II. LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES ET LA DIRECTION GÉNÉRALE DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS : DES PROCESSUS DE TRANSFORMATION À POURSUIVRE, DES RÉFORMES À ACHEVER

Comme les rapporteurs spéciaux l'ont rappelé , le niveau d'ouverture des autorisations d'engagement et des crédits de paiement sur la mission n'a été que peu affecté par la crise sanitaire et économique , même s'il a pu être procédé à des ajustements au sein même de chacune des actions. Les deux grandes directions de la mission, la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) poursuivent les processus de transformation entamés ces dernières années . Elles sont en effet toutes deux confrontées à des enjeux de nature similaire, même si les réponses apportées peuvent être différentes et amènent à redéfinir les contours de leurs missions.

Après avoir analysé l'adaptation de la DGFiP et de la DGDDI à la crise sanitaire, et les ajustements qui en ont résulté, les rapporteurs spéciaux examineront leurs crédits et leurs missions à l'aune des priorités mises en avant dans le plan de transformation ministériel .

Le plan de transformation ministériel

Le plan de transformation ministériel a été publié en juin 2020 et couvre le périmètre de ce qui était alors le ministère de l'action et des comptes publics. C'est sur ce plan que s'appuient aujourd'hui la DGFiP et la DGDDI pour se moderniser. Déclinés en 26 chantiers, les sept axes de transformation retenus sont les suivants* :

1. la modernisation du recouvrement de l'impôt et son contrôle ;

2. la mise en oeuvre de la loi Essoc, qui comprend notamment la création d'un indicateur intégré retraçant pour la DGFiP et la DGDDI le taux de réponse aux demandes de rescrit dans les délais règlementaires ;

3. la modernisation des missions douanières , dont fait partie la préparation au Brexit ;

4. la réforme de la fonction publique ;

5. la réorganisation des réseaux territoriaux du ministère de l'action et des comptes publics ;

6. le déploiement d'une nouvelle gestion publique ;

7. le suivi du programme de transformation publique.

* Les cinq axes soulignés concernent prioritairement la DGFiP et la DGDDI.

A. A. LA CRISE SANITAIRE : UN DÉFI ORGANISATIONNEL ET FONCTIONNEL POUR LA DGFIP ET LA DGDDI

1. La DGFiP face à la crise sanitaire : de nouvelles missions au service des dispositifs de soutien à l'économie

Avec la crise sanitaire et économique, la DGFiP a dû répondre à une double demande :

- assurer l'intégralité de ses fonctions essentielles . Durant le confinement, le plan de continuité d'activité de la DGFiP avait conduit à réduire la mobilisation de certains services, à l'exception de ceux chargés des aspects de gestion publique et de gestion fiscale, locale comme nationale. 20 % des agents environ étaient en présentiel, 20 % en télétravail, le reste des effectifs en autorisation spéciale d'absence 15 ( * ) . Certains, comme les agents du contrôle fiscal, ont été partiellement et temporairement redéployés sur d'autres missions, par exemple pour répondre aux appels téléphoniques dans le cadre de la campagne de la déclaration d'impôt sur le revenu. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, avec la reprise de l'ensemble des activités de la DGFiP. Entre les mois de février et de mai 2020, le nombre de télétravailleurs à la DGFiP a été multiplié par cinq fois et demie (de 6 000 à 32 000 agents) 16 ( * ) . En période normale, le taux visé par la DGFiP est de 10 % d'ici 2022 ;

- se mobiliser sur des dispositifs de soutien à l'économie qui ne correspondaient pourtant pas tout à fait à son périmètre classique d'intervention . Il s'agissait par exemple de traiter rapidement les demandes de report d'impôt des entreprises ou d'assurer un système de veille comptable sur les entreprises, sur les hôpitaux ou encore sur les collectivités territoriales. La mise en place de dispositifs tels que le fonds de solidarité, qui prend une nouvelle ampleur avec le reconfinement, a également été confiée à la DGFiP, qui a su agir rapidement et lisiblement, en publiant par exemple un guide pratique à l'usage des bénéficiaires et en l'actualisant au gré des évolutions législatives et règlementaires.

Dans l'exercice de ses nouvelles fonctions, la DGFiP a également dû adapter ses modalités et instruments de travail . Par exemple, il n'y a que très peu de contrôles a priori pour les recours au fonds de solidarité, l'impératif étant d'apporter le plus rapidement possible une aide aux personnes et entités éligibles (en moins de 48 heures pour la très grande majorité des dossiers).

Les rapporteurs spéciaux relèvent enfin que, d'après les indicateurs de performance du programme, la mission de recouvrement de la DGFiP serait légèrement affectée par la crise . Le taux brut de recouvrement des impôts particuliers non prélevés à la source et le taux de paiement des amendes seraient en baisse en 2020, les prévisions ayant été respectivement révisées de 98,5 % à 98,3 % et de 74 % à 66 %. En effet, les procédures d'action de mise en recouvrement forcé ont été suspendues pendant une période de 13 semaines à compter du début du confinement, ce qui se traduit mécaniquement sur les taux de recouvrement constatés.

