EXAMEN EN COMMISSION

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(MERCREDI 5 DÉCEMBRE 2018)

M. Loïc Hervé , rapporteur . - La proposition de loi visant à instituer des funérailles républicaines, que nous examinons aujourd'hui, a été adoptée par l'Assemblée nationale le 30 novembre 2016, sous la précédente législature. Elle était présentée par notre ancien collègue député Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues.

Pour préparer ce rapport, j'ai souhaité entendre très largement les différentes parties prenantes : les associations d'élus, la Fédération Familles de France, les opérateurs funéraires, publics et privés, les représentants des différents cultes, la Fédération nationale de la libre pensée, ainsi que les administrations concernées, à savoir la direction générale des collectivités locales et la direction des affaires civiles et du sceau. Je me suis évidemment entretenu avec le deuxième signataire de la proposition de loi, M. Hervé Féron, qui était aussi rapporteur, au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Je remercie notre collègue Jean-Luc Fichet d'avoir participé aux auditions et le président Jean-Pierre Sueur, avec qui nous avons pu échanger en toute sincérité.

Le principe de liberté de choix des funérailles, entre obsèques civiles ou religieuses, est garanti depuis la fin du XIX e siècle, avec la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles. Si les premières tendent à se développer, notamment avec le recours croissant à la crémation plutôt qu'à l'inhumation, les secondes restent largement majoritaires en France en ce qu'elles représentent encore 74 % des obsèques selon une étude de 2016 publiée par le Crédoc, à l'occasion des assises du funéraire qui se sont tenues au Sénat.

Les personnes que j'ai entendues m'ont fait part de l'évolution des prestations proposées par les opérateurs funéraires. Ainsi, les salles des crématoriums sont fréquemment louées pour l'organisation de cérémonies en hommage aux défunts, généralement avant une crémation, plus rarement avant une inhumation. De telles cérémonies sont également organisées dans des chambres funéraires en cas d'inhumation, même si la pratique est moins ancrée que pour la crémation, et les salles sont souvent plus petites.

En outre, les règles actuelles de la domanialité publique permettent déjà l'organisation d'obsèques civiles au sein de bâtiments communaux, lorsque les communes l'autorisent. Il s'agit d'une occupation temporaire du domaine public prévue par l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, soumise au principe de non-gratuité, sauf exceptions. L'attribution de cette salle relève toutefois de la seule appréciation de la commune. Il arrive même que l'officier de l'état civil s'implique lors de la célébration des obsèques, mais il le fait souvent à titre privé et avec l'accord ou à la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles. Cela reste exceptionnel : pour les funérailles d'une personnalité locale, par exemple.

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale a deux finalités. Premièrement, elle tend à imposer aux communes qui disposent d'une « salle adaptable » de garantir l'organisation de « funérailles républicaines » en la mettant à disposition des familles des défunts. Deuxièmement, elle vise à donner à l'officier de l'état civil la faculté de procéder à une cérémonie d'obsèques civiles, dans l'hypothèse où la famille du défunt le requerrait. Même si l'initiative est louable, ce texte se heurte toutefois à de nombreux écueils pratiques et juridiques.

Premier écueil, l'absence de mention expresse de la notion de disponibilité de la salle, qui pourrait conduire à interpréter ces dispositions comme accordant une priorité à la demande de réservation de salle pour des « funérailles républicaines ». Une convention écrite accompagne en principe la mise à disposition d'une salle communale. Cela ne manquerait donc pas de soulever des difficultés en cas de conclusion antérieure d'une telle convention en vue d'un autre usage.

Deuxième écueil, l'absence de définition du caractère « adaptable » de la salle, qui pourrait poser des difficultés d'interprétation et ne manquerait pas de susciter des contentieux devant le juge administratif. Cette adaptabilité comprend-elle d'ailleurs la notion d'accessibilité ?

Troisième écueil, l'absence de mention précise des cas dans lesquels la commune pourrait légitimement refuser la demande de mise à disposition.

