F. À L'AUBE D'UNE NOUVELLE GÉNÉRATION DE CPER ET DU LANCEMENT DU PROGRAMME HORIZON EUROPE, UNE AMÉLIORATION NÉCESSAIRE DU PILOTAGE DE LA RECHERCHE

1. Un budget en diminution pour le nouveau programme Horizon Europe

Doté de 70,2 milliards d'euros (en euros constants, prix 2013), le septième programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), intitulé « Horizon 2020 » est désormais achevé .

Les négociations relatives au prochain programme-cadre de recherche et développement technologique, ont initialement abouti, en mai 2018, sur une enveloppe budgétaire de 86,6 milliards d'euros (constants, prix de 2018) pour les années 2021 à 2027 dédiée au programme « Horizon Europe ».

Ce budget a néanmoins fait l'objet de plusieurs ajustements au cours des négociations entre 2018 et 2020 .

Afin de répondre à la crise sanitaire, la Commission européenne a ainsi proposé en mai dernier de dédier 80,9 milliards d'euros à « Horizon Europe » au titre du cadre financier pluriannuel socle, et 13,5 milliards d'euros au titre du nouvel instrument de relance intitulé « Next generation EU », soit un total de 94,4 milliards d'euros .

In fine , au terme de plusieurs semaines de négociations, les États membres ont trouvé lors du Conseil européen extraordinaire des 17 au 21 juillet dernier un accord sur le volume global du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Ce dernier prévoit une enveloppe de 75,9 milliards d'euros (en euros constants, prix 2018) pour « Horizon Europe » au titre du cadre financier pluriannuel socle , qui sera complétée par un abondement de 5 milliards d'euros au titre de l'instrument de relance, soit un total de 80,9 milliards d'euros, soit un budget supérieur à Horizon 2020 mais inférieur de 15 % à la proposition élaborée en mai 2020.

Évolution du budget des programmes européens
de financement de la recherche

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Commission européenne

En pratique, cette baisse se traduirait par une diminution du budget du Cluster 4 « Industrie, numérique et espace » de 15 à 13,4 milliards d'euros . Si la répartition des financements entre ces trois thématiques n'est pas encore finalisée, le règlement Horizon Europe impose un financement du domaine « Espace » supérieur ou égal, en pourcentage à celui disponible dans Horizon 2020, à savoir 1,9 % du budget total - ce qui représentant un montant de 1,6 milliard d'euros.

Le rapporteur spécial note avec satisfaction que la fraction de ce budget in fine allouée à l'espace fait actuellement l'objet d'un suivi particulièrement attentif de la part des services français .

Cet effort parait d'autant plus nécessaire que le budget global alloué au nouveau programme spatial pour la programmation 2021 - 2029, qui s'élève à 14,88 milliards d'euros 26 ( * ) (courants) accuse également une diminution de 1,1 milliard d'euros par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne. Prévoyant un montant de 9 milliards d'euros en faveur du programme de radionavigation par satellites Galileo et EGNOS, et une enveloppe de 5,4 milliards d'euros pour le programme d'observation de la Terre Copernicus, cette nouvelle programmation ne réserve que 244 millions d'euros pour la mise en oeuvre des deux nouvelles initiatives portant sur la surveillance de l'espace et les communications sécurisées.

Le rapporteur spécial relève à ce sujet que le Parlement européen s'est ému des coupes opérées dans ce budget spatial, craignant qu'elles n'entraînent des contraintes fortes sur le maintien en conditions opérationnelles des programmes Galileo et Copernicus, tout en laissant peu de marges de manoeuvre pour les nouvelles initiatives stratégique de l'UE.

Selon les informations recueillies, la France soutiendrait également la création d'un « partenariat espace » dédié notamment à la compétitivité du secteur , permettant de sanctuariser un budget européen de recherche en faveur des technologies spatiales.

En pratique, le 9 ème programme-cadre de recherche diffère sur quelques points du programme Horizon 2020 .

