EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 17 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de Mme Vanina Paoli-Gagin et de M. Jean-François Rapin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur spécial . - Conformément à la loi de programmation pour la recherche (LPR), le budget alloué à l'enseignement supérieur connaît cette année une progression substantielle, de l'ordre de 375 millions pour les deux programmes de la mission, soit une hausse de 2,3 % contre 1,5 % l'année dernière.

Les établissements d'enseignement supérieur bénéficieront ainsi de 242 millions d'euros supplémentaires, dont 164 millions d'euros pour la mise en oeuvre des mesures issues de la LPR, à savoir principalement des revalorisations indemnitaires et des mesures statutaires, mais également de la création de 385 emplois.

Le budget pour 2021 entend ainsi redonner des marges de manoeuvre budgétaires aux universités, jusqu'à présent confrontées à des tensions très importantes sur leur masse salariale, en raison du dynamisme de cette dernière à budget constant.

Je voudrais en effet rappeler que, ces dernières années, la plupart des établissements ont été contraints de geler des postes ou de supprimer des emplois pour équilibrer leur budget.

Cette situation n'était pas tenable, alors que les universités doivent accueillir chaque année un nombre plus élevé d'étudiants. L'année 2021 ne dérogera pas à cette règle, bien au contraire, puisque la crise sanitaire a entraîné un taux de réussite très élevé au baccalauréat. Les établissements d'enseignement supérieur comptent ainsi près de 28 700 nouveaux étudiants, ce qui représente une hausse de 1,9 % de la population étudiante, contre 1 % l'année dernière.

Pour absorber ce flux exceptionnel, le budget pour 2021 prévoit la création de 20 000 places supplémentaires dans les universités : 10 000 au titre du plan Étudiants et 10 000 au titre du plan de relance. En parallèle, la subvention versée aux établissements d'enseignement privé progresse de 9 millions d'euros, le ministère ayant demandé à ces établissements de faire un effort exceptionnel pour accueillir de nouveaux étudiants.

Je voudrais néanmoins souligner que cette augmentation ne permet pas de compenser le différentiel avec la dynamique des subventions au secteur public. Ainsi, entre 2008 et 2020, les effectifs étudiants accueillis dans les établissements privés ont progressé de 121,6 %, tandis que l'effort budgétaire consenti par l'État n'a augmenté que de 10,6 %. Mécaniquement, la part du soutien de l'État par étudiant a donc diminué de 48 % sur cette période : le financement moyen d'un étudiant s'élève désormais à 11 500 euros dans l'enseignement supérieur public contre 588 euros dans l'enseignement privé.

De manière plus générale, face à la hausse continue du nombre d'étudiants, le mode de financement des universités paraît au mieux fragile, au pire obsolète ; chaque année, le Gouvernement crée ainsi des places supplémentaires pour absorber le flux à court terme, sans s'interroger sur les raisons de ce dynamisme ni adopter de vision plus prospective, à moyen et long termes.

À cet égard, la crise sanitaire a agi comme un révélateur, mettant en exergue la nécessité de procéder à des investissements massifs dans l'enseignement supérieur.

La vétusté de l'immobilier universitaire est ainsi, chaque année, plus problématique, et constitue un défi de taille pour les années à venir.

Je me félicite, dans ce contexte, que le plan de relance prévoie de consacrer près 4 milliards d'euros à la rénovation thermique de l'immobilier de l'État. Il s'agit là d'une occasion unique de remettre à niveau le bâti universitaire, tout en participant d'un cercle vertueux, avec l'accélération de la transition écologique, mais aussi la diminution des coûts de fonctionnement des universités. J'invite donc les établissements d'enseignement supérieur à saisir cette opportunité, en candidatant massivement aux appels à projets lancés dans le cadre du plan de relance.

L'année 2021 sera également marquée par une extension du dialogue stratégique et de gestion qui concernera plus de 20 nouveaux établissements. Ce dialogue sera également étendu à la répartition des hausses de crédits résultant de la LPR et du plan de relance. Si cette démarche est initialement vertueuse, elle s'accompagne, à mes yeux, d'une moindre lisibilité des montants alloués à la mise en oeuvre des politiques publiques, rendant plus difficile le suivi des crédits.