Quatrième écueil, l'ambivalence de la notion de « funérailles républicaines ». L'adjectif « républicain » n'a pas de portée juridique et plusieurs représentants des cultes ont ainsi fait remarquer qu'une cérémonie d'obsèques religieuses n'était pas moins républicaine qu'une cérémonie civile. De fait, en vertu du principe constitutionnel d'égalité devant la loi, la commune pourrait-elle légitimement refuser la demande d'une famille souhaitant louer une salle pour l'organisation d'obsèques religieuses ? Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, une commune peut mettre à disposition d'une association un local pour l'exercice d'un culte, à condition que ce soit de manière temporaire et que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité. La question se pose d'autant plus que certains opérateurs funéraires m'ont indiqué que cela se faisait déjà.

Cinquième écueil, le coût induit pour les communes, qui devraient mettre à disposition, aménager et entretenir gratuitement, sans compensation financière, une « salle adaptable » pour l'organisation de « funérailles républicaines », alors même que les dispositions prévues auraient une incidence marginale sur le coût global des obsèques. Celles-ci nécessiteraient en effet toujours l'intervention d'opérateurs funéraires habilités à assurer le service extérieur des pompes funèbres.

Sixième écueil, le caractère novateur et même singulier de la nouvelle compétence confiée aux officiers de l'état civil. En effet, la célébration de funérailles républicaines ne relèverait pas du champ traditionnel de leurs missions, en principe toujours en lien avec l'établissement ou la publicité d'un acte de l'état civil, qui crée des droits et obligations. Ainsi, la cérémonie conduite dans le cadre du mariage civil par l'officier de l'état civil fait partie intégrante d'un processus juridique. La comparaison avec d'autres types de cérémonies « laïques » ne m'a pas semblé plus pertinente. À cet égard, le caractère obligatoire du « parrainage républicain » n'est toujours pas consacré par la loi, malgré la volonté commune des deux assemblées. Toutefois, il est notable que, dans la version adoptée lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté - disposition censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif -, la cérémonie du « parrainage républicain » était publique, et l'acte de parrainage aurait été conservé dans un registre spécifique distinct du registre de l'état civil, communicable aux tiers.

En outre, préparer et présider une cérémonie funéraire ne s'improvise pas.

En l'état actuel du droit, les fonctions d'un officier de l'état civil ne le qualifient pas pour exercer celles de « maître de cérémonie », qui nécessitent d'avoir suivi une formation sanctionnée par un diplôme. L'une des conditions requises pour bénéficier de l'habilitation préfectorale à exercer le service extérieur des pompes funèbres est l'obligation pour les agents de disposer d'une capacité professionnelle. La disposition prévue introduirait donc une distorsion entre les agents des régies, associations ou entreprises de pompes funèbres, obligés d'être diplômés pour exercer leur profession, et les officiers de l'état civil, qui pourraient conduire une cérémonie d'obsèques sans diplôme ni habilitation en la matière.

Par ailleurs, il est possible de s'interroger sur la latitude laissée aux élus de refuser de procéder à une cérémonie civile. Sur quels critères pourraient-ils accepter de présider une telle cérémonie pour certaines familles et pas pour d'autres ? L'éventuel refus de l'officier de l'état civil pourrait être interprété comme une rupture d'égalité ou une discrimination. Les petites communes pourraient, en outre, rencontrer des difficultés d'application, faute d'officier de l'état civil disponible aux horaires des obsèques organisées.

De surcroît, l'ensemble du contentieux relatif aux attributions exercées par les officiers de l'état civil relève du juge judiciaire, puisqu'il agit sous le contrôle du procureur de la République, alors que le contentieux de la mise à disposition de salles municipales relève de la compétence du juge administratif.

Je partage l'objectif recherché par les auteurs de la proposition de loi. Il importe en effet de prendre en considération le développement des obsèques civiles et le souhait des défunts ou de leurs familles d'organiser une cérémonie qui soit solennelle ou même spirituelle, sans pour autant être religieuse.

Toutefois, aucune évaluation précise ne permet actuellement d'identifier des difficultés particulières et des besoins non satisfaits.

