B. LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DES MINISTÈRES ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS : DES CRÉDITS EN BAISSE, MAIS DES MISSIONS AU CoeUR DE LA TRANSFORMATION DES ADMINISTRATIONS

Programme à l'ampleur budgétaire la plus limitée, 942 millions d'euros en crédits de paiement en 2021, soit un peu plus de 9 % du total de la mission, le programme 218 est cependant essentiel, puisqu'il porte les politiques de coordination et de pilotage de niveau interministériel .

Le secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la relance (MEFR), dont les crédits sont portés par ce programme, s'est retrouvé particulièrement mobilisé en 2020 du fait de la crise sanitaire et des transformations engagées au sein du ministère , et notamment celles concernant la DGFiP et la Douane (réorganisation du réseau, mission « France recouvrement »). Il est ainsi chargé du suivi du plan de transformation ministériel (PTM), présenté en juin 2020 pour ce qui relevait alors du ministère de l'action et des comptes publics. Le secrétariat général, qui doit en effet coordonner, pour son périmètre de compétence, les différents PTM, s'est doté d'une cellule de coordination spécifique à cet effet, mais aussi de moyens supplémentaires pour en assurer le suivi, en dépit d'un budget en baisse en 2021 (- 0,9 % en crédits de paiement).

1. Un rôle de coordination durant la crise sanitaire

Pour chacun des ministères, les secrétaires généraux sont également les hauts fonctionnaires de défense et de sécurité. En situation de crise, ils sont donc amenés à jouer un rôle de coordonnateur. Comme l'a expliqué la secrétaire générale du MEFR, Mme Barbat-Layani, aux rapporteurs spéciaux lors de son audition, cette coordination revêt un aspect interne - coordonner l'organisation du ministère face à la pandémie - et externe , puisque le secrétariat général a soutenu la cellule de continuité économique, chargée de coordonner la réponse du Gouvernement à la crise.

La gestion de la crise sanitaire a illustré l'importance de disposer d'une administration capable, au sein d'un ministère, de pouvoir mobiliser l'ensemble des fonctions supports et des administrations pour assurer la continuité du service public. Ainsi, en interne :

- le secrétariat général a supervisé la mise en oeuvre des plans de continuité d'activité (PCA) en définissant quatre niveaux de priorité dans les missions assurées par le ministère. Le PCA détermine la part des effectifs de l'administration qui peut être placée en télétravail ou pour qui la présence physique est requise. Ceux dont les tâches ne sont ni prioritaires ni réalisables à distance ont pu bénéficier d'une autorisation spéciale d'absence. Le soutien des crédits du programme 218 au télétravail trouve une traduction directe dans ses indicateurs de performance : ainsi, le ratio d'efficience bureautique est attendu en hausse en 2020 (815 euros contre 750 euros en prévision et 771 euros en 2019), du fait de l'achat de matériel nomade, plus onéreux. Il devrait rester à un niveau similaire en 2021, le secrétariat général ayant décidé de poursuivre cet effort ;

- le secrétariat général s'est fortement impliqué, avec la direction des achats de l'État, dans les programmes destinés à acheter des masques grands publics . Les rapporteurs spéciaux admettent, au regard de la crise que nous traversons, que ce dernier point n'a peut-être pas entièrement donné satisfaction mais pour des raisons qui relevaient davantage du manque de préparation du Gouvernement et de sa méconnaissance des systèmes d'achat à l'étranger ;

- il a enfin participé au maintien d'un dialogue social très approfondi et en temps réel durant toute la période de crise. Ce dialogue portait tant sur les modalités d'organisation du travail que sur les mesures de prévention à mettre en place pour protéger les agents publics, tout en maintenant un niveau de service de qualité.

