B. LES MESURES D'AIDE AUX ENTREPRISES

1. Le fonds de solidarité

Créé par une ordonnance du 25 mars 2020 113 ( * ) et doté par l'État de 8 milliards d'euros environ, le fonds de solidarité vise à compenser financièrement les pertes de chiffre d'affaires subies par les entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques de l'épidémie de Covid-19.

Ses modalités de fonctionnement (critères d'éligibilité, montant des aides, etc .) sont fixées par un décret du 30 mars 2020 114 ( * ) , modifié à plusieurs reprises pour tenir compte de l'évolution de la situation économique et sanitaire.

Le fonds repose désormais sur les deux volets suivants :

- une aide pouvant atteindre jusqu'à 1 500 euros pour les entreprises de moins de 20 salariés qui agissent dans l'un des secteurs référencé en annexe 1 dudit décret, qui sont les plus touchés (hôtels, restaurants, traiteurs, arts du spectacle vivant, gestion des musées, transport aérien, etc .). Les entreprises dont le secteur d'activité figure dans l'annexe 2 du décret peuvent également bénéficier de cette aide, sous réserve d'avoir perdu au moins 80 % d'activité ;

- une aide complémentaire, instruite par les conseils régionaux, pouvant atteindre 2 000, 3 500 ou 5 000 euros selon le chiffre d'affaires réalisé lors du dernier exercice clos . Le montant de cette aide est porté à 10 000 euros pour les entreprises exerçant dans les secteurs de l'annexe 1 du décret et pour celles relevant de l'annexe 2 et ayant subi une perte de plus de 80 % de leur chiffre d'affaires.

Par ailleurs, les conseils départementaux, EPCI à fiscalité propre et communes peuvent décider l'octroi d'aides supplémentaires aux entreprises bénéficiaires du deuxième volet du fonds.

Une modification des critères d'éligibilité au fonds a été annoncée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance le 15 octobre 2020, pour tenir compte de la mise en place d'un couvre-feu . D'une part, toutes les entreprises de moins de 50 salariés situées dans les zones de couvre-feu auront accès à l'aide pouvant atteindre 1 500 euros (premier volet du fonds) si leur perte de chiffre d'affaires atteint 50 %. D'autre part, l'aide complémentaire pouvant atteindre 10 000 euros (deuxième volet) sera accessible aux entreprises de moins de 50 salariés faisant face à une baisse de 50 % de leur activité, et non plus 70 % (le 9 octobre, le ministre avait en effet déjà annoncé une première baisse du seuil de chiffre d'affaires de 80 à 70 %, évolution qui n'avait pas encore été formalisée dans le décret lorsque le couvre-feu a été annoncé).

Le fonds, initialement créé pour une durée de trois mois, a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2020 par ordonnance en date du 10 juin 2020 115 ( * ) .

Il ne fait aucun doute que les difficultés économiques des entreprises seront toujours vives au 31 décembre 2020, compte-tenu de l'aggravation de la situation sanitaire et des mesures prises pour y répondre. Entre le 30 juin et le 30 septembre 2020, en effet, alors que le confinement était terminé et que seuls quelques secteurs étaient toujours interdits d'accueil du public, 1,2 milliard d'euros de crédits du fonds a été consommé, illustrant ainsi les difficultés structurelles auxquelles font face les PME. L'édiction de mesures fortes, comme le couvre-feu, ainsi que leur extension à de nouveaux territoires augmenteront les besoins de trésorerie des entreprises dans les mois à venir. Il est par conséquent essentiel de prévoir dès aujourd'hui une nouvelle prolongation du fonds, au moins jusqu'au 31 mars 2021.

L'article 40 de la Constitution interdisant au Parlement d'aggraver une charge publique, la commission alerte le Gouvernement sur la nécessité qu'il procède au plus vite à cette extension dans le temps du dispositif, afin notamment de rassurer les entrepreneurs et de leur octroyer plus de visibilité .

2. L'octroi d'avances en compte courant

L'ordonnance n° 2020-740 du 17 juin 2020 relative à l'octroi d'avances en compte courant aux entreprises en difficulté par les organismes de placement collectif de capital investissement et les sociétés de capital-risque a été prise sur le fondement du a du 1° du I de l'article 11 de la loi d'urgence du 23 mars 2020, qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances des dispositions mettant en place des mesures de soutien à trésorerie des entreprises en difficulté .

Son objectif est d'apporter un soutien financier aux entreprises en dérogeant aux règles applicables à l'octroi d'avances en compte courant par certains véhicules d'investissement, qui sont :

- les fonds communs de placement à risques définis à l'article L. 214-28 du code monétaire et financier ;

- les fonds communs de placement dans l'innovation régis par l'article L. 214-30 du même code ;

- les fonds d'investissement de proximité régis par l'article L. 214-31 du même code ;

- les fonds professionnels de capital investissement régis par l'article L. 214-160 du même code ;

- les sociétés de libre partenariat dont les règles d'investissement sont celles applicables aux fonds professionnels de capital investissement, régis par l'article L. 214-162-1 du même code ;

- les sociétés de capital-risque.

Concrètement, une avance en compte courant constitue un prêt accordé par un actionnaire afin de pallier un besoin ponctuel de trésorerie de la société . Cette avance correspond alors à une dette de la société envers son actionnaire.

L'ordonnance du 17 juin 2020 vise à faciliter ces avances en compte courant de deux façons .

D'une part, elle relève le plafond de l'actif de ces organismes de placement collectif pouvant être composé d'avances en compte courant . Le I de l'article 1 er de l'ordonnance le porte de 15 % à 20 % pour les fonds de capital investissement, tandis que les II et III du même article le portent de 15 % à 30 % pour les fonds professionnels de capital investissement et les sociétés de libre partenariat.