D'après les éléments que j'ai recueillis, nombre de communes mettent d'ores et déjà à disposition une salle, lorsqu'elles en disposent, pour l'organisation d'obsèques civiles, dans le respect des règles de la domanialité publique précitées, et les conditions de cette mise à disposition ne semblent pas poser de difficulté particulière. Il ne me semble donc ni nécessaire ni même utile de légiférer sur le sujet, dès lors que le droit en vigueur permet déjà l'organisation d'obsèques civiles par les communes et que la création d'une nouvelle obligation à leur charge, sans compensation financière, ne s'impose pas.

Les associations d'élus que j'ai consultées m'ont fait part de leur ferme opposition à ces dispositions. L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), pour ne citer qu'elle, est ainsi « opposée à ce que la célébration de funérailles républicaines devienne une obligation supplémentaire à la charge de la commune. » Elle considère que « la mise à disposition d'une salle, lorsque cela est possible, doit relever de la libre administration des communes et de la décision des élus. Elle peut s'effectuer dans la mesure des possibilités de la commune et des règles d'utilisation des salles communales édictées par le conseil municipal. Elle ne saurait par ailleurs être gratuite par principe ». De même, « concernant la sollicitation d'un officier de l'état civil pour procéder à une cérémonie civile, à la demande de la famille, la position est négative. L'AMF est totalement opposée à cette nouvelle obligation qui ne rentre pas dans les missions d'un officier de l'état civil ».

Pour l'ensemble de ces raisons, je propose à notre commission de ne pas adopter la proposition de loi. En application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance porterait alors sur le texte de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Philippe Bas , président . - Je remercie le rapporteur d'avoir procédé à un examen approfondi de l'article unique de cette proposition de loi. Il y a, d'un côté, une question de principe et, de l'autre, l'analyse du texte.

D'une part, nous ne connaissons aucun exemple d'un conflit né à la suite d'un refus d'organiser une cérémonie civile dans une salle municipale pour accompagner une famille en deuil. Nous sommes en train non pas de traiter un problème, mais d'affirmer une position de principe symbolique
- ou de ne pas l'afficher -, et de déterminer si cela justifie une injonction à agir de la commune. D'autre part, les arguments avancés par le rapporteur ont trait à la densité juridique de la disposition proposée, qui pose un certain nombre de problèmes techniques. Si notre assemblée devait s'orienter vers l'adoption d'un tel texte, ce ne pourrait être qu'en l'amendant profondément, notamment en prévoyant non pas une obligation, mais une faculté de mettre une salle communale à disposition, en revenant sur le principe de gratuité et en définissant mieux le rôle du maître de cérémonie assuré par l'officier de l'état civil.

Ce type de texte permet de faire émerger un débat, qui peut aboutir à un consensus sur une démarche de tolérance et de bienveillance à l'égard des familles. C'est ainsi que notre collègue l'a abordé.

M. Alain Richard . - J'ai particulièrement apprécié le moment où le rapporteur a indiqué qu'il était favorable à l'objet de la proposition. Qu'en aurait-il été s'il s'y était opposé ?

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale est très imparfait. Notre mission est d'améliorer la législation plutôt que de l'exterminer. Je pensais qu'il était à la portée de l'excellent juriste qu'est notre rapporteur de fournir des modifications, des perfectionnements à ce texte pour le rendre compatible avec tous les principes qu'il a doctement énoncés. J'en conclus qu'il lui semble impossible de prévoir une obligation encadrée et pondérée, dans le respect du code général de la propriété des personnes publiques, en vue de faciliter la demande des familles non croyantes ou d'offrir un local de célébration pour les religions minoritaires. Or il ne serait pas impossible d'adopter un dispositif facilitant l'organisation de telles cérémonies civiles sans surcharger de façon insupportable les finances des collectivités locales.

M. Philippe Bas , président . - Il vous appartient de faire en sorte que le reproche que vous adressez au rapporteur ne vous soit pas opposé.

M. Alain Richard . - Je ne lui ai fait que des compliments.

M. Philippe Bas , président . - Vous pourrez amender ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je m'exprime au nom de notre ami Jean-Luc Fichet, retenu dans le Finistère, qui est très attaché à ce texte et pratique ces cérémonies dans sa commune.