Les plans de continuité d'activité ne se sont appliqués que durant la période du premier confinement. Depuis, le recours au télétravail s'est fortement accru , d'autant plus avec le second reconfinement. Il est surtout, du point de vue des moyens, mieux organisé. Lors de son audition, la secrétaire générale du MEFR a reconnu que le télétravail avait été mis en place durant le premier confinement avec « les moyens du bord », d'où les efforts depuis en termes d'achat de matériel. Pour les rapporteurs spéciaux, la crise aura au moins contribué à renforcer la capacité des administrations à répondre à une situation de crise et les aura incitées à moderniser leurs modes d'organisation du travail .

2. Des chantiers de modernisation à poursuivre

Si les rapporteurs spéciaux saluent la réactivité du ministère et ses adaptations en période de crise, ils se sont également enquis des conséquences de la crise sanitaire sur les grands projets de transformation suivis par le secrétariat général , parmi lesquels les rapporteurs spéciaux distinguent :

- la réforme du réseau de la direction générale des finances publiques (DGFiP), inscrite dans le plan de transformation ministériel et qui doit être achevée ;

- la mise en oeuvre de la loi pour la transformation de la fonction publique 8 ( * ) , qui relève, pour son pilotage, du secrétariat général. La traduction concrète et opérationnelle de ce cadre législatif couvre de très nombreux sujets : le recrutement, les rémunérations, les règles déontologiques ou encore l'organisation du dialogue social ;

- le plan de réduction des coûts , le ministère ayant adopté à la fin du mois de septembre un plan interministériel d'achats , qui vise une économie sur les achats de l'État d'un milliard d'euros . Ce plan sera opéré par la direction des achats de l'État, sans cible prédéterminée d'économies par ministères. La mutualisation des achats constitue en effet un gisement d'économies significatif , que ce soit sur la négociation des contrats d'entretien ou de nettoyage ou sur l'achat « en gros », à rebours de la logique d'achats par « petits blocs », plus coûteuse pour l'État. Jusqu'ici, le niveau des économies s'est avéré plutôt décevant (270 millions d'euros en 2019) mais présente une forte progression (133 millions d'euros en 2018, une prévision actualisée à 400 millions d'euros pour 2020). Les rapporteurs spéciaux soutiennent la poursuite de la logique de mutualisation, qui participe de la professionnalisation de la fonction achat de l'État ;

- le suivi des objets de la vie quotidienne . Chaque plan de transformation ministériel doit en effet identifier des axes de transformation, qui sont ensuite déclinés en « chantiers ». Parmi eux, certains sont labellisés au titre des « objets de la vie quotidienne » et donc jugés prioritaires. Pour les administrations de la mission, il s'agit du prélèvement à la source, du droit à l'erreur, de la transparence sur les résultats des services publics et de l'amélioration et de la diversification du recrutement dans la fonction publique ;

- l' amélioration du niveau d'équipement des agents pour le travail à distance , une priorité renforcée avec la crise sanitaire . Une partie des dépenses informatiques du programme y sont dédiées (7,3 millions d'euros en 2021), avec l'objectif de doter 80 % des agents en administration centrale de matériel nomade d'ici la fin de l'année 2021 ;

- et, plus récemment, le développement d'un plan « Bercy vert » pour répondre à la circulaire du Premier ministre sur les engagements de l'État pour des services publics écoresponsables 9 ( * ) . Dans le cadre de ce plan, le secrétariat général a participé à l'appel à projets de l'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » 10 ( * ) . Quatre milliards d'euros sont en effet octroyés à la rénovation thermique des bâtiments publics. Les deux appels à projets, dont un était réservé aux établissements publics de l'enseignement supérieur, se sont clos le 8 octobre 2020 et les projets retenus devraient être présentés d'ici le 30 novembre 2020. Le secrétariat général a présenté deux types de projets : un plus structurant de rénovation du bâtiment et un second plus innovant et de plus petite taille, visant à l'installation de petites éoliennes sur les toits des bâtiments du ministère afin d'augmenter son autonomie énergétique.