J'en viens maintenant aux crédits consacrés à la vie étudiante. Ces derniers enregistrent en 2021 une hausse deux fois plus importante qu'en 2020, puisqu'ils progressent de 133,5 millions d'euros, soit une hausse de 4,8 %.

Cette augmentation résulte principalement de la revalorisation des bourses sur critères sociaux versées aux étudiants, de la mise en place du ticket restaurant à 1 euro pour les étudiants boursiers et du gel de l'augmentation des loyers des résidences universitaires.

Après une exécution budgétaire 2020 marquée par la mise en oeuvre, dans des conditions parfois difficiles, de mesures de soutien ponctuelles aux étudiants, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) seront à nouveau pleinement mobilisés pour lutter contre la précarité étudiante en 2021.

Je voudrais souligner que ces derniers ont subi des pertes d'exploitation considérables au titre de leurs activités de restauration et d'hébergement, si bien que leur situation demeure fragilisée et devra faire l'objet d'un suivi attentif.

La mission « Enseignement supérieur » bénéficiant de hausses importantes de crédits, je vous proposer d'adopter les crédits.

M. Jean-François Rapin , rapporteur spécial . - Je salue ma collègue Vanina Paoli-Gagin, qui présentait aujourd'hui son premier rapport spécial.

Pour le monde de la recherche, le budget pour 2021 revêt une dimension symbolique, puisqu'il s'agit de la première année de mise en oeuvre de la LPR, que nous venons de voter. Je ne reviendrai pas sur le contenu de cette loi de programmation, que j'ai déjà eu l'occasion de détailler devant notre commission. Je m'attacherai uniquement à vous présenter la déclinaison qui en est faite dans le projet de loi de finances pour 2021, en retenant quatre points saillants.

D'abord, je voudrais souligner que le budget de la recherche est conforme à la trajectoire votée pour 2021, avec une hausse de 225 millions d'euros des crédits alloués au programme 172 et de 41 millions d'euros des crédits dévolus à la recherche spatiale.

Cependant, ces augmentations de crédit sont très peu lisibles. En effet, la maquette budgétaire de la mission « Recherche » est profondément modifiée cette année, notamment dans le contexte du plan de relance. Les mesures de périmètre représentent ainsi une diminution de 756 millions d'euros du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires). Certaines de ces mesures semblent pertinentes, d'autres nettement moins - je pense notamment à l'inscription des crédits dédiés à la recherche duale sur la mission « Plan de relance ». Il s'agit à mes yeux d'un tour de passe-passe budgétaire, que personne n'a été en mesure de justifier de manière crédible, et qui jette un doute quant à la pérennité de cette enveloppe.

De manière plus générale, le budget de la recherche sera cette année complété de manière très substantielle par des abondements en provenance du plan de relance et du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 4), qui comporte un volet entièrement dédié à la pérennisation des financements de l'écosystème de recherche et d'innovation. Au total, les 11,75 milliards d'euros des programmes de recherche bénéficieront d'un abondement de 2,055 milliards d'euros en provenance d'autres missions budgétaires. Ainsi, près de 18 % des crédits dédiés à la recherche ne seront pas inscrits au sein de la Mires.

Ces moyens additionnels sont bien évidemment appréciables. Cependant, l'émiettement des crédits sur plusieurs actions et programmes contribue à aggraver le déficit de lisibilité dont souffre depuis plusieurs années le budget de la recherche et nous oblige à effectuer un travail de consolidation particulièrement complexe.

Je regrette, dans ce contexte, que le vote de la LPR ne se soit pas accompagné d'une simplification de l'architecture du soutien public à la recherche.

Deuxième point, si le budget pour 2021 est conforme à la programmation, les hausses budgétaires qui nous sont présentées sont partiellement factices. Une partie de ces crédits supplémentaires sont en réalité dévoyés de leur finalité première, pour venir combler des « trous budgétaires » identifiés de longue date. Tel est notamment le cas de l'enveloppe de 68 millions d'euros destinée au rebasage de la subvention versée au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Le sujet du « mur du CNRS » était en effet identifié depuis au moins trois ans, et rien ne justifie à mes yeux l'utilisation des crédits nouveaux issus de la LPR pour mettre un terme à cette situation.