Nous pensions que ce texte avait quelque chance d'être adopté conforme... Nous en sommes loin. Pourtant, tous les groupes de notre assemblée ont adopté le texte concernant le parrainage républicain, qui a d'ailleurs été intégré dans l'excellent projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Cette disposition n'a pas prospéré parce que le Conseil constitutionnel a jugé qu'elle était sans rapport avec le texte, un point que l'on pourrait d'ailleurs contester.

Pour ma part, je pense aux questions pratiques. Les obsèques religieuses ont le plus souvent lieu dans des lieux religieux ; les crémations se déroulent dans des crématoriums, où les salles sont souvent trop petites ; quant aux inhumations civiles, elles se tiennent au milieu du cimetière. D'où l'idée simple de viser chaque commune, dès lors qu'elle dispose d'une salle municipale adaptable - dans le cas contraire, on demandera à une autre commune.

M. Philippe Bas , président . - Vous dites que le texte ne prévoit pas l'obligation d'organiser ce type de cérémonie quand la commune n'a pas de salle « adaptable ». Les auteurs du texte ont voulu donner un pouvoir discrétionnaire au maire...

M. Jean-Pierre Sueur . - Vous dites cela avec quelque ironie, mon cher collègue et président...

M. Philippe Bas , président . - C'est vrai.

M. Jean-Pierre Sueur . - Mais c'est du bon sens.

Vous avez ajouté, monsieur le rapporteur, qu'il était difficile de comprendre le terme « adaptable » : il faut tout simplement que la salle soit appropriée pour organiser des obsèques. Vous avez parlé de la gratuité. C'est bien sûr une dérogation, mais de nombreuses mairies estiment qu'il est normal de faire ce geste à l'égard des familles endeuillées. Quant à l'officier de l'état civil, il peut procéder à une cérémonie civile - ce n'est pas une obligation, c'est une faculté. Je rappelle, mes chers collègues, que le parrainage républicain se déroule dans des locaux municipaux, avec la présence obligatoire d'un officier de l'état civil.

Nous craignons que ce texte, même amendé, ne revienne pas au Sénat et qu'il soit, selon la formule habituelle, ...

Mme Françoise Gatel . - Enterré.

M. Jean-Pierre Sueur . - En effet. Or, vous le savez, de nombreux concitoyens attendent ce texte. (Protestations) Un certain nombre de nos concitoyens, disais-je, l'attendent.

M. Philippe Bas , président . - Je rappelle que tous nos collègues sont favorables à ce que les communes acceptent de mettre à la disposition des familles, quand elles le demandent, une salle communale pour organiser de telles cérémonies civiles. Telle est d'ailleurs la pratique de nos élus
- heureusement ! Mais la commission des lois doit se poser la question de savoir si ce texte est nécessaire et approprié dans sa rédaction.

M. François Bonhomme . - Le titre de la proposition de loi a une couleur III e République, avec une déclinaison, fût-elle, symbolique de la panoplie républicaine. Il est étonnant de prévoir une nouvelle obligation pour les communes, alors que les maires ne font aujourd'hui aucune difficulté pour mettre à disposition une salle communale afin d'organiser une cérémonie funéraire. Créer cette obligation les mettrait en difficulté. La circonstance n'aide pas parfois à la compréhension mutuelle. Il pourrait y avoir des discussions sur le caractère adaptable de la salle. Et, je le répète, cette réalité est consacrée par la jurisprudence. Qu'apporte ce texte, hormis le tropisme du symbolique, qui sature la vie politique et, singulièrement, le Parlement ? On veut du symbolique partout, moyennant quoi on finit par l'affaiblir.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je ne m'attendais pas à ce type de discussions. Outre le fait de discuter du caractère obligatoire ou non de la mise à disposition d'une salle communale, je pensais que les choses allaient de soi. Personnellement, je me serais rallié aux amendements visant à rendre cette mise à disposition facultative. On fait beaucoup d'histoires pour rien. Comme l'a rappelé Jean-Pierre Sueur, prenons modèle sur le parrainage républicain - certains parlent même de « baptême républicain » -, qui donne toute satisfaction. Toutes les raisons juridiques avancées finissent par me rendre soupçonneux et méfiant.

