EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 novembre 2022, la commission a examiné le rapport de M. Laurent Somon sur la proposition de loi n° 30 (2022-2023) de M. Jean-Noël Cardoux et plusieurs de ses collègues visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous examinons aujourd'hui, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, dont notre collègue Jean-Noël Cardoux est l'auteur.

Cet examen intervient selon la procédure de législation en commission (LEC), prévue par les articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement du Sénat, conformément à la décision prise en ce sens par la Conférence des Présidents.

Je rappelle que, selon cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce uniquement en commission, la séance plénière étant centrée sur les explications de vote et le vote du texte.

Je précise que notre réunion est ouverte à l'ensemble des sénateurs. Si chacun d'entre nous peut donc s'exprimer à l'occasion de l'examen des articles et des amendements, seuls les membres de notre commission peuvent voter.

Je signale également que notre réunion est ouverte au public. Elle fait ainsi l'objet d'une captation vidéo, retransmise en direct sur le site Internet du Sénat.

M. Laurent Somon , rapporteur . - Nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, dans le cadre de la procédure de législation en commission, la proposition de loi de M. Jean-Noël Cardoux visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

Je tiens en premier lieu à remercier à nouveau Jean-Noël Cardoux pour son travail sur cette proposition de loi. Ce texte, très complet, qui s'attaque au fléau de l'engrillagement des espaces naturels, a reçu l'approbation unanime du Sénat, le 10 janvier 2022, et de l'Assemblée nationale, le 6 octobre dernier. C'est suffisamment rare pour être souligné.

Je tiens aussi à remercier le député Richard Ramos, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, qui a cherché le consensus autour de ce texte transmis par le Sénat, en étant à l'écoute des différentes sensibilités de l'Assemblée nationale et en approfondissant les dispositions du texte. Les modifications adoptées par l'Assemblée sont significatives, mais correspondent à l'esprit de nos travaux et maintiennent l'équilibre voulu par le Sénat.

Je voudrais enfin vous remercier, madame la ministre, ainsi que vos services, pour votre écoute et votre disponibilité à améliorer cette proposition parlementaire.

Afin de vous éclairer pour cette deuxième lecture, je vais vous présenter les principaux apports de l'Assemblée nationale qui n'appellent qu'un seul amendement de ma part, à l'article 5.

L'Assemblée nationale a ajouté deux articles le 1 er ter A et le 5. Un article, le 1 er quater , a été adopté conforme et la suppression de l'article 3 a été confirmée. Neuf articles sont donc à examiner aujourd'hui dont deux pour la première fois.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié la nouvelle norme des clôtures adoptée par le Sénat en première lecture : hauteur limitée à 1,20 mètre, libre passage de 30 centimètres au-dessus du sol, ne constituant pas un piège ou un danger pour la faune et composées de matériaux naturels.

Mais l'Assemblée a adopté quatre modifications importantes.

Tout d'abord, le Sénat avait retenu que la loi s'appliquerait dans les trames vertes dans l'esprit de provoquer son extension à toutes les zones naturelles. L'Assemblée nationale a concrétisé l'intention en prévoyant que la loi s'appliquera dans toutes les zones naturelles ou forestières telles que répertoriées par les plans locaux d'urbanismes (PLU).

Ensuite, l'Assemblée nationale a étendu la rétroactivité de la loi à trente ans, soit à compter de 1993, retenant la prescription trentenaire, là où le Sénat avait retenu 2005 et mis en place les mécanismes devant engendrer et accompagner un désengrillagement plus large. La prescription trentenaire est une référence juridique solide qui correspond bien à l'intention de parvenir à un démontage effectif du plus grand nombre de grillages.

De plus, l'Assemblée nationale a réduit le délai de mise en conformité de sept à quatre ans, ce qui paraît suffisant notamment pour réguler les animaux qui pourraient être relâchés.

Enfin, l'Assemblée a étendu et précisé juridiquement les exceptions, ce qui est logique compte tenu des extensions précédemment énumérées.

Un article 1 er ter A a été inséré, sur proposition de M. François Cormier-Bouligeon, afin de soumettre à une obligation de déclaration toute opération d'effacement de clôtures qui pourrait donner lieu à des dégradations environnementales.