Dans le même esprit, 38 millions d'euros de crédits supplémentaires seront mobilisés pour financer la contribution de la France aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et organisations internationales, alors même qu'il s'agit d'engagements pluriannuels contraignants pour notre pays.

J'estime ainsi que sur l'enveloppe de 225 millions d'euros de crédits supplémentaires, seuls 124 millions d'euros constituent des moyens réellement nouveaux, soit un peu plus de la moitié. Les choix budgétaires ainsi réalisés me semblent préoccupants, dans la mesure où ils laissent augurer d'une interprétation extrêmement restrictive de la programmation budgétaire, qui constituera un plafond davantage qu'un plancher.

Ma troisième remarque concernera la situation financière des organismes de recherche. Si l'on exclut le rebasage de la subvention du CNRS, ces derniers devraient bénéficier de 67,8 millions d'euros supplémentaires pour la mise en oeuvre de mesures issues de la LPR - à savoir les revalorisations indemnitaires et mesures statutaires, ainsi que la création de 315 emplois supplémentaires.

Il est indéniable que ces moyens nouveaux vont redonner des marges de manoeuvre aux organismes de recherche. Depuis plusieurs années, en effet, ces opérateurs ne sont pas en mesure d'exécuter leur plafond d'emploi, étant donné le dynamisme des mesures salariales et la stagnation des moyens qui leur sont alloués. Le budget pour 2021 devrait ainsi mettre un terme à l'érosion du nombre de chercheurs rémunérés par les organismes, ce qui constitue une avancée notable.

Je note cependant que sur ces 67,8 millions d'euros seuls 16,4 millions d'euros ont été répartis entre les organismes. Ces derniers ne connaissent donc toujours pas le montant des crédits qui leur seront alloués en 2021, et cette source d'incertitude est très préjudiciable.

Par ailleurs, la situation financière des opérateurs est assez contrastée, et demeure tendue pour certains - je pense notamment à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Il faudra donc se montrer très vigilant dans les mois qui viennent, afin que ne se reconstituent pas des « murs budgétaires ».

Je voudrais conclure, et ce sera mon dernier point, sur le redressement financier de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Conformément à la LPR, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une hausse de 117 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE), des moyens dévolus à l'ANR. Ces crédits seront complétés par une enveloppe de 286 millions d'euros, en AE et crédits de paiement (CP), en provenance du plan de relance, si bien que, au total, l'ANR devrait bénéficier de 403 millions d'euros supplémentaires, pour atteindre 1 169 millions d'euros. Cette hausse substantielle devrait permettre d'obtenir un taux de succès sur les appels à projets de 23 % dès 2021, contre 17 % en 2019.

Je me suis prononcé à plusieurs reprises en faveur d'une enveloppe budgétaire minimale de l'ordre de 1 milliard d'euros, permettant d'atteindre un taux de succès de l'ordre de 25 %. Je me félicite donc que l'impact conjoint de la LPR et du plan de relance permette d'atteindre ces objectifs dès 2021.

Au vu de toutes les réserves que j'ai évoquées, je réfléchis à un amendement de crédits permettant de rendre le budget pour 2021 plus sincère et plus conforme à la trajectoire votée, mais j'attends encore des informations du ministère.

Je souhaite donc que notre commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de cette mission, sous réserve du vote de l'amendement que je devrais présenter dans les jours qui viennent.

M. Jean-Pierre Moga , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Mon analyse est très proche de celle des rapporteurs spéciaux. Ce budget s'inscrit dans le droit fil des travaux de la LPR. Si l'on annule les évolutions de périmètre qui rendent particulièrement délicate la lecture du budget cette année, la hausse constatée est de l'ordre de 2 %, comme pour 2020. L'année dernière, j'avais estimé qu'il s'agissait d'un budget sans grande ambition. Je pourrais faire la même remarque cette année s'il n'avait pas été sauvé par le plan de relance.

Sur la forme, il a été difficile de reconstituer les différents crédits entre l'enveloppe de la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur », celle du plan de relance et celle du PIA 4.