Le Sénat ne se distinguerait pas en renvoyant d'un revers de main une telle proposition. Aussi, je vous propose un amendement, en vue d'apporter une réponse.

M. Philippe Bas , président . - Mon cher collègue, vous pourrez présenter votre amendement en séance publique, car le délai limite des amendements en commission est dépassé. Mais dites-nous ce que vous voudriez proposer.

M. Pierre-Yves Collombat . - « Chaque commune peut mettre à disposition des familles qui le demandent un local pour l'organisation de funérailles républicaines. Par dérogation au premier alinéa de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, cette mise à disposition est gratuite. La commune apporte son concours à l'organisation de ces funérailles dans les conditions qu'elle juge possibles. »

M. Philippe Bas , président . - Cette proposition méritera discussion. Toutefois, si une disposition législative prévoit que les communes pourront proposer un local, cela signifie a contrario que celles qui l'ont proposé jusqu'à ce jour l'ont fait en toute irrégularité.

M. Pierre-Yves Collombat . - Monsieur le président, faites-moi grâce de ces arguties ! Notre législation regorge de dispositions contenant le terme : « peut ».

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie d'avoir qualifié d'« argutie » l'énoncé d'une règle de droit que je croyais solidement établie, mais votre proposition est intéressante et méritera d'être étudiée le cas échéant pour la séance.

M. Alain Marc . - Au sein de notre groupe, nous sommes nombreux à être ou avoir été des élus locaux. Il nous semble superflu de légiférer dans cette matière. Des communes prêtent des salles même pour des obsèques religieuses liées à des personnalités importantes de la commune pour permettre à tous d'y assister, certaines religions interdisant en effet à leurs adeptes d'entrer dans les églises. Ne saturons pas l'espace politique.

M. André Reichardt . - Moi aussi, je me suis interrogé sur le fait de savoir si cela correspondait aux attentes de nos concitoyens. Je ne crois pas avoir entendu de gilets jaunes le réclamer...

M. Pierre-Yves Collombat . - Certainement pas en Alsace-Moselle...

M. André Reichardt . - J'identifie trois griefs : l'obligation pour la commune, la faculté pour l'officier de l'état civil de présider cette cérémonie et le coût que cela représenterait. J'ai donc déposé quatre amendements pour y remédier. Mais je suis favorable à la proposition du rapporteur de ne pas en débattre en commission. Si nous le faisions, il faudrait remplacer l'obligation pour les communes par une faculté, supprimer la faculté offerte à l'officier de l'état civil de présider la cérémonie et prévoir un financement par l'État.

Mme Françoise Gatel . - Saluons le travail du rapporteur sur une question grave. La loi n'a pas vocation à dire que les choses sont possibles ; son rôle est de déterminer un cadre obligatoire. Ne mettons pas les maires en difficulté. Ils sont souvent aux prises avec des familles en situation de détresse émotionnelle. Ils auraient beaucoup de difficultés à leur dire qu'ils ne peuvent pas libérer une salle. Les familles attendent un peu de solennité et auront forcément tendance à requérir les maires pour présider les cérémonies.

Nous devons bien évidemment respecter les choix personnels de chacun, notamment aux moments très forts de la vie. Mais on ne peut attendre de la République qu'elle mette en oeuvre les moyens pour l'application de ces choix. Les crématoriums fournissent déjà des salles...

M. Pierre-Yves Collombat . - ... en les faisant payer.

Mme Françoise Gatel . - Je doute que les mairies les mettent gratuitement à disposition, compte tenu du coût que cela représente.