2. La DGDDI : répondre à la crise sanitaire, continuer à se préparer au Brexit

Lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, la directrice générale des douanes et des droits indirects, Mme Braun-Lemaire, a expliqué que, pour son administration, la crise sanitaire et économique et les reports du Brexit avaient engendré des difficultés similaires en termes de redéploiement et de gestion des effectifs . Elle a donc pu s'inspirer de l'expérience des seconds pour gérer la première.

La crise sanitaire a conduit à une baisse brutale de l'activité à laquelle la direction a dû répondre sans pour autant placer l'ensemble de ses agents en autorisation spéciale d'absence . L'activité dans les ports et les aéroports a chuté, notamment pour le transport passager. A l'inverse, les agents en charge du fret (fret express et livraison) ont été très mobilisés et ont même dû faire face à une augmentation de leurs activités, par exemple avec la livraison de masques et autre matériel médical. Les agents en charge du contrôle voyageur dans les aéroports ont quant à eux été redéployés sur les contrôles terrestres (routiers).

Les reports successifs du Brexit avaient conduit à une difficulté identique . Alors que, le 28 octobre 2019, les 600 personnels recrutés pour répondre au Brexit et assurer la fluidité des échanges entre la France et le Royaume-Uni devaient être appelés sur leur lieu d'affectation, le Brexit a été repoussé d'un an et deux mois, au 1 er janvier 2021. Les effectifs se sont donc retrouvés sans affectation précise, à ne pas pouvoir exercer les tâches pour lesquelles ils avaient été formés . Sur ces 600 personnes, 120 devaient être affectés aux bureaux de Calais et de Dunkerque, ouverts exclusivement pour le Brexit, et 480 étaient dans des bureaux mixtes, où ils ont pu participer à d'autres activités. La décision avait également été prise de reporter à 2020 le recrutement des 100 derniers ETP prévus pour consolider les effectifs de la Douane en vue du Brexit. Aujourd'hui, les 120 personnes redéployées sont en cours de réaffectation sur les bureaux précités. En attendant que ces réaffectations soient définitives, la Douane dispose d'un vivier d'agents mobiles capables d'occuper l'ensemble des postes.

En constatant que le schéma d'emploi du programme 302 était négatif pour 2021 (- 178 ETP), les rapporteurs spéciaux se sont d'abord inquiétés de cette prévision, à la veille du Brexit, un bouleversement considérable pour la Douane. Or, comme l'a souligné Mme Braun-Lemaire, la crise sanitaire a finalement eu pour effet d'apaiser les inquiétudes de l'administration quant à sa capacité à faire face au rétablissement de la frontière entre la France et le Royaume-Uni et à ses conséquences en termes de trafics . La crise sanitaire et économique a en effet entrainé une diminution considérable des échanges et du trafic, routier comme maritime, réduisant par là-même le risque d'embouteillages tant redouté. La DGDDI préfère donc disposer d'un peu plus de recul avant de procéder à de nouveaux recrutements, pour ne pas se retrouver une nouvelle fois dans une situation où des effectifs seraient recrutés en surnuméraire . La Douane a donc demandé un nouveau report du recrutement de ces 100 ETP, pour 2021 . Ils sont inclus dans la prévision actuelle du schéma d'emplois (- 178 ETP).

La DGDDI considère que les reports successifs, et l'impact de la crise sanitaire sur les échanges et le trafic lui permettront de gérer les premiers mois du Brexit d'une manière relativement fluide. Elle peut s'appuyer pour cela sur l'important travail mené ces dernières années en termes de dématérialisation des procédures et des formalités déclaratives (97 %, avec une cible à 98 % en 2021). La dématérialisation des opérations de dédouanement permet de réduire le temps de passage, mais aussi d'en réduire le coût pour les opérateurs. Le délai moyen d'immobilisation des marchandises était de 2 minutes et 26 secondes en 2019, contre 13 minutes en 2004 17 ( * ) . L'enjeu pour la DGDDI est d'éviter qu'il ne bondisse avec le Brexit et des dispositifs comme ceux de « la frontière intelligente » 18 ( * ) devraient l'y aider, les tests techniques ayant démontré que ce dispositif était opérationnel.

3. Pour la DGDDI, mettre à profit sa transformation pour réformer sa gestion des ressources humaines

À la suite de la publication du rapport de la Cour des comptes sur les missions de la Douane 19 ( * ) et des constats qui y étaient dressés sur sa gestion des ressources humaines, les rapporteurs spéciaux ont souhaité consacrer un développement particulier à ce sujet et interroger la directrice générale sur ce point . Les multiples processus de transformation que la Douane traverse, ainsi que la crise sanitaire et les enjeux à venir du Brexit, constituent une bonne opportunité pour la direction de conduire ces changements, au fur et à mesure qu'elle révise ses procédures.