Le programme-cadre Horizon Europe (2021-2027)

La configuration en piliers est maintenue dans le programme Horizon Europe , qui en comprend quatre :

1) « Science ouverte », doté de 25,8 milliards d'euros et qui comprend le Conseil européen de la recherche, les actions Marie Sklodowska-Curie et infrastructures ;

2) « Problématiques mondiales et compétitivité industrielle », doté de 52,7 milliards d'euros, qui comprend 5 clusters et le centre commun de recherche (JRC). Les 5 clusters sont les suivants : « Santé », « Société inclusive et sûre », « Numérique et industrie », « Climat, énergie et mobilité », « Alimentation et ressources naturelles » ;

3) « Innovation ouverte », doté de 13,5 milliards d'euros, qui comprend le Conseil européen d'innovation, les écosystèmes européens d'innovation et l'Institut européen d'innovation et de technologie (EIT) ;

4) « Renforcement de l'espace européen de la recherche », doté de 2,1 milliards d'euros, dont 1,7 milliard d'euros pour le partage de l'excellence et 0,4 milliard d'euros pour le soutien aux réformes des systèmes de R&I.

Deux évolutions notables sont cependant à relever :

Il s'agit, en premier lieu, de la création du pilier « Innovation ouverte », visant à activer le transfert des connaissances de la science à l'innovation, à faciliter la transformation industrielle, et enfin à réduire la fragmentation de l'écosystème européen d'innovation. Ce pilier s'articulera principalement autour du Conseil européen de l'innovation , qui interviendra selon deux volets distincts :

- un volet « Éclaireur » , centré sur le financement des entreprises à forte intensité technologique dans la phase la plus amont ;

- un volet « Accélérateur », visant à faciliter le passage à l'échelle des start-ups via un soutien public combinant subventions, avances remboursables, prêts et participations au capital.

Lors des négociations institutionnelles européennes de juin 2018 à avril 2019 , la France a été un soutien important de ce Conseil , s'agissant notamment de la priorité donnée à l'innovation de rupture et du recours au financement mixte dans le cadre de l'Accélérateur.

Le programme Horizon Europe acte, par ailleurs, l'abandon de l'approche thématique des activités de recherche et développement qui prévalait jusqu'à présent, au profit d'une approche « par missions ». Il s'agirait ainsi de renforcer la transdisciplinarité du programme, d'aligner les efforts de recherche avec les grands enjeux de l'Europe, et de rapprocher la R&D des citoyens européens.

Enfin, il convient de noter que les règles de participation sont largement conservées par rapport à Horizon 2020 , ce que la France soutenait fortement, pour le bénéfice des participants qui sont directement impactés par des changements de règles.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

À l'aube du lancement d'un nouveau programme-cadre, la question des performances françaises aux appels à projets européens se révèle plus stratégique que jamais .

En effet, s'il est prématuré de dresser un bilan global des performances de la France dans le programme Horizon 2020 - les données n'intégrant, à ce jour, que 83 % des crédits budgétaires engagés au titre de l'année 2019, et ne prenant pas en compte l'année 2020 - les résultats enregistrés au cours des dernières années sont sans équivoque : tandis que les financements ouverts par l'Union européenne ont connu une augmentation marquée au cours des dernières années, la participation de la communauté française de recherche aux appels à projets européens a significativement décru depuis 1998 .

Les financements obtenus par les participants français sont ainsi passés de 13 % pour le sixième programme à 11,4 %, pour le septième. À ce stade, le bilan de la participation française au programme-cadre « Horizon 2020 » n'augure pas d'un renversement de cette tendance , la France représentant seulement 9,5 % des participations dans les projets, soit 11,3 % des financements alloués - une performance en baisse par rapport au 7 ème PCRDT.

Une analyse plus détaillée montre qu'en dépit d'un taux de succès de l'ordre de 16,3 %, soit le plus élevé des pays de l'Union européenne, la part des propositions avec participation française diminue (17,3 % contre 20,7 % sur l'ensemble du 7ème PCRDT), si bien que la participation académique française apparait en proportion inférieure à la moyenne européenne .

Pour le rapporteur spécial, ces performances demeurent très insuffisantes au regard du poids de la France dans la recherche publique et privée en Europ e (16,4 % de la dépense intérieure totale en R&D de l'Union européenne entre 2014 et 2017).

Dans ce contexte, le vote d'une loi de programmation de la recherche, associée au lancement d'un nouveau programme-cadre européen, constitue une occasion unique de donner un nouvel élan aux participations françaises aux appels à projets européens .