D'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, les plans de continuité d'activité, centrés sur le maintien des activités absolument essentielles, ont conduit à ralentir la mise en oeuvre de certains projets, réformes ou missions , voire à décaler ceux qui perdaient de leur pertinence. Le schéma de réduction des effectifs de la direction générale des entreprises (DGE) a par exemple été reporté de 2021 à 2022 du fait de la mobilisation de la DGE dans les dispositifs de soutien à l'économie face à la crise sanitaire.

Le nouveau confinement pourrait à nouveau allonger les délais de mise en oeuvre . Toutefois, en dépit de ces ralentissements, les réformes concernant la DGFiP et la DGDDI, entamées dès 2019 pour certaines, n'ont quant à elles été ni reportées, ni annulées . Elles seront examinées de manière plus approfondie en seconde partie.

Au regard de ces ambitions affichées par le secrétariat général du MEFR en matière de transformation et de modernisation des administrations, les rapporteurs spéciaux se sont inquiétés de la baisse des crédits du programme 218 (- 0,9 %, à 942 millions d'euros) et notamment de la diminution très nette des crédits dédiés à l'action 08 « Accompagnement du changement de l'action publique » (- 9,8 %). Selon les informations recueillies auprès du secrétariat général, cette baisse provient de la réduction des crédits alloués au titre du Fonds de transformation ministériel . Celui-ci, déployé sur cinq ans, prévoyait en effet un déblocage plus important des crédits en 2020, pour jouer un rôle d'accélérateur sur les projets en cours. Il faudra donc s'assurer de la bonne exécution de ces crédits, en dépit de la crise sanitaire.

3. Un défi à l'échelle du ministère : la gestion des ressources humaines

Compte tenu du poids des dépenses de personnel dans la mission et, plus généralement, au sein du ministère de l'économie, des finances et de la relance, les ressources humaines constituent certainement un enjeu de gestion prioritaire .

Au-delà de la mise en application de la loi pour la transformation de la fonction publique, les rapporteurs spéciaux soulignent que les administrations du ministère sont confrontées à des enjeux communs de gestion des compétences et de recrutement de profils spécialisés et rares, notamment dans le domaine du numérique . Dans les deux cas, le secrétariat général du ministère est amené à jouer un rôle d'impulsion et de coordination.

a) Sur la gestion des compétences

Dans ses rapports sur la gestion des agents publics et des fonctionnaires de l'État, la Cour des comptes recommande fréquemment de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois, des compétences et des crédits de personnel (GPEC) 11 ( * ) . Selon elle, cela doit permettre de mieux anticiper les mouvements de personnel (par exemple les départs en retraite, généralement sous-estimés à la DGFiP), ainsi que les besoins et les compétences des administrations à court et à moyen terme.

Lors de son audition, la secrétaire générale du MEFR s'est montrée plutôt ambivalente sur cette recommandation . D'une part, elle reconnait que c'est un bon outil pour les grandes directions, d'autre part, elle refuse d'en faire un « instrument magique ». Les rapporteurs spéciaux partagent cette prudence : un GPEC peut se montrer trop rigide alors que la crise sanitaire a montré le besoin de flexibilité et d'ajustement rapide aux nouvelles missions. La direction générale des entreprises a par exemple pu s'appuyer sur des compétences spécifiques pour gérer les mesures d'urgence et de relance durant la crise sanitaire et économique. C'était bien évidemment impossible à anticiper il y a encore un an.

Cette note de prudence ne veut pas dire que le ministère reste à l'écart de toute évolution susceptible de faciliter la gestion des compétences. Le secrétariat général a au contraire développé un système d'information permettant, pour les agents de catégorie A, leurs directeurs et les services de ressources humaines, de consulter leurs dossiers et compétences jusqu'ici conservés sous « format papier ». Elle a également défini un schéma prioritaire pour certains métiers et des schémas types de GPEC . Le service des ressources humaines, sous l'autorité du secrétariat général, peut ensuite accompagner les directions sur le plan méthodologique (identification des besoins métiers) et sur le plan opérationnel (s'assurer de la cohérence des besoins métiers et des plans d'actions).