Sur le fond, je regrette qu'il ait fallu attendre la plus importante crise de notre histoire économique pour que le Gouvernement applique nos recommandations. Deux mesures étaient demandées par le Sénat depuis plusieurs années : une hausse importante du budget d'intervention de l'ANR afin de revenir à un taux de succès décent et l'augmentation des crédits affectés aux aides à l'innovation de Bpifrance.

Néanmoins, certains points de vigilance perdurent.

D'abord, les organismes de recherche non rattachés au ministère de la recherche ne bénéficient pas de la dynamique de la LPR. C'est notamment le cas de l'IFP Énergies nouvelles (Ifpen), le successeur de l'Institut français du pétrole (IFP), qui travaille sur l'hydrogène.

Ensuite, le glissement vieillesse-technicité ampute chaque année les budgets. Un effort est fait, mais les organismes auraient besoin d'au moins 28 millions d'euros.

Enfin, les documents budgétaires ne renseignent pas sur les moyens précis à mettre en oeuvre concernant les objectifs opérationnels de la LPR. Quid des financements pour que les jeunes scientifiques ne perçoivent pas une rémunération inférieure à 2 SMIC ? Nous n'avons pas obtenu de réponse précise sur ce point : cet objectif ne sera donc vraisemblablement pas atteint en 2021.

Par ailleurs, il me paraît nécessaire de mettre rapidement en oeuvre deux actions.

Les opérateurs ont des trésoreries très importantes, mais celles-ci sont bloquées pour des raisons liées à l'application d'une norme. Il faudrait faire évoluer cette norme pour que ces fonds puissent servir à la recherche.

Le projet de loi de finances pour 2021 supprime un dispositif essentiel, le doublement d'assiette pour les dépenses externalisées auprès d'organismes publics de recherche, dans le cadre du crédit d'impôt recherche (CIR), qui permet de renforcer les liens entre la recherche publique et les entreprises. Il faudrait reporter l'application de cette mesure à 2022 ou 2023.

Le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) est une poche budgétaire qui prolonge les actions de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Néanmoins, il constitue une débudgétisation contestable qui prive les parlementaires d'informations précises.

Une anecdote est révélatrice de la stratégie particulièrement brouillonne en ce domaine. Parmi les actions financées devait figurer un fonds de 70 millions d'euros par an pour l'émergence de l'innovation de rupture. À ce jour, seuls deux grands défis ont été lancés ; le troisième, qui portait sur un projet de stockage de l'énergie, a été arrêté en raison de la démission du directeur du programme. En matière d'innovations de rupture, l'État cherche encore son chemin...

Je proposerai donc à la commission des affaires économiques un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement que le rapporteur spécial présentera dans quelques jours.

M. Claude Raynal , président . - Le rapporteur général m'a demandé de vous poser les questions suivantes.

Sur la partie « Enseignement supérieur », vous avez souligné que les crédits du plan de relance consacrés à la rénovation thermique des bâtiments de l'État constituaient une opportunité pour le bâti universitaire. Concrètement, les universités sont-elles mobilisées sur ce sujet ? Ont-elles candidaté aux appels à projets ouverts dans ce cadre ? Envisagent-elles de le faire ?

Sur la partie « Recherche », le rapporteur spécial pourrait-il nous donner quelques éléments sur le nouveau programme de recherche « Horizon Europe » ? Le budget alloué à ce programme lui semble-t-il satisfaisant ?

M. Marc Laménie . - Ces sujets sont importants et mobilisent de larges moyens financiers. Quelle est l'évolution des effectifs alloués à l'enseignement supérieur ? Comment sont-ils répartis, d'un point de vue administratif et entre les territoires ? Le plan de relance prévoit 4 milliards d'euros pour l'immobilier universitaire. Comment ces sommes seront-elles engagées ? Les universités ont souvent des partenariats, en la matière, avec les collectivités territoriales. En ce qui concerne la recherche, quel est le nombre des opérateurs ? Quels sont leurs effectifs ? Les crédits de l'ANR augmentent fortement. Pouvez-vous nous expliquer son rôle, nous préciser sa gouvernance et nous décrire sa présence territoriale ?