À l'article 1 er sexies , l'Assemblée nationale a confirmé et accru l'extension des pouvoirs de contrôle des agents de développement assermentés des fédérations de chasse en supprimant le droit d'opposition des propriétaires. C'était une demande très forte de la Fédération nationale des chasseurs qui déplorait que, depuis la loi de 2019, des chasseurs puissent se soustraire à la police de la chasse de proximité.

À l'article 2, le Sénat avait retenu une contravention de 5 e classe pour toute pénétration non autorisée dans une propriété. L'Assemblée a retenu la 4 e classe correspondant à une sanction forfaitaire d'un montant de 750 euros. Elle sera encourue dès lors que les limites de la propriété seront matérialisées par un panneau, une clôture ou une haie, évitant toute infraction involontaire. Cette solution permet de maintenir un équilibre entre abaissement des clôtures et protection de la propriété privée et évitera le passage devant le tribunal de police.

À l'article 4, l'Assemblée nationale a prolongé les dispositions que nous avions adoptées en conditionnant l'utilisation du fonds biodiversité à l'implantation de haies bénéfiques à la biodiversité locale pour le remplacement des clôtures.

Enfin a été créé un article 5 interdisant l'agrainage et l'affouragement dans les espaces clos définis à l'article 1 er de la proposition de loi, à l'exception des enclos scientifiques. À mon sens, cette interdiction générale est illogique puisqu'elle s'appliquerait aussi bien aux espaces clos de manière étanche qu'à ceux ouverts à la faune. Ces derniers doivent être soumis au droit commun de la chasse comme le reste des espaces complètement ouverts pour éviter les dégâts aux cultures. Je vous propose donc un amendement modifiant cet article afin d'interdire ces pratiques uniquement dans les espaces hermétiquement clos, laissant à la ministre chargée de l'environnement le soin de préciser les possibles exceptions.

En conclusion, je souhaite que notre vote d'aujourd'hui permette à cette proposition d'aboutir très rapidement à l'Assemblée nationale dès le début de l'année prochaine afin de mettre un terme à « l'emprisonnement de la nature » auquel nous avons assisté et contre lequel Jean-Noël Cardoux et plusieurs autres parlementaires, mais aussi des associations et des citoyens, se sont engagés depuis de nombreuses années. Ils voient aujourd'hui leurs efforts récompensés.

Je suis heureux que ce soit un chasseur qui en soit à l'origine montrant le caractère étymologiquement écologique de cette pratique lorsqu'elle est vécue avec éthique et amour de la nature. Je suis également heureux que le Sénat ait pu en être le creuset illustrant à nouveau son souci des territoires, sa capacité à travailler de manière collégiale et transpartisane, y compris avec les députés et le Gouvernement, et sa volonté de trouver des compromis constructifs dans l'intérêt général et la magie romantique de nos forêts.

Permettez-moi pour l'illustrer de terminer par quelques vers de jeunesse de l'un de nos illustres prédécesseurs au Palais du Luxembourg, François-René de Chateaubriand, qui dans son poème « Forêt » issu ses Tableaux de la nature écrivait :

« Forêt silencieuse, aimable solitude,

Que j'aime à parcourir votre ombrage ignoré !

Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,

J'éprouve un sentiment libre d'inquiétude ! (...)

Forêts, dans vos abris gardez mes voeux offerts !

À quel amant jamais serez-vous aussi chères ?

D'autres vous rediront des amours étrangères ;

Moi de vos charmes seuls j'entretiens vos déserts. »

M. Jean-Noël Cardoux , auteur de la proposition de loi. - Je tiens à remercier notre rapporteur qui a cherché à améliorer le texte de la proposition de loi. Je rends aussi hommage à M. Richard Ramos, le rapporteur de l'Assemblée nationale, qui m'avait proposé d'inscrire ce texte à l'ordre du jour dans une niche de son parti. Grâce à ses talents de conciliateur, de médiateur et de pédagogue, le vote a été unanime à l'AN : il n'est pas si fréquent de voir une proposition de loi recueillir l'unanimité des deux chambres en première lecture !

Nous avions discuté en amont avec M. Ramos. Avec notre rapporteur, nous avons accepté de réduire le délai de mise en conformité à quatre ans, ou plus exactement à partir du 1 er janvier 2027 ; de retenir une contravention de 4 e classe, et non de 5 e classe, pour toute pénétration non autorisée dans une propriété.