Les rapporteurs spéciaux considèrent que ces évolutions sont essentielles à l'amélioration de la gestion des ressources humaines par la DGFiP et la DGDDI, qui représentent à elles deux près de 115 000 ETPT.

b) Sur le recrutement de compétences rares et spécialisées

Alors que la DGFiP et la DGDDI font face à un problème de recrutement dans les domaines informatique et numérique 12 ( * ) , les rapporteurs spéciaux relèvent que ce problème se pose plus généralement à l'échelle du ministère. Des structures comme Tracfin ont également besoin, pour gérer l'afflux de données qu'elles reçoivent, de profils plus spécialisés, par exemple dans le datamining . Or, comme l'ensemble des secrétariats généraux, celui du MEFR a indiqué à la Cour des comptes ne pas disposer de ressources en personnel qualifié nécessaires pour mener ses projets numériques 13 ( * ) .

Le recrutement de compétences rares est donc un enjeu porté et suivi par le secrétariat général, afin d' harmoniser les procédures applicables à l'ensemble des administrations du ministère . Mme Barbat-Layani a ainsi souligné que, sur le recrutement des compétences spécialisées, le SG devait encore poursuivre ces travaux. Il entend définir de nouvelles modalités permettant à la fois d' offrir des rémunérations attractives , d' accélérer les recrutements et de proposer des perspectives de carrières décloisonnées , hors administration d'accueil, voire hors ministère. Pour que cela soit efficace, il faut également que le SG puisse s'imposer face aux directions opérationnelles du ministère.

Rapidité du recrutement, salaires et carrières sont en effet les trois aspects sur lesquels la fonction publique est moins compétitive que le secteur privé . Ce sont les trois points mis en exergue par la Cour des comptes dans un chapitre de son rapport public annuel 2020 consacré au recrutement des personnels qualifiés pour réussir la transformation numérique 14 ( * ) . Elle relève, comme les rapporteurs spéciaux, que des marges de progrès demeurent pour que le ministère de l'économie, des finances et de la relance parvienne à s'assurer à long-terme un vivier de compétences. Sur les rémunérations au moins, une grille exorbitante du droit commun a été mise en place, en lien avec la direction interministérielle du numérique (Dinum). L'application de la grille, validée en amont par le contrôleur budgétaire et comptable du ministère, permet ensuite d'accélérer le recrutement.


* 8 Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 9 Circulaire du Premier ministre sur les engagements de l'État pour des services publics écoresponsables, 25 février 2020.

* 10 Pour une description plus détaillée de cet appel à projets, se reporter à l'annexe « Plan de relance » du tome III du Rapport général n° XXX (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le XXX.

* 11 Voir par exemple le rapport de la Cour des comptes sur « l'affectation et la mobilité des fonctionnaires de l'État. Pour une gestion plus active afin de mieux répondre aux besoins des usagers » dans le rapport public thématique de 2019 (septembre 2019).

* 12 Ce point avait fait l'objet d'une analyse approfondie des rapporteurs spéciaux Thierry Carcenac et Claude Nougein lors de l'examen de la mission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Ils relevaient notamment le fort taux de renouvellement des informaticiens à la DGDDI (14 %), ainsi que les vacances de poste et la difficulté à pouvoir les postes d'informaticiens par concours
(80 % des postes n'ont pas été pourvus en 2018).

* 13 Communication de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat sur le pilotage des grands projets numériques de l'État (juillet 2020).

* 14 Cour des Comptes, Rapport public annuel pour 2020 : « Disposer des personnels qualifiés pour réussir la transformation numérique : l'exemple des ministères économiques et financiers » (février 2020).

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