Les critiques de la Cour des comptes sur la gestion
des ressources humaines à la DGDDI

Parmi les critiques de la Cour des comptes, les rapporteurs spéciaux relèvent :

- la multiplication des régimes statutaires dérogatoires avantageux et parfois injustifiés, qu'il s'agisse d'une durée de temps de travail inférieure à la durée annuelle règlementaire (1 563 heures contre 1 607 heures) ou l'octroi de primes de pénibilité à l'ensemble d'un service, sans tenir compte de l'exercice réel de leurs fonctions ;

- l'existence d'un régime indemnitaire complexe, foisonnant et parfois obsolète. On peut ici relever l'indemnité de garde des chapiteaux d'alambics (versée à seulement quelques agents) ou l'indemnité de langue étrangère ;

- l'existence de régimes indemnitaires très diversifiés selon les branches ;

- des dysfonctionnements persistants dans la politique du logement, « la Masse des Douanes » : les taux de vacance et de loyers impayés sont élevés, les logements parfois vétustes. Cette politique de logement n'est pas non plus mise à contribution pour favoriser les mobilités ;

- une gestion prévisionnelle des compétences à construire, pour à la fois avoir une véritable adéquation entre les besoins et les affectations, mais également mieux gérer le temps de travail des agents. Dans la branche « surveillance en mer », du fait des sous-effectifs et de la mobilisation sur de longues heures, certains agents ont accumulés un nombre considérable de jours d'avance (450 jours pour l'un des commandants de bord) ;

- les freins à la mobilité des agents du fait de la multiplication de ces régimes dérogatoires.

Source : Cour des Comptes, « La direction générale des douanes et des droits indirects. Exercices 2013-2019. Un recentrage nécessaire » (septembre 2020)

La directrice générale a reconnu que le régime de traitement de la DGDDI se caractérisait par sa « stratification indemnitaire », qui a notamment constitué un obstacle au passage au régime uniforme du Rifseep 20 ( * ) . Elle a cependant ajouté que la DGDDI avait entamé un processus de simplification bien avant la publication du rapport de la Cour des comptes. Les mesures adoptées ont notamment consisté à supprimer une partie des régimes dérogatoires, c'est-à-dire tout ce qui n'était pas conforme aux dispositions règlementaires, ou comptablement inacceptables, avec l'engagement de ne pas créer de nouvelles primes, pour ne pas ajouter à cette stratification.

Toutefois, la mise en oeuvre des dispositions de la loi pour la transformation de la fonction publique a contraint la DGDDI à suspendre au moins provisoirement cet effort de simplification et à plutôt privilégier et accélérer sur la révision des procédures de gestion des mobilités (pour 2020) et des promotions (pour 2021). La mise en place d'un schéma GPEEC fait quant à elle partie des projets de long terme d'ores et déjà initiés par la direction.

Les rapporteurs spéciaux peuvent concevoir que la conjugaison de ces trois bouleversements ait pu être difficile à appréhender et que leur traduction concrète ait pris du temps . L'ensemble de ces modifications a nécessité un important dialogue social , sans doute houleux sur certains points. Ils invitent la DGDDI à continuer ses efforts de simplification et de rationalisation et seront vigilants pour les années à venir.


* 15 Parmi ces agents, il faut distinguer la part des agents en autorisation spéciale d'absence (ASA) puisque considérés comme sujets à risque ou malades (entre 5 % et 10 %), les agents en ASA pour des raisons de garde des enfants (un peu plus de 15 %) et les personnels en ASA car leurs tâches ne faisaient pas partie des missions essentielles définies dans le cadre du plan de continuité d'activité ou ne pouvaient pas être effectuées à distance (environ 40 %).

* 16 D'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.

* 17 Selon les données figurant dans le rapport d'activité de la direction générale des douanes et des droits indirects pour l'année 2019.

* 18 Ce dispositif repose sur l'anticipation de leurs formalités par les opérateurs économiques. Ils doivent déposer leur déclaration en douane quelques jours avant le passage de la frontière. Un code barre est alors attribué et la plaque d'immatriculation du véhicule est enregistrée. Avant de passer la frontière, le véhicule est identifié et les formalités douanières anticipées y sont rattachées. Au débarquement, le transporteur est automatiquement dirigé en fonction du statut attribué à sa marchandise (vert : pas de contrôle ; orange : contrôle).

* 19 Cour des Comptes, « La direction générale des douanes et des droits indirects. Exercices 2013-2019. Un recentrage nécessaire » (septembre 2020).

* 20 Le Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel) est le dispositif indemnitaire de référence pour les agents de la fonction publique. Il a remplacé la plupart des primes et indemnités existantes. Il se compose de deux volets : une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), versée mensuellement, et un complément indemnitaire annuel (CIA), qui tient compte de l'engagement de l'agent et de sa manière de servir. Le CIA est versé annuellement, en une ou deux fois, et n'est pas obligatoire. Son montant est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal fixé par groupe de fonctions.

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