Concernant la rétroactivité de la loi, le président de la Fédération nationale des chasseurs voulait maintenir la date de 2005 ; la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale préférait 1985 ; finalement, en accord avec la ministre, que je remercie, la date de 1992 a été retenue, qui correspond à la prescription trentenaire existant dans le droit civil. Nous avons donc été guidés par des motifs juridiques. Nous avons demandé à Mme Anne Levade, éminente constitutionnaliste, son analyse : elle a validé ce choix, indiquant que les autres dates envisagées présentaient des risques juridiques.

La seconde difficulté avait trait à l'agrainage. La rédaction de l'Assemblée nationale était ambiguë, car elle créait une inégalité entre les territoires ouverts à la faune, après avoir été mis en conformité avec la proposition de loi, et les territoires ouverts à la faune depuis longtemps, où l'agrainage est encadré par les règles fixées par la loi de 2019, portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement. Mais il n'y a pas de raison que tous les territoires ouverts ne puissent pas bénéficier du même régime. La difficulté tenait à la notion de territoire ouvert : un territoire clos de manière non étanche, après mise en conformité avec le texte, constituait selon moi un espace ouvert, tandis que le Gouvernement y voyait avant tout un espace clos sur lequel la faune peut circuler. Mais finalement, cela revient au même ! Nous avons trouvé une rédaction qui met les territoires sur un pied d'égalité et qui prévoit la possibilité d'agrainer dans tous les territoires ouverts dans les conditions fixées par le schéma départemental de gestion cynégétique (SGDC).

En outre, l'Assemblée nationale souhaitait interdire tout agrainage dans les territoires entièrement clos, sauf pour des raisons scientifiques, mais un grand territoire clos peut abriter des exploitations agricoles et celles-ci doivent pouvoir être protégées aussi par un agrainage dissuasif. La rédaction proposée et travaillée avec le Gouvernement me semble pertinente : le principe est donc l'interdiction, avec des exceptions qui seront inscrites dans le schéma départemental cynégétique, conformément à un décret.

Martine Berthet avait posé la question de la protection des troupeaux en zones de montagne face au loup. La rédaction est protectrice dans la mesure où les territoires sont assimilés à des exploitations agricoles. Les éleveurs étaient néanmoins inquiets. Mme  Berthet envisageait de déposer un amendement, qui aurait été parfaitement recevable en première lecture, mais qui présentait l'inconvénient de rouvrir la discussion sur l'article 1 er à l'Assemblée nationale. La ministre nous promet de régler le problème par le biais d'une circulaire, et je remercie Mme Berthet d'avoir retiré son amendement.

Si vous votez conformes les autres articles, seul l'article 5 repartira à l'Assemblée nationale. C'est pour trouver une rédaction commune que nous avons négocié en amont avec le Gouvernement et les députés. Richard Ramos a obtenu l'accord des différents groupes de l'Assemblée nationale. Dès lors si nous adoptons ce texte et que celui-ci est inscrit rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, on peut raisonnablement espérer que la proposition de loi entre en vigueur début 2023.

M. Gilbert Favreau . - Je voudrais évoquer la difficulté de recourir à la notion de prescription acquisitive trentenaire car l'article 647 du code civil autorise tout propriétaire à clore sa propriété. Si cette proposition de loi est adoptée, il faut s'attendre à des contentieux. Certains propriétaires voudront conserver leurs droits sur leurs propriétés. On ne peut pas empêcher un propriétaire de clôturer sa propriété et d'y faire ce qu'il veut. La prescription acquisitive, c'est autre chose : elle vise le cas d'une personne qui n'a pas de titre de propriété, mais qui revendique la propriété en raison d'un usage non équivoque trentenaire.

M. Jean-Paul Prince . - Solognot, je connais bien le problème des enclos et je remercie M. Cardoux pour sa proposition de loi. J'avais déposé deux amendements à l'article 5 sur l'affouragement et l'agrainage, mais je les retire au profit de l'amendement de notre rapporteur.

M. Daniel Salmon . - Cette proposition de loi, si elle est adoptée, permettra la circulation de la faune et soulagera de nombreux promeneurs qui avaient l'impression d'être emprisonnés lorsqu'ils se promènent dans certains espaces naturels. N'oublions pas la dimension paysagère de la forêt. Les apports de l'Assemblée nationale vont dans le bon sens ; nous nous abstiendrons sur l'article 5, car le contrôle de l'agrainage ne se fait pas correctement.

