont tellement multipliées que certains établissements n'en tiennent eux-mêmes plus compte.

Comme le dit notre rapporteur, il convient de favoriser les opérations de construction immobilière menées par les bailleurs sociaux pour les Crous : cela fonctionne très bien !

M. Michel Canevet . - J'ai découvert avec étonnement le montant des réserves des Crous. Il est dommage qu'ils ne s'en servent pas davantage pour augmenter le nombre de logements étudiants, en se reposant sur les bailleurs sociaux le cas échéant.

La professionnalisation des universités est nécessaire et la réforme de la taxe d'apprentissage va les pénaliser. Pourquoi n'examinerions-nous pas la répartition de la taxe d'apprentissage entre les régions et les universités ?

Je me réjouis de l'augmentation du CIR dans la mesure où il profite également à la recherche publique : plus de 10 % des dépenses de recherche des entreprises vont aux laboratoires des universités et aux organismes publics. Nous sommes encore loin des objectifs fixés par l'agenda de Lisbonne en 2000 : 3 % du PIB, soit 60 milliards d'euros, consacrés à la recherche. Nous atteignons à peine 30 milliards d'euros pour les entreprises privées et 10 pour les instituts de recherche publique. Or la R&D est essentielle au développement économique. Évitons de changer sans cesse les règles du jeu, cela fragilise les dispositifs et décourage l'installation de centres de recherche en France.

Mme Michèle André , présidente . - Francis Delattre, la création d'une instance de conciliation concernant le CIR est prévue à l'article 19 du projet de loi de finances rectificative. Vous avez donc été entendu.

M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Dominique Gillot et moi-même avons déjà travaillé ensemble, ce qui explique nos convergences. Sur les droits d'inscription, comparons ce qui est comparable : la remise en cause aux États-Unis ne porte pas sur des montants de 180 euros, ni même de 400 euros ! En outre, cette recette serait directement utilisable par les universités qui pourraient ainsi améliorer la vie quotidienne des étudiants. Leurs budgets sont contraints et les marges de manoeuvre très faibles. Les étudiants s'y retrouveraient et il serait toujours possible d'attribuer des bourses aux plus modestes.

Mme Dominique Gillot , rapporteure pour avis . - L'enseignement supérieur est un bien public, pas une marchandise.

M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Alors supprimons tous les frais d'inscription !

Concernant les transferts d'innovation, après le rapport sur le contrôle de l'assiduité des étudiants boursiers, je compte me pencher sur les sociétés d'accélération du transfert de technologies (Satt).

J'ai entendu les réserves d'André Gattolin sur l'augmentation des droits d'inscription : je ne pense pas néanmoins qu'un étudiant modifie son choix d'établissement et parte en province pour cette seule raison. Sa remarque démontre qu'il reconnaît l'existence d'une forme de sélection entre les étudiants à l'université...

M. André Gattolin . - Elle existe.

M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - L'affectation d'une partie du « 1 % formation » des entreprises aux universités ne serait envisageable que dans le cadre d'une contractualisation.

M. André Gattolin . - Aujourd'hui, ce 1 % est très mal affecté.

M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Nos universités doivent aussi se faire connaître, proposer des formations, des modules intéressants.

L'augmentation de notre endettement vis-à-vis de l'Agence spatiale européenne n'est pas un bon signal. Je pense donc qu'il faut voter l'amendement de rétablissement des crédits.

Le CIR ne profite pas uniquement aux organismes de recherche, mais aussi aux universités qui disposent de laboratoires de recherche de haut niveau. Les entreprises ne les connaissent pas nécessairement. Dans mon département, il existe d'excellents laboratoires et nous organisons des visites pour que les chefs d'entreprise les découvrent.

Daniel Raoul le dit comme moi : les 1 000 postes seront créés, mais pas forcément pourvus. Des recrutements sont gelés pour des raisons d'équilibre budgétaire. Effectivement, pourquoi ne pas comparer les coûts des classes préparatoires présentes dans les lycées et des classes préparatoires intégrées dans les écoles d'ingénieurs ? Sur le CIR, le rescrit reste une bonne formule.

Quant au système Sympa, les universités veulent bien envisager des rééquilibrages si les crédits augmentaient mais pas quand ils sont stables.

Selon vous, les mentions au baccalauréat n'ont plus de sens. Pour ma part, je reste attaché à l'élitisme républicain.

J'en arrive à mon amendement. Il relève de 5,6 millions d'euros le montant de l'enveloppe accordée aux établissements d'enseignement supérieur privés. Cette mesure est nécessaire car les crédits leur étant alloués ont beaucoup diminué ces dernières années et le nombre d'étudiants qu'ils accueillent augmente.

Mme Michèle André , présidente . - L'amendement n° 2 de Michel Berson rétablit les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels qu'ils étaient prévus avant seconde délibération à l'Assemblée nationale.

M. Daniel Raoul . - La précédente ministre de l'enseignement supérieur s'était engagée à rembourser la dette de la France à l'Agence spatiale européenne (ESA). Où en est-on ?

Mme Michèle André , présidente . - La dette liée au programme Ariane 5 a été soldée cette année, mais elle va croître à nouveau avec le lancement du programme Ariane 6.

M. Michel Bouvard . - Sommes-nous les seuls à avoir une dette à l'égard de l'ESA ?

Mme Michèle André , présidente . - Non, d'autres pays sont également endettés.

À l'issue de ce débat, la commission a adopté l'amendement proposé par M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, ainsi que l'amendement proposé par M. Michel Berson, rapporteur spécial, puis a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ainsi modifiés.

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

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