M. Jérôme Bascher . - Si l'on consacre des moyens à l'enseignement supérieur et à la recherche, est-ce pour préparer les filières de demain, parce qu'il y a plus d'étudiants, ou pour alimenter la recherche de demain ?

Le rapporteur spécial a évoqué la recherche duale. Je sais comment ce programme a été créé. Il manquait 200 millions d'euros à la recherche au moment de la création de la Mires, lors du projet de loi de finances pour 2003. Nous avons donc pris 200 millions d'euros aux militaires, qui avaient suffisamment d'argent, pour créer ce programme dual, qui a été doté pendant très longtemps de 200 millions d'euros, fléchés principalement sur les dépenses du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), pour sa direction des applications militaires. A-t-on pu en faire autre chose ? La recherche duale est un vrai sujet, depuis longtemps. Ou est-ce toujours un programme d'ajustement budgétaire ?

Mme Christine Lavarde . - Le rapporteur spécial des crédits de la recherche a parlé à plusieurs reprises de la revalorisation en faveur des chercheurs qui était prévue dans la LPR. Il a même évoqué une sorte de flou, puisqu'on ne sait pas exactement comment ces crédits, qui sont prévus pour le programme « Recherche », seront répartis entre les différents opérateurs. L'annexe du projet de loi sur la recherche indique à plusieurs reprises que cette revalorisation s'étendra à l'ensemble des chercheurs du périmètre de la sphère publique. Mais tous les chercheurs du périmètre de la sphère publique n'appartiennent pas nécessairement à un établissement relevant de la Mires. Je pense, par exemple, aux écoles d'ingénieurs qui sont rattachées au programme 217 dont j'ai la charge, pour lesquelles il n'y a pas de crédits prévus, et qui ne bénéficient pas non plus d'une augmentation de la subvention pour charges de service public. Faut-il conclure que ces établissements d'enseignement, qui ont une activité de recherche, vont devoir financer sur leurs ressources propres la revalorisation des chercheurs inscrite dans la LPR ?

M. Thierry Cozic . - Le rapporteur spécial évoque une hausse peu lisible des moyens apportés à la recherche. De fait, les crédits qui nous sont proposés me semblent insincères financièrement, et ils n'apportent pas les moyens indispensables à la recherche et à l'Université, comme cela a été souligné dernièrement par le Conseil d'État. L'objectif de porter le budget à 1 % du PIB ne sera pas atteint. Pourtant, cela aurait permis d'accroître les moyens des laboratoires, de recruter et d'augmenter les salaires. Aucune solution n'est proposée aux universités, dont on connaît la situation financière catastrophique, ni à la précarité étudiante, que la crise sanitaire est venue révéler avec force. C'est pourquoi mon groupe ne votera pas les crédits de cette mission.

Mme Vanina Paoli-Gagin , rapporteur spécial . - Des appels à projets ont été lancés le 9 octobre pour la rénovation du bâti universitaire, et ont suscité un très fort engouement, reflété par un communiqué récent de la Conférence des présidents d'université (CPU). Beaucoup d'établissements ont candidaté, ce qui laisse présager un résultat assez positif, au moins sur ce volet. Les résultats des premiers appels à projets devraient être rendus au cours du mois de décembre.

Pour répondre à Jérôme Bascher, il n'y a pas de fléchage direct des nouveaux moyens sur des filières d'avenir. Il y a un fléchage indirect via le dispositif de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), avec l'adaptation à la demande permise par le dispositif « Orientation et réussite des étudiants ».

M. Jean-François Rapin , rapporteur spécial . - Budgétairement parlant, le cadre « Horizon Europe » a été bousculé depuis février 2018, puisqu'il est directement lié au cadre financier pluriannuel (CFP), ce qui fait que tous les crédits de la recherche ont été remodelés au fil des conseils européens. La dernière mouture voit arriver, sur l'ensemble du CFP, 15 milliards d'euros supplémentaires qui ont été demandés par le Parlement européen. Je crois que 5 milliards d'euros complémentaires ont été alloués au programme « Horizon Europe ». Sur l'architecture globale de ce programme, si l'architecture en piliers demeure, il faut souligner la création d'un nouveau pilier intitulé « Innovation ouverte », doté d'un volet « Éclaireur » et d'un volet « Accélérateur », ce qui est assez innovant. Nous verrons à l'expérience comment ceci fonctionne. Budgétairement, le chahut de ces deux dernières années semble aboutir à une solution stabilisatrice, qui sauve les meubles. L'avant-dernier CFP avait vraiment été passé au sécateur, notamment sur les crédits de la recherche et les crédits de la santé, et les crédits du programme Erasmus avaient été réduits au strict minimum. Il faudra coordonner les programmes de recherche français, c'est-à-dire ceux de l'ANR et ceux de « Horizon Europe ».