Mme Martine Berthet . - Cette proposition de loi est très importante. Je veux insister sur le pastoralisme dans les espaces et parcs naturels : les éleveurs ont besoin de pouvoir déployer des clôtures mobiles pour protéger les troupeaux ; ils doivent aussi mettre en place ces structures de protection s'ils veulent être indemnisés le cas échéant.

M. Franck Menonville . - Je souhaite à mon tour saluer cette proposition de loi, qui est le fruit de deux années de concertation. Mon groupe votera ce texte et l'amendement du rapporteur. Face à la prolifération des clôtures dans les espaces naturels, et pas qu'en Sologne, il était nécessaire de se saisir du sujet. Le texte concilie liberté de circulation et droit de propriété, tout en apportant des garanties en matière de biodiversité. Il contribue aussi à développer la chasse éthique. Nous avions besoin d'un débat apaisé sur le sujet.

Mme Patricia Schillinger . - Je tiens à saluer l'esprit de coconstruction : le Gouvernement et les deux chambres ont travaillé ensemble, en accord avec l'auteur de la proposition de loi et avec notre rapporteur. Nous ne déposerons pas d'amendement sur article 5 pour que le texte soit adopté rapidement.

M. Christian Redon-Sarrazy . - Mon groupe salue le travail réalisé sur ce sujet sensible. Ce texte constitue une avancée. L'engrillagement s'est fortement développé dans certains territoires. Il est important de mettre un terme à ces évolutions. Nous voterons ce texte. Mais nous nous interrogeons sur la suite et la mise en conformité des clôtures existante : quid du contrôle ? Les propriétaires auront-ils les moyens de se mettre en conformité ? Quelles seront les sanctions ? On s'interroge aussi sur les exceptions. Quelle est la définition d'un « parc d'entraînement » de chiens de chasse par exemple ? J'espère que le décret apportera des précisions.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie . - Je suis heureuse de vous retrouver ce matin pour examiner la proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Il s'agit d'un texte important qui vise à mettre la biodiversité au coeur de notre action publique, un objectif qui m'est cher. Cette proposition de loi est la concrétisation d'un bel exemple de coconstruction législative entre le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Que la politique est belle quand elle nous réunit ainsi pour l'intérêt général ! Je suis fière d'avoir mené avec vous ce travail collectif, preuve qu'ensemble, dans l'écoute et le débat, nous pouvons aboutir à des consensus et faire bouger les lignes au profit de nos territoires et pour les Français.

Ce format de législation en commission montre d'ailleurs que nous pouvons aller très vite sur ce sujet. Je crois que c'est positif, tant nos concitoyens reprochent trop souvent sa lenteur à l'appareil législatif. L'examen de la proposition de loi a commencé ici, au Sénat, sous la précédente législature. M. Jean-Noël Cardoux, en est à l'initiative, et je veux saluer son engagement sincère sur ce sujet important pour votre belle Sologne.

Un même objectif nous anime : préserver la richesse des paysages et de la biodiversité. Or, ces dernières années, la pratique de l'engrillagement n'a cessé de croître et son impact est néfaste pour notre environnement. Je sais que vous souhaitez vous mobiliser, comme moi, pour lutter contre les dégâts de cette pratique. Ces dégâts sont très concrets. Je pense notamment aux ruptures des continuités écologiques ou encore à la défiguration des paysages. L'engrillagement impacte aussi notre capacité à lutter contre les incendies. Il entrave la circulation des engins de secours et ne garantit pas les conditions d'une intervention rapide et efficace.

L'article 1 er est la clé de voûte de ce texte. Il prévoit une obligation de mise en conformité des clôtures hermétiques en s'appuyant sur le règlement du plan local d'urbanisme. Celui-ci délimite clairement les zones naturelles ou forestières.

La lecture à l'Assemblée nationale est venue préciser certains points. Parmi les avancées significatives figure la modification de la date de construction des clôtures à partir de laquelle elles devront être mises en conformité avec le texte. Nous sommes passés d'une période de 17 à 30 ans. J'avais personnellement plaidé pour cet allongement. C'est une avancée que je souhaite souligner et qui, j'en suis convaincue, recueillera également votre accord au regard des attentes des élus locaux. À cette occasion, je tiens à saluer le travail réalisé par le rapporteur Richard Ramos.