Mme Brigitte Lherbier . - À Tourcoing, un président de club de football a organisé les funérailles d'un de ses compatriotes dans la salle de sport municipale pendant les heures de cours des enfants. Il n'avait pas trouvé d'autre salle. Cela a été signalé par les habitants. Il a été licencié et les enfants n'ont plus, aujourd'hui, cette activité. Le sujet est très sensible. On a fermé les yeux et on a beaucoup de soucis.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Je suis très attaché au caractère normatif de la loi. Si nous y dérogeons, le risque est de remplir le code général des collectivités territoriales de facultés diverses et variées, de droit mou. La proposition de loi issue des travaux de l'Assemblée nationale est très imparfaite. M. Sueur m'enjoint de l'améliorer. L'eussé-je fait, j'aurais été conduit à produire un texte beaucoup moins normatif. Mais l'objectif du groupe socialiste et républicain semble être un vote conforme...

Il n'y a pas de bonne solution. J'ai donc proposé de ne pas apporter ici de modification et de laisser le débat avoir lieu en séance publique. Il est impossible de distinguer aussi facilement que les auteurs de la proposition de loi semblent le croire des obsèques religieuses de celles qui ne le seraient pas. Les obsèques qui ne sont pas assurées par les grandes religions françaises peuvent ne pas être dépourvues de caractère spirituel. Dans notre société sécularisée, nos concitoyens ont souvent une spiritualité à la carte. M. Bonhomme a eu raison de parler de symboles. Il faut toucher à cela d'une main tremblante.

Par ailleurs, oui, la question financière est importante ; mais il n'est pas évident de l'aborder car nous ne disposons d'aucune définition du besoin. La Fédération nationale de la libre pensée elle-même s'oppose à une mise à disposition gratuite, et ne voyait pas pourquoi on créerait une obligation nouvelle pour les communes sans compensation financière.

M. Pierre-Yves Collombat . - Un récent rapport du Conseil d'État sur le sujet fait l'éloge du droit mou... Soyons modernes, rajeunissons le droit ! C'est le dernier vice-président du Conseil d'État qui nous y encourage ! ( Sourires )

Je ne suis pas opposé à ce que nous réservions le débat en séance publique. Pour ma part, je remplacerais volontiers la notion de « funérailles républicaines » par celle de « funérailles laïques », plus proches de ce que nous visons. Il est légitime de vouloir donner de la solennité à des événements de la vie, sans avoir à le faire dans un cadre religieux, à l'image du parrainage républicain.

M. Philippe Bas , président . - Je suis d'accord pour rajeunir le droit, mais pas pour l'affaiblir.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-5 supprime l'article unique de la proposition de loi. Il poursuit le même objectif que le mien, mais par d'autres moyens. Avis favorable. S'il était adopté, les autres amendements deviendraient sans objet et si leurs auteurs le souhaitent, ils pourraient les déposer de nouveau en séance parce que nous discuterons du texte adopté par l'Assemblée nationale.

M. Philippe Bas , président . - Qu'en pensez-vous, chers collègues ?

M. Pierre-Yves Collombat . - À bas la calotte !

L'amendement COM-5 est adopté et l'article unique est supprimé. Les amendements COM-1 , COM-6 , COM-2 et COM-4 deviennent sans objet.

Article additionnel après l'article unique

L'amendement COM-3 devient sans objet.

La proposition de loi n'est pas adoptée par la commission.

M. Philippe Bas , président . - Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera sur le texte de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. GRAND

5

Suppression de l'article unique de la proposition de loi visant à instituer des funérailles républicaines

Adopté

M. REICHARDT

1

Substitution d'une faculté à l'obligation de mise à disposition d'une salle municipale « adaptable » pour l'organisation de « funérailles républicaines »

Satisfait ou sans objet

M. Alain MARC

6

Versement d'une redevance en contrepartie de la mise à disposition de la salle en lieu et place du principe de gratuité

Satisfait ou sans objet

M. REICHARDT

2

Suppression de la nouvelle mission de célébration d'une cérémonie civile confiée à l'officier de l'état civil

Satisfait ou sans objet

M. REICHARDT

4

Compensation de la charge nouvelle pour les communes par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement gagée

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article unique

M. REICHARDT

3

Compensation de la charge nouvelle pour les communes par un prélèvement sur recettes gagé

Satisfait ou sans objet

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