Étant donné les faibles marges de manoeuvre budgétaire dont disposent les opérateurs de recherche à l'échelle nationale, il semble crucial de mobiliser des sources de financement alternatives - au premier rang desquelles figurent les fonds européens.

L'élaboration et le lancement, en 2019, d'un « Plan d'action national d'amélioration de la participation française aux dispositifs européens de financement de la recherche et de l'innovation » constitue, de ce point de vue, une excellente initiative. Si la mise en oeuvre de ce plan d'action n'en est encore qu'à ses prémisses, le rapporteur spécial note qu'il prévoit de doter le Mesri et son réseau d'une équipe dédiée centralisée, permettant d'apporter aux chercheurs une aide ciblée .

Selon les informations communiquées au rapporteur spécial, l'enveloppe de 3 millions d'euros destinée à la mise en oeuvre de ce plan d'action dans la loi de finances pour 2020 serait reconduite en 2021 .

Budgétisation du plan d'action dans la loi de finances pour 2020

Une enveloppe de près de 3 millions d'euros a été consacrée, dans le budget 2020, à la mise en oeuvre de ce plan d'action, permettant :

- le recrutement de 14 ETP, portant à 26,5 ETP les moyens du Mesri dévolus à l'accompagnement des chercheurs (1,1 million d'euros) ;

- la restructuration du réseau de 18 ETP sous conventionnement dans les établissements, dont les personnels concernés affecteront au minimum 40 % de leur temps aux activités de « points de contact nationaux », remédiant ainsi à l'éclatement du réseau (1,4 million d'euros) ;

- la mise en place d'une plateforme de services à Bruxelles en finançant, à compter du 2 ème semestre 2020, la location de locaux permettant de réunir en un lieu unique, la « Maison de la science française », les acteurs de la recherche et de l'innovation, leur conférant ainsi une visibilité et une influence renforcée (0,250 million d'euros).

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial se félicite des efforts réalisés afin de renforcer la participation française aux appels à projets européens . Le résultat global des performances réalisées au cours du programme Horizon 2020 permettra de dresser un premier bilan de son efficacité.

Au demeurant, il conviendra d'associer plus étroitement les régions à cette démarche dans les années à venir, comme le relevait le rapporteur spécial dans son rapport de septembre 2019, « Les régions, acteurs d'avenir de la recherche en France » 27 ( * ) .

2. Des CPER encore en construction

Selon les informations transmises au rapporteur spécial, la prochaine génération de contrats de plan État-région (CPER) 2021 - 2027 a vocation à s'inscrire dans la continuité avec les CPER 2015 - 2019, en visant un renforcement de la structuration des sites et des acteurs de la recherche et en soutenant des investissements stratégiques dans des équipements scientifiques de haut niveau.

Ces équipements devraient être déployés en priorité au sein des infrastructures de recherche de portée nationale, européenne et internationale , dans l'objectif de maintenir les équipements des laboratoires au meilleur niveau international.

Le volet innovation du CPER serait ainsi dédié principalement au soutien des structures de transfert et de diffusion de technologies labellisées par le Mesri - à savoir les centres de ressources technologiques (CRT), les cellules de diffusion technologique (CDT), les plateformes technologiques - considérées comme un maillon territorial essentiel entre les lycées, les universités et les laboratoires publics d'une part, et les entreprises d'autre part.

Le budget proposé à la contractualisation pour le financement de ces opérations de soutien à la recherche et à l'innovation serait ainsi de 244,5 millions d'euros sur 7 ans , hors outre-mer.


* 26 Cette enveloppe se compose de 9 milliards d'euros en faveur un programme de radionavigation par satellites Galileo et EGNOS, 5,4 milliards d'euros pour le programme d'observation de la Terre Copernicus et 244 millions d'euros pour la mise en oeuvre des deux nouvelles initiatives portant sur la surveillance de l'espace et les communications sécurisées.

* 27 Les régions, acteurs d'avenir de la recherche en France, Rapport d'information de M. Jean-François RAPIN, fait au nom de la commission des finances n° 740 (2018-2019) - 25 septembre 2019.

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