Jean-Pierre Moga parle du crédit d'impôt recherche dans son rapport. Le rapporteur général présentera au nom de la commission des finances un amendement à l'article 8 du projet de loi de finances pour 2021, pour demander de prolonger d'un an le dispositif de doublement d'assiette en cas de sous-traitance d'activités de recherche auprès d'organismes publics, tel qu'il existe aujourd'hui. En effet, l'article 8 prévoit de supprimer ce doublement d'assiette, afin de mettre nos règles en conformité avec le droit européen. Les auditions, notamment de représentants du CEA, nous ont montré qu'une prolongation de ce dispositif était nécessaire. Ce ne sont pas les grosses entreprises qui sont concernées, mais principalement les PME et les start-up. Il faudra trouver un dispositif de remplacement, raison pour laquelle nous avons besoin d'une année supplémentaire.

L'ANR est l'agence par laquelle passent les appels à projets pour la recherche nationale. Après quelques belles années au moment de sa création, en 2005, son budget a diminué. Du coup, elle ne peut plus allouer, dans ses appels à projets, suffisamment de fonds. Nous étions donc tombés à 11 ou 12 % de projets retenus. L'objectif est de revenir, comme je le préconise depuis deux ou trois ans, à 1 milliard d'euros de budget pour l'ANR, qu'elle pourrait redistribuer dans ses appels à projets pour atteindre un taux de 25 à 30 % de projets retenus par rapport aux projets déposés. Avec « Horizon Europe », on arriverait globalement à un taux de 40 % de projets retenus en France.

Dans le cadre de la LPR, l'ANR prend une dimension assez importante, qui a d'ailleurs été critiquée, puisqu'on a craint que tout ne passe par elle.

Sur la recherche duale, les explications données m'intéressent, mais nous avons le pressentiment qu'on repart dans l'autre sens, c'est-à-dire qu'on va faire disparaître cette ligne, à terme, des programmes de recherche.

Pour répondre à Christine Lavarde, nous avons a retrouvé 2,21 millions d'euros destinés aux établissements publics à caractère scientifique et technologique non rattachés au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur l'action n° 01, « Pilotage et animation » du programme 172 ; ces crédits sont inscrits au sein de la catégorie « actions de diffusion de la culture scientifique et technique », afin de mettre en oeuvre les mesures salariales issues de la LPR. Je suis convaincu que cela ne suffira pas ... Peut-être faudra-t-il abonder cette ligne par amendement.

Il y a vingt-trois opérateurs rattachés à la mission, Marc Laménie. Enfin, je peux comprendre les réticences de Thierry Cozic, sur quelque chose qui semble inachevé. C'est le projet de loi de finances pour 2022 qui sera intéressant : c'est alors qu'on verra si les premiers éléments de la LPR se mettront vraiment en place. Mais on ne peut pas dire que le budget de la recherche a baissé de 756 millions d'euros. Il faut prendre en compte la modification du périmètre, comme je l'ai dit à un journaliste, qui déplorait devant moi que le budget de la recherche perde quasiment un milliard. On peut faire de la politique, mais il faut rester objectif... Il est vrai qu'avec une répartition des crédits sensiblement différente, l'exercice, cette année, est très difficile.

M. Claude Raynal , président . - Vous recommandez donc l'adoption à ce stade de ces crédits sans modification, mais vous présenterez pour la séance publique un amendement en vue de les modifier.

M. Jean-François Rapin , rapporteur spécial . - Nous avons contribué à la LPR : nous n'allons pas, ensuite, couper les crédits ! Mais il y a des pistes d'amélioration, et je voudrais que le ministère l'entende.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.

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