Le IV de l'article 1 er limite le bénéfice de cet élargissement aux avances en compte courant autorisées jusqu'au 31 décembre 2020, et aux sociétés dont le chiffre d'affaires a baissé d'au moins 10 % entre le 1 er mars 2020 et le 30 avril 2020 par rapport à la même période au cours de l'année précédente.

D'autre part, le 3° du IV de l'article 1 er permet de consentir des avances en compte courant à toutes les entreprises dans lesquelles les organismes de placement collectif visés détiennent une participation .

Eu égard à la recrudescence de l'épidémie, les conséquences économiques de la crise sanitaire devraient peser plus longtemps qu'initialement anticipé sur les trésoreries des entreprises, en particulier celles des petites et moyennes entreprises récemment créées. Compte tenu des incertitudes quant à l'évolution des besoins en trésorerie de ces entreprises, les dispositions de l'ordonnance pourraient encore évoluer, notamment sur les plafonds dérogatoires .

Par conséquent, dans la mesure où des modifications pour améliorer les dispositifs de soutien à la trésorerie des entreprises méritent d'être soutenues et où l'habilitation proposée par le présent article semble à ce titre justifiée , il est proposé de la conserver en l'état à ce stade, tout en espérant disposer d'informations plus précises du Gouvernement sur ses intentions d'ici la séance publique.

3. La protection contre les impayés de loyers et de factures d'eau, d'électricité ou de gaz

Le g du 1° du I de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d'être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises affectées par la propagation de l'épidémie.

Les mesures prises sur le fondement de cette habilitation figurent parmi celles susceptibles d'être prolongées, rétablies ou adaptées, par voie d'ordonnance, en application de l'article 4 du projet de loi dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Seule a été prise sur ce fondement l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19.

Cette ordonnance, applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique susceptible de bénéficier du fonds de solidarité et satisfaisant aux conditions d'effectifs, de chiffre d'affaires et de perte de chiffre d'affaires fixées par décret, comportait :

- d'une part, des dispositions visant à protéger ces entreprises contre certaines des sanctions encourues en cas de non-paiement ou de retard de paiement des loyers et charges locatives afférents à leurs locaux professionnels ou commerciaux , qui oubliaient étrangement certaines sanctions de droit commun telles que la résiliation unilatérale ou judiciaire du bail, ou encore l'engagement de voies d'exécution forcée 116 ( * ) ;

- d'autre part, des dispositions interdisant aux fournisseurs d'électricité, de gaz et d'eau potable de suspendre, d'interrompre ou de réduire la fourniture de fluides en raison du non-paiement de leurs factures par ces entreprises, et imposant aux fournisseurs d'eau potable ainsi qu'à la plupart des fournisseurs d'énergie de consentir à ces mêmes entreprises des délais de paiement .

Les dispositions relatives aux loyers ayant été reprises, dans une rédaction sensiblement améliorée, à l'article 6 du projet de loi, la nouvelle habilitation demandée par le Gouvernement perdait en partie sa raison d'être.

À l'initiative du rapporteur, la commission a choisi de supprimer cette habilitation et d' inscrire directement, à l'article 6 du projet de loi, des dispositions analogues à celles adoptées au printemps en ce qui concerne les impayés de factures d'eau, d'électricité et de gaz. Comme celles relatives aux impayés de loyers, ces dispositions bénéficieront aux entreprises dont l'activité est affectée par une mesure de police prise en application de l'état d'urgence sanitaire et jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la date à laquelle leur activité cessera d'être ainsi affectée.

4. Le soutien aux entreprises des secteurs du voyage, du spectacle et du sport

Le Gouvernement sollicite, à l'article 4 tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, une habilitation à légiférer par ordonnances pour « rétablir » ou « adapter » des dispositions prises sur le fondement du c du 1° du I de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 pour modifier « dans le respect des droits réciproques, les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l'égard de leurs clients et fournisseurs ainsi que des coopératives à l'égard de leurs associés-coopérateurs, notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties, en particulier en ce qui concerne les contrats de vente de voyages et de séjours mentionnés aux II et III de l'article L. 211-14 du code du tourisme prenant effet à compter du 1er mars 2020 et les prestations relevant des séjours de mineurs à caractère éducatif organisés dans le cadre de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles. »

Sur ce fondement, le Gouvernement a pris deux ordonnances 117 ( * ) permettant aux professionnels du tourisme, du spectacle ou du sport de proposer à leur client , en cas de résolution d'un contrat de vente , un avoir en lieu et place du remboursement intégral de la prestation exigé par le droit commun.

La commission a adopté un amendement COM-69 permettant d'ouvrir, jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire tel que prorogé dans les conditions de l'article L. 3131-14 du code de la santé publique, une nouvelle période d'application de ces dispositions .

Elle a estimé que cet assouplissement du droit commun, tout en soulageant la trésorerie d'entreprises très affectées par la crise sanitaire , paraissait suffisamment protecteur des intérêts des consommateurs , puisqu'à défaut de la conclusion d'un nouveau contrat dans un délai de dix-huit ou vingt et un mois, selon le cas, les sommes versées doivent être intégralement remboursées.

Dès lors, l'habilitation demandée à cet effet par le Gouvernement à l'article 4 n'aurait plus lieu d'être. La commission l'a donc parallèlement supprimée en adoptant l' amendement COM-53 .


* 113 Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

* 114 Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

* 115 Ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

* 116 Il est vrai que l'état des juridictions civiles et des études d'huissier de justice au printemps 2020 ne permettait guère aux bailleurs d'agir en résolution du bail ou d'engager des poursuites.

* 117 Ordonnances n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure et n° 2020-538 du 7 mai 2020 relatif aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport.

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