B. LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE : UNE HAUSSE DES DÉPENSES NÉCESSAIRE MAIS INSUFFISANTE SUR UNE ACTION EN TENSION

L'action 03 du programme 303 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière finance trois principaux postes :

- les dépenses de fonctionnement des centres et locaux de rétention administrative et zones d'attente ;

- les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière ;

- diverses subventions aux associations chargées du suivi sanitaire, social et juridique des étrangers retenus .

Elle voit ses crédits augmenter de 15,95 % en AE et de 4,05 % en CP. Cette évolution s'explique particulièrement par une forte hausse de l'investissement en AE dans le parc immobilier de centres de rétention administrative (CRA).

1. Un développement du parc d'hébergement en CRA ralenti mais bénéficiant d'un investissement important

Le parc d'hébergement en CRA (centre de rétention administrative) fait face à une hausse constante des besoins. Ces structures logent les étrangers ayant fait l'objet d'une décision d'éloignement du territoire, dans l'attente de son exécution. Elles concourent à la bonne poursuite de la lutte contre l'immigration irrégulière, dans un contexte de hausse constante des flux migratoires vers la France. La loi du 18 septembre 2018, qui introduit un allongement de la durée de rétention administrative (de 45 à 90 jours) est venue également aggraver les tensions sur un parc immobilier déjà proche de la saturation.

En 2021, les crédits demandés au titre de l'investissement immobilier dans le parc d'hébergement des CRA atteignent 21,4 millions d'euros en CP, et 22,5 millions d'euros en AE. Ils traduisent donc une hausse importante de l'investissement par rapport au budget 2020, où les AE atteignaient 6,2 millions d'euros, et les CP 20,7 millions d'euros.

La dynamique de création de places ralentit en 2019. Entre début 2019 et début 2020, la capacité d'accueil en rétention a été portée de 1 814 à 1 891 places, soit une hausse de 77 places , contre 271 places supplémentaires l'année précédente. Le développement constaté en 2019 se fait au bénéfice du parc d'hébergement de métropole, qui atteint 1 664 places. Le nombre de places en outre-mer reste inchangé, soit 277 places. Au 30 juin 2020, le parc des centres de rétention administrative (CRA) est constitué de 25 centres dont 21 en métropole et 4 en outre-mer. L'augmentation du nombre de places depuis 2017 est donc de 35 %.

En 2020, seules 61 places sur les 91 nouvelles prévues seront ouvertes en raison de la crise sanitaire. La crise sanitaire a stoppé l'avancée des opérations immobilières : ainsi, la livraison de l'extension du CRA de Lille est repoussée à mars 2021. La livraison du CRA de Coquelles est toujours prévue au second semestre 2020.

Créations de places en CRA en 2020

Lyon

36

Coquelles

25

Lille

(30, décalé en mars 2021)

Total places créées

61

Source : ministère de l'intérieur

Le nombre de places dans les locaux de rétention administrative (LRA) est inchangé. Les 21 LRA actuellement en service correspondent à une capacité totale de 125 places (94 en métropole et 31 en outre-mer).

La forte hausse d'investissement immobilier portée en AE dans le PLF 2021 pourrait soulager une partie de la tension sur le parc d'hébergement 12 ( * ) . Cette hausse des AE de près de 16 millions d'euros doit permettre le financement de la tranche 2021 du plan d'extension des CRA, notamment les opérations d'Olivet, Bordeaux et le nouveau CRA de Lyon, pour un total de 370 places supplémentaires. Le rythme de création de places doit pallier la saturation des CRA, et assurer une politique efficace d'éloignement du territoire. Le rapporteur spécial s'inquiète toutefois du ralentissement observé en 2020 dans la création de places supplémentaires et appelle à rester attentif à la bonne exécution du plan d'extension des CRA.

2. Une augmentation insuffisante des crédits affectés à l'éloignement des migrants en situation irrégulière

L'augmentation des frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière est dérisoire. Les crédits proposés pour 2021 atteignent 34,7 millions d'euros en CP et en AE. Ce volet porte sur l'organisation des procédures d'éloignement par voie aérienne et maritime des étrangers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement dont la mise en oeuvre revient à la police aux frontières (PAF).

Le PLF 2021 confirme la stagnation des dépenses d'éloignement et traduit l'absence de volonté du gouvernement sur ce sujet. Ainsi, depuis 2015, les dépenses d'éloignement n'ont connu aucune augmentation significative et oscillent entre 30 et 34 millions d'euros.

Évolution du nombre et des crédits affectés aux reconduites à la frontière

(1) Pour 2012, le nombre de reconduites à frontière comprend également les retours volontaires, qui ne sont plus comptabilisés à compter de 2013.

Source : commission des finances, d'après les projets annuels de performances

Le volume de la dépense affectée aux reconduites à la frontière et sa dynamique apparaissent largement insuffisants dans un contexte de hausse de l'immigration irrégulière et d'une efficacité déclinante de la politique de renvoi.

Ainsi, le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), qui constituent la quasi-totalité des mesures d'éloignement prononcées 13 ( * ) , est en baisse constante depuis plusieurs années (cf. supra ). Après avoir atteint 22 % en 2012, il a connu une forte baisse, ne dépassant plus les 15 % depuis 2016, et atteignant moins de 13 % en 2018 comme en 2019.

Évolution du nombre d'obligations de quitter le territoire français
prononcées (OQTF), exécutées et de leur taux d'exécution

Source : commission des finances, d'après les données transmises par le ministère de l'intérieur

Le rapporteur spécial regrette la dichotomie entre le nombre croissant de personnes déboutées et la stagnation des crédits affectés à la lutte contre l'immigration irrégulière. Entre 2015 et 2020, la demande d'asile a augmenté de près de 120 %, passant de 50 000 à près de 110 000 demandes. Sur la même période le taux d'admission de ces demandes se maintient à un niveau proche de 35 %, alors que le nombre de déboutés quittant effectivement le territoire suite à leur non-admission est stable, autour de 10 %. Il y a donc un effet mécanique de croissance significative des besoins concernant l'éloignement des personnes déboutées, qui ne s'est pourtant pas traduit par une hausse comparable des crédits qui n'atteint que 45 % sur la période.


* 12 Le taux d'occupation des CRA est situé entre 80 et 90 %.

* 13 Les autres mesures sont les interdictions de territoire et les expulsions, qui connaissent des taux d'exécution bien supérieurs que les OQTF.

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