L'Assemblée nationale a également introduit un nouvel article, l'article 5. Il prévoit une interdiction d'agrainage et d'affouragement dans les espaces clos définis à l'article L.372-1 du code de l'environnement. Il prévoit également une exception dans le cas d'un cadre scientifique. Je suis favorable à ce principe de l'interdiction d'agrainage dans les espaces clos étanches. Vous proposez aujourd'hui une clarification de la rédaction afin de définir clairement les espaces étanches dans lesquels l'agrainage est interdit. Cette loi ne doit pas empêcher l'agrainage dissuasif qui serait nécessaire pour la protection des cultures. Je soutiens cet ajustement, et j'espère que nous parviendrons à nous accorder afin de mettre en oeuvre au plus vite cette nouvelle réglementation. Je suis persuadée que cette proposition de loi apportera une contribution réellement significative en faveur de la biodiversité. C'est le sens de mon engagement au sein du Gouvernement.

Monsieur Favreau, il est possible en effet que l'application de cette loi donne lieu à des contentieux. Clôturer est un droit certes, mais ce droit n'implique pas automatiquement de clore de manière étanche, car l'intérêt général peut imposer le respect de certaines prescriptions.

Madame Berthet, j'entends votre inquiétude quant au pastoralisme et à la protection des troupeaux. L'exception prévue à l'article 1 er vous donne satisfaction. Je rédigerai aussi une circulaire pour lever toute ambiguïté.

En ce qui concerne les parcs d'entraînement de chiens de chasse, sujet sur lequel le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), notamment, m'a déjà alertée, l'arrêté du 21 janvier 2005 fixant certaines conditions de réalisation des entraînements, concours et épreuves de chiens de chasse sera revu.

M. Laurent Somon , rapporteur . - Le texte n'interdit pas les clôtures étanches qui resteront possibles à moins de 150 mètres autour d'une propriété.

Si l'article 647 du code civil énonce le droit de se clore, celui-ci n'est pas absolu et peut être limité par des motifs d'intérêt général : lutte contre les incendies, protection des milieux naturels, de la faune et de la flore ; développement du tourisme rural, etc. Nous avons consulté des constitutionnalistes qui ont estimé que cette proposition de loi était conforme à la Constitution.

Le pastoralisme est inclus dans les exceptions prévues à l'article 1 er : l'alinéa 14 vise ainsi les « clôtures posées autour des parcelles sur lesquelles est exercée une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime », tout au plus l'alinéa 18 dispose-t-il que « l'implantation de clôtures dans les espaces naturels et les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d'urbanisme (...) est soumise à déclaration ». Il suffira donc de faire une déclaration, ce qui ne constitue qu'une contrainte légère.

En ce qui concerne l'agrainage et l'affouragement, on en revient au droit commun en soumettant tous les espaces ouverts, avec ou sans clôture, aux mêmes règles. Quant aux contrôles, outre les agents de l'OFB, ils pourront dorénavant être réalisés par les agents des fédérations de chasse.

Il conviendra aussi de préciser la notion d'enclos pour entraînement des chiens de chasse. J'en profite pour aborder aussi la question des clôtures à des fins de reforestation, la question n'est pas encore totalement résolue : l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) mène des recherches pour trouver des clôtures dont l'impact sur le milieu sera minimisé. Mais cette question demeure, car ces clôtures ne sont souvent enlevées que lorsque la parcelle entre en exploitation, soit plusieurs années plus tard.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je regrette les propos de la secrétaire d'État : il est grave qu'un membre du Gouvernement entretienne le discours selon lequel nos concitoyens trouveraient que la procédure législative est trop longue. Les lois ne seraient pas adoptées rapidement parce que les parlementaires multiplieraient les procédures. Ce discours contribue à l'antiparlementarisme. Si l'exécutif rédigeait mieux ses textes et consultait davantage en amont, nous gagnerions beaucoup de temps ! Oui, la démocratie nécessite du temps et de la réflexion.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État . - Ayant été députée de Gironde, je respecte le travail du Parlement ! Je soulignais simplement que lorsqu'un texte recueillait l'unanimité dans les deux chambres, le recours à la procédure de LEC était bienvenu. Je ne remettais pas en cause l'intérêt de la navette parlementaire en tant que telle. Ayant moi-même déposé une proposition de loi, je sais que le processus est plus rapide si le travail mené en amont est de qualité. Mais, en aucun cas, vous ne me ferez dire que le travail gouvernemental n'est pas de qualité !

M. Rémy Pointereau . - Les routes passantes, départementales ou communales, sont parfois bordées de clôtures pour protéger les automobilistes des traversées de gibier ou pour éviter que des chiens ne traversent pendant une chasse. Les propriétaires pourront-ils garder les clôtures dans ce cas ?

M. Daniel Gremillet . - L'Inrae réfléchit à de nouvelles clôtures en sylviculture, mais celles-ci ne durent pas longtemps : on sait qu'au-delà de 5 ou 10 ans, les clôtures ne sont plus justifiées. Nous devons relever le défi forestier et protéger les plantations forestières. Enfin, ce n'est pas parce que les clôtures disparaissent que la forêt devient un bien commun... Mais je me réjouis de la disparition des clôtures.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État . - En ce qui concerne les clôtures le long des routes, j'indique que l'article 1 er prévoit des exceptions pour les clôtures nécessaires à la sécurité publique. Enfin, évidemment, ce n'est pas parce qu'il n'y aura plus de clôture que les forêts ne constitueront pas une propriété privée.

M. Laurent Somon , rapporteur . - Il suffit à cet égard de relire le titre de la proposition de loi qui vise aussi à « protéger la propriété privée » !

EXAMEN DES ARTICLES
SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 1 er bis

L'article 1 er bis est adopté sans modification.

Article 1 er ter A (nouveau)

L'article 1 er ter A est adopté sans modification.

Article 1 er ter

L'article 1 er ter est adopté sans modification.

Article 1 er quinquies

L'article 1 er quinquies est adopté sans modification.

Article 1 er sexies

L'article 1 er sexies est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5 (nouveau)

Les amendements COM-2 et COM-3 sont retirés.

M. Laurent Somon , rapporteur . - Comme je l'indiquais, la rédaction de l'article 5 issue de l'Assemblée est apparue perfectible, car elle englobe tous les enclos, qu'ils laissent passer la faune sauvage ou non. C'est pourquoi nous avons travaillé avec Jean-Noël Cardoux, le député Richard Ramos et le Gouvernement à une rédaction de compromis qui permette d'aboutir à un vote conforme à l'Assemblée nationale.

Mon amendement COM-1 permet à la fois de confirmer le principe de l'interdiction d'agrainage dans les enclos hermétiques, souhaitée par l'Assemblée nationale, tout en ménageant les exceptions nécessaires qui seront encadrées nationalement par un décret du ministre et localement par les préfets à travers les schémas départementaux de gestion cynégétiques (SDGC).

Les espaces qui laissent circuler la faune sauvage et lui permettent de se nourrir librement, mais aussi de faire des dégâts aux cultures, seront quant à eux soumis aux règles renforcées de la loi de 2019 et du décret de 2022.

À cet égard, je souhaite rappeler que, depuis 2019, la loi et donc les SDGC interdisent déjà le nourrissage en vue de concentrer les sangliers et n'autorisent l'agrainage dissuasif qu'en fonction des spécificités locales, notamment l'appétence des cultures, pour prévenir les dégâts. De plus, l'article 10 du décret du 19 octobre 2022 portant diverses dispositions pour la maîtrise des populations de grand gibier punit d'une contravention de 4 e classe le nourrissage des sangliers en vue de les concentrer.

Enfin, je souligne que grâce à la présente proposition de loi, les enclos ne bénéficieront plus d'exception en matière de chasse et le non-respect des règles d'agrainage sera renforcé par l'article 1 er quinquies , le permis de chasser pouvant notamment être retiré.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État . - Avis favorable à cet amendement qui fait consensus.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 5 (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. PRINCE

2

Suppression de l'article 5 interdisant l'agrainage et l'affouragement dans les enclos

Retiré

M. SOMON, rapporteur

1

Interdiction d'agrainage dans les enclos hermétiques soumise à des exceptions encadrées par décret et les SDGC et soumission des espaces non clos au droit commun

Adopté

M. PRINCE

3

Autoriser l'agrainage et l'affouragement dans les enclos de plus trente ans.

